Chapitre 25

Dans mes bras

Son poids léger tomba sur moi, sans bruit, avec autant de réalité qu'une feuille morte. Son corps frêle rebondit presque sur le mien. J'étais en sueur, en paix. Elle, essoufflée, tremblante, légère.

Dans mes bras.

Mes bras qui s'étaient instinctivement refermés autour d'elle me donnaient l'impression de la consoler d'une peine subtilement inconnue.

Ses boucles douces sur la peau de mes bras, de mes épaules.

J'attend qu'elle se calme un peu, puis je la renverse, au ralenti me semble-t-il, et j'attrape sa bouche, caressante et chaude, je goûte, je ne l'ai jamais fait auparavant, et rien n'est sale, rien, car c'est sa bouche, rien n'est plus pur, et ainsi je fais connaissance avec cette partie de moi que j'ai ignorée si longtemps, c'est sucré, et sa langue s'entremêle encore plus profondément à la mienne…C'est dévorant.

Cette sensation de me fondre, de m'évanouir, cette dissolution revint, plus forte que jamais, et plus forte que jamais aussi revint la sensation d'être absolu.

J'avais l'impression, de plus en plus en plus déroutante, que la crise que je traversais ne se terminerait jamais.

Que ces moments où je me sentais comme lavé de moi-même alterneraient indéfiniment avec ces accès bestiaux et sanglants, impulsifs jusqu'à la morts, cette nature sauvage.

Autant se l'avouer.

J'étais en passe, je crois, d'admettre vraiment qui j'étais. Je réalisais que j'étais né pour faire la guerre, et rien d'autre.

Longtemps j'avais répugné à me salir les mains, mais la guerre aidant, j'avais compris que je n'étais qu'en apparence cet être raffiné qui se contentait de semer les graines du chaos et de la discorde.

Tous ces efforts insensés, tout cet argent distribué à tous vents, toutes ces lois que je m'étais efforcé de retarder, tous ces services que j'avais acheté, toutes ces choses que je tenais autrefois si bien cachées dans les entrailles du manoir, tous ces poisons que je me procurais illégalement à St Mangouste par des guérisseurs peu scrupuleux…

Tous ces pots de vin distribués à tout va pour des choses qui m'apparaissaient soudain si dérisoires, tout ce secret, ces objets auxquels j'attachais presque plus d'importance qu'à ma vie…Le journal de Jedusor…J'avais toujours pensé que j'aurais mieux fait de l'introduire une année plus tôt. C'aurait pu être une affaire rondement menée…

Mais cela resta une tentative gâchée, et je remercie la destinée qu'il en ait été ainsi. Non pas pour son principe, mais parce qu'il aurait pu la tuer, la tuer Elle, et que je serais mort comme un chien, je n'en doute pas une seconde, si je ne l'avais jamais rencontrée.

Rien que pour cela.

C'était ce que je pensais, alors que je goûtais à sa bouche, pour la première fois de ma vie cette étrange substance au goût métallisé.

Toutes ces choses que j'avais faites, et qui ne m'avaient pas une seconde ému outre mesure, toutes ces choses n'étaient rien comparés à l'ivresse de la bataille et du sang que j'avais appris à connaître. Et cette ivresse-là, elle-même, n'était rien comparée à la sensation d'oubli et d'élévation que je ressentais quand elle était dans mes bras.

Pourquoi donc son sang si impur m'était si indifférent en ces moments, et aussi pendant tous les autres ?

Si un jour j'étais à nouveau libre, affranchi, réhabilité…Supporterais-je de l'avoir à mes côtés ? J'étais un tel idiot…J'aurais dû me demander si elle, elle supporterait, oserait s'afficher avec moi.

C'était presque risible, rien que d'imaginer leurs têtes…Juste avant qu'ils ne se précipitent pour me lapider, avec leurs mains infâmes de traîtres et de Sang-de-Bourbe…

Je la tenais toujours sous moi, sa respiration était tremblante, désordonnée. La mienne aussi sans doutes.

« - Pourquoi te plais-tu tant à me mettre hors d'état de te faire des choses…Heureusement que j'ai de l'imagination… », soufflai-je à son oreille.

Elle entrouvrit les yeux et me lança un sourire radieux, toujours haletante.

