Réponses aux reviews :

Chris : contente que tu aimes, voilà le chapitre suivant.

Allima : Une mémé devant un feuilleton policier ? mdr ! Merci pour tes reviews.

SamaraXX : Oui, bon, je suis désolée. Vraiment, vraiment désolée. Mais, hélas, j'ai aussi une vie privée, et ses temps-ci elle prend des proportions effrayantes.

Louloute2 : Non, je n'ai pas laissé tombé la fic (quand même), même si je comprend qu'on puisse se poser des questions quand on voit que le dernier chap remonte au … 17 novembre ? (il doit y avoir une erreur…)

Alinemcb54 : merci !

Fanny44 : très bientôt, je ne crois pas, mais voilà la suite.

Beru ou bloub : Deux Harry ? Drôle d'idée. Et d'où viendrait le deuxième ? (puisque l'autre est mort). Non, d'ailleurs, Harry (le seul), a vu la personne qui a débarqué dans la salle, si ça avait été lui-même il « se » serait reconnu. Tu devrais comprendre avec ce chap de qui il s'agissait.

Alana chantelune : « je ne pige rien à ton histoire », c'est quelque chose qu'on me dit souvent.

Watterlily : Désolée pour le délai, encore une fois. Merci pour ta (longue) review (plus elles sont longue, mieux c'est). La scène de la rencontre Sirius-James devrait arriver avant celle où Harry apprend la vérité, sauf que la confrontation devrait être un peu faussée, puisque James n'est pas James (ben oui, c'est John Grahams).

Encore merci.

Andromède : Bon, alors cette fois je te préviens d'abord : je suis toujours vivante ! Sinon, je ne peux que m'excuser (encore et toujours) pour le loooooooong délai entre les deux derniers chapitre. Et je peux toujours essayer de promettre que pour la suite, ça ira plus vite.

Merci de continuer à me lire malgré tout.

Merci aussi à Elsa, Ryatt, Leila, Jamesie-cass, helene, lyceia art, Princesse magique,

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10. Zones d'ombre.

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Foutu gamin ! que les ténèbres le pendent !

Dran serrait les poings si fort qu'il sentait la chaleur acide du sang se glisser sous ses ongles. Et la sensation n'avait franchement rien de réconfortant.

Seigneur, comme si les choses n'avaient pas déjà été si tordues, voilà qu'en plus il venait de faire d'un môme de quinze ans son ennemi mortel.

Et pas n'importe quel môme de quinze ans, en plus.

"Otho ?"

Il frémit de dégoût au son de la voix. Une voix jeune, vaguement insolente et pleine d'une colère froide, sans peur. Tout ce qui pouvait le mettre hors de lui.

"Dégage.", siffla t'il sans même lui accorder un regard.

En méritait-il seulement un, ce foutu bâtard ? Après tout, il n'avait même pas de Nom, alors allez savoir s'il existait réellement.

"Pas question."

Il croisa un regard sombre. Le visage lui était étranger, c'était celui d'une idiote insipide dont le souvenir, si jamais il y en avait eut, était depuis longtemps effacé. Mais pas le regard.

"Si tu ne rentres pas tout seul comme un bon garçon, c'est moi qui vais te faire dégager de là !"

L'adolescent ne bougea pas d'un pouce. Comment s'appelait-il, déjà ? De quel prénom stupide l'avait-elle affublé ?

"Je fais ce que je veux, Otho."

Vraiment ? songea t'il. Tu le crois sincèrement ? Tu crois que je ne peux pas te tuer d'un simple geste de la main ? Et une mort atroce, en plus.

Et cette façon qu'il avait de l'appeler Otho à tout bout de champ… Savait-il seulement ce que ce nom signifiait ?

Il se contenta de le regarder. Lui et ses yeux noirs. Sa croix, une malédiction presque pire que l'autre.

Matthias. C'est comme ça qu'elle l'avait appelé.

"Pourquoi es-tu revenu ?", demanda le garçon.

Dran eut un rictus.

"Désolé. Tu n'auras pas ce privilège. Si je dois faire des confidences, je choisirais quelqu'un qui a plus de valeur que tu n'en auras jamais."

Le visage blanc vira au rouge brique. Vexé, bonhomme ?

"Toi…" siffla t'il. "Toi tu n'en a aucune. Tu ne vaux pas plus qu'un tas de pourriture."

Dran haussa les épaules.

"Si tu veux."

Il tourna les talons.

"Est-ce que tu vas le tuer ?", lança le garçon derrière lui.

Il s'immobilisa.

"Il le faudra bien. Quoi, tu crois donc que je n'ai jamais tué personne ? Tu peux faire confiance à ta mère, le môme, tout ce qu'elle déblatère sur mon compte est bel et bien vrai."

"Et tu crois que tu peux y arriver ? Tu as bien vu qui c'était, non ? Ton seigneur des ténèbres lui-même s'y est cassé les dents."

"Ce n'est pas mon seigneur des ténèbres.", grogna Dran. "Et toi, tu ferais bien de te mêler de ce qui te regardes, je ne serais pas toujours aussi tolérant devant tes idioties, gamin, tu m'entends ?"

Le môme releva le menton et Dran se retint d'éclater de rire. Qui cherchait-il à impressionner, les papillons de nuit ?

