9. Confiance aveugle.

o

o

o

o

o

Le faible bruit de sa baguette heurtant le sol résonna comme un coup de tambour aux oreilles de Harry. Il sentait une drôle de vague remonter le long de son bras droit, qui semblait devenir de plus en plus insensible.

"Dis-moi d'abord comment tu as passé le champ !"

L'homme tira sur son bras, le forçant à s'agenouiller et lui arrachant un cri de douleur.

"Je ne sais pas de quoi vous parlez." grogna Harry "Que me voulez vous, a la fin ?"

"Tu as vu mon visage !"

"Et alors…"

L'homme lâcha son bras et l'engourdissement disparut, Harry poussa un nouveau cri quand les sensation et la douleur revinrent. L'inconnu agrippa son visage d'une main, coinçant sa mâchoire entre son pouce et son index.

"Connais-tu seulement, jeune Harry, le poids de la malédiction ?"

L'homme tira sur son visage, imprimant à son cou une secousse douloureuse.

"Bien sûr que non, comment l'enfant béni pourrait-il savoir ?"

L'homme raffermit sa prise sur sa baguette, écartant celle de Harry d'un coup de pied. Harry tenta de se débattre, mais ses muscles étaient comme paralysés. Il sentit monter une vague de panique.

"Dis-moi seulement comment tu as passé ce foutu champ !"

Harry avait la gorge nouée par l'angoisse. Dumbledore, songea t'il, mais que faisait Dumbledore ?

"Dis-le moi !" rugit l'homme.

On pouvait donc se faire assassiner si facilement, dans ce fichu château ? Il se força à regarder l'homme dans les yeux.

"Même si je le disais, vous me tueriez." articula t'il.

Les mots résonnaient étrangement, peut-être était-ce du à sa mâchoire engourdie.

Il sentait déjà la baguette contre sa tempe.

"Arrête !"

La voix avait jaillit depuis la porte, derrière Harry. Dumbledore ? Non, la voix était trop jeune. Un élève, sans doute.

L'homme se rejeta en arrière, surpris.

"Recule !" siffla t'il.

Il attrapa le col de Harry pour le forcer à se redresser. Sans plus de résistance qu'une vulgaire marionnette, Harry fut remis sur ses pieds.

Un adolescent brun d'une quinzaine d'années se tenait dans l'encadrement de la porte. Son regard sombre était rivé le visage de l'homme. Un regard plein de colère.

"Qu'est ce que tu fais ici ?" murmura t'il.

Il fit un pas en avant, pénétrant dans le bureau.

Et lui, comment est-ce qu'il l'a passé, ce champ ?

Mais ça n'était pas la préoccupation de l'homme.

"Sors d'ici !"

Le garçon avança encore. La semelle de sa chaussure frôlant la baguette de Harry.

"Qu'est ce que tu fais ici, Otho ?"

Stupéfait, Harry vit la baguette glisser doucement sur le tapis.

"Je m'appelle Dran !" siffla l'homme "Et je t'ordonne de quitter cet endroit ! Je n'hésiterais pas à te tuer, et tu le sais !"

La baguette se rapprochait lentement de Harry.

"Je n'ai aucun ordre à recevoir de toi." répliqua froidement le garçon "Tu ne m'es rien, rien du tout !"

La baguette était tout près de lui, à présent, mais ce sort inconnu l'empêchait de bouger.

Seul son bras douloureux était libre.

"Qu'est ce que tu fais là ?" répéta la garçon.

Lentement, très lentement, Harry déplia les doigts de la main gauche, grimaçant alors qu'une pointe de douleur lui traversait l'épaule.

L'homme pointa sa baguette sur le garçon.

"Je ne le répéterais pas."

Sa main relâcha l'épaule de Harry, qui s'effondra comme une poupée de chiffon. Serrant les dents, il projeta son bras vers l'avant d'une secousse, et ses doigts douloureux se refermèrent sur sa baguette.

"Expelliarmus !"

Ce n'était pas lui qui avait crié. C'était une autre voix, une voix qui avait claqué comme un coup de fouet.

