LES BONUS
Voici les passages supplémentaires que j'ai écrits et qui ne trouvaient pas leur place dans le récit, soit parce que le point de vue était autre que celui de Lucius, soit parce que leur présence aurait dénaturé le cours de l'histoire. Bonne lecture!
-I-
Stonehenge
La campagne verdoyait intensément sous un ciel lourd de nuages, la plaine humide bruissait sous la caresse du vent, tout était silence et promesses de bruit, couleurs glorieuses et senteurs troublantes, tous les symboles de ma passion.
La promesse fut faite.
Le ciel s'ouvrit un instant et fit miroiter la scène, inondant nos yeux, puis se referma.
Peu d'invités. Dumbledore, toujours là, à veiller comme s'il était Merlin en personne. Le Survivant, témoin de la mariée. Mon fils qui était aussi mon témoin. Severus, à observer sombrement la cérémonie, droit et sinistre comme la justice. Je n'avais admis aucun Weasley à mon mariage.
Elle en avait beaucoup pleuré, d'autant plus que ce loqueteux de fils Weasley semblait avoir eu du mal à accepter la chose.
J'avais fait taire ses pleurs à coup de baisers et finalement à coup d'autres parties de moi, mais faut-il préciser lesquelles ?
Elle portait une robe que j'avais choisie. Ce n'est pas la tradition, mais on se moque de la tradition. J'avais vue celle-ci, et c'était celle qu'elle devait porter. Vous ne comprenez pas, n'est-ce pas ? Personne ne comprend. Peut importe : j'avais acheté son approbation, la taille du diamant à son doigt en était le symbole : son cœur, première acquisition de ma fortune retrouvée. Ou bien l'avais-je déjà acheté bien avant ? Comment savoir…
Considérer ainsi les choses de façon pragmatique m'évite d'imaginer qu'un jour elle ne s'en aille et me laisse seul comme un chien. Le pourrait-elle ?
Le ferait-elle ?
A quoi me servirait alors tout cet argent ? Je préfère ne pas l'imaginer. Je l'inonde de toutes les choses qu'elle désire et c'est là sa plus belle vengeance : elle me fait marcher sur la tête. Devant elle, jamais je ne l'avouerais, mais je sais que c'est le cas.
Elle ne se plaint pas de sa condition, et j'en déduis qu'elle est heureuse. Elle en profite même plutôt bien mais je sais, cruelle, que c'est seulement pour me montrer ce pouvoir malheureux qu'elle peut avoir sur moi.
Cette nature diabolique est sans doutes due à la saleté de sang de bourbe qui circule dans ses veines, et dont je ne peux plus me passer. Je suis misérable. Je l'aime.
Au fond, rien d'autre ne compte.
-II-
La honte, le doute, l'espoir
« Cet homme m'a fait du mal. Il m'a haïe, je l'ai haï. Il m'a meurtrie, et je me suis jurée de lui faire endurer un jour mille souffrances, mille trépas. Il m'a fait échapper, au terme de cette nuit de cauchemar dans le repaire de Voldemort qui est aujourd'hui ma maison. Malgré tout je me suis jurée qu'il paierait, et que son sang coulerait au centuple de ce que le mien avait coulé. Il souffrirait.
Il a disparu plusieurs mois. J'ai continué à le haïr. Il a fini par revenir.
Et enfin je me suis retrouvée devant lui.
A ce moment précis, j'ai juste eut envie qu'il se traîne à mes pieds.
Rien d'autre.
Il a fini par le faire.
Et quand il l'a eu fait, je n'ai rien ressenti d'autre qu'un amour infini, aux limites de la folie. Ainsi que quelque chose qui ressemblait à de la gratitude.
La haine s'est retournée contre moi. Comment pouvais-je faire ces choses-là avec ce monstre, et en être heureuse ? C'est moi que j'ai commencé à haïr. J'étais au moins aussi monstrueuse que lui. Cet homme était le mal, la haine, le mépris, cet homme m'avait détestée, je me devais d'en faire de même. Ne serait-ce que pour ma propre survie…Car au fond, qui était-il ?
Mais la fièvre, la moiteur des nuits au 12, Square Grimmaurd m'avaient fait changer d'avis, tourner la tête, perdre l'esprit. Etais-je devenue folle ? C'était une question qui me torturait de moins en moins, à mesure que je me laissais faire par cet homme. Que ses mains allaient sur moi. A mesure que sa bouche étouffait les « non » dans la mienne. C'était comme ça…Si bon…Pourquoi s'arrêter ?
