Chapitre 29
Sorry Angel
Quand il fut parti, je restai longtemps assis, profondément enfoncé dans mon fauteuil, je pensais. Enfin, je dérivais, plutôt. Jusqu'à ce que la nuit tombe et que je me retrouve dans le noir.
Alors seulement je levai ma baguette et allumai une bougie.
Elle devait être confinée à l'intérieur des murs trop protecteurs de ce château invraisemblable à présent. A des lieues de moi. Quel idiot j'avais fait !
Mais l'affront qui lui avait été fait devait être lavé. On ne pouvait parler d'elle de cette façon. Bien sûr, son sang était impur, mais il m'appartenait. J'en avais besoin. Il m'était précieux. Il avait fallu corriger mon fils. Et même si la suite avait été moins glorieuse, elle m'avait permis d'envisager certaines choses…Des choses longtemps reléguées dans mon inconscient. Je restai ainsi longtemps perplexe, plongé dans mes pensées, dans mes souvenirs.
Quand je l'avais enfin relâché, des larmes continuaient à couler sur son visage, mais il ne sanglotait plus. Sa tristesse, sa mélancolie était d'une autre nature.
Comme la mienne.
Puis il avait baissé les yeux. J'avais levé la main et essuyé d'un pouce les larmes qui s'attardaient sous chacun de ses yeux.
Et alors j'avais envié sa mère. Elle avait vécu cela, tant de fois…Et moi, presque jamais pour ainsi dire. Mais je décidai de ne pas trop me laisser aller.
Sans succès.
Pitoyable, j'avais laissé échapper un spasme, un sanglot étouffé.
J'avais eu sur le coup, presque en même temps, l'envie de rire de moi. Que me prenait-il ?
Pourquoi étais-je si faible ?
Avant d'avoir pu me contrôler, il m'avait repris dans ses bras. Crétin.
Deux parfaits imbéciles.
Et puis tant qu'à faire…Nous avons continué à pleurer un moment dans les bras l'un de l'autre.
Et au moment de partir…Je ne sais pourquoi je ne m'étais pas senti crédible, quand d'une voix que je voulais assurée, j'avais dit …
« - Et que ça ne se reproduise pas trop souvent. »
Je ne savais même pas de quoi je parlais, exactement. Il n'avait pas répondu.
Je repensais à tout cela, affalé dans ce stupide fauteuil, et je pensais que j'avais quelque chose à me faire pardonner, aux yeux de mon ange. Quoi, exactement ? D'avoir voulu la défendre ? Pourquoi s'était-elle précipitée vers lui alors qu'il venait de l'insulter ?
J'étais certain que mon fils n'irait pas recommencer à lui faire du mal, mais j'étais inquiet. J'avais toujours peur. De quoi ? Je l'ignore. Peut-être est-ce cela d'aimer quelqu'un ?
La peur…Toujours avoir peur.
Que faire ? Il me fallait la voir.
Me mêler clandestinement aux élèves comme je l'avais fait quelques jours plus tôt me semblait une façon stupide de tenter le diable. J'avais eu de la chance cette fois-là, il serait stupide d'essayer de forcer celle-ci une deuxième fois.
Agir. Il me fallait agir.
Je me lançai un bref sortilège d'apparence, et sortis de la chambre. Je verrouillai soigneusement la porte, puis m'élançai dans les escaliers. J'attrapai le balai qui était remisé dans l'entrée de l'auberge. Quelques ivrognes sirotaient encore leur Whiskey-Pur-Feu au bar, malgré l'heure tardive. Ils ne me virent même pas sortir.
Dehors, la nuit était délicieusement fraîche. Je pris mon envol.
Ce fut avec une sensation de délivrance que je survolai la forêt interdite, dans l'air frais et mouillé de ce début d'automne.
Puis je passai au-dessus du lac, voyant la lune se refléter dans ses eaux insondables, guettant mon propre reflet.
J'étais arrivé près de la bâtisse. Contournant une partie de celle-ci, je me dirigeai vers ce qui me semblait être la tour de Gryffondor. Plusieurs fenêtres s'offraient à ma vue, et j'en passai quelques unes avant de trouver la chambre qui semblait être la sienne. Toutes les autres étaient occupées par des adolescents hystériques se battant à coup d'oreillers, ou buvant d'un geste avide et ricanant le contenu de ce qui semblait être des bouteilles de bièraubeurre.
