Chapitre 19
Soumettre
Sa main vint violemment heurter mon entrejambe et je me mordis la lèvre en étouffant un cri de douleur.
Je faillis la repousser.
Hors de question de me soumettre une fois de plus. Ca non. Elle allait voir ce…Elle allait voir…
J'étais paralysé.
Un rire étranglé sortit de ma gorge, ironique, face à ma propre faiblesse. J'étais horriblement soumis. Et je ne pouvais qu'en rire.
Elle retournait toutes mes armes contre moi et je la laissais faire. A chaque fois.
J'étais ridicule, pathétique. Et ravi de l'être, par dessus le marché.
Mais non. Il ne fallait pas.
En un effort désespéré contre moi-même, je la renversai sous moi.
« - Sais-tu ce que j'aime chez toi, quand je te touche ? », lui demandai-je.
« - Quoi ? »
« - C'est quand tu es lascive…
J'embrassai ses lèvres entre chaque mot.
« - Passive…Et soumise. Alors tu sais ce qu'il te reste à faire. »
« - Non, quoi ? » Elle souriait.
« - Rien. Justement. »
« - Tu es un malade mental. Ou alors tu es irrémédiablement vieux jeu. »
« - Un mélange de tout ça, je crois. Ca te convient ? »
« - Est-ce que j'ai le choix ? »
Elle me regardait avec une expression caressante.
« - Absolument pas. »
« - Tu vois, tu vas faire de toi-même ce que j'aurais pu t'obliger à faire », me chuchota-t-elle, provocante.
« - Et tu dis de moi que je suis tordu…Maintenant, tu ne bouges plus. »
Elle haussa les sourcils.
« - Oui, tu as compris. Plus un geste, plus un mot. »
Puis son sourire revint.
« - Sinon ? »
« - Sinon… »
Une idée me vint.
Je saisis ma baguette et ensorcelai ses mains de façon à ce qu'elles ne puissent plus bouger de l'oreiller sur lequel je les retenais.
« - Simple précaution. »
Son regard était devenu inquiet, elle ouvrit la bouche comme pour protester mais je la refermai d'un baiser.
« - Tu ne risques rien. Je ne te ferai rien de mal, je t'assure. Détends toi. Et profites-en. »
« - Et si je ne veux pas ? »
« - Alors tu finiras par changer d'avis… »
Son rire résonna dans la pièce, cristallin. Nerveux, presque.
« - Détends toi, calme-toi. »
Elle se tut et inspira profondément.
Je commençai, avec une lenteur délibérée, à défaire l'attache de la cape qu'elle portait encore. Mes mouvements ne pouvaient être plus lents. Je voulais faire en sorte que ce moment soit à la fois un plaisir et une torture…
Je me délectai du bruit métallique de l'attache en argent, sa résonance dans le silence de la pièce. Comme un grelot.
Elle portait une robe claire qui lui donnait l'allure d'une fleur. Une fleur bleue pâle et alanguie. Dont les pétales légères et froissées sous mes mains la laissaient de plus en plus nue.
Je me penchai sur elle.
Soulevant le tissu, ma main remonta le long de sa cuisse et alla se poser sur la courbe de sa hanche. Elle soupira. Mais mes caresses restaient sages, malgré tout. Il fallait qu'elle finisse par me supplier. Il le fallait.
Je fis disparaître peu à peu chacun de ses vêtements, prenant soin d'effleurer entièrement son corps de la tête aux pieds avant de lui en enlever un.
Ses gémissements étaient de plus en plus languissants, sa peau de plus en plus brûlante, de plus en plus moite. Son regard devenait progressivement celui d'une personne en manque de drogue.
Mais elle ne suppliait toujours pas.
Mon propre corps commençait à me faire mal mais il fallait, il fallait qu'elle me le demande.
J'entrepris de la mener aux frontières du plaisir, mais l'abandonnai alors qu'elle était prête à l'accueillir. Elle poussa un gémissement de frustration et de plainte, tel que je les aimais chez elle. Ses yeux rencontrèrent les miens, suppliants, fiévreux. Je repris mon manège. C'était un exercice périlleux. Une fois encore.
Elle se tordit.
« - Continue, s'il te plait…N'arrête pas… »
Mais ma main frôlait distraitement son ventre, alors que je me délectais de ce spectacle.
« - S'il te plait… »
Je souris.
« - Pourquoi fais-tu cela », fit-elle d'une voix plaintive.
Ses traits commençaient à se contracter et je vis dans ses yeux le miroitement des premières larmes. Elle se tut.
Je me penchai sur elle et embrassai sa bouche goulûment, enfouissant avec délice ma langue au plus profond de son palais. Elle l'accueillit avec avidité, à défaut d'autre chose. Elle pouvait être si offerte que cela m'étonnait toujours.
C'est à ce moment là, je crois, que je perdis le contrôle. C'en était trop pour moi aussi.
Sans même réfléchir à ce que je faisais, je me couchai sur elle et je sentis qu'elle enroulait ses jambes autour de moi.
Ne t'inquiètes pas, je ne vais pas partir…
Elle n'opposa aucune résistance lorsque je vins en elle et je constatai que son envie, contrairement à d'habitude, égalait la mienne.
Un sourire s'étendit sur son visage en sueur et ses yeux se fermèrent.
Bouche contre bouche, j'entamai un lent, très lent va-et-vient. Je voulais retarder au maximum le moment où ce sourire s'évanouirait de son visage.
Ses jambes se resserrèrent autour de moi, presque suppliantes.
J'aimais tant ce frisson que procurait, quel que soit le domaine d'ailleurs, la domination. Ce n'était pas que j'aimais la faire souffrir. C'était juste que ma nature exigeait d'être exprimée. C'est une des choses, je crois, qu'elle avait le plus de mal à comprendre.
Le rythme s'accéléra, malgré moi. Et dans un sursaut partagé, nous nous envolâmes de concert. Et alors que le plaisir brut s'évanouissait, que je retombais dans le monde des vivants, que son visage redevenait net pour moi, je m'aperçus que son précieux sourire ne l'avait pas quittée, bien au contraire. Et la pensée soudaine que de cette entrevue ou d'une autre pourrait naître quelque chose de plus, de bien plus beau que le plaisir…La vie peut-être.
Mon cœur jusqu'ici inexistant se serra.
