L'ombre du passé

Chapitre 5

Severus se leva de bonne heure le lendemain matin, sans un regard pour ses compagnons de chambre dont il ignorait, du reste, l'identité.

Il descendit les escaliers rapidement, notant en sourcillant que peu d'élèves semblaient déjà debout, alors qu'il s'agissait quand même du premier jour de classe de l'année.

Son premier jour à Poudlard.

Ses premiers cours de magie.

Un sourire froid passa fugitivement sur ses lèvres, vite remplacé par une moue plus triste.

Cela aurait été tellement mieux s'il avait passé cette journée avec Sirius...

Tout à ses pensées, il ne remarqua pas la silhouette qui l'attendait au bas de l'escalier.

« Salut Rogue ! Tu ne peux pas savoir combien je suis ravi de te voir parmi nous ! Tu dois être fier, non ?»

«Bonjour Malefoy, » grommela-t-il, pas franchement enchanté de la rencontre. « Fier de quoi ?»

«Mais d'être à Serpentard voyons ! Seuls les sangs purs peuvent y entrer ! »

Rogue serra les dents, faisant saillir sa mâchoire, réprimant à grand mal son envie de faire ravaler son orgueil en même temps que son chapeau noir à ce prétentieux.

Lucius sourit davantage et continua sur un ton plus bas.

« Au fait, je suis désolé pour tes parents. C'est terrible, des magiscientifiques d'un tel niveau... Tu sais qui les a... Enfin..».

«Lucius ! » Lui reprocha une petite voix pressante.

Une petite fille blonde tiraillait la manche de Malefoy d'un air gêné.

« Allons Grace ! Je connais Rogue depuis longtemps ! Et tout le monde se pose la même question ! Tu sais bien que mon père dit... »

Il s'interrompit, soudain gêné.

« Lucius... »

Grace lâcha la manche en rougissant et jeta un coup d'œil à Severus.

« Que dit ton père, Malefoy ? »

Sa voix était un peu plus forte qu'il ne le souhaitait et les élèves déjà debout interrompirent leurs conversations, soudain très intéressés.

Malefoy toisa le petit brun un long moment.

« Il dit que le sorcier qui les a tués doit être sacrément fort, vu la propre puissance de tes parents... Et il dit aussi que le talent appelle le talent... »

Severus eut un lent sourire qui fit frissonner tous les autres élèves.

« Mon père, lui, disait qu'à trop se pencher au bord du puits, Le chat finit par y tomber, Malefoy. »

Lucius ouvrit la bouche, furieux, mais Rogue avait déjà tourné les talons et cherchait Woodland des yeux pour lui demander le chemin du réfectoire.

Au diable les Malefoy ! Et Lucius était bien le fils de son père !

Ô comme Johann Malefoy pouvait être mielleux et doucereux quand il voulait quelque chose... Et la convoitise dans ses yeux...

Il passait souvent à l'improviste, avec ou sans son rejeton...

Toujours avide de nouveaux sorts, de nouveaux artefacts, dissimulant difficilement son attrait pour la magie noire... Car seuls les magiscientifiques et les aurors étaient autorisés légalement à se pencher sur ce domaine.

A 11 ans, Lucius avait le même regard que son père. Il montrait déjà une avidité sordide pour l'Art Obscur.

Ce que le petit Malefoy désirait savoir de lui, ce qu'il désirait réellement connaître, c'était le nom de l'assassin de ses parents, de ce maître en magie noire qui semblait maîtriser de mortels et mystérieux sorts.

Les aurors chargés de l'enquête aussi avaient le même désir. Ils l'avaient interrogé sans relâche, mais il n'avait jamais rien dit. Et il ne le ferait jamais. C'était lui et lui seul qui le retrouverait, le jour où il serait assez puissant...

Le jour où il serait le plus puissant, et là, il...

« Je suis désolée ! »

Rogue sursauta.

La petite Grace se tenait devant lui, rougissante.