« - Non… »

« - Tu ne vas pas discuter, quand même… »

« - Tu es beau, quand tu es comme ça…Satisfait. Tu n'es pas obligé », ajouta-t-elle.

J'humidifiai deux doigts que je fis glisser sur la courbe de son sein, et son extrémité se tendit aussitôt, je sentis cela avec un frisson de volupté.

« - Si, tu as envie… »

Je crois qu'un sourire démesurément carnassier déformait mon visage, à cet instant-là.

Ma main descendit encore plus bas, à la rencontre de son sexe en attende de bien plus, c'était évident. Elle ruisselait. Comme je regrettai qu'elle m'ait laissé partir sans elle…

J'appuyai doucement sur sa partie le plus sensible et elle eut un frisson, une violente inspiration.

Ma bouche contre sa joue, je regardais l'expression de ses yeux devenir de plus en plus vacante, à mesure que mes doigts s'affairaient autour de son sexe puis dans la douceur des ses chairs brûlantes. Brûlantes comme ses joues qui devenaient de plus en plus rouges, mouillées comme sa lèvre inférieure qu'elle ne cessait de mordre.

Cette chair malmenée me donna envie de la goûter, ce que je fis, et quand je me reculai un instant pour contempler son visage, je vis une goûte de sang couler lentement le long de la courbe veloutée de sa joue. Encore une fois…Je ne l'avais pas fait exprès…Je l'essuyai du bout des doigts avant de la porter à ma bouche. Je ne sais pas si elle le vit, mais elle n'eut pas de réaction.

Ses yeux se contentèrent de me fixer rêveusement.

Je descendis, le long de son ventre palpitant, et je m'évertuai, avec ma langue, à lui procurer plus de frissons que je ne lui en avais jamais donné. J'arrivai à cet épicentre de son plaisir, brûlant, ruisselant, et elle gémit. Chacun de me coups de langues la faisait respirer de plus en plus fort…Gémir de plus en plus fort.

Sa main vint agripper la mienne, et je devinai ce qu'elle voulait.

Alors d'un doigt je commençai à la caresser, avant de l'introduire, le plus lentement que je pus.

Il fallait faire durer le moment le plus possible…

Je revins au-dessus d'elle, mes doigts toujours enfouis en elle, et vis que son visage était recouvert d'une fine pellicule de sueur. Je goûtai sa saveur salée, y appliquant mes lèvres, ma langue.

Sa dissolution était proche. Son bassin ondulait à présent au rythme de mes caresses. Sa respiration était de plus en plus désordonnée. Je l'avais entièrement sous mon contrôle.

Je me souviens de chaque détail, de chaque détail…

Ses doigts se sont resserrés davantage autour de mon poignet, plantant ses ongles dedans, pendant qu'elle plantait les ongles de son autre main dans la chair de mon omoplate. Même cette douleur était un délice.

Plante donc tes petites griffes…

Enfin, elle convulsa, laissant échapper un long gémissement qu'elle s'efforça malgré tout de contenir. Mais j'avais gagné.

Je roulai à ses côtés, et contemplai son visage transpirant, ses yeux fermés, puis la peau de mon poignet marquée de ses ongles : juste au-dessus de la Marque. Je ressentis alors un trouble inexprimable.

Elle sourit sans ouvrir les yeux. Sa poitrine menue se soulevait encore de façon saccadée. Je promenai une main sur son ventre.

« - Ce n'est pas cette fois-ci qu'on va faire un bébé… », lui soufflai-je doucement.

Son rire résonna comme une musique à mes oreilles. Elle ne répondit pas mais un sourire resta accroché à ses lèvres.

Puis elle attrapa ma main et ouvrit enfin les yeux.

« - Encore ? », demandai-je.

« - Tu as de beaux yeux », dit-elle alors sans raison.

« - Ne cherches pas à détourner le sujet. »

« - C'est la vérité. Surtout là, maintenant. »

Je ne répondis pas. Je ne savais que répondre. Ni comment le prendre. C'était aux femmes qu'on disait ces choses-là…

« - Oui, encore », ajouta-t-elle.

Elle dirigea ma main et la posa sur son sein. Ses jambes se frottèrent l'une contre l'autre, en un geste presque impatient et sans équivoque.

Son sourire était espiègle, à présent.