L'amour…
L'abandon. Le don de soi devenait une seconde nature, et bien souvent j'en fus terrorisée. Je finirais –nous finirions- par payer. Il ne réalisait pas les dangers…Pour lui, j'étais son ange, et rien ne pourrait changer cela.
La raison ne faisait pas partie de ce monde quand il était là, car quand il était là le monde se réduisait à lui. A ses paroles, à son souffle, à son sexe dans mon ventre en une vibrante caresse, à sa peau qui ressemblait à celle d'un enfant, à son regard brûlant en dépit de sa couleur glacée, à son cœur qu'il m'offrait avec une droiture, une franchise et une confiance presque arrogantes.
J'avais peur, je m'en voulais, je n'avais pas confiance en lui, en-dehors des murs de sa chambre. Que pouvait-il faire ? Tout serait ma faute, s'il arrivait quelque chose. Et s'il lui arrivait quelque chose…
J'ai dû partir de la maison des Black. Contrainte, j'étais déchirée de devoir faire cela. La clandestinité est cruelle, violente. Elle mène à des souffrances terribles.
La rentrée est arrivée et je crois que jamais je n'avais autant attendu de revenir à l'école. J'étais certaine qu'une fois là-bas, je le reverrais, qu'il y aurait davantage de possibilités…
Et j'avais raison. Je compris réellement ce que signifiait le mot « retrouvailles ».
Un jour, je dus quitter sa chambre d'auberge en compagnie de son fils. Nous étions dissimulés sous une cape d'invisibilité, et une fois engagés dans le passage secret qui nous ramenait au château, il se montra amer, provoquant, blessant. Il dit des choses terribles à propos de Lucius et moi, et je ne tardai pas à l'inciter à se taire, s'il ne voulait pas qu'on en vienne à se battre.
Il me dit qu'il n'avait aucune peur de moi, qu'il me battait en duel quand je le voulais. Je lui répondis qu'il ne s'agissait pas de duel, qu'il ne s'agissait plus d'un jeu. Que je ne plaisantais plus. Que je lui ferais du mal autant qu'il m'en avait fait, si je le décidais.
Nous sommes dans la vie réelle, ajoutai-je.
Il dépensait sa haine sans but précis, sans raison bien définie, outre celle que je sois d'un sang qu'il jugeait impur.
Réelle ?, demanda-t-il. Tu crois que mon père t'aime ?
Il y avait tellement de mépris dans sa voix…
Je sais que toi tu le hais, fis-je en m'arrêtant brusquement de marcher. Je sais que tu ne peux pas être objectif.
Il s'arrêta de marcher à son tour.
Oui, et toi tu ne semble pas trop le haïr ces derniers temps, répliqua-t-il.
Que pouvais-je répondre ? Il disait cela comme si c'était une faute. Et moi, il y avait bien longtemps que j'avais cessé de considérer son père comme une faute.
En effet…
(Drago, mon cœur, je le connais si différemment de toi…C'est une injustice, je sais. Cette haine que tu portes en toi, c'est lui qui en est à l'origine, et pourtant. Si tu savais à quel point je l'aime…Si tu savais à quel point il est habile à cacher, à dissimuler ce qui est beau, et à faire ressortir ce qui fait peur…Sauf à certains moments. Sauf à certains moments.)
Alors…Il se rapprocha. Pourquoi pas moi…, dit-il sur un ton de défi. Ses gestes étaient sûrs, mais ses yeux étaient perdus, remplis de larmes.
Je ne reculai pas d'un pouce, décidée à ne pas le laisser me dominer. Mais il fut trop rapide et avant que je réalise ce qui arrivait, il avait fondu sur mon visage, et ses mains serraient ma tête comme un étau, tirant mes cheveux. Son baiser rageur n'avait rien d'érotique, bien sûr, c'était davantage un cri de désespoir qu'un geste de mépris ou de haine. Il était mort de peur. Il recherchait autre chose que ma souffrance. De l'amour, de la considération.
Je ne le compris qu'après, bien après. J'étais furieuse, sur le moment. Je le repoussai, frissonnante de dégoût. La haine emplissait ses yeux, et il s'écria d'un ton féroce :
Tu regretteras tout cela, tu n'es qu'une garce, vous êtes dégoûtants, vous n'allez pas vous en tirer comme ça…
Il a disparu en courant dans le souterrain. Quelques jours plus tard, j'appris que Lucius avait été envoyé en mission, loin, bien trop loin de Pré-au-lard.
Je ne lui ai jamais dit ce qui c'était passé dans le souterrain, mais je sais qu'il s'en doute. Je veux dire qu'il s'est toujours méfié de son fils et de ce qu'il pouvait me faire.