« Pour Lucius... Il n'est pas toujours très... Enfin... Je... Euh... »

Les joues de la gamine menaçaient de rivaliser avec une cocotte minute chauffée à blanc. Elle inspira un grand coup et expulsa :

« jesuisdésoléepourluciusilparletoujourssansréflechireuh ! »

Severus regarda un long moment la forme menue face à lui avant d'éclater de rire devant sa mine déconfite. Lorsqu'il parvint enfin à se calmer, il demanda :

« Mais... Euh... Pourquoi tu t'excuses pour lui ? »

Grace détourna les yeux, rougissant davantage si c'était possible et murmura :

« ...Lucius... Ne réfléchit pas toujours à ce qu'il dit... Et c'était blessant de sa part, n'est-ce pas ?»

«Pourquoi penses-tu que c'était blessant ? » Interrogea Rogue, le ton neutre.

« Ca l'était, non ? Je l'ai vu à ton regard... Et au sien...»

«... Et alors ? Ca n'explique toujours pas pourquoi tu t'excuses à sa place...»

«C'est parce que Lucius... Ne le fera jamais de lui même... A tout à l'heure ! » Conclut-elle avec embarras en se sauvant soudain hors de la salle commune.

Il fixa un long moment le mur qui s'était refermé sur la forme fuyante, indifférent aux ricanements des autres élèves.

... Mais qu'est-ce qu'elle lui voulait, cette fille ?

Harry se posait exactement la même question.

Elle devait certainement appartenir à la famille Malefoy, d'une manière ou d'une autre...

Il ne put pousser plus avant ses réflexions, ayant soudain l'impression que ses intestins cherchaient à lui sortir du corps par tous les orifices possibles alors que la scène se brouillait devant ses yeux (1).

« Enfin dehors de ce cauchemar… » Songea-t-il avec soulagement.

Le brouillard se leva enfin et …

« … Même pas… » (2)

Severus étudiait un livre à la bibliothèque…

A ses cotés, Sirius fronçait et défronçait ses sourcils avec perplexité.

« Tu y comprends quelque chose toi ? » Souffla le jeune garçon.

Rogue eut un petit sourire.

« C'est tout simple : l'herbe de saphodys mélangée à un extrait à 3pp de sang de gorgone dilué dans 40 cl d'eau de source des montagnes de shlamar donne un remède efficace contre la pétrification et la trollification héréditaire…»

«… la quoi ; ?»

«C'est une maladie génétique qui ne touche que les sorciers. Tes membres se pétrifient et se déforment petit à petit. La forme terminale te donne l'apparence d'un troll en plus petit. C'est différent de la pétrification qui peut être provoquée par un sort, un empoisonnement par piqûre de rose de sable ou par la vision d'une gorgone. »

Sirius hocha la tête, perplexe…

« Et les basilics ?»

«C'est encore différent, là, la pétrification vient de la nature même de l'animal et non d'un enchantement, d'un empoisonnement ou d'une maladie. Tu comprends ?»

«… Non…»

«C'est dommage, c'est au programme…»

«Beuh… C'est vachement dureuh ! C'est pas d'un niveau débutant !»

«Il faut savoir dépasser ses limites, Sirius…»

«Ca te va bien de dire ça, le prof de potion, c'est le directeur de ta Maison, tu es favorisé ! »

Severus retint un ricanement.

« Mais oui, l'essentiel, c'est que tu y crois ! Tu sais, le professeur Finch est pire avec les élèves de sa maison qu'avec les autres ! Il est très exigeant et…»

«Et il tolère difficilement le manquement au règlement lorsque c'est aussi injustifiable que de discuter à voix haute au plein milieu de la bibliothèque… Je suis très déçu, monsieur Rogue… »

Les deux enfants se figèrent et Severus leva les yeux vers son professeur, s'efforçant de prendre un air imperturbable.