Un instant, je repensai à mon propre séjour à Poudlard et fut saisi d'un accès de nostalgie. Mais la vue soudaine de ce qui ne pouvait être que sa chambre me fit perdre le fil de ces pensées.
Malheureusement, elle n'était pas seule. Une des filles présentes la dernière fois parlait avec elle. Je contournai la tour et changeai de fenêtre. J'étais si près, encore une fois, et en même temps si loin…
C'était horriblement frustrant.
J'avais froid, ou bien était-ce d'excitation que je tremblais ?
Un instant, la fille se leva et se tourna pour fouiller dans sa malle. J'en profitai et fis de grands gestes depuis ma fenêtre…Elle ne me vit pas tout de suite, et je pensai que je devrais à nouveau changer d'observatoire. Mais je persistai, brûlant de cogner à la fenêtre. Son visage se figea soudain, elle ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais la referma aussitôt. Elle me fixait, les yeux écarquillés, et soudain j'étais le plus heureux des sorciers.
L'autre fille avait toujours le dos tourné, et mon ange me fixait toujours, de plus en plus affolée. Elle fit un bref signe de tête paniqué vers son interlocutrice momentanément occupée, et je lui fis signe que je l'avais vue, avant de faire un signe vers le bas. Descends…
Elle se leva de son lit, en chemise de nuit, passa sa cape et dit quelques mots que je n'entendis pas à l'autre fille. Je descendis d'un étage, et la vis entrer dans la salle commune.
La pièce était pleine de monde, et guettant son regard, je la vis jeter un coup d'oeil faussement désinvolte aux fenêtres de la pièce, avant de croiser enfin le mien. Regardant autour d'elle, elle me fit un geste de la tête qui signifiait je sors. Je la vis réprimander quelques élèves au passage, sans doutes pour la forme, et me posai quelques instants plus tard sur les pelouses du parc.
La porte du Grand Hall grinça et s'entrouvrit, laissant passer dans le rai de lumière une silhouette menue.
« - Tu es venu…Tu n'aurais pas dû. »
« - Je m'attendais à un autre accueil. »
« - Qu'as-tu à me dire ? Je ne veux pas rester trop longtemps. »
Je ne veux pas…Et non je ne peux pas.
« - Rien de particulier, tu le sais bien. Je suis venu pour toi. »
« - Je m'en fiche. Je ne veux pas te voir. »
« - Tu mens. »
Elle ne me fit pas de réponse.
« - Faut-il que je te force ? »
« - Et bien…Fais-le. Ca ne sera pas la première fois. »
Je crus que j'allais la gifler. Elle dut le sentir, car elle ajouta :
« - Tu ne sais faire les choses qu'ainsi : par la force. Tu me fais horreur. On n'a pas idée de se comporter ainsi avec ses enfants. »
« - Tu parleras quand tu en auras. Pour l'instant, il t'est facile de donner des conseils. Mais tu verras, si tu en as un jour… »
« - En tout cas, je leur souhaite d'avoir un père différent de toi. »
Son regard était chargé de mépris.
Et elle se retourna, marchant d'un pas décidé vers la lourde porte du château. Je mis un instant à réaliser ce qu'elle venait de me dire, puis me précipitai à sa suite et la saisit au bras. Elle chercha à se dérober.
« - Ne commence pas ! », menaça t-elle.
Je fis un effort. Je la lâchai. Elle se remit à marcher.
« - Reviens ici. Reviens ! »
Mais ses pas étaient sans pitié. De la pitié ? Réclamais-je de la pitié ?
Mon sang ne fit qu'un tour. Je me précipitai vers elle, encore une fois, et l'attrapai en poids et en volume, nous faisant chuter sur l'herbe mouillée du parc de Poudlard. Immédiatement, ses cris, enfin, les cris qu'elle pouvait se permettre de pousser au vu de notre situation résonnèrent à mes oreilles.
