Chapitre 13

Perdre la tête

Elle ralluma les torches autour de nous. Et je sentais sur mon visage une fine pellicule de sueur. Mon bras ne m'élançait plus, mais il pulsait comme s'il était doué d'une vie propre, comme si un cœur se trouvait à l'intérieur.

Elle vint frôler mon bras et vit que la Marque était devenue d'un noir profond.

« - Tu n'as plus mal… »

« - Non… Ca n'a pas duré bien longtemps, cette fois-ci. »

« - Tant mieux. »

Il y eut un silence.

« - Pourquoi tu l'as quitté ? »

J'étais stupéfait qu'elle me pose cette question, car en ce qui me concernait, j'avais cessé de me mentir depuis longtemps à propos de ma fuite.

Pendant un temps j'avais préféré me dire que j'avais brusquement été atteint de folie… Mais peut-être était-ce là la façon Malefoy de concevoir l'affection. Un accès de folie…

« - Tu en doutes encore ? »

Les yeux baissés, elle ne répondit pas.

« - Je crois déjà t'avoir fait un aveu à ce sujet, il me semble… », continuai-je.

Je détournai mon regard, mais avant cela j'entrevis un sourire sur ses lèvres.

Il y eut un silence gêné, du moins de mon côté.

« - Ton fils… Il est entrain de mal tourner, tu sais… »

« - Tu veux dire qu'il est entrain de prendre mon chemin ? J'ignore beaucoup de choses depuis que j'ai dû me séparer d'eux…Mais j'aurais pu m'en douter. »

C'était la première fois que j'évoquai ma famille devant elle. Je n'aimai pas lui rappeler que j'étais marié.

« - Je voulais prendre de ses nouvelles, quand on m'a arrêté. Quand je serai à Londres, je compte reprendre contact avec lui. »

Elle m'observa un instant comme si elle allait dire quelque chose.

« - Qu'y a-t-il ? »

« - Rien. Je me disais que ce serait bien pour lui de te revoir, de voir que tu t'intéresses à lui. »

« - Ca a toujours été le cas. »

Mais je savais bien ce qu'il en était réellement, et j'avais mauvaise conscience.

Pour toute réponse, elle embrassa mon épaule nue. Puis elle me fit mettre la tête sur ses genoux, et je m'endormis pendant qu'elle caressait mes cheveux.

L'aube, enfin. Déjà.

Je jetai un regard au corps tiède qui reposait contre moi. Un visage paisible. Elle était belle.

Pour la première fois, je fus inquiet de savoir ce que nous réservait l'avenir.

Cette relation était condamnée avant de commencer.

A cette pensée, mon estomac se contracta douloureusement. Jamais je ne laisserais quoi que ce soit venir gâcher cette grâce qui m'était offerte. Ce sentiment était davantage qu'une simple décision. Cela venait du ventre, je le sentais. C'était mes entrailles qui parlaient quand cette histoire était remise en question.

Peut-être était-ce pour cela que Dumbledore n'avait pu me faire plier. Peut-être même avait-il senti que c'était un combat perdu d'avance.

Oui, sans doutes.

Et aujourd'hui je sais que je serais parti en claquant la porte s'il avait osé m'enfermer à Poudlard tout l'été sans la voir. C'est une certitude.

Le dortoir était si silencieux. Les lits vides autour de nous semblaient nous montrer du doigt. Que pourraient penser ses compagnes de chambre à l'idée que leur sage Hermione avait partagé ici son lit avec un mangemort en fuite ?

Je pris conscience qu'elle était vraiment en danger, avec moi. Inutile de me voiler la face. Je devais être… Plus que prudent pour elle.

Elle vint poser sa tête, ses cheveux tièdes au creux de mon épaule.

Comme à chaque fois, je ressentis un frisson, et je sus que nous n'en resterions pas là.

Elle se redressa et me contempla un moment.

Par réflexe, je fis passer mes mains dans son dos et l'installai sur moi.

« - As-tu bien dormi ? », dit-elle d'un voix charmante et embrumée par le sommeil.

Nos mains se caressaient mutuellement, nos doigts s'entrelaçaient.

Ca allait recommencer.

Je le voyais dans ses yeux. Et je le sentais dans mon ventre.

Etat de langueur extrême.

Je sentais à peine son poids sur moi.

A en perdre la tête.

Mais que faisais-je, couché sous elle… Me prenait-elle pour une fille ?

Attends, tu vas voir…

En un sursaut, je me rétablis en position dominante.

Elle poussa un petit cri et se mit à rire joyeusement. Ah, tu ris…

Je mordillai son cou et elle riait de plus belle. Je n'étais guère préparé, ni même habitué, il faut le dire, à un tel accès de joie presque purement enfantine.

Elle saisit mon cou et planta ses canines dedans. C'était un délice.

Elle accentua sa morsure et un vrai frisson me parcourut. On ne jouait plus.

Le désir, insatiable compagnon, venait de réapparaître.

J'en fis de même sur son cou.

Elle gémit, doucement.

« - Espèce d'animal… »

« - Tu ne crois pas si bien dire… Mais je suis de bonne humeur ce matin, que veux-tu que je te fasse ? »

Elle me répondit par un simple regard.

Un regard qui en disait long. Bouleversant de sensualité et à la fois de candeur.

Un simple regard, j'étais dans la lumière d'un ange. Perdu dans son halo.

Je la laissai me guider. Je fis durer ce moment le plus longtemps possible. Qui sait ce qui nous attendait dehors… J'aurais voulu rester indéfiniment dans cette chambre.

Nous avons étiré à l'infini la saveur de cet instant. J'étais grisé de constater que, pour la première fois, elle connaissait l'ivresse de plusieurs orgasmes successifs, et j'avais plus que jamais l'impression d'expier mes fautes.

Qu'avais-je fait pour mériter un tel cadeau ?

La vie était-elle si délicieusement absurde ?

J'étais encore imprégné de son odeur lorsque nous descendîmes les escaliers pour rejoindre Dumbledore dans son bureau.

Arrivés devant lui, nous nous tenions la main sans nous cacher. Il n'était pas du genre à répandre ce genre de nouvelles, et je tenais à profiter le plus possible de nos derniers moments d'intimité.

Je savais qu'une fois arrivés à Square Grimmaurd nous ne serions jamais vraiment tranquilles, plus jamais vraiment seuls. Mais jamais vraiment loin l'un de l'autre. Et qu'est-ce qui pouvait avoir plus d'importance ?

Il nous attendait. Nous avons pris le portoloin.

Dès notre arrivée, nous dûmes cesser de nous tenir la main. L'arrêt de ce contact contracta douloureusement mon ventre. Et alors que je faisais mes premiers pas dans ce qui allait devenir ma maison, ma prison, mon enfer et mon paradis, je compris que cette douleur-là ne me quitterait jamais, et que seule sa peau sur la mienne aurait le pouvoir de m'apaiser.