Il se pencha et agrippa le col de son pull-over, laissant ses doigts glacés entrer en contact avec la peau de son cou. Il vit avec satisfaction une grimace de dégoût se dessiner sur le visage clair.

"Regarde-moi bien, petit crétin. Je ne plaisante pas. Ne t'occupes pas des affaires des autres, parce que si personne ne te tue, je viendrais t'égorger moi-même."

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Harry se glissa dans la bibliothèque le plus silencieusement possible. Hermione et Ron étaient toujours là, Hermione plongée dans un épais volume et Ron à demi endormi sur sa chaise.

"Alors, quelque chose ?" souffla t'il.

Hermione acquiesça. Elle referma son livre dans un claquement et Ron eut un sursaut.

"Qu'est ce qu'il se passe ?", marmonna t'il en clignant des yeux.

Hermione l'ignora et se tourna vers Harry.

"J'ai trouvé quelque chose, mais je ne sais pas du tout… ce que ça veut dire."

Harry fronça les sourcils et se tourna vers Ron, qui haussa les épaules en baillant.

"Oh, je ne sais pas du tout de quoi elle parle." l'informa t'il. "Comme d'habitude. Au fait, où étais-tu passé ?"

Mais Harry ignora la question.

"Qu'est ce que tu as trouvé ?", demanda t'il à Hermione.

La jeune fille fit pivoter le livre et le poussa dans leur direction. Ron, dans un effort surhumain pour témoigner un minimum d'intérêt, se pencha en avant.

Hermione posa son index sur une gravure en haut de la page de droite. Elle représentait un homme, ou plutôt une créature qui avait une forme vaguement humaine. Les bras écartés et la tête rejetée en arrière, l'être semblait offrir un part de lui-même à… Quelque chose. Une ombre obscure, qui elle n'avait rien d'humain.

"Mais qu'est ce que c'est que ce truc ?" grogna Ron. "Et quel est le rapport avec Harry ?"

"Vous allez comprendre. Ce truc c'est l'esprit noir.", répondit Hermione.

"L'esprit noir ?", répéta Ron. "Et c'est quoi, un esprit noir ?"

"D'après ce bouquin," elle posa devant eux un livre à la couverture rouge qui évoquait un dictionnaire. "il s'agit d'un résidu magique."

"Un spélotom ?" fit Harry.

Cette ombre sinistre lui semblait autrement plus menaçante que les drôles de créatures qui hantaient la volière de Hagrid.

"C'est ce que je me suis dit aussi." répondit Hermione. "Mais il ne s'agit pas de cela. En fait, l'esprit noir provient d'une mauvaise magie."

"La magie noire.", déduisit Ron.

"Eux ils disent la magie contre nature.", corrigea Hermione en désignant le dictionnaire.

"Et ce n'est pas de la magie noire ?"

Elle haussa les épaules en signe d'ignorance.

"Vous savez," risqua Harry. "si ce genre de… truc apparaissait à chaque fois que quelqu'un fait de la magie noire, les mangemorts n'en useraient pas autant…"

"C'est vrai." approuva Ron. "Imaginez qu'une telle bestiole se pointe à chaque marque des ténèbres…"

"A moins que ce ne soit inoffensif." dit Hermione. "Je n'ai pas trouvé grand chose sur le sujet, de toutes façons. Peut-être que si j'avais eu un peu d'aide…"

Elle jeta un regard féroce en direction de Ron.

"Tu dis toujours que je fais tout de travers." répliqua t'il sans s'émouvoir. "Et puis quel est le rapport entre ce truc et Harry ? Tu ne nous l'a toujours pas dit."

"Regardez la légende.", dit-elle simplement.

Harry se pencha en avant. Les lettres étaient si petites que son nez effleurait presque la page quand il parvint à déchiffrer les mots.

Il se redressa et dévisagea Hermione, stupéfait.

"Mais qu'est ce qui est écrit ?" s'impatienta Ron.

Il repoussa le bras de Harry pour s'emparer du livre.

"Qu'est ce que… Je n'y comprends rien… La damnation de… De qui ?"

"La damnation d'Otho.", laissa tomber Harry.

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Jusqu'à ce soir de septembre…

James courait à toute vitesse, remontant la plaine, ses poumons en feu. Il sentait dans son dos la chaleur des flammes qui dévoraient les ruines. En contrebas, derrière la colline, il distinguait le fragile sommet d'une tente de toile, centre du camp des réfugiés.

Jusqu'à ce soir de septembre…

Il entendait les cris monter de part et d'autre, qui s'unissaient pour ne plus former qu'une unique clameur. Non loin de lui, il distinguait la silhouette de Sirius qui remontait en parallèle, le long de la falaise, dans le hurlement du vent. Il lui cria quelque chose, mais ses mots se perdirent dans le vacarme.

Jusqu'à ce soir de septembre…

Tout allait encore bien le matin même, en fait tout allait encore bien jusqu'à cet instant, cette ultime seconde, ce qui serait marqué jusqu'à la fin de sa vie comme le point de rupture

Il aperçu la forme sombre de Maugrey au bout de l'étendue grise. L'expression sur son visage était claire, et dans son regard sinistres : plus rien à faire.

« Où sont passés les autres ? » souffla Sirius d'une voix rauque.

Maugrey haussa les épaules. De près, James remarqua que le devant de son uniforme était tâché de rouge et que ses lèvres saignaient abondamment.