Le professeur Finch le toisait froidement de derrière ses lunettes rondes cerclées de fer, un petit sourire sadique flottant sur ses lèvres fines. C'était un homme immense et carré dont la haute stature concurrençait presque celle de Hagrid. Ses cheveux blond foncés, coupés en un carré long et souple, encadraient un visage qui respirait la force, la volonté, qui irradiait de charisme, la bonté et inspirait la sympathie. Sympathie qui retombait instantanément au moment où l'on croisait le regard de cet homme.

Ses yeux verts, qui auraient glacé en l'instant le brasier le plus intense, transperçaient chaque élève qu'ils fixaient, lui faisant se demander avec angoisse quelle faute, quelle erreur, quelle transgression il avait pu commettre. Peu d'adultes et encore moins d'enfants osaient affronter ce regard.

Severus plongea ses yeux gris dans ceux de son professeur sans ciller.

« Je vous présente mes excuses, professeur Finch, mais il n'existe pas d'autre endroit dans Poudlard que la bibliothèque où je puisse aider un élève d'une autre maison dans ses leçons : il pleut dans le parc, les salles de classe sont fermées et nous ne sommes pas autorisés à introduire un élève d'une autre maison dans notre salle commune. Sirius est un élève qui a besoin d'aide pour vos cours. J'essayais de lui faire comprendre l'importance d'étudier davantage. »

Finch sourit largement et Sirius se recroquevilla sur sa chaise, mort de trouille.

« Excuses acceptées. Mais vous êtes dans une bibliothèque, vous ne devez pas gêner les autres élèves. Vous méritez donc une sanction. »

Il se détourna subitement pour passer entre deux rayons.

Sirius se détendit un peu.

« Ouf… J'ai bien cru que…»

«CHUT ! » Intima Rogue.

Finch ressortit de la travée, son sourire énigmatique flottant sur ses lèvres, tenant à la main un livre.

« Votre sanction, monsieur Rogue. »

Il lâcha le livre sur la table juste devant Severus.

« Page 382. Vous allez me lancer ce sort, et ce à la perfection. Ou Serpentard et Gryffondor perdront 150 points chacun. Vous avez 5 mn. »

Le jeune garçon se pencha sur la page indiquée et compulsa fiévreusement l'article.

Sirius, qui lisait par dessus son épaule ouvrit de grands yeux. Ce sort était du niveau d'un élève de 5ème année, d'un TRES bon élève de 5ème année. Il jeta un coup d'œil à son ami, toujours impavide, mais remarqua une goutte de sueur couler le long de son cou.

Il jeta un coup d'œil au professeur et réprima une exclamation en rencontrant son regard fixé sur lui. Il se replongea dans son livre de potion pour se donner une contenance.

« Vos 5 minutes sont écoulées, monsieur Rogue… »

Le visage pâle et les yeux brillants, le jeune garçon releva la tête en refermant le livre. Il sortit de sa poche sa longue baguette de bois d'acajou et la brandit vers le haut. Fermant les yeux, il abattit son bras devant, derrière, sur les cotés, vers le bas et pointa à nouveau le plafond, sa baguette lâchant des gerbes d'étincelles vertes et rouges dans son sillage. Il ouvrit la bouche et murmura :

« Koustoophonicus… » (3)

Les particules magiques en suspension semblèrent blanchir et se déployer jusqu'à entourer la table et les trois personnes à l'intérieur d'une bulle translucide qui devint transparente en un plop sonore.

« Intéressant, monsieur Rogue… Mais vous avez commis une erreur, vous m'avez inclus dans la bulle. Si j'en sors, la bulle de silence sera brisée et votre sort à refaire…»

«Non, Professeur. J'ai suivi les consignes et paramétré la circonférence de la bulle pour que vous soyez à l'intérieur. De cette façon, vous pourrez nous aidez pour nos leçons, Sirius a vraiment besoin d'aide et vous n'avez pas de cours à cette heure ci, il me semble… »

Black dévisagea son ami, les yeux exorbités, partagé entre l'effroi et l'admiration envers son ami. Si son culot et sa témérité ne leur valaient pas un renvoi... Bon sang, s'opposer à Finch, ce n'était pas faire preuve de courage, mais de stupidité ! Et après, on avait le culot de dire que c'étaient les gryffondors qui avaient plus de tripes que de cervelle ?

