Chapitre 24
Allégeances
Il promit d'obéir. Il promit tout ce que je lui avais demandé. Je voyais avec satisfaction la peur à mon encontre dans son regard. Mais je ne pouvais m'empêcher d'entrapercevoir aussi les regards haineux qu'il me jetait de temps à autres.
Je m'aperçus avec horreur que ma confiance en lui était sérieusement endommagée.
Je me fichais bien qu'il me haïsse, pourvu qu'il m'obéisse. Je ne lui avais jamais demandé de m'aimer, un père n'est pas fait pour être aimé. Du moins c'est ce que m'avait appris le mien. La famille Malefoy a ses propres règles d'éducation qu'elle transmet de génération en génération, un peu comme un gène coriace.
Je lançai un sort de guérison sur ses blessures.
« - Je suis fier de toi », fis-je.
« - Je suivrai ton conseil. Mais avant, tu avais promis de m'expliquer ta situation… »
« - C'est hors de question, et je ne t'ai rien promis du tout. »
« - Père, s'il te plait…Si tu savais ce qu'on raconte… »
« - Tu en sais déjà trop. »
« - J'ai entendu dire, par mère… »
« - N'y prêtes pas attention », coupai-je brusquement, soudain inquiet.
Mais il poursuivit.
« - Ils disent que tu t'es évadé du manoir avec cette sang de bourbe de Granger…Et ils disent aussi que tu aurais fait cela pour leur rendre service. Mais tu n'étais pas encore de leur côté, à cette époque-là ? J'ai raison ? Mère semble convaincue que tu as une maîtresse, je ne sais pas pourquoi…Est-ce vrai ? Et pourquoi as-tu fait échapper cette stupide fille ? »
J'étais soulagé que personne n'ait fait le rapprochement…Et étonné aussi. Peut-être était-ce trop inattendu pour eux. Tous n'imaginaient pas qu'un homme tel que moi prenne pour maîtresse une fille d'ascendance moldue et surtout, si jeune…
Et qui, jusqu'à aujourd'hui, m'avait sans doute plus haï qu'aimé.
« - Je ne peux te donner d'explications en ce qui concerne ma vie personnelle. Tu es proche de ta mère, qui elle-même est trop proche du Seigneur des Ténèbres. Ne dis pas à ta mère que j'ai une maîtresse, tout d'abord parce que c'est faux, mais surtout parce que je ne veux pas qu'elle ait à subir plus de souffrances qu'elle n'en endure en ce moment. »
« - Mais c'est la vérité, n'est-ce pas…Tu as trahi pour quelqu'un… »
« - Non. »
« - Mais si c'est le cas…Tu pourrais peut-être l'expliquer, revenir de notre côté… »
« - N'as-tu donc rien compris ! Crois-tu que ce soit un avenir d'être le serviteur d'une créature à peine humaine ! As-tu envie d'être devant Lui comme un elfe devant son maître ? »
« - Mais tu m'as toujours dit que c'était un honneur de servir la noblesse d'une telle cause… »
« - Je t'ai toujours dit de respecter le sang qui avait pour valeur d'être pur. De te battre pour ne pas qu'il se laisse corrompre. Mais le combat du Seigneur des Ténèbres est une lutte insensée pour un pouvoir qui n'existe pas et pour une immortalité qu'il ne partagera avec personne. C'est cela que tu veux être ? Un simple pion ? Si la guerre te démange, fais-la. Mais choisis un côté qui sert aussi bien tes intérêts que ceux des autres. Montre-toi rusé. Es-tu ou non à Serpentard ! Sois-en digne ! »
« - Ne cries pas, s'il te plait… »
« - J'en ai fini avec toi. Tu peux partir. Si tu suis mon ordre, je te considèrerai toujours comme mon fils. »
Et puis il est sorti, rejoindre Dumbledore qui l'attendait en bas.
Je suis resté dans mon fauteuil, silencieux, comme éteint.
J'entendais peu à peu les bruits de la maison se faire plus rares, les pas dans les escaliers s'atténuer et les voix dans le hall s'éteindre progressivement.
Puis on frappa, timidement, et j'invitai à entrer.
Elle est entrée et j'ai levé les yeux sur elle.
« - J'ai failli t'attendre. Que faisais-tu ? »
Elle ne répondit pas
« - J'attends une réponse. »
Ma tête commençait à me faire souffrir, et je massai mon front d'une main.
« - J'étais occupée ailleurs », dit-elle finalement.
« - Ce n'est pas une réponse. »
Nouveau silence.
« - Que veux-tu savoir ? Ce que j'ai mangé ? A qui j'ai parlé ! Ce que j'ai pensé en montant les escaliers ! »
Sa voix était sourde et grave, visiblement elle faisait tout pour contrôler sa colère.