« Les femmes et les enfants sont toujours sous la tente, quand aux hommes… »

Nouvel haussement d'épaule, mais cette fois il crispait les poings si fort que ses phalanges étaient blanches.

« La plupart des blessés encore en état de se déplacer ont rejoint le campement. », conclut-il simplement.

Sirius se tourna vers le village dévasté, essuyant d'un revers de manche le sang qui coulait de son front. James s'apprêtait à parler, dire quelque chose, n'importe quoi, prononcer un mot qui crèverait la bulle de rage et d'angoisse qui avait envahit son cœur. Et puis..

L'ultime seconde, l'ultime, la fin la fin la fin la…

Il vit la forme vague de Lily qui les rejoignait au pas de course, sa robe grise et ses cheveux roux formant des voiles derrière elle. Une brève seconde, James se dit qu'elle ressemblait à cette journée, à cette bataille ; le rouge des flammes contre le gris de la peur et de la mort.

Sans comprendre pourquoi, il sentit la terreur lui nouer le ventre, comme si quelqu'un venait de déposer une chape de plomb sur ses épaules. Son cœur chuta comme une pierre pour rejoindre le bas de la falaise, comme ce mangemort que Sirius avait précipité dans les vagues une heure plus tôt.

« James ? »

La voix. La voix ne collait pas. Ce n'était pas la voix de Lily ; d'ailleurs, cette étrange apparition ne ressemblait plus du tout à Lily, dans le brouillard de larmes qui obscurcissait sa vision. Non, se dit-il, ce n'est qu'une étrangère, ce n'est qu'une étrangère et je ne veux pas entendre ce qu'elle a à dire.

La fin la fin la fin la…

Je ne veux pas savoir.

« Lily ? » s'étonna Sirius.

Et elle fut devant eux, les yeux rougis par les larmes et les joues plus blanche que la pierre des landes froides.

« Qu'est ce qu'il se passe ? » pressa Sirius. « Le camp a été attaqué ? »

Elle secoua la tête, ses épaules tremblantes. James crispa les poings aussi fort que Maugrey, les élancement qui montèrent de ses paumes lui parurent presque agréable ; presque, parce qu'il avait le brusque sentiment que jamais plus rien ne lui semblerait vraiment agréable.

« C'est Harry… », hoqueta Lily, et James serra les poings encore plus fort, si fort que le sang chaud envahit ses ongles. « C'est Harry… Oh, je n'arrive plus à le retrouver… »

Et elle s'effondra.

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James ne quitta pas Harry du regard. Pas une seule seconde, pendant tout le temps que dura le cours des cinquième années. L'heure précédente - qui l'avait vu, une fois encore, livré aux mains des sixièmes années de Serpentard - avait été, comme d'habitude, un pur cauchemar. La rage qu'il ressentait à l'égard de Michael Range et Matthias Claw était toujours bien vivace. Pourtant, ce cours-là, avec ces gamins calmes et attentifs, lui parut encore plus difficile.

Peut-être était-ce la scène de la nuit dernière qui lui laissait ce goût amer dans la bouche, ou peut-être était-ce simplement parce que le garçon sortait à peine de l'infirmerie, après mésaventure plutôt éprouvante ; mais l'angoisse lui nouait les tripes.

"Bon, en voilà assez pour la théorie. Je crois qu'il est temps de passer aux travaux pratiques."

Il se leva et contourna le bureau, se plaçant face à la classe. Aucun danger, ces adolescents-là ne faisaient brûler leurs tables - pas à sa connaissance.

Il fit disparaître d'un coup de baguette le drap qui recouvrait la cage et le visage de Neville Londubat, qui avait déjà amorcé une grimace aux mots "travaux pratiques", s'affaissa d'avantage.

"Je voudrais un volontaire, pour commencer."

Personne ne fit le moindre geste - ces jeunes gens avaient un confiance éperdue en leur professeur, c'était visible ! - et le regard de James revint presque automatiquement vers Harry. Ils savaient tous deux qui finirait par lever la main.

"Vous y passerez tous." ajouta t'il, avec l'impression d'être un boucher devant le troupeau destiné à l'abattoir. "Il faut bien un premier, allez !"

Le regard vert ne le lâchait pas. James eut le sentiment que le garçon se serait déjà désigné depuis un bon moment s'il n'y avait eu la scène de la veille. Au lieu de cela, il le dévisageait, le jaugeait ; cherchant - quoi ? La faille, le point limite ? - peut-être une explication.

"Quoi, personne ?"

Au dernier instant, il douta. Il baissa les yeux vers la liste, prêt à désigner le premier "volontaire", et sentit Neville se crisper sur sa chaise.

"Moi, Professeur." lança une voix claire, près de la fenêtre.

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Une demi-heure plus tard, les élèves quittèrent la salle un à un, tous étaient encore en vie - un fait sur lequel Neville Londubat semblait avoir eu de sérieux doutes - et ils avaient rapporté au total trente points à Gryffondor, Hermione Granger ayant fait à elle seule la moitié du travail.

Et bientôt, il ne resta d'ailleurs plus qu'Hermione Granger dans la classe. James prit une profonde inspiration, quoi, encore une inquisition sur les potentiels sujets de BUSE ?

Il se tourna presque instinctivement vers la porte, mais cette fois, ni Harry ni Ron Weasley n'attendait la jeune fille, à croire que la galanterie était définitivement une valeur perdue. Sans qu'il ne sache trop pourquoi, le visage souriant de Jenny apparut brièvement devant ses yeux.