Les lèvres de Finch s'étirèrent en un vrai sourire et il éclata d'un rire tonitruant.

Sirius se retourna vivement vers le bureau de la bibliothécaire en roulant des yeux.

Il était trop jeune pour se faire déjà virer de l'école… Sa mère utiliserait sa peau comme sous main. Bon, soyons pratique, il trouverait bien un moyen de s'en sortir… Il trouvait toujours un moyen, il…

« Pas de panique, Sirius, » souffla Rogue, visiblement épuisé. « C'est une bulle de silence. Personne ne peut nous entendre à l'extérieur… »

Il reporta son attention sur son professeur qui arborait désormais une mine réjouie.

« Il n'y a aucune honte à avoir du talent et à l'utiliser »

Finch lui avait fait passer un test. Et il l'avait réussi.

Le professeur resta une bonne heure à donner cet étrange cours particulier avant de renvoyer les deux enfants à leurs maisons respectives.

Ils sortirent sous les regards respectueux des quelques autres élèves qui travaillaient à la bibliothèque et qui, s'ils n'avaient pu, curieusement, surprendre le moindre mot, n'avaient pas été sans remarquer la présence du terrible Finch auprès de ces 2 élèves de première année.

Finch les héla à nouveau dans le couloir. Il les dévisagea avec froideur.

« Au fait... Je donne 50 points à Serpentard pour ce magnifique Koustoophonicus. Vous êtes un élève très intéressant, monsieur Rogue... Bonsoir... »

Il scruta intensément de l'eau de ses yeux le visage du jeune garçon avant de se détourner et de foncer vers son bureau dans un froissement de robe.

Sirius s'autorisa enfin à respirer (4).

« Ben si je m'attendais à ça ! »

Il se fendit d'un grand sourire et toisa d'un air appréciateur son ami qui haussa un sourcil d'incompréhension.

« Quoi ?»

Tu as apprivoisé le terrible Finch ! Finch ! Tu te rends compte qu'on aurait pu se faire virer ? Je n'ai jamais eu aussi les foies de toute ma vie ! »

Rogue haussa un sourcil d'un air de doute face au sourire excité de son ami, démentant ses paroles.

« Les foies ? Toi ? Je t'ai vu métamorphoser miss Teigne en pelote de laine juste sous le nez de Rusard la semaine dernière et tu viens me dire que tu as eu peur ?»

Severus, mon ami, à côté de Finch, Rusard est un hippopotame en tutu rose. Bon sang, je n'ai jamais vécu quelque chose de plus excitant de ma vie ! Il nous surprend et « bam » ! » Il claqua dans sa main. « Toi tu le mouches et tu gagnes même des points ! Tu es mon Dieu, je te vouerai un culte éternel ! »

Rogue hocha négativement la tête.

« Tu es fêlé…»

«Peut être, mais Finch est un tueur ! Les grands n'arrêtent pas d'en parler, c'est ce que j'essayais de te dire tout à l'heure. Ils ont une peur bleue de ce type, c'est lui l'arbitre lors des matchs de Quidditch, il est froid, désagréable et sévère et...»

«Et il se montre juste. »

Severus se sentait inexplicablement vexé par la désapprobation générale envers son professeur et directeur de maison.

Black croisa les bras derrière sa nuque et pris le chemin de la grande salle. Rogue lui emboîta le pas, soudain maussade.

« Juste ? Il vient de transgresser lui même le règlement en 2 occasions : on n'a pas le droit de parler dans la bibliothèque et on n'a pas le droit d'utiliser des sorts qui ne sont pas de notre niveau d'étude. Permets moi d'avoir des doutes sur lui...»