« - Commençons par là, oui », ajoutai-je calmement.
J'adorais quand elle ne contrôlait plus ses esprits. Son sang était désespérément Gryffondor.
Je l'entendis respirer profondément.
« - En fait, je me demandais si ton entrevue s'était bien passée, voilà. Si ton fils avait été à la hauteur de tes exigences… »
Etait-ce un brin d'ironie que je décelais-là ?
« - Surveille la façon dont tu me parles. »
J'avais dit cela d'un ton si calme et si bas que l'effet fut plus qu'efficace. Elle commençait même à trembler légèrement. Parfait.
Je massais toujours mon front douloureux.
« - Viens par là », lui demandai-je.
« - Non. »
Je crois que je mis longtemps à réaliser sa réponse, et encore plus à assimiler la puissance d'un tel affront.
Je la regardai enfin dans les yeux et elle se recula contre le mur derrière elle.
« - Je vais faire comme si je n'avais pas entendu. »
Elle commençait sérieusement à m'agacer.
Je sentais la colère me gagner.
« - Ne compte pas sur moi. Pas avec la façon dont tu me traites », ajouta-t-elle.
Je commençais à en avoir plus que marre d'avoir à lutter pour me faire obéir.
Je me levai. Elle s'efforça de paraître calme mais la terreur gagnait son regard, tandis que je me rapprochais d'elle.
J'attrapai son bras sans ménagements et la tirai vers moi.
« - Tu voudrais que j'avale ça, espèce de garce. Alors explique-moi ce que tu viens faire dans ma chambre… »
« - Ne sois pas comme ça… »
Elle commençait doucement à pleurer.
« - Pourquoi tu es si…Tu deviens si… »
Elle se tut, la voie nouée par un sanglot. Pourquoi était-elle si sensible ? Pourquoi ne comprenait-elle rien…
« - Mais parle, vas-y ! », criai-je.
Cependant les larmes eurent une fois de plus le dessus, et elle garda le silence. Il n'y eut pas de sanglots, juste quelques perles qui roulèrent silencieusement sur son visage.
Puis, avec ce qui me sembla d'une tendresse et d'une lenteur infinie, elle appuya son visage dans le creux de mon épaule et entoura mon cou de ses bras. Je préférais quand elle était sage ainsi.
« - Je suis fatiguée, de cette situation que l'on vit. Je ne sais jamais si je peux entièrement te faire confiance… », parvint-elle à me chuchoter à l'oreille.
« - Tu te moques de moi », commençai-je, à nouveau en colère.
Elle essaya de se détacher de moi mais je la tenais solidement.
« - Ne sois pas comme ça…Tu me fais peur… », répondit-elle alors.
« - Tu t'imagines que j'ai risqué ma vie à quitter le Seigneur des Ténèbres sans raison particulière, juste parce que ça m'est venu à l'esprit ! »
Elle ne répondit pas. Elle savait pourquoi. Elle le savait. J'en étais sûr.
Mais elle-même semblait ne pas en être sûre.
Je la tins un moment ainsi, dans le bruit de ses sanglots.
C'était à n'y rien comprendre.
Je tentai de détourner le sujet.
« - As-tu croisé Drago, tout-à-l'heure ? », fis-je en tâchant de maîtriser ma voix.
« - Il est passé devant moi sans me voir. En fait il m'a ignorée superbement et il est reparti avec Dumbledore. Que lui as-tu demandé ? »
« - Je lui ai demandé d'éviter de se faire marquer, s'il le pouvait », répondis-je d'un ton faussement désinvolte.
« - J'ai toujours un peu de mal avec ton humour », soupira-t-elle. « Tu peux me lâcher, maintenant ? »
C'est qu'elle y tenait.
« - Non. »
J'en profitai pour embrasser son cou avant de le mordre. Cela m'avait manqué, en fait.
« - Tu me fais mal, tu le sais ? », gémit-elle.
« - Tu as besoin de geindre ! Faut-il que je te montre ce que tu m'as fait, la dernière fois ? Ca n'a même pas eu le temps de cicatriser, petite goule ! »
Elle rit.
« - Et ça te fait rire ! Tu vas voir… »
« - Non ! »
A nouveau, je mordis gentiment son cou et ses éclats de rire se perdirent dans mon dos, sa poitrine s'abaissant et se soulevant frénétiquement au gré de cette crise de gaîté. Je me mis à rire, aussi.
Je ne sais pas comment nous avons roulé au sol, sur les tapis, je ne m'en suis pas aperçu. Nous riions de plus en plus, et c'était plus un jeu qu'un vulgaire préambule sexuel.