Mais il la chassa et se tourna vers Hermione. Hermione qui lui tendait un livre. Son livre.

"Harry devait vous rendre ça, l'autre soir. Mais avec ce qui lui est arrivé, il a du oublier."

L'autre soir ? Est ce qu'on parlait de ce soir-là ? Il la détailla plus attentivement. Est ce qu'elle savait quelque chose ? Quoi que ce soit, sur la raison pour laquelle quelqu'un avait mis son bureau à sac et tenté de tuer Harry ? Probablement pas, comment aurait-elle pu savoir ? Mais il y avait quelque chose… Quelque chose dans son regard calme et observateur, dans les réflexions fines qu'elle faisait parfois en classe, qui lui laissait à penser que s'il existait quelqu'un qui pouvait deviner quelque chose…

Il prit le livre et le glissa dans son sac, mais elle ne bougea pas. Elle se dandina un moment d'un pied sur l'autre, hésitante. D'accord, elle était peut-être brillante, mais elle avait encore des progrès à faire.

"Oui ?" s'enquit James.

"Je… Je voudrais savoir… Est-ce que vous savez quelque chose sur… Les esprits noirs ?"

"Les esprits noirs ?" répéta James, sincèrement stupéfait.

Elle acquiesça.

"Où as-tu entendu parler de ça ?"

Elle haussa les épaules.

"Dans un livre…" dit-elle vaguement.

"Non." répondit-il lentement. "Non, je n'ai jamais entendu parler d'esprit noir."

Il s'attendait sans doutes à ce qu'elle en soit étonnée, mais non. Peut-être avait-elle l'habitude d'en savoir plus long que le professeur ? Elle le remercia brièvement et se hâta hors de la salle. Et James crut apercevoir l'éclair flamboyant d'une chevelure rousse de l'autre côté de la porte.

Peut-être y avait-il encore quelque espoir pour la galanterie, finalement. Voilà qui aurait fait plaisir à Jenny.

Les esprits noirs ?

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Je viendrais t'égorger moi même…

Discrètement, Matt s'éclipsa, quittant la grande salle sans que personne ne le remarque. Il prit un soin tout particulier à éviter Rogue, qui semblait d'humeur à chercher des crosses au premier venu. Mais y avait-il seulement des jours ou ce n'était pas le cas ?

Je viendrais t'égorger moi-même…

Mais personne ne fit attention à lui, tous bien trop préoccupés par leurs assiettes. Du coin de l'œil, il vit Harry Potter qui bavardait avec ses amis, comme s'il n'avait jamais eu un seul soucis au monde.

Deux tables derrière lui, Amy Hayden riait d'une plaisanterie de Benjamin Land.

Matt referma la porte derrière lui.

Je viendrais t'égorger moi-même…

Aucune chance, songea t'il. Rien que du bluff. Non pas que la survie de Matt ait une quelconque importance à ses yeux, non, justement pas : tout simplement, Matt ne valait pas le déplacement, aussi bête que ça.

Est-ce que c'était normal, de se sentir humilié parce qu'on était pas assez bien pour être égorgé ? Probablement pas. Peut-être que toutes les crasses de Range avaient vraiment fini par le rendre barge, après tout.

Il se laissa tomber sur les premières marches du grand escalier. Et maintenant quoi ? Il y avait bien quelque chose qu'il pouvait faire ? Peut-être parler à Potter… Si le petit héros avait un minimum de cervelle, il l'écouterait… Ou peut-être pas.

"Ca va comme vous voulez, Claw ?"

Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait la voix. Il l'avait entendue pendant plus d'une heure, le matin même.

Il sentit une vague de lassitude l'envahir alors qu'il croisait le regard clair de John Grahams, il n'était pas vraiment d'humeur à écouter une série de reproches sur son rôle dans le stupide chahut de Range.

D'ailleurs il n'y était pour rien, il n'avait fait que se défendre.

Ouais.

"Ca roule." grogna t'il.

Et puis il se souvint brusquement d'un détail, un détail pourtant important, le truc qui aurait du lui sauter aux yeux.

Potter s'était fait agressé dans ce fichu bureau, le bureau de Grahams. Qu'est ce que Potter foutais là-bas ? Et, mieux encore, qu'est ce que lui foutais là-bas ?

Est ce que Grahams le savait ?

"Vous n'allez pas déjeuner ?"

"Pas faim." lâcha Matt.

Ca, au moins, c'était vrai. Maintenant, si cet abruti voulais bien lui foutre la paix…

Mais l'abruti se laissa tomber sur les marches à côté de lui.

"Moi non plus." confia t'il.

Génial, songea Matt. Voilà que le professeur de défenses était en passe de devenir son nouveau meilleur ami.

Sauf que la place était libre.

Il resta silencieux. Moins il en dirait, plus rapidement l'autre se découragerait.

"Quelque chose m'échappe…", murmura Grahams.

Allons bon.

"Vous ne leur ressemblez pas."

Plaît-il ?

"Vous n'êtes pas comme les autres…"

"Non," grinça Matt. "Il me manque le nom de famille."

Quelqu'un qui a plus de valeur que tu n'en auras jamais…

"Aucune importance, le nom. Croyez-moi, je sais ce que je dis, ce n'est pas ça qui fait le… Pouvoir."