Il t'a aidé pour les cours.»

«C'est vrai.»

«Et en m'apprenant ce sort, il nous permet de réviser à voix haute comme on veut dans la bibliothèque sans gêner les autres élèves. Moi j'appelle ça tirer le meilleur parti d'une situation. S'il nous avait punis, ça n'aurait apporté rien de plus, à lui comme à nous... Mais bon, libre à toi de copier 100 fois « je ne dois pas faire passer des mots en cours de métamorphose » si tu préfères la façon de faire de McGonnagal. Tu peux bien penser ce que tu veux, ça ne me regarde pas... »

Il se mit à marcher plus rapidement, comme pour distancer son ami.

Sirius décroisa ses bras et les laissa tomber lentement le long de son corps.

Severus était... Vexé ? Bah pourquoi ? C'était vraiment un garçon bizarre... on lui faisait un compliment et l'autre le prenait mal...

Il haussa les épaules et hâta le pas pour se mettre à hauteur du jeune garçon.

« Je t'ai vexé. » Constata-t-il.

« ...»

«Qu'est-ce que j'ai dit ? »

Severus s'arrêta net, baissant la tête.

« ... Je ne sais pas trop mais...»

T'es un drôle de gars quand même... Tu es plus intelligent que n'importe qui que je connaisse, adultes compris et tu es plus susceptible que cette bourrique de Lily Evans ! »

Il le fixa un moment et fronça les sourcils.

« Allez, relève la tête quand je te parle, un peu ! »

Le jeune garçon obtempéra timidement.

« Bon on se voit quand même demain à la bibliothèque ? »

Rogue hocha la tête en signe d'assentiment.

Il se sentait... Vide...

Il ne se comprenait pas... Il avait mal pris ce que Sirius avait dit sur le professeur Finch... Il l'avait mal pris parce que Finch était le seul professeur à ne pas le traiter comme un banal élève... Non, lui, il l'avait forcé à assimiler un sort sensé être trop complexe pour un enfant de 11 ans, lui prouvant, par là même, qu'il n'avait pas à se limiter aux barrières même de son âge, de sa taille, de son physique...

Il pouvait être... Tout ce qu'il voulait... Tout ce qu'il souhaitait... Tout ce qu'il désirait.

La froide détermination se remit à couler dans ses veines.

Il serait ce qu'il désirait être.

Harry se sentit à nouveau dépossédé du moindre des ses organes qui cherchaient à se faire la malle, cette bande de lâches.

Il eut des visions plus ou moins nettes de scènes où Severus apprenait avec voracité les enseignements de Finch, ceux-ci ne se limitant pas au seul domaine des potions mais également à la magie noir, aux charmes et à la métamorphose ; des scènes où il participait aux blagues et à l'ambiance festive qui régnait constamment dans la salle commune des serpentards, où il riait aux éclats dans le parc aux cotés de Sirius et, parfois même, des autres maraudeurs...

Il vit les deux amis dormir dans le même lit, l'été, chez la grand mère de Severus (5).

Il vit la crainte grandir dans le cœur de Sirius au moment où il rencontrait pour la première fois cette femme immense et sombre, le visage parcheminé et les yeux brillants comme des agates qui le scrutaient comme s'ils pouvaient lire les tréfonds de son âme.

Il vit la tendresse grandir dans le cœur du jeune homme au contact de l'ancienne nourrice de sa mère, cette femme qui cachait sous une apparence revêche sa bonté, sa gentillesse... Et son amour inconditionnel pour son petit Severus, auquel elle avait enseigné toute sa science des plantes, plus grande que celle du professeur Finch lui même.

Puis le tourbillon d'images se figea sur une nouvelle séquence.

Severus Rogue était couché sur l'herbe du parc, fixant rêveusement le ciel.