En ces moments-là, j'essayais toujours d'oublier qui j'étais vraiment, et qui elle, elle était. C'était indispensable si je ne voulais pas avoir un épouvantable sursaut de recul dû à ma conscience (émergeante ces temps-ci), avant de réaliser l'horreur et la folie de notre liaison, avant de réaliser que cette histoire n'avait pas sa place dans le monde tel qu'il était. Avant de réaliser que je n'étais qu'un voleur et un pillard quand je m'emparais des trésors de son corps, et cela, même si elle y consentait. Elle était jeune…Et un jour, j'en était certain, même si je mourrais le lendemain, elle finirait par me haïr.
Du moins encore plus qu'en ce moment même.
J'étais pathétiquement couché au-dessous d'elle, comme sa victime consentante, et je riais à gorge déployée. Elle cessa de mordiller mon cou et revint au-dessus de mon visage.
J'ai fait comme une fille. Et je me suis laissé embrasser. Comme elle. Comme elle l'avait fait très souvent. J'ai fermé les yeux et je me suis laissé faire.
C'est tellement intime, toutes ces choses…J'ai toujours senti que ma pudeur ne se situait pas au même niveau que celle des autres. Quand à la Sienne…Elle était aux antipodes de la mienne, c'était évident. Ou peut-être n'en avait-elle pas ?
Pourquoi me suis-je laissé faire ? Je l'ignore encore. Je crois que je voulais lui faire plaisir, tout simplement. Lui montrer je ne sais quoi…
« - Tu comptes me laisser là, par terre ? », demandai-je.
« - Tu penses que tu mérites mieux ? », répondit-elle, espiègle. « Moi je te trouve très beau, par terre. »
« - Ca ne convient pas à mon rang », répliquai-je.
Et je me détournai d'elle quand elle voulu m'embrasser.
« - Très bien, si son altesse boude, je vais aller attendre ailleurs qu'elle ait fini », dit-elle, faussement hautaine.
Elle fit mine de se relever.
Je m'empêchai de faire le moindre geste pour la retenir.
Elle me toisa, un moment.
« - Ah je vois, on feint l'indifférence, monsieur Malefoy…Vous croyez m'avoir comme ça… »
« - Reviens par ici… »
Je l'empoignai et l'installai à nouveau sur moi.
« - Hélà, doucement ! », fit-elle en riant. « Tu as vraiment du mal à jouer la soumission…Ce n'est pas pour toi. »
« - Tu te trompes. »
Je restai toujours immobile, attendant de voir ce qu'elle allait faire.
« - Ne me regarde pas comme ça », se plaignit-elle, un sourire aux lèvres, toujours. « J'ai toujours l'impression que tu vas me manger. »
Je ne pouvais cesser pourtant de lui sourire ainsi. Le meilleur est l'attente.
Je contemplai un moment le plafond, alors qu'elle s'installait à nouveau sur moi, doucement. Puis le plafond disparut peu à peu dans mes pensées, et je voyais davantage le ciel à sa place, alors que je m'abandonnais aux sensations de son poids sur le mien, de ses lèvres contre ma bouche. Mes yeux étaient ouverts, mais aveugles. Seules les émotions atteignaient mon cerveau, je crois.
Sa bouche, encore sa bouche sur mon visage, ses mains qui m'effleurent, qui me caressent comme si j'étais en porcelaine…Une partie de moi avait envie de répliquer devant une telle domination, une telle attention à moi, à mes sensations…
Elle me déshabilla comme on déshabille un enfant, avec des gestes lents, très lents, pleins de délicatesse. Je cessai alors de lutter.
Je sentais sa bouche qui descendait peu à peu vers mon bas-ventre, et je me délectai à l'avance de ce qui allait suivre…
Elle fut douce, elle fut maladroite à certains moments, mais surtout elle fut tendre, tout le long. Je me suis senti aimé, et je l'ai trouvée belle, du début à la fin, même quand ma vue brouillée par le plaisir ne me la laissa plus qu'entrevoir…
Accoutumé comme je l'étais à cette pratique, je trouvai pourtant, pour la première fois de ma vie, que l'humiliation latente habituelle de l'acte était totalement absente.
Et puis j'ai senti tout à coup toute la force de la jouissance, de cette jouissance particulière, abrasive, physiquement dévastatrice, et surtout décuplée car provoquée par une personne importante.
Aimante, tendre, et encore relativement pure…
Il peut paraître étrange de dire que je me suis senti neuf, affranchi, pardonné, quand je me suis laissé aller et qu'elle m'a laissé jouir dans sa bouche.