Elle se débattit comme une bonne petite Gryffondor, mais cette amusante colère enfantine finit par prendre fin, et une fois de plus, j'eus droit à ses larmes.
Je n'avais rien prévu de lui faire, même si l'occasion était splendide. Juste la sentir là, contre moi, était une délivrance.
« - Espèce de monstre, espèce de monstre… », gémissait-elle à mon oreille. Douce litanie.
« - Tu as là un bien aimable monstre…Qui ne songe qu'à faire ton bonheur. »
« - Je te déteste. »
« - Pourquoi, mon cœur ? Parce que je n'ai qu'une envie, te serrer contre moi…Tu ne fais pas preuve d'un grand discernement. »
Pas de réponse.
« - J'ai traversé la nuit pour venir te voir, j'ai risqué de me faire reconnaître, et c'est tout ce que tu trouves à me dire…Que je suis un monstre ? »
« - Tu en est un. Elle redressa son visage jusqu'ici détourné et planta ses yeux dans les miens. »
« - Fais attention à ce que tu dis. Tu n'es pas en position de force, mon ange. »
« - Ca fait quoi, monsieur Malefoy, de revenir à Poudlard où, il y a quelques années, si mes souvenirs sont bons, vous avez volontairement lâché un basilic qui a failli me tuer, ainsi que plusieurs autres élèves ? », demanda-t-elle d'une voix acide.
Je faillis bien perdre mon calme. Je ne plaisantais plus à présent.
Je vissai mes yeux dans les siens :
« - C'est toujours un plaisir d'y faire un tour…Mais il est toujours déplaisant de constater que certains élèves continuent d'y poursuivre leurs études. »
Elle se figea.
« - Dommage que le basilic n'ait pas fini le travail, je dirais », terminai-je.
Je venais de lui faire mal.
Je venais de lui faire très mal.
Des larmes coulaient à présent sur sa figure, et allaient se perdre dans la rosée qui recouvrait les pelouses et qui imbibait pleinement la cape qu'elle portait.
Elle l'avait cherché.
Elle détourna la tête, vaincue. Son désespoir était immense, quasiment palpable.
J'étais toujours sur elle.
« - Laisse moi partir, veux-tu ? »
Elle avait dit cela sur un ton égal.
« - Pas quand tu es dans cet état. »
« - C'est toi qui en es responsable. Ne me dis pas que tu l'as fait exprès pour pouvoir ensuite me consoler. Je ne suis pas aussi bête, Lucius.»
Je pensai alors qu'elle prononçait assez rarement mon prénom. Et à y penser, je réalisai que j'avais coutume d'en faire de même.
« - Hermione… »
« - Laisse moi partir. »
« - Hermione. »
J'embrassai sa joue, tiède malgré le froid.
« - Viens avec moi à Pré-au-Lard. »
« - Non. Tu sais bien que c'est non. »
« - S'il te plait. »
« - Hors de question. »
Appréciait-elle que je renie ainsi mon amour-propre ? Sans doute.
« - Tu aimes qu'on te supplie, mon cœur. »
« - J'aime qu'on me laisse partir, quand je le demande. »
« - Personnellement je me contenterais du sol de ce parc, mais j'imagine que de ton côté, tu préfèrerais une chambre avec un lit… »
« - Tu ne m'impressionnes pas. Si c'est ce que tu voulais vraiment, tu l'aurais déjà fait. Tu ne m'aurais pas demandé mon avis. Laisse moi partir », répéta-t-elle. Encore une fois.
« - Jamais. »
« - Tu m'empêches de respirer. »
« - Voyez-vous ça… »
Je nous fit rouler et la positionna sur moi.
« - Tu peux partir, maintenant. »
Elle se leva, et je vis un instant briller la haine dans son regard.
Toujours allongé dans l'herbe, je soutenais ce regard. Il était devenu si différent…
« - Tu as grandi », constatai-je.
Elle me regardait toujours.
« - Arrête de me faire du mal. Un jour, je serai forcée de te le faire payer. »
« - C'était involontaire. Je ne demande qu'à l'effacer. »
Je souris. Sans plus.