Il avait l'air plus âgé, ce n'était plus un enfant...

« Dis moi, Sevy... »

Rogue se tourna obligeamment vers sa compagne.

Grace, assise tranquillement à coté de lui était occupée à lisser machinalement les pages d'un livre.

Ses longues boucles cendrées étaient répandues comme une étole autour d'elle.

« Elle est belle. » Songea Severus en souriant.

Harry était du même avis, mais les sentiments du jeune Rogue envers la jeune fille avaient quelque chose de si profond qu'il voyait en elle plus que son apparence.

« Quoi donc, Gracie ? »

Elle posa ses yeux pâles sur son ami et rougit avant de retourner à son livre.

Le vent soufflait doucement, faisant gonfler sa chevelure.

Severus observa rêveusement les mouvements tranquilles de cette onde claire et brillante.

« Je peux te poser une question ? »

Il battit des yeux, revenant à la réalité et sourit doucement.

« Mais oui, Gracie...»

«Est-ce que... Est-ce que tu crois qu'on peut tomber amoureux au premier regard ? »

Severus replongea les yeux dans la profondeur du ciel.

« Oui... Je le crois...»

«Mais... Est-ce que tu penses que... Est-ce qu'on ne peut pas aussi tomber amoureux... Petit à petit ? En connaissant mieux l'autre ?»

«Je le pense aussi... Les deux ne sont pas incompatibles... Parfois... Parfois, on se rend pas compte tout de suite de ce que l'on a dans le cœur... Et quand on ose regarder enfin ses sentiments en face, il est parfois trop tard pour revenir en arrière. »

La jeune fille hocha la tête.

« Des problèmes avec Lucius ? »

Elle rougit davantage.

« Il ne me voit même pas...»

Ta faute aussi... Tu es restée son ombre si longtemps que tu fais partie des meubles... »

Elle ne cilla pas, se contentant de tourner la page de son livre pour se donner une contenance.

« Excuse-moi, Grace... Je n'avais pas le droit de te dire ça...»

«Tu as raison... J'ai toujours voulu rester près de lui... Depuis le jour où on s'est rencontré... Il a... Il est... Tu vois... Lucius, c'est le soleil. Il fait tout briller autour de lui et quand il n'est pas là, tout est sombre...»

«Grace...»

«Dans peu de temps, nous aurons fini nos études, nous repartirons chez nous, prendrons des métiers différents... Nos familles resteront en contact, elles sont amies, mais nous... Il trouvera quelqu'un... Quelqu'un qu'il aimera, qu'il épousera, qu'il rendra heureuse et qui le rendra heureux... Et moi... Moi je n'aurai plus le droit de rester près de lui pour profiter de sa lumière, de sa chaleur... Et je ne peux rien y faire...»

Severus la contempla un long moment.

Il ne pouvait rien y faire non plus. Il ne pouvait pas l'aider.

Il aurait peut être essayé si cela avait été un autre que Malefoy...

Tout ce qu'il pouvait faire, c'était la réconforter, l'encourager.

Il ne supportait pas de la voir souffrir, cela le renvoyait trop à sa propre souffrance. Car il ressentait la même chose qu'elle. Bientôt, lui aussi serait privé de son soleil... Ce soleil qui s'éloignait déjà...

« SEVERUUUUUUUUUUS ! »

Sirius lui sauta sur les endosses avec l'ardeur d'un jeune chiot.

« 'Lut Gracie ! » Fit-il à Grace en souriant de toutes ses dents.

« Bonjour Sirius... » Parvint-elle à articuler, morte de rire.

« BLAAAAAAAACK ! Tu es assis sur mon estomac ! 'Spèce de crétin !»

«Oh ? »

Sirius se pencha vers son ami, un sourire en tranche de courge lui dévorant le visage.

Severus cligna des yeux, troublé et grommela :

« T'es en retard...»

«Désolé ! J'assistais à l'entraînement de James ! Tu devrