Chapitre 17
Jusqu'au Sang
Je regagnai ma chambre et m'effondrai sur mon lit. J'étais en proie à une colère sans nom. Je la haïssais. Son hypocrisie, ce réflexe pudibond qui lui faisait repousser tout ce qui lui était inconnu, tout ce qui lui faisait peur…
En réalité je me haïssais aussi d'avoir été aussi peu habile. Elle aurait dû me tomber dans les bras. Elle n'aurait pas dû me résister, comment avait-elle pu ? Comment avais-je pu être aussi peu autoritaire ? J'aurais dû être ferme, exiger…Exiger quoi ? Je ne savais plus…
Les yeux fixés au plafond, la haine me maintint éveillé une bonne partie de la nuit.
Je finis par m'endormir.
Mon sommeil fut perturbé et mes rêves plutôt agités. D'un réalisme douloureux. Ils concernaient, bien sûr, pitoyablement, toujours la même personne.
J'émergeai soudain dans un état de semi conscience et constatai que, comme dans mes rêves, j'étais sujet à une douloureuse manifestation au niveau de mon entrejambe.
Ma main se posa sur cette protubérance et je maudis la personne qui en était à l'origine et me rendais ainsi pathétique à en pleurer.
Je me mis sur le ventre et tentai d'oublier tout ce qui me rongeait…Sans succès bien sûr.
Cette frustration était insupportable, tellement que mes nerfs commençaient à lâcher. Mes mains griffèrent les draps et mon visage se contracta…Mais resta sec.
Contre toute attente, je parvins à me rendormir.
Et la ronde des rêves recommença, cruelle, mais tellement plus acceptable que la réalité…Au moins je pouvais m'imaginer sentir sa chaleur, son corps tendre contre le mien, son souffle chaud sur mon visage, la chaleur brûlante qu'elle m'offrait et dans laquelle je me perdais de plus en plus loin jusqu'à…Un bref sursaut, un spasme, et je me réveillai à nouveau, humide cette fois, comme j'en avais tant l'habitude à l'adolescence…
J'étais tombé bien bas. Et le pire était que ce plaisir involontairement solitaire ne m'avait pas dégrisé, loin de là.
Assis au milieu de mon lit, je ne m'étais jamais senti aussi misérable.
Je fis disparaître les traces de ce plaisir évanoui et entrepris de retourner à un sommeil que j'espérais plus calme, et pressé d'arriver au terme de cette nuit agitée.
Mais le sommeil m'avait abandonné et les yeux grands ouverts dans le noir, j'écoutais les bruits de la maison, les craquements, les frottements, les grattements des rats dans le grenier…Concentré sur cela pour ne pas penser à autre chose…
Des bruits se rapprochaient. Des pas dans le couloir. Je saisis ma baguette en un réflexe, toujours allongé.
Sans frapper, on entra dans ma chambre.
Une ombre. Une silhouette. Un effluve.
« - …Non, ne dis rien. », souffla cette ombre.
C'était mon rêve qui venait me rendre visite. Je ne voulais pas savoir si cette apparition était réelle ou pas.
Je ne dis rien. Obéissant. Bon Lucius.
D'un geste, elle alluma quelques bougies supplémentaires.
En me regardant dans les yeux, elle détacha sa cape qui s'écrasa à terre avec un bruit savoureux.
« - Ne bouge pas. »
Je fus docile.
Elle fit glisser à terre la chaste chemise de nuit qu'elle portait.
Et lentement, lentement, elle s'avança vers moi puis rampa sur le lit et vint me frôler, penchée au-dessus de moi mais sans me toucher, ses cheveux caressant la peau laissée à découvert par ma chemise entrouverte.
Je tentai de faire un geste, de la toucher, mais elle répéta :
« - Ne bouge pas. »
Elle ramena mes mains à côté de mon visage, sur l'oreiller à moitié écrasé. Je l'observais toujours et me laissais faire. Elle s'assit sur moi.
J'étais curieux. Et j'étais plus excité que jamais.
Avec une douceur infinie, elle déboutonna entièrement ma chemise, effleura ma peau. Je la regardais toujours, avide de ce rêve qui prenait vie.
« - Ferme les yeux. S'il te plait. »
Je m'exécutai.
Quelque chose de chaud courait sur ma peau et laissait un sillon froid et humide. Continue…
Mon cou, mon ventre, plus bas… Continue. Mais elle cessa cette caresse. Je supportais mal cette situation où j'étais soumis à ses caprices, mais s'il le fallait…
Je me laissai mettre nu et attendis, frissonnant, les sens plus éveillés que jamais. Alerte, tendu.
Ses caresses, sa langue, ses cheveux qui me frôlaient, tout. Cela dura longtemps, si longtemps…
Je finis par être tendu à l'extrême, excité au-delà de toute limite. Mais je savais que tout geste m'était interdit et j'étais forcé de me montre beau joueur.
Ses doigts vinrent me frôler là où, elle l'avait compris, j'étais le plus sensible. Cet endroit trop sensible pour être malmené…
J'aurais voulu la prévenir mais…J'étais dans un état second. Sa caresse fut soudain trop intense et je perdis tout contrôle…Je me répandis sur mon ventre.