Elle se redressa et m'embrassa à pleine bouche. Mon sang ne fit qu'un tour.

« - Très bien… »

Elle passa ses mains dans mes cheveux, et une fois encore elle roula sous moi.

« - Mais cette fois… »

Je la fis rouler sur le ventre, toujours sur ce tapis moelleux. Le feu crépitait dans la cheminé.

« - On va ajouter une variante... »

Ma main remonta lentement le long de sa cuisse, puis enserra la courbe de sa fesse. Les bras repliés sous elle, elle me regardait, fiévreuse, mordillant l'extrémité de son pouce, le visage étendu sur la masse voluptueuse de ses boucles sombres. Puis du bout des doigts, plongeant dans les profondeurs de son entrejambe, j'effleurai l'ouverture chaude, toujours mouillée.

Elle ferma les yeux.

« - Non, ne ferme pas les yeux, je veux te voir », fis-je sérieusement.

« - Mais tu me vois », susurra-t-elle.

« - Pas assez. »

« - Rapproche toi, alors… »

Elle souriait.

« - Garde les yeux ouverts, c'est tout ce que je te demande… »

« - Tout ce que tu voudras », répondit-elle.

« - L'obéissance te vas bien. »

Elle eut un petit rire qui se transforma aussitôt en long frisson gémissant, alors que mes doigts la pénétraient bien plus franchement et profondément que la fois précédente, effleurant volontairement au passage ce renflement de chair si sensible… J'eus l'impression un instant qu'elle allait dire quelque chose. Mais elle se tut.

La courbe de son dos, sa chute de reins étaient un délice, une invitation brûlante. Le mouvement de mes doigts se fit plus violent, et elle se cambra. Je sentis renaître en moi les premiers spasmes d'une nouvelle érection.

Elle était au bord de la jouissance, mais je cessai malgré tout le mouvement, et la remis sur le dos. Soulevant sa jambe, je descendis à nouveau le long de son corps, et ma bouche vorace revint s'appliquer contre son sexe palpitant, le dévorant plus qu'autre chose…Ses cris retentirent alors dans la pièce sans plus aucune retenue. Ses doigts s'enfoncèrent dans mon cuir chevelu, et elle convulsa violemment, bien plus intensément que la fois précédente.

Puis ses cris s'estompèrent, et sa respiration se fit plus calme.

Alors, comme elle l'avait fait elle-même un moment plus tôt, je rampai au-dessus d'elle et me reposai sur son corps, contre la peau douce de ses seins. Elle caressa ma tête, tendre.

« - Tu as envie, de nouveau… », murmura-t-elle.

« - Je te laisse te reposer. »

« - Non, j'ai pas envie d'arrêter, je veux te faire plaisir… »

« - Tu es fatiguée… »

Et elle l'était, je le savais, je le sentais.

« - Moi je crois que c'est toi qui es fatigué », fit-elle, espiègle.

« - Tu me connais mal, encore. »

« - Quel vantard tu fais ! »

« - Tu me cherches », répondis-je.

« - J'en ai envie, aussi. S'il te plait. »

« - Laisse-moi réfléchir… »

« - Pas trop longtemps, s'il te plait, j'ai… »

Mais elle s'interrompit aussitôt, poussant un soupir rauque alors que je venais de la pénétrer, en un élan qu'elle n'attendait pas et qui la surprit.

Je goûtai ses lèvres, embrassai ses joues, mordillai son cou…Sans mordre vraiment, cette fois. J'enroulai autour de moi ses jambes, et nous soulevai du sol. Il était temps de retourner dans un lit. Surtout à la pensée de ce que je lui réservais.

Nous nous écroulâmes sur les draps, déjà en sueur, mais pas encore rassasiés. La subtilité des moments qui venaient de s'écouler avait disparu, et cette étreinte était bien plus bestiale, bien plus franche, bien plus assoiffée que tout ce qui avait précédé.

Je ne songeais plus à contrôler la force de mes coups de reins.

Mais elle ne semblait pas s'en plaindre, et j'aimai cela. J'étais profondément perdu dans sa chaleur, et toute trace de réflexion s'effaçait peu à peu pour laisser place à l'extase.

Elle me serrait de plus en plus fort, me laissant de moins en moins m'éloigner d'elle.