Dumbledore.

Cette fois, c'était bien lui.

Toujours immobilisé, Harry vit le Dumbledore pointer de nouveau sa baguette sur l'inconnu depuis le seuil. Peut-être que ce fameux champ l'empêchait de passer.

"Eloignez-vous de ce garçon." gronda Dumbledore.

L'espace d'une seconde, l'homme sembla obéir. Il fit un pas de côté. Vers sa baguette qui avait roulé à terre, réalisa brusquement Harry.

Il tendit son bras blessé au moment où l'homme se pencha d'un mouvement rapide, presque imperceptible.

"Accio baguette !" hurla t'il.

Docile, la baguette de bois sombre roula jusqu'à lui.

L'homme resta figé un instant, son regard allant de Harry toujours au sol, à Dumbledore devant la porte.

Puis il disparu.

o

o

o

La torpeur qui avait envahit Harry se dissipa aussitôt, et la douleur de son bras sembla se décupler. Il eut vaguement conscience de Dumbledore qui se ruait à ses côté, les lueurs autours de lui se faisant de plus en plus diffuses.

Puis il se souvint de quelque chose.

"Professeur… Professeur !"

"Qu'est ce qu'il y a, Harry ?"

"Le… Le garçon… Il va bien ?"

Le visage flou de Dumbledore se pencha sur lui, Harry cligna des yeux, tentant d'en distinguer les contours.

"Quel garçon ?"

"Celui qui était là… Celui qui m'a aidé…"

"Harry… Harry, il n'y a personne…"

"Mais si…"

Dans un sursaut d'énergie, Harry se redressa sur son bras valide. Le tourbillon de couleurs ambiant commençait à lui donner la nausée. Se concentrant, il tenta de distinguer la porte.

Mais il ne vit personne.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

"Andrew Bergsten n'est pas arrivé en retard, ce matin-là."

Fronçant un sourcil, Danny Gilberton repoussa son sandwich œuf-tomates-fromage, grande spécialité du service restauration.

"Bergsten ? Le type de l'incendie ?"

Rains eut un rictus.

"Oui, Danny, le type de l'incendie. C'est le premier incendie criminel que tu vois en sept ans, tu ne vas pas me faire croire que t'as déjà oublié ?"

Danny haussa les épaules et reprit son sandwich.

"Alors, comme ça, chef, il n'était pas en retard ?"

"Ouais, c'est exact."

"Alors qu'il est arrivé plus d'une heure trente après l'heure habituelle ?"

"Il n'est pas arrivé à neuf heures, Danny."

Danny poussa un soupir résigné et reposa son sandwich sur le bureau.

"O.K., chef, crachez le morceau."

Rains eut un sourire en coin.

"Bergsten à bien garé son auto dans le parking souterrain de l'usine à huit heures quinze précise."

"Comment vous le savez ?"

"Par l'employé technique, je l'ai vu cet après-midi."

Danny fronça les sourcils.

"Et pourquoi il n'a pas parlé plus tôt ?"

Le sourire de Rains se fit plus sarcastique.

"Il était en France."

"En France ?"

"Un congé spécial de presque trois semaines."

"Pour un employé technique ? Ca parait bizarre."

"Ouais, et tu sais ce qui est encore plus bizarre, Gilberton ? Un type qui se gare dans un parking à huit heures et quart et qui n'en sort qu'a neuf heures, et complètement flippé, avec ça."

"Il a peut-être surpris sa femme avec son copain Steeve McPhéon." glissa Danny.

"T'es pas drôle, Gilberton. Qu'est ce qu'il a bien pu foutre pendant trois quarts d'heures dans ce parking… Et ne me sors pas qu'il se tapait la femme de McPhéon."

"Il fait avouer qu'elle n'est pas mal du tout, elle était présente quand j'ai été…" il s'interrompit brusquement "Chef…"

"Quoi ?"

"Bergsten avait demandé qu'on pointe pour lui…"

"Oui, Danny, je sais !"

"Non, je veux dire, et si c'était… Et si c'était parce qu'il ne voulait pas qu'on sache qu'il quittait l'usine ?"

"Tu veux dire, si ce qu'il s'est passé en bas avait un rapport avec Gespenst ?"

Danny acquiesça en silence, et Rains resta pensif.

"C'est drôle, personne ne s'est posé de questions sur cette usine, jusqu'à maintenant… Ca ne te paraît pas étrange, à toi ?"

Il revint brusquement à la réalité.

"Très bien, tu files au standard et tu réquisitionne un téléphone. Appelle qui tu voudras, mais trouve-moi tout ce qu'il y a à savoir sur le groupe Gespenst."

Danny se retint de gémir à voix haute.

"Moi, je vais voir McPhéon. Et je suis prêt à parier que sa femme est moins bien que la mienne."

"Alors là, mon pote, tu rêve…" murmura Danny.

"J'ai entendu, Gilberton !" lança Rains alors qu'il quittait le bureau au pas de course, abandonnant Danny qui lança un dernier regard malheureux à son sandwich entamé.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

Les lueurs douces d'une aube d'automne effleurèrent ses paupières brûlantes. Avec un grognement, James remua doucement la tête ; sa grimace alors que le mouvement réveillait la douleur dans son cou.

Il s'était endormi dans le fauteuil, aux petites heures du matin, l'article fatidique bien en évidence sur ses genoux.

Sirius, son ami…

Il avait retourné les mots et les phrases dans sa tête tout la nuit, cherchant une explication, cherchant les contradictions, cherchant l'erreur

Sirius Black, l'assassin…

Celle qui lui prouverait que l'article était bidon, que tout ça n'était qu'un gigantesque malentendu, un coup de pub monumental…

Mais rien.

Tout était logique, tout collait, un gardien du secret qui trahi pour la jouissance du pouvoir, un type qui vend son âme comme tant d'autres avant lui, un petit garçon orphelin, puis la mort de celui qui, animé par la vengeance, revient une dernière fois à la charge.

Tout se tenait, il avait lu des dizaines d'histoires comme celle-là, sauf que…

Sauf que là, c'était Sirius.

Et James sentait qu'il perdait pied.

Sa propre mort des mains de son meilleur ami, son fils qui semblait avoir traverser l'enfer avant même d'avoir atteint sa quinzième année, quels autres coups de pute lui réservait-on encore ?

Trois coups, égaux et précis, furent soudainement frappés contre la porte. James fit un bond dans son fauteuil.

"Oui ?"

La porte s'ouvrit avec une lenteur qui lui parut presque calculée. James reconnut aussitôt la silhouette qui apparut sur le seuil. Les longs bras maigres, le front dégarni, les cheveux sombres.

Goldstein.

"Que voulez-vous donc qui ne puisse attendre le petit déjeuner ?"grinça James, bien trop fatigué pas sa nuit blanche pour se soucier d'être poli.

Sans répondre, Goldstein le contourna d'un pas mesuré et vint se placer devant lui, coulant un regard au journal toujours ouvert sur ses genoux.

"Alors comme ça, vous vous intéresser à l'affaire Sirius Black ?" il sourit brièvement "Un beau salaud, celui-là, balancer son meilleur ami… Si j'était à la place du gamin Potter, je voudrais sa peau…"

D'un geste brusque, James expédia le journal sur son lit.

"Mais vous n'êtes pas à la place de Harry, alors qu'est ce que vous voulez ?"

Goldstein perdit son sourire.

"Vous poser quelques questions sur les événements qui se sont déroulés hier soir, Mr Grahams…"

"Les événements qui…"

"…Dans votre bureau."

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

"D'après ce que j'ai entendu," disait Hermione "et je peux te jurer que cette histoire a fait le tour de l'école, c'est une élève qui a été prévenir Dumbledore."

Avec des gestes malhabiles, Harry tenta de se redresser sur le lit blanc en évitant de déplacer son bras bandé.

"Une élève ?"

"Oui." confirma Ron "Une première année de Gryffondor. Elle a entendu des cris et elle a été trouver des professeurs."