Je crois qu'un sourire béat s'attardait sur mon visage, car elle dit doucement…
« - Tu es beau quand tu es dans cet état. Tu peux rouvrir les yeux. »
Son regard sur moi était extrêmement bienveillant et cette expression me remua les entrailles. Il fallait qu'elle arrête. Je préférais la haine dans son regard, au moins je savais mieux comment l'aborder.
« - Tu es beau car tu cesses de vouloir représenter quelque chose. Et je voulais voir si tu en étais encore capable. Je suis contente d'être venue. Et je voulais te dire aussi que je te considère toujours comme un danger pour moi, mais que je t'aime. Ce qui ne signifie pas que je suis ton esclave pour autant. Ce n'est pas grave si tu ne comprends pas. Je voulais juste te le dire. »
Ma gêne était immense. Comment avais-je pu me laisser faire ainsi ?
Elle se pencha et posa un instant ses lèvres sur les miennes. Une partie de moi aurait voulu se trouver ailleurs.
Sa main caressa mon ventre une dernière fois et ses doigts passèrent dans quelques gouttes qui s'étalaient ça et là, les étirant et étalant la tâche humide. Pourquoi faisait-elle cela ? Je me sentais faible. J'aurais voulu lui prouver quelque chose, que je pouvais…A condition qu'une prochaine fois vienne à se représenter.
Je l'invitai à rester là, couchée sur moi. Elle accepta doucement et s'installa.
Cette humidité étendue entre nous était comme un élément de plus qui nous reliait et aucun de nous ne chercha à la faire disparaître.
Je caressais son dos et elle sombra à demi dans le sommeil. Mais je n'en avais pas fini avec elle. Mes caresses devenaient de plus en plus sensuelles. Et elle se laissa faire, les yeux mi-clos.
« - Mets-toi sur le dos. »
J'hésitai un instant avant de rajouter :
« - Ferme les yeux. »
C'était mon tour. Nous flottions dans une sorte d'euphorie sensuelle et le charme s'en étirait indéfiniment.
Elle me regarda un instant dans les yeux, incertaine, je le voyais.
« - S'il te plait. »
Un sourire qui se voulait rassurant, un baiser sur sa joue, chaste. Pas comme ce qui s'apprêtait à suivre. Cela allait être long. Et intense. Toute ma science allait y passer, s'il le fallait. J'osai penser que mon expérience rivaliserait avec sa spontanéité en matière de sensualité.
Elle se laissa caresser, sueur perlant au creux de la taille, arôme de sucre caramélisé planant au-dessus de son corps. Son ventre était encore humide de ce qu'il avait recueilli en se frottant sur le mien. Je commençai par nettoyer tout ça avec ma bouche. Puis elle m'autorisa à me rendre bien plus bas…Et puisque elle m'avait mis hors d'état de lui faire honneur, j'utilisai les moyens qui me restaient…
En remontant doucement au dessus d'elle, j'effleurai la courbe de ses seins et mes mains descendirent lentement vers un point si sensible, qu'elle trembla lorsque je l'atteignis. Moi seul savais, n'est-ce pas…Oui…
Et alors que j'allais plus profondément, son corps se cambra soudain et elle sourit.
Je me précipitai sur ce sourire trop insolent et le réduisit à néant sous mon souffle.
Mes mains accélérèrent le rythme. Ses propres mouvements m'encourageaient et soudain elle laissa échapper un long soupir alors que son corps se courbait et se tendait. Elle était toute en sueur. Ses ongles se plantèrent dans mon épaule jusqu'au sang.
Et cela était mon œuvre. Je me sentis assez fier de moi.
Elle voulut se redresser…
« - Où vas-tu, comme ça… »
Je la pris dans mes bras et la jetai sur le lit.
« - Tu ne vas nulle part. »
« - Ginny sera inquiète si je ne suis pas là quand elle se réveillera. »
« - Laisse-la s'inquiéter. »
« - Mais… »
« - Tu ne sortiras pas d'ici, pas la peine d'insister. »
Il y eut un silence. J'étais quelque part insatisfait. Je crois que j'attendais…
« - Tu as aimé… »
« - Quoi ? »
« - Je ne sais pas. »
« - Ah ! Ca…Tu en doutes encore ? »
« - Non ! »
« - Je n'ai pas l'habitude que tu t'y intéresse. »
« - L'amertume ne te va pas bien… »
« - Pas plus que toi la gentillesse. »
Cela me rendit presque furieux.
« - Mais que faut-il que je fasse ? Tu vas me le dire ! »
Au-dehors, le jour commençait à se lever.
« - Rien, n'y penses plus. Je voulais juste te blesser. Pardon. »
Elle planta ses yeux dans les miens.
« - Pardon. »
Alors, doucement, et en signe de pardon, je sentis que mon corps s'apprêtait déjà à lui faire une nouvelle joie.
Un éclair de compréhension passa dans son regard et elle me sourit.