Il mit sur le mot "pouvoir" un accent ironique, presque moqueur.

"Ha non ?" s'enquit Matt avec une pointe d'insolence. "Alors c'est quoi ?"

Grahams haussa les épaules.

"Simple concours de circonstances. Au bon endroit, au bon moment."

Ouais, un truc qui n'était sûrement jamais arrivé à Matt.

Grahams se pencha vers lui.

"Vous n'êtes pas comme eux, Matt.", répéta t'il. "Vous avez, je crois, plus de capacité que l'abruti de base, ce qui constitue à peu de choses près la population de cette classe. C'est stupide de vous laisser entraîner."

Matt releva le menton et sentit naître une joie féroce au creux de son ventre. Il y avait au moins quelqu'un à qui il pouvait tenir tête.

"Et si ça me plaît, de me laisser entraîner ?"

"Si ça vous plaît ?" répéta Grahams.

"Ouais.", insista Matt, appuyant sur les mots comme s'il s'était adressé à un attardé mental. "Si je trouve ça drôle ?"

La mâchoire de Grahams se crispa, et Matt se dit que la jubilation qu'il en retirait avait quelque chose de pathétique.

"Alors si je vous disais que la prochaine fois que vous vous conduisez de la sorte durant mes cours, je vous mets à la porte avec plus d'heure de retenue que vous n'avez de cours dans la semaine, vous trouverez toujours ça drôle ?"

Matt refusa de se laisser démonter.

"Ouais.", siffla t'il. "Peut-être bien."

Grahams le considéra un moment, comme s'il avait réellement quelque chose à dire mais qu'il ne savait comment le formuler.

"Nous verrons.", dit-il simplement.

Et il regagna le couloir.

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"Qu'est ce que t'en penses ?"

Le vieil homme le considéra un moment, haussant le sourcil.

"Honnêtement ? Peut mieux faire."

James fit la grimace.

"Ce gosse est une vrai peste. Je ne tirerais jamais rien de lui, si tu veux mon avis."

"Tu te plantes, mon grand. Que veux-tu, tu as passé tellement de temps à ignorer les gens que tu n'es même plus capable de les comprendre, à présent. Bien dommage."

Il eut un bref clin d'œil.

"Ca marchait pourtant bien, avec les filles ?"

"Pourquoi t'intéresses-tu à ce garçon ?"

"Parce qu'il aura de l'importance."

"De l'importance ?"

"Ouais. Et arrête avec tes questions, ou ma mémoire va finir par flancher."

Arrivé près de la grande salle, le vieil homme bifurqua sur la droite.

"Hé, une minute !", protesta James.

"Oui ?"

"S'il te plaît, pour Sirius…"

Mais le vieil secoua la tête.

"Hé non. C'est toi qui a voulu savoir, mon pote."

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Le soleil était haut dans le ciel. Eclatant, la lumière éclaboussant tout et tout le monde.

Non, non c'était impossible. Il n'y avait pas de soleil, il faisait gris, gris et sombre. Il apercevait les nuages, énormes et blafards, par les fenêtre de l'infirmerie.

Andy prit un profonde inspiration, espérant calmer les battements de son cœur. Oui, il faisait sombre, pourtant le soleil… Son image se superposait à la réalité, perméable et fragile. Le soleil et un parc. Le genre de parc avec des balançoires et des enfants qui poussent des cris joyeux. Le genre de parc où il passait peut-être ses dimanches après-midi, avant, qui sait ?

Des voix résonnèrent un peu plus loin. Un adolescent suivit l'infirmière près du premier lit, maintenant contre son ventre son bras probablement blessé.

Brillant, trop brillant. La lumière lui donnait mal à la tête, lui qui ne voyait plus que la pénombre de l'infirmerie d'un étrange collège.

Des contours se précisèrent, des détails apparaissants dans ce monde aveuglant. Son rythme cardiaque s'accéléra. Il y avait quelque chose d'effrayant à propos de cet endroit.

Et puis, une balançoire. Une balançoire qu'il a déjà vu, dans un autre rêve, et puis, de nouveau, la petite fille.

"Encore toi ?"

Elle répondit d'un rire, un peu moqueur, plein de mystère. Sa robe blanche était inondée de lumière et Andy cligna des yeux, hébété.

"Qu'est ce que tu veux ?"

Un nouvel éclat de rire.

"Je veux que tu me pousses." dit-elle à nouveau. "Que tu me pousse jusqu'au ciel."

Andy secoua la tête et sourit malgré lui.

"C'est beaucoup trop loin, tu sais."

"Non, non, non. Pas beaucoup trop. Juste un peu, juste assez. Essaie pour voir."

Et il lui obéit. Il posa ses mains sur la planche de bois, de chaque côté de la fillette, et imprima une secousse. L'enfant était légère et la balançoire décolla aussitôt.

Mais au moment où ses mains quittèrent le bois, Andy sentit une douleur foudroyante. Quelque chose lui bloqua la poitrine, l'empêchant de respirer. Tout son corps lui parut se tordre et se consumer. Il poussa un premier cri, et brusquement il comprit ce qu'il se passait.

Le feu. C'était encore le feu, sauf que cette fois, le feu était à l'intérieur. Il hurla de nouveau, hoquetant alors qu'il cherchait à reprendre son souffle, la gorge brûlante.