Et il a toujours su qu'il était responsable de cet état de fait. Passons.
Aujourd'hui, tout ça n'a plus d'importance.
Je savais ce que Drago risquait et la situation critique dans laquelle le mettaient les choix de son père, et à travers ces choix, c'était ma faute qui ressortait, qui me hurlait au visage. A défaut d'avoir Lucius, Voldemort s'était contenté de sa femme, qu'il avait utilisée et ensuite détruite, et c'était une évidence qu'il rêvait d'en faire de même avec leur fils. Et le fils en question avait peur, il était plus perdu que jamais. Il aurait pu devenir incontrôlable, très mal tourner, choisir un chemin fait de haine.
Sur le conseil de Dumbledore, Harry s'est efforcé de lui tendre la main, d'instaurer une paix, d'apaiser cette tension devenue dérisoire, inutile devant la gravité de la situation, de ce qui l'attendait aussi.
Evidemment Drago l'a méprisée et rejetée, cette main tendue, et Harry était furieux. Je me souviens très bien de son expression quand il est rentré dans la salle commune, ce soir-là. Il était furieux. Il haïssait Dumbledore et ses idées stupides, il haïssait Drago et sa stupidité ancestrale, il détestait tout le monde. Mais il a fait de efforts, il a persévéré. Il était devenu quelqu'un de tenace, de mature aussi. Et en sachant ce qu'il aurait à accomplir un jour, c'était compréhensible. Je n'ose imaginer comment il pouvait gérer une telle pression.
Il n'a pas abandonné, cette fois. Il a de nouveau cherché à dégeler le caractère de Drago, et lentement, sûrement, cet effort a porté ses fruits.
J'étais moi-même prise par mes espoirs et mes inquiétudes et je jure que je ne soupçonnai quoi que ce soit avant de les découvrir un soir, dans les bras l'un de l'autre. Pas bouche à bouche, pas enlacés avec passion, mais avec une tendresse qui ne laissait aucun doute. Ils ne m'ont pas vue. J'ai doucement refermé la porte de la Salle sur Demande, et je suis partie. C'était quelques jours avant Halloween.
A partir de là, tout s'est précipité. Les évènements se sont enchaînés avec une vitesse stupéfiante, la violence a atteint des sommets terribles, puis Fudge a été assassiné. D'après les procès, on peut croire que c'est Voldemort lui-même qui l'a tué, car aucune preuve à ce jour ne permet de dire si un des mangemorts arrêtés a commis ou non le crime. Mais tant d'autres sont morts…
Et alors que Harry, enfermé dans la tour de Gryffondor, attendait que ce qui avait été prévu pour lui s'accomplisse enfin, moi, moi qui ne crois en rien qu'en la science et en moi-même, moi je priais. Pour tous, et pour Lui. Il était en bas, dans la forêt, et j'étais avec lui, et j'avais la certitude qu'avec lui mourrait aussi mon cœur, s'il périssait ce matin-là.
Puis Voldemort a été tué, et j'en fus terriblement heureuse. Heureuse que ce monstre soit mort, heureuse que Lucius soit vivant, et fière aussi qu'il ait été si impliqué dans la mort du Lord Noir.
Mais il a été jugé et banni, et pendant plus de six mois le seul contact que j'ai pu avoir avec lui fut le courrier. J'en étais folle. Son souffle, sa peau, son corps entier me manquait, même son regard glacé et ses sarcasmes. Les ragots me blessèrent un temps, puis me devinrent indifférents. J'ai tellement honte de dire que même sa méchanceté, ses morsures, son détachement me manquaient.
La honte…Il m'est arrivé, tant de fois, d'avoir honte dans ses bras. Honte de faire cela avec cet homme, honte de ce que je lui laissais me faire, et enfin honte de penser toutes ces choses, parce qu'il m'aimait, je le savais ! Il m'a aimée bien plus tôt que moi je ne l'ai aimé, bien plus fort aussi, bien avant que j'apprenne ce que c'était que d'aimer quelqu'un…Il m'a aimée le premier.
Le doute était mon second compagnon, et pourtant j'avais tant de preuves de son engagement…Il avait trahi, il s'était battu, il me jurait tout ce que je voulais. Et moi je ne voyais que sa part d'ombre, la plupart du temps.
L'espoir de le faire revenir au pays, lui, ne m'avait jamais quitté. Je travaillais avec acharnement à mes ASPICs mais l'envie de le rejoindre, où qu'il soit, ne me quittait jamais aussi.