« - Aime ton fils. »
« - Je l'aime. »
« - Montre lui. »
« - Je l'ai fait. Ta mission serait donc de t'assurer que je ne l'encourage pas à devenir mangemort ? »
« - Je n'ai pas de mission. Je sais agir en réfléchissant par moi-même, chose dont tu as sans doute perdu l'habitude quand tu étais au service de Voldemort. »
Elle prononçait donc son nom. Elle osait…J'étais consterné.
Elle continuait de me toiser de toute sa hauteur. Je me relevai. Elle fit un pas en arrière.
« - N'aie pas peur. Je vais partir. N'y a-t-il rien que je puisse te dire pour te convaincre ? »
« - Non. »
Je me dirigeai vers mon balai qui gisait à terre.
« - Enfin…Il y a une chose, mais je préfèrerais que tu trouves cela par toi-même. »
« - Qu'est-ce que c'est ? »
« - Reviens me voir quand tu en auras une idée. »
Et elle se retourna, marchant à nouveau vers les portes du hall.
Je restai un instant seul dans la nuit.
Elle avait commencé à poser la main sur la lourde poignée de la porte gigantesque.
« - Attends ! »
Son visage se tourna en ma direction. Je marchai vers elle.
« - Attends. »
Je saisis sa main, en mordit un instant l'intérieur, puis ouvrit le placard grinçant qui me tenait lieu de cœur.
« - Pardon. »
Peu importe si ça n'était pas ce qu'elle attendait. La chose, tel un déclic, s'était imposée d'elle seule. J'avais compris qu'il était devenu indispensable de lui demander pardon, pardon pour tout. Ca faisait trop longtemps.
« - Pardon ? »
« - Pour tout. »
Alors je vis son sourire. Pâle, timide, léger, détourné, mais son sourire. Ce fut comme le jour qui se levait enfin après une nuit de cauchemars.
Sa main, toujours dans la mienne. Je remarquai qu'elle portait toujours le fin serpent que je lui avais donné.
« - Tu le portes toujours », constatai-je.
Pas de réponse.
Rien n'avait changé, au fond. Elle était toujours à moi, j'avais mis en pièces mon destin pour avoir l'honneur d'être son amant, amant qu'elle finirait sans doutes par abandonner pour quelqu'un de digne, pensais-je alors.
Mais son être en grande partie m'appartenait, bien que je sois devenu pauvre, vêtu de chemises ternes, les cheveux emmêlés, une barbe de deux jours couvrant mon visage, paria, menant une existence sans autre espoir, sans autre joie que sa peau sous mes caresses et que son âme à ma merci, peut-être, quand elle le décidait.
« - Répète-le », fit-elle soudain.
« - Pardon. »
« - Encore. »
« - Pardon. »
Elle s'était rapprochée.
« - Répète. »
« - Pardon. »
L'humiliation était déjà faite, j'aurais pu le répéter à l'infini…Mais je mens, bien sûr : chaque répétition était douloureuse à ma fierté, et pourtant je m'exécutai sans broncher. Ce pouvoir qu'elle avait sur moi, et que je sentais grandir à mesure qu'elle se rapprochait, y était sans doutes pour quelque chose.
« - En es-tu sûr ? »
« - Ne joues pas les sadiques, tu ne risques pas de gagner contre moi. »
« - Pourtant c'est ce qui est entrain d'arriver. Demande pardon, encore. »
Je souris.
« - Sale peste. »
Elle haussa les sourcils.
« - Tu m'insultes ? »
« - Oui, comme ça j'ai des raisons de te demander pardon. »
Je me penchai sur ses cheveux, frôlai leur douceur, posai un léger baiser sur eux.
« - Pardon, mon ange. »
Elle se laissa aller contre moi, enfin.
« - Tu me détestes, n'est-ce pas ? », fit-elle à voix basse.
C'était adorable.
« - Il m'en faudrait plus, mon cœur, tu es bien naïve… La prochaine fois, peut-être ? », ajoutai-je.
« - Peut-être. »
J'embrassai sa joue.
« - Bonne nuit. »
« - Elle va être bonne, je crois. »
Je commençai à m'éloigner.
« - Et tu ne m'emmènes pas ? »
Elle jouait avec mes nerfs. Garce.