"Nooooooooooooon…"

Le cri, inhumain, le prit aux tripes. Il n'était pas de lui, non, mais de quelqu'un qu'il connaissait. Quelqu'un qui était là, tout proche, et qui sentait le désespoir le gagner, cette sensation implacable qu'il n'y avait plus rien à tenter.

Puis le feu disparut. Andy prit une profonde inspiration, merveilleuse de pureté et de fraîcheur, et se redressa en suffocant.

Le parc était toujours là, mais la balançoire pendait tristement devant lui, oscillant faiblement, abandonnée.

La fillette avait disparu.

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"Et il hurlait comme un dingue, il criait quelque chose à propos d'un incendie, d'une maison qui brûlait. Madame Pomfresh a du le secouer pendant plusieurs minutes avait qu'il n'émerge."

Harry se retourna d'un bond sur sa chaise.

"De quoi est-ce que tu parles, Dean ?"

Dean et Seamus, surpris, interrompirent leur conversation pour le dévisager.

"Qui est-ce qui criait ?" insista Harry.

Hermione lui donna un coup de coude dans les côtes, mais il l'ignora.

"Un type." Répondit lentement Dean. "Un drôle de type, à l'infirmerie."

"Et est-ce que…"

"Potter !" rugit Rogue. "C'est à votre chaudron que vous devez vous intéresser, et pas à ce que raconte Mr Thomas, peut-être que vous finirez par arriver à quelque chose."

Harry se pencha de nouveau sur son bureau, tentant d'ignorer le regard mauvais du professeur et les rires des Serpentards.

"Dix point de moins pour Gryffondor, et cinq autres grâce à Mr Thomas, qui n'était malheureusement pas autorisé à parler pendant mes cours."

"Crétin.", grinça Ron entre ses dents.

Rogue remonta l'allée vers son bureau, leur tournant le dos. Lorsqu'il se pencha vers Malfoy, Harry se tourna de nouveau - un peu plus discrètement, cette fois - vers Dean.

"Un type avec des brûlures sur le front, tout au fond de l'infirmerie ?"

"Harry !" protesta Hermione à voix basse.

Dean fronça les sourcils, son regard allant de Harry à Rogue, partagé entre la curiosité et la crainte des ennuis.

"Oui.", confirma t'il finalement. "Tu le connais ?"

"Je l'avais déjà vu. Il a dit autre chose ?"

"Potter ! Ca fera quinze points cette fois. Vous êtes donc trop stupide pour comprendre que je veux voir garder le silence durant mes cours ?"

Dean et Seamus échangèrent une grimace. L'expression d'Hermione se crispa alors qu'elle intégrait le total des points perdus. Harry empoigna ses pousses de sauge et se mit à les couper sans délicatesse.

"Mais enfin, qu'est ce qu'il te prend ?" grogna Ron entre ses dent.

"C'est Andy.", souffla Harry. "Le type de la forêt.", précisa t'il devant le regard d'incompréhension de Ron. "C'est sûrement ce qui lui est arrivé."

"Mais quoi ?"

"Le feu, je crois que je sais comment…"

"Chut Harry !" chuchota Hermione, une note d'urgence dans la voix.

Trop tard ! Rogue croisa une troisième fois le regard de Harry, son expression des plus sinistres.

"Potter, Weasley, cette fois, ce sera une retenue."

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"Hé, ça va comme tu veux ?"

"Pas maintenant." Grogna James.

"Je vois, tu boudes à cause de ton pote des Star Parks."

S'il boudait ? Bouder était bon pour les mômes de cinq ans, non ? James poussa un soupir, son regard toujours rivé à la cime des arbres derrière laquelle le soleil disparaissait lentement.

"Sirius n'a jamais fait parti des Star Parks.", dit-il simplement.

Du moins, pas à sa connaissance, mais apparemment ici, il ne savait plus rien. Le vieil homme lui fit un clin d'œil, riant d'une blague que sans doutes lui seul comprenait.

"Ha bon ? J'aurais cru, pourtant."

James haussa les épaules, reportant son regard sur l'entrée de la grande salle. Il était six heures trente. Il arrivait toujours à six heures trente.

"Tu guettes ton fils ?" s'enquit l'autre d'un ton léger.

James se contenta d'acquiescer.

"Lui aussi, il boude."

James acquiesça encore.

"Tu devrais peut-être lui parler."

"Lui parler de quoi ?"

"Je ne sais pas, ce que tu veux… Du temps qu'il fait, du dernier film de Woody Allen, de la situation politique en Amérique du Sud, de ce qui lui est arrivé dans ton bureau…"

"Et qu'est ce que je pourrais en dire ?"

"Que tu n'y est pour rien, tout simplement." Il inclina légèrement la tête. "Mais si c'est trop compliqué pour toi, tu peux toujours lui parler de Quidditch. Le premier match de la saison est dans deux semaines, et c'est sur lui que repose tous les espoirs de Gryffondor, alors…"

James fronça les sourcils.

"Tu veux que je l'arrêtes dans un couloir et que je lui dise, quoi, "Eh, tu sais, un type a tenté de te tuer dans mon bureau, mais ce n'est pas de ma faute." ?"

"Ouais, je crois que ce serait un bon début."

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"Tu penses que ce type s'est retrouvé dans une maison en flamme ?" marmonna Ron entre deux bouchées. "Ca me paraît plausible, son front est tout brûlé."