La proposition du Ministère se confirma peu avant les examens, mais des rumeurs m'étaient déjà parvenues. J'en fus d'abord heureuse, flattée. Puis je fus consternée de cette chance qui d'un côté me retenait en Angleterre et me donnait les moyens de réaliser mes projets, mais de l'autre me demandait d'abandonner mes espoirs de retrouver Lucius.
Je ne trouvai une solution qu'après beaucoup de réflexion, de larmes, et un peu de négociation.
Le dernier jour à Poudlard, qui fut un déchirement pour certains, fut au contraire une délivrance pour moi. Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse en être ainsi.
J'avais, quelques temps auparavant, fait une demande de portoloin pour un certain domicile irlandais…Je le pris le soir-même.
La nuit fut difficile, il ne voulut pas comprendre, rien savoir, ce fut terrible. Il ne me resta plus qu'à repartir. Cette nuit-là fut longue, douloureuse, et je décidai au matin de tenter une dernière fois de lui faire entendre raison. Je transplanai.
Les horreurs que je le vis avec stupeur hurler à l'encontre d'un arbre, un simple saule pleureur, me glacèrent le sang, m'abattirent une nouvelle fois. Pourquoi, si près du but, de nous retrouver enfin, il gâchait tout…Tu es un imbécile, Lucius.
Alors je lui ai parlé avec mon cœur. J'allais le faire revenir, s'il le souhaitait. Je l'aimais. Mais je ne voulais pas qu'il se mette à décider à ma place, je ne voulais pas qu'il ait ce pouvoir, il en avait déjà assez comme ça sur moi. Je n'étais pas une Sang-de-bourbe. Je n'étais pas une garce. Je voulais qu'il me considère comme son égale, ou qu'il me laisse en paix.
Je lui ai dit tout ça.
Il m'a poussée vers l'arbre, lentement, avec un regard flou. Je l'ai laissé faire. Je ne me suis pas défendue car je n'avais pas l'intention de me battre. C'était fini. La guerre était finie et je ne voulais plus me battre. J'étais en paix.
Il a pris mes mains et a tendu mes bras en arrière, de sorte que j'étais comme attachée au tronc du saule, tout contre lui. Mes poings dans les siens, il les a pressés contre l'écorce, et je lui ai dit :
Fais ce que tu veux, mais si tu le fais maintenant, ce sera la dernière fois, mon amour.
Autour de nous, le jour se levait.
Il a embrassé ma joue, doucement. Rien d'autre.
Les yeux baissés.
Et il a juste dit…
Tout ce que tu voudras.
-III-
Tourner des pages
C'est une chose que je n'aurais jamais pu faire, du moins à cette époque : le défier, franchement et sans détours…
Longtemps, mon père m'a gâché la vie et je crois que ça continuera toujours un peu. Même lorsqu'il n'est pas présent, il est quelque part dans un coin de ma tête, toujours.
Elle, elle l'a fait. Elle l'a bravé. C'était une situation différente, une relation différente, mais elle l'a fait.
A cette époque-là (et même aujourd'hui), il me semblait impossible d'en faire de même. Faire comme elle.
Aller le voir, l'attraper par le col, et exiger son respect.
C'est un épisode qu'elle ne m'a jamais raconté, mais dont je soupçonne les détails de plus en plus clairement, au fil de ces longues conversations que nous avons, une fois par semaine, sur la tombe de ma mère.
Dans l'infinie sécheresse de son cœur, mon père considère la plupart des gens comme ses enfants, ses choses. Elle aussi.
Elle le sait. Ca la fait rire.
Il parle, il dicte, il ordonne, mais elle n'en a cure. C'est une personne étonnante.
Et je l'admire de cette capacité qu'elle a à s'accommoder de la façon d'aimer de mon père. Elle l'aime, et elle comprend que je le haïsse. C'est une chose étrange. Mais je sens que je me perds dans des sentiers bien trop obscurs…
J'ai du mal à concevoir qu'une fois de plus, mon père s'en soit sorti. Quand l'heure de l'exil a sonné, j'ai bien cru que c'en était vraiment fini, déjà étonné de cette sentence bien qu'il ait aidé Harry à tuer le Lord Noir…Je le croyais parti pour toujours.
Tu aurais dû le laisser crever seul en Irlande, ai-je un jour dit à ma jeune future belle-mère dans un moment d'exaspération, comme elle pleurait à sa décision que les Weasley n'assistent pas à leur mariage. C'est de là qu'ont commencé nos conversations. Elle m'a répondu, entre ses larmes : sais-tu que cela a failli arriver…
Et il s'en est sorti, encore une fois.
A Serpentard, nous nous en sortons toujours.