« - C'est bien beau de demander pardon, encore faut-il le prouver, monsieur Malefoy. »
Les mots me manquaient, soudain. Très bien.
« - Très bien. »
Elle saisit ma main.
Une fois arrivés à La Tête de Sanglier, j'usai sur elle d'un sortilège identique au mien pour que personne ne s'offusque de la présence d'une élève de Poudlard en ces lieux. Elève qui plus est vêtue d'une simple chemise de nuit sous sa cape d'étudiante.
Arrivés dans la pièce médiocre qui me servait de chambre, elle la laissa glisser à terre et tendit ses mains vers moi.
Homme soumis et méprisable, je vins à elle.
« - Sois tendre. »
Ce fut sa seule directive. Heureusement, car j'en aurais difficilement supporté plus.
Ma langue sur la peau de son cou fut-elle assez tendre ? Mes mains partout sur son corps, dans son dos, sur ses hanches, sur ses seins furent-elles assez tendres ?
Une fois tombé à genoux, ma bouche sur son ventre velouté fut-elle elle aussi assez tendre?
Je me relevai et lui enlevai cette hideuse chemise de nuit qu'elle portait.
Redescendant le long de son corps, je revins sur la peau inoubliable de ce ventre, ses fesses au creux de mes mains, puis descendis vers cette chair qui n'attendait que ma langue, et qui la fit se cambrer alors que je commençais juste à jouer avec elle.
Ses soupirs résonnaient délicieusement à mes oreilles, et je me demandais ce qu'elle attendait pour crier.
Peut-être la crainte que nous soyons découverts…
J'espérais un jour, que rien n'entraverait plus notre liberté. Oser révéler ce qui existait au-delà des portes de cette chambre. Un bien triste rêve…
Elle haletait, à présent.
Je me relevai et m'assis sur le rebord du lit. Puis je lui tendis la main, et elle vint vers moi. Sa main toujours dans la mienne, elle s'installa sur moi, assise face à moi, sa bouche cherchant la mienne, en bas de la sienne.
Le visage dans son cou, je serrais ses hanches, les forçant à bouger à mon rythme. J'aimais cette position où je pouvais la tenir ainsi contre moi mais aussi la voir.
Sans pouvoir m'en empêcher, je saisis son visage enfiévré dans ma main et me délectai de l'expression de ses yeux, vacante, et à la fois étincelante. Difficile à décrire. Sa peau rougie et couverte de sueur était comme du satin sous mes doigts. Sa bouche sembla m'appeler et j'accourus.
Elle laissa échapper un cri de joie quand je la renversai sur le lit, assemblage dégoûtant qui supportait le tourment de la plupart de mes nuits.
« - Tu reviendras, n'est-ce pas… »
« - Si tu sais te montrer convaincant…Jusqu'ici… »
Mais je ne lui laissai pas le temps de finir.
Ses cris devenaient si forts que je fus obligé de presser une main sur sa bouche. Ses talons s'enfonçaient de plus en plus dans mes fesses, l'intensité redoublait, elle hurla une dernière fois, la main crispée sur mon poignet, et à mon tour…
Quand j'en eus fini avec elle, un sourire me barrait le visage sans même que je m'en rende compte. C'est elle qui me le fit remarquer, encore essoufflée.
« - Tu souris. »
« - Non. »
« - Bien sûr que si. Tu devrais sourire plus, tu as l'air plus jeune. »
« - Je ne suis pas si vieux ! »
Elle éclata de rire.
« - Je reviendrai », dit-elle alors. « Tu en avais douté ? »
Je choisis de ne pas répondre à cela et lui demandai enfin ce qui me tenait à cœur :
« - Tu restes, ce soir ? »
« - Tu as de la chance, demain c'est dimanche. »
« - Et les filles qui partagent ta chambre… »
« - En font autant que moi, si ce n'est plus. Tu sais, je ne suis pas la seule à me promener la nuit...Et puis je suis préfète, j'ai davantage de…Liberté. »
« - Elles ne te posent pas de questions ? »
« - Si, mais je n'y réponds pas. »
Je l'enroulai dans le drap et la pressai contre moi.
« - Tu regrettes d'avoir lâché le basilic, quand j'étais en deuxième année ? »
Je pris le temps de réfléchir.