"Peut-être même sa maison.", ajouta Harry.

"Ca pourrait même expliquer l'amnésie.", renchérit Hermione.

Ron haussa un sourcil.

"Oui," expliqua t'elle. "Imagine qu'il ait vu, je ne sais pas… Sa famille brûler, il a du être choqué."

"Mais ça n'explique pas pourquoi il est venu jusqu'à Poudlard.", objecta Harry.

"Non.", accorda Hermione.

Ron se pencha au-dessus de la table pour attraper le pichet de jus de citrouille.

"Il finira sans doutes par se souvenir.", dit-il en se rasseyant.

"Il ne vaudrait peut-être mieux pas.", murmura Harry.

Quel effet cela devait-il faire, de se réveiller un matin avec toutes sortes d'images et de cris horribles dans la tête ? De se souvenir brusquement qu'on a tout perdu alors que la veille encore il n'y avait qu'un vide paisible ?

Il repoussa son assiette. La nourriture n'avait plus rien d'attirant, tout à coup.

"D'accord, est ce que vous avez quelque chose de prévu ce soir ?", demanda Hermione en attrapant le plat de pommes de terre.

"C'est une proposition ?", s'enquit Ron d'un ton suave.

Elle lui adressa un bref regard, noir, puis l'ignora totalement.

"Je voudrais continuer les recherches à la bibliothèque.", dit-elle à Harry.

"La bibliothèque ?", répéta Ron. "Encore ? On a déjà eu une retenue, tu veux vraiment faire de cette journée la pire de toute notre vie ?"

"Non.", répliqua t'elle d'un ton glacial. "J'aimerais simplement découvrir qui s'en est pris à Harry."

"On a déjà retourné tous ces bouquins, on ne trouvera rien de plus !"

"J'ai retourné tous ces bouquins.", grinça Hermione. "Toi tu ronflais dans ton fauteuil et Harry était… Où étais-tu, au fait ?"

Harry haussa les épaules.

"Parti faire un tour…"

Hermione le dévisagea un moment, haussant les sourcils. Ron secoua la tête.

"Franchement," reprit-il. "je ne suis pas sûr que la bibliothèque soit le meilleur endroit où chercher."

"Comment ça ?"

D'un mouvement de tête, Ron désigna la table des professeurs.

"Grahams. Aucun de vous deux ne se demande pourquoi ce type fouillait son bureau ?" Il les étudia avec une sagacité inhabituelle. "Bien sûr que si." Conclut-il.

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"Potter ?"

Ils s'immobilisèrent tous les trois dans le couloir.

"Harry ?"

Harry se figea. C'était un drôle de sentiment qu'il avait presque à chaque fois. Quand Grahams prononçait son prénom, il avait la sensation, presque comme une évidence, que c'était familier.

Le professeur parvint à leur hauteur.

"Puis-je parler à Mr Potter ?", s'enquit-il à l'intention de Ron et d'Hermione.

Ron fronça les sourcils et Hermione elle-même parut hésitante. Harry poussa un soupir.

"Je vous rejoins dans la grande salle.", leur dit-il.

Hermione acquiesça mais Ron ne fit pas un geste. Finalement, la jeune fille tira doucement sur sa manche.

"Viens, on y va.", lui dit-elle.

Il se laissa entraîner, son regard s'attardant sur Harry et Grahams dans le couloir.

Harry se tourna vers son professeur.

"Vous voulez me parler d'hier soir ?", demanda t'il le plus calmement possible.

Mais Grahams secoua la tête.

"Je voulais te parler de ce qu'il t'est arrivé l'autre jour, dans mon bureau."

Harry sentit son pouls s'accélérer sensiblement.

"Oh."

Il s'appuya contre le mur pour laisser passer un groupe de première années.

"Je…" Grahams parut hésiter. "Tu te poses peut-être des questions, à propos de moi, parce que c'est arrivé dans mon bureau."

Harry haussa les épaules.

"J'avoue que ça m'intrigue.", dit-il d'un ton neutre.

Grahams secoua la tête.

"Je n'ai rien à te proposer qui puisse être convainquant, tu sais… Juste, je n'en ai aucune idée. Je ne sais pas qui c'était, je ne sais pas ce qu'il faisait là."

Harry déglutit péniblement. Vraiment ? Etait-ce la vérité, ou une simple ruse ? Parce qu'il en existait des tas, des gens qui mentaient, qui trahissaient la confiance des autres, aspirant aux ténèbres.

"Peut-être que vous avez quelque chose à cacher." Souffla t'il d'une voix un peu rauque.

Grahams parut choqué par sa réflexion, l'espace d'un instant. Puis il eut un sourire un peu triste.

"Je crois que c'est le cas de beaucoup de gens, n'est ce pas ?"

Harry acquiesça en silence.

"La question c'est, est-ce que je te veux du mal, est ce que je veux du mal à quelqu'un ?"

Ses yeux bleus rencontrèrent ceux de Harry, pénétrants, presque importuns.

"Ce n'est pas le cas.", ajouta t'il très vite.

Harry le regarda, un long moment. L'atmosphère s'était tendue autour de lui, comme si les mots qu'il cherchait revêtaient une importance capitale, presque comme s'il avait été question de la vie de quelqu'un.

"D'accord.", souffla t'il.