George hocha la tête.

"Heureusement qu'elle passait pas là."

Harry fronça les sourcils.

"Il n'y avait pas quelqu'un d'autre ?"

"Quelqu'un d'autre ?" s'étonna Hermione.

"Oui, un garçon… De notre âge, à peu près, peut-être plus vieux… Je l'ai vu hier soir."

"Tu es sûr ?"

"Oui, il a parlé au type qui m'a attaqué, il avait l'air de le connaître."

"Un élève ?" s'enquit Fred.

Harry haussa les épaules en signe d'ignorance.

"En tous cas, pas à Gryffondor."

Ron lui lança un regard sceptique et Harry haussa de nouveau les épaules.

Un bruissement soyeux se fit soudainement entendre derrière Hermione et les rideaux qui entouraient le lit de Harry s'écartèrent pour révéler le visage de Mme Pomfresh.

"Potter," dit-elle "si vous sentez en forme, le directeur est ici, il souhaiterais vous parler."

"Bien sûr." répondit Harry.

Et le rideau s'écarta plus largement pour laisser passer le professeur Dumbledore.

"Bonjour, jeunes gens." sourit-il.

Hermione commençait à rassembler ses affaires.

"Vous voulez peut-être que nous…"

"Oh, je vous en prie, Miss Granger, restez. Je suis sûr que Harry ne révélera rien que vous ne sachiez déjà."

Hermione se rassit, hésitante.

"Vous avez retrouvé cet homme, professeur ?" demanda Harry.

Dumbledore les dévisagea calmement, l'un après l'autre, avant de se décider à répondre.

"Non, Harry, nous ne l'avons pas trouvé. Le château et les bois ont été fouillés, en vain. Je voudrais que… Je voudrais que tu me racontes en détail ce qu'il s'est passé hier soir."

Bien sûr, songea Harry. Cette scène devenait de plus en plus familière, à mesure que le temps passait.

Docile, il résuma pour la seconde fois les événements de la soirée précédente, le bureau en désordre, la silhouette sombre, le mystérieux garçon…

"Et cet homme a dit… Il disait qu'il devait me tuer parce que j'avais vu son visage, il a parlé d'une malédiction."

"Une malédiction ?" releva Dumbledore.

Harry confirma d'un signe de tête.

"Les malédiction existent vraiment ?" s'étonna Ron "Je croyait que ce n'était que des croyances…"

Dumbledore eut un bref sourire.

"Il est fréquent que les croyances ait un fond de vérité. Les malédictions existent réellement. Ou, du moins, elles ont réellement existé, mais elles sont très anciennes, alors la plupart des personnes, races ou familles concernées sont éteintes. Mais quelques unes semblent avoir perduré."

"Alors… Cet homme était un maudit ?" murmura Hermione.

"Il semblerait, oui."

Harry fronça les sourcils.

"Mais j'ai vu son visage… Et il ne m'a pas tué. Alors, que va t'il arriver, maintenant ?"

"Je l'ignore." répondit Dumbledore d'un ton calme "Il nous faudrait connaître la nature de la malédiction pour pouvoir le prévoir. Mais ne t'inquiète pas, Harry, tu ne risque rien, cette force ne concerne que lui."

o

o

o

"Tu ne risque rien, Harry" grogna Fred après le départ de Dumbledore "Il en a de bonnes ! Et si ce type tente à nouveau de l'attaquer ?"

"Je ne pense pas qu'il puisse se glisser une deuxième fois dans Poudlard sans se faire attraper." Objecta Hermione.

"Et pourquoi pas ? Il a bien réussi la première !"

"Oui, mais là, Dumbledore sera sur ses gardes."

"C'est quand même étrange…" intervint Harry.

Il fit un bref signe de tête en direction du dernier lit, au fond de l'infirmerie.

"Notre blessé amnésique ?" s'enquit Ron.

Hermione lui donna un coup de coude, puis porta un doigt à ses lèvres.