« - Non. »
Elle soupira.
J'ajoutai :
« - Les regrets n'ont aucune utilité, au contraire. Ils ne font qu'empêcher d'avancer, mon ange. »
Une fois de plus, elle ne répondit pas.
Au matin, je la trouvai endormie à mes côtés. Ce fut une réelle joie.
Je restai là un moment, dans la tiédeur qui nous enveloppait.
Puis je me levai, décidé à raviver le feu qui n'était que braises à présent, avant d'aller m'appliquer un sortilège de rasage, que j'avais trop souvent négligé d'utiliser ces derniers temps. J'avais de la compagnie, après tout. Je jetai le sortilège habituel qui brouillait mon apparence, et descendis chercher de quoi nourrir le petit vampire qui dormait dans mon lit.
Une fois de retour, je la trouvai affolée, à demi habillée. Je refermai la porte.
« - Où étais-tu ! », cria-t-elle.
« - En bas, j'allais chercher…Qu'est-ce que tu as ? »
« - Je…J'en sais rien. Ne pars plus comme ça ! Je croyais, je…J'étais déjà entrain de m'imaginer…Je ne sais pas ! »
Je posai le plateau et m'approchai d'elle, et son corps heurta violemment le mien. Elle s'était jetée dans mes bras.
« - Tu as fait un cauchemar, je crois. Reprends-toi. »
Je caressai sa tête. Au même moment, la marque me brûla et je hurlai comme un dément.
Au lieu de s'éloigner de moi, elle me serra plus fort, encore plus fort, autant que ses bras frêles le lui permettaient, me serrant, m'empêchant de tomber.
Et alors que j'émergeais progressivement de la douleur, la première chose que je vis fut son visage grave scrutant le mien.
« - Pardon, mon ange, que tu aies à voir cela… »
Alors elle prit mon bras et en passa l'intérieur, la peau portant la marque immonde, contre sa joue, les yeux fermés, avant de l'embrasser.
« - Ne fais pas ça », soupirai-je.
« - Je voudrais t'apaiser…J'ai l'impression que ça n'en finira jamais. »
Elle soupira.
« - Jamais, non », répétai-je après elle.
Elle prit mon visage entre ses mains et m'embrassa, délicatement.
« - Je t'ai apporté quelque chose de plus comestible que moi », fis-je sur un ton que je voulais paisible.
Son regard se tourna vers le plateau que j'avais posé en entrant.
« - Et bien…Des toastes, des pommes, du café…Du…Wiskey-pur-Feu ? »
Elle tourna une moue dégoûtée vers moi.
« - Tu prends du wiskey au petit-déjeuner ? »
« - Et bien, c'est la boisson officielle de l'endroit, il me semble. Ils le servent sans même qu'on ait à le demander. »
« - Et tu le bois ? », fit-elle dans un rire.
« - Parfois. »
« - Je m'inquiètes pour toi, des fois. Tu le sais ? »
« - Oui. »
Je lui souris.
Son sourire vint en écho répondre au mien, et alors qu'elle commençait à défaire les boutons de ma chemise, on frappa discrètement, mais distinctement.
« - Cache-toi. »
Elle se glissa dans la pièce attenante qui servait de salle de bains, et j'avançai vers la porte.
« - Qui est là ? »
« - Papa… »
Peut-être n'était-ce pas lui, peut-être était ce une ruse…Mais j'ouvris. L'instinct.
Aussitôt, je vis mon fils sortir d'une cape d'invisibilité.
Je l'attirai dans la chambre en une geste rapide, et refermai derrière lui.
Alors seulement je vis son visage ravagé par les larmes.
« - Qu'y a-t-il ? », fis-je, presque aussitôt gagné par l'émotion qu'il dégageait.
Il haletait, encore en proie aux larmes.
« - Maman est morte. »
Il se courba en deux, tordu par un sanglot, et tomba assis sur le lit. Je restai figé au milieu de la pièce, parfaitement immobile, cessant même de respirer.
Ce monstre avait osé…
Les sanglots de mon fils…
Et derrière moi, j'entendis s'ouvrir la porte de la pièce où mon ange était caché.