Et puis d'un coup, je la soulevai sous moi, passant mes bras dans son dos, une main crispée sur sa nuque sous ses cheveux, et explosai de jouissance…Je donnai quelques coups de rein supplémentaires, et je la sentis se tordre à son tour, se cambrer, céder aux convulsions du plaisir…

Tremblants, en sueur, nous ne bougeâmes pas de la position dans laquelle nous nous trouvions et nous endormîmes ainsi enlacés, dans le calme, et dans la tendresse la plus totale.

J'aurais donné n'importe quoi pour qu'elle n'ait jamais à sortir de cette chambre.

Mais au beau milieu de la nuit, elle me réveilla en sursaut en se détachant de moi, fébrile.

Voyant mon incompréhension, elle m'expliqua, avec une expression terrorisée :

« - Ginnie va se demander où je suis, elle a sans doute déjà compris que je n'étais pas avec les autres. D'ailleurs, eux aussi doivent vraiment soupçonner je-ne-sais-quoi, maintenant… »

« - Ce n'est pas la première fois que tu découches », observai-je, avec le plus de clarté dont j'étais capable.

« - Je leur disais que je devais travailler mes ASPICs, anticiper pour l'année prochaine…Ils m'ont crue sans problèmes…Ginnie, Ron, Harry, ils croient tous que je travaille dans une des pièces au dernier étage, mais s'ils en viennent à me chercher ! Je ne sais pas ce que je pourrais bien leur raconter… »

« - Tu penses qu'il ont des soupçons ? »

Bizarrement, cette pensée ne suscitait pas en moi la moindre crainte.

Je la regardai ramasser ses vêtements à terre et le remettre avec des gestes désordonnés.

« - Non, pas le moindre…Ils plaisantaient même à ce sujet, une fois…Ron me disait… « Attention à ne pas te retrouver nez-à-nez avec Lucius Malefoy, il pourrait en profiter pour t'égorger, l'air de rien ! ». Non, je pense que c'est la dernière chose qui leur viendrait à l'esprit. Mais j'ai quand même des craintes. »

« - Et toi ? »

« - Moi ? »

« - Oui, ça te traverserait l'esprit, à toi ? »

« - Moi, je crois que je ne penserais qu'à cela… », répondit-elle d'une voix douce.

Je souris.

« - Il faut vraiment que j'y aille…Je ne pensais pas rester aussi longtemps… »

« - Vraiment ? », la coupai-je.

« - Je pensais que tu serais trop préoccupé, je ne sais pas…Je n'ai dit à personne que j'allais travailler, ce soir, je ne sais pas si ils m'ont cherchée ou pas…Il faut que j'y aille. »

Je l'attrapai juste avant qu'elle ne sorte, sans cérémonie, et l'embrassai goulûment sur le pas de la porte. Un peu trop possessivement pour être honnête.

Elle était habillée à l'emporte pièce, mais moi j'étais entièrement nu sous ses mains, et lorsqu'elle se détacha de moi, elle me caressa un instant les fesses avant de les flatter d'une tape coquine.

« - Toi… », l'avertis-je d'un ton faussement menaçant, tout en la poussant contre le mur, avant de l'embrasser de la façon la plus suggestive qu'il m'était possible.

Je la relâchai alors et la regardai disparaître dans les escaliers, après qu'elle m'ait jeté un regard…Un regard inoubliable.

Au matin, très tôt, alors que je traversais la maison pour me rendre aux cuisines, espérant encore une fois éviter toute rencontre désagréable, j'eus la surprise de la croiser, au détour d'un couloir encore sombre.

« - Bonjour… »

Nous nous dévisageâmes un moment, souriant l'un à l'autre sans avoir besoin d'en dire plus.

« - Déjà levé ? »

« - Toujours levé tôt, tu devrais le savoir… », répondis-je.

« - Je n'ai pas eu le temps de te le dire, tout-à-l'heure… Je pars à la fin de la semaine. Chez mes parents. Je reviens début août. »

« - Ce sera trop long. »

Je n'étais pas disposé à la laisser partir.

« - Je les vois déjà peu, tu sais… »

Je réalisai alors qu'elle était si jeune…Encore si attachée à ses parents, encore obligée de l'être…

Je ne trouvai rien à dire alors.