"Quoi ?" chuchota Ron "Il ne peut pas nous entendre, d'ici…"

"Non, je veux dire," continuait Harry "tous ces événements, depuis quelques semaines… Cet homme, cette drôle de chose, dans la forêt, et maintenant…"

Ron fronça les sourcils.

"Et moi, vous savez ce que je trouve bizarre ?" il coula un regard en biais à Hermione "Que ce type qui a agressé Harry se soit trouver dans le bureau de Grahams."

Harry eut un sursaut.

"Quoi, tu crois que Grahams cache quelque chose ?" souffla t'il "Il a pourtant l'air… Je ne sais pas, on dirait qu'on peut lui faire confiance…"

"Les professeurs de défenses contre les forces du mal cachent toujours quelque chose." rappela Fred d'une voix sentencieuse.

"Et c'était son bureau." répéta Ron.

o

o

o

Non loin de là, en partie dissimulé par l'imposante armoire ancienne, quelqu'un d'autre observait l'échange.

Il distinguait le pâle visage de Potter, qui une fois de plus jouait les revenants-de-guerre.

Pas de chance pour lui, il y avait des combats qui n'en finissaient jamais.

Le garçon et la fille finirent par quitter l'infirmerie pour retourner en cours. Les jumeaux suivirent.

Sans bouger de sa cachette, Matt observait Harry Potter.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

Le soleil se lève et se couche, sur la forêt interdite, baignant les arbres d'une ombre rouge sang. Contournant les troncs plus sombres que la nuit, l'animal galope aussi vite qu'il le peut.

Il ignore sa destination, il ne va nulle part, il fuit.

Il fuit le mal qui rode et qui dévore, il fuit l'esprit qui possède et qui pervertit, il fuit la création.

Mais ce mal est partout, il n'a aucune chance.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

Il voyait. Il voyait un ciel clair de plein été, il voyait un soleil de septembre, il voyait les flammes dans les cheminées d'hiver, il la voyait, elle, avec sa chevelure de printemps.

Les images ne lui appartenait pas, pourtant elles étaient familières. Il entendait rire, il entendait pleurer, il sentait la peur et l'amour et la joie, il sentait la colère.

Il sentait la vie, lui qui ne vivait que de moins en moins.

Des milliers d'éclats de lumière scintillèrent comme du cristal qui se brise, et il vit de nouveau.

…Tu le sais, comment je m'appelle… Un rire joyeux, un rire d'enfant…

Il vit l'herbe douce et les arbres qui montaient dans ce ciel de plein été, il vit la balançoire, comme celles qui décorent les livres d'enfants.

Il vit l'enfant.

Il la voyait pour la première fois, c'était une enfant inconnue. Pourtant dans son visage il en devinait un autre, un plus jeune, avec des cheveux blonds comme des plumes et un grand sourire qui découvrait des gencives nues.

Les deux regards se levèrent sur lui en même temps, semblables, confondus. Et les mains se tendirent.

"Pousse-moi jusqu'au ciel…"

Ce n'était pas une voix mais des milliers. Comme les éclats de cristal.

Il arrête la balançoire à deux mains, une de chaque côté de la petite fille.

"Comment tu t'appelles ?"

Et elle se met à rire.

"Tu le sais, comment je m'appelle…"

Et les voix l'envahissent de nouveau et riantes et chantantes.

"Pousse-moi jusqu'au ciel…"

Et il obéit. Il pousse doucement la balançoire, parce que c'est une toute petite fille. Mais elle semble si légère ! Elle vole comme le vent vers le soleil.

"Encore ! Plus haut ! Plus haut !"

Et il se met à rire avec elle, comme s'il volait, lui aussi…

FLASH…

"Chérie, tu as laissé quelque chose sur le feu ?"

Puis un éclat de lumière… Puis la chaleur aveuglante… Puis les flammes qui rongent et dévorent…

o

o

o

"NON !"

Il se redressa brutalement sur le lit, entraînant couvertures et oreillers. Son front sur ses genoux, il s'efforçait de reprendre sa respiration, mais son souffle était douloureux dans sa gorges brûlante.