Et il disparut dans le couloir.

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Ses mains étaient couvertes de sang, à présent. Réprimant le hurlement gigantesque qu'il sentait monter dans sa poitrine, James fonça vers la falaise, sans savoir, sans comprendre.

Sans comprendre pourquoi.

Peut-être était-ce cette intonation étrange dans le vent, qui donnait au mugissement un aspect presque humain, la voix d'un être torturé par la douleur. La sienne, peut-être, qui sait ?

La forme était si petite sur les rochers, si petite et si frêle, qu'il était étonnant que la tempête ne l'ait pas déjà emportée, et que personne ne l'aurait probablement jamais vu, même pas lui, s'il n'avait su où chercher.

Ce fut l'éléphant qu'il vit le premier, tout en haut de la falaise ; et l'éléphant de velours gris était tâché de rouge, comme la chemise de Maugrey – et comme celles de tous ceux qui étaient tombés.

James s'envola presque le long de la roche, comment fit-il pour ne pas tomber, quelle force étrange le garda en sécurité sur les rochers, loin du gouffre noir et des vagues hurlantes, il ne le sut jamais.

Et il n'était pas mort. La vie ne s'était pas encore enfuie de ses petits poings serrés lorsqu'il parvint à sa hauteur. Et plus tard, bien plus tard, au moment des nuits plus glaçantes que la pire des guerres, quand il serait de nouveau capable de penser, ce fait revêtirait pour lui une importance capitale.

Parce qu'il vivait encore

Il attrapa le petit visage entre ses mains. Ses paumes poisseuses de sang glissèrent sur la peau claire de ses joues d'enfant, laissant des marques sombres, qui lui parurent presque obscènes. Alors il serra ; il serra plus fort, plus fort pour ne pas lâcher prise, presque plus fort pour lui faire mal, pour l'entendre crier et oublier un instant qu'il ne pouvait déjà plus pleurer.

« Pardon, papa… »

La petite voix était trop faible pour couvrir celle du vent, mais James reçu quand même les mots, les sentant naître au plus profond lui-même.

Pardon ? Pardon pour quoi ? Peut-être qu'il avait cassé quelque chose, peut-être qu'il avait volé de la nourriture…

Peut-être qu'il était sorti alors que sa mère le lui avait formellement interdit, non non non surtout pas Harry surtout pas c'est très très dangereux là dehors…

« Le monsieur m'a fait mal, papa. » confia t'il.

Oui, eut envie de hurler James, oui, il l'a fait. Il l'a fait comme il l'a déjà fait des centaines de fois auparavant ; pourtant, jamais oh non jamais ça n'avait eu de l'importance, oh non…

« Le méchant monsieur, il m'a fait très mal… »

Le méchant monsieur. Harry disait toujours « leméchantmonsieur « , comme un mot unique. C'était comme ça que Lily lui décrivait les hommes à cagoule, ceux qui avaient des regards de nuits et qui dévoraient les âmes des anges.

Harry disait ça. Et il faisait d'autres choses aussi, il courrait après les papillons, il riait des plaisanteries – désormais bien rares - de Sirius, il chipait des carrés de chocolats avant le dîner quand personne n'y prêtait attention.

Et il allait mourir.

« Leméchantmonsieur, papa… »

James ne disait rien. Il prononça pas un seul mot, pas un seul.

Parce qu'il n'y avait rien à dire, parce que ces mots-là n'existaient pas encore, pas pour lui.

Il n'y eu pas de dernières paroles, il ne pouvait pas, tout simplement pas, parce que ce serait les dernières, encore et toujours, à tout jamais ; les dernières.

Pourtant il vivait encore, encore assez. Assez pour quoi ? Aucune idée. Juste assez.

Le vent rugit encore plus fort, cherchant à les arracher tous deux à la falaise. Et lui se contentait de serrer son visage entre ses mains, n'osant presser trop fort – de peur qu'il se brise -, n'osant lâcher – de peur qu'il s'envole.

Et puis les yeux verts se firent plus vagues encore, et James sentit la peur qui le traversait, dévorant ce qu'il restait de ses forces. Il lut l'interrogation dans son regard, sans qu'aucun mot ne fut prononcé : « dis, est ce que je vais mourir ? ». Il lut la stupeur, parce que, il le savait bien « ça n'arrive qu'au très vieilles personnes, pas vrai ? »

Mais James n'aurait pas pu lui expliquer, parce qu'il ne comprenait pas non plus.

Et il n'y eu pas de dernières paroles. Non. Tout ce qu'il pu accorder à son fils, lui accorder pour la toute dernière fois, ce fut le maigre réconfort de son regard, à demi-fou et presque plus effarant que la mort elle-même, au moment où ses paupières s'abaissaient « je crois que je vais m'endormir, à présent ».

Au moment où s'éteignait le dernier soleil de septembre, soufflé par un coup de vent plus violent encore que les précédents et qui emportait dans son sillage un éléphant en peluche tâché de sang.

« Oui, je vais m'endormir. »

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Un peu plus loin, ses mains enfouies dans ses poches, Matt observait la scène, presque fasciné.

Grahams resta longtemps dans le couloir, fixant l'endroit où Potter s'était trouvé une seconde plus tôt.

"Hé, Claw, tu prends racine ?"

Une secousse l'envoya contre le mur, et Range et sa clique passèrent devant lui en ricanant.

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