Mais la douleur la plus forte, elle est à l'intérieur. Pour quoi ou pour qui, il l'ignore. Mais la peur et la colère ravagent ses tripes aussi sûrement que les flammes.

De l'eau… De l'eau… Il tend un bras aveugle vers la tables de nuit, et ses doigts frôlent le verre.

Vide.

Et lui n'a pas la force de bouger, et son propre souffle l'étouffe.

De l'eau…

"C'est ça, que vous voulez ?"

Dans un ultime effort, il redresse le front. Devant lui, un adolescent pieds nus en pyjama bleu pâle, aux regard vert familier, lui tend un verre de la main gauche.

S'il en avait encore été capable, Andy aurait presque sourit.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

Plus vite… Plus loin…

Ses pattes douces frappent le sol et l'entraîne. Il s'épuise, il faiblit. Son pelage roux se ternit déjà dans l'obscurité.

Pour la première fois peut-être, il est la proie.

Pas un gémissement ne lui échappe quand le prédateur le rattrape. Quand le rouge du sang envahit le blanc de ses yeux.

Et l'âme de la forêt est seul témoin de ce drame silencieux.

o

o

o

ooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

o

o

o

Il devait déjà être là depuis un moment quand James sentit sa présence. Avec un froncement de sourcils, il releva le nez des copies de sixièmes années qu'il corrigeait.

" Oui ? "

C'était Harry. Il se tenait appuyé contre la porte, les mains enfoncés dans les poches de son jean trop grand, son regard implacable rivé sur lui.

" Oui ? ", répéta James, bêtement.

Pour une raison inconnue, le garçon ne portait pas ses lunettes. James sentit la lame empoisonnée des regrets lui transpercer le ventre alors qu'il plongeait dans ces yeux verts, à la fois si familiers et si mystérieux.

" J'ignore qui vous êtes. ", commença Harry d'une voix calme.

Glacé par cette entrée en matière, James ne souffla pas mot.

" Mais je sais que vous n'êtes pas celui que vous prétendez. "

Harry fit un pas en avant.

" Je ne viens pas vous demander des comptes. ", ajouta t'il sans le quitter des yeux.

Des yeux intenses, presque brûlants ; des yeux qui ne souffraient pas le mensonge, l'hypocrisie, ni la trahison.

" Vraiment ? ", coassa James.

Harry lui semblait soudainement immense, ou alors c'était lui qui se sentait minuscule. L'adolescent qu'il croyait commencer à connaître était devenu quelqu'un d'autre le temps d'un battement de cœur. Son fils lui semblait à la fois lointain, étranger ; mais aussi, d'une manière qu'il ne pouvait expliquer, magnifique.

" Oui. "

Il ressemblait à un roi.

" Ce n'est pas parce que vous dissimulez votre véritable identité que vous avez de mauvaise intentions. ", il eut un petit rire, " Moi, si je pouvais changer de tête… ", il regardait de nouveau James, " Mais rien ne me prouve non plus que vous êtes quelqu'un de bien. "

Il se tut. James attendit, quelque chose lui disait qu'il n'avait pas fini.

" J'ai l'intention de le découvrir. "

" Quoi ? "

" Qui vous êtes. Je voulais juste vous mettre au courant. "

Il fit un pas en arrière, il en avait terminé. A James maintenant de clore la discussion.

James observa cet étrange enfant, son fils. Peut-être était-ce l'obscurité, peut-être était-ce son regard nu, mais Harry semblait comme venu d'un autre monde, un ange tombé du ciel.

Notre petit garçon est un ange, maintenant, n'est-ce pas James ?

Quelque chose de bien plus puissant que les regrets lui envahit le cœur, lui coupant presque le souffle.

Devant la porte, Harry attendait toujours.

Dis, est-ce que c'est un ange ?

" Eh bien, me voilà prévenu. ", dit simplement James.

Et, brisant au prix d'un ultime effort l'emprise du regard vert, il détourna la tête et se replongea dans ses copies.

o

o

o

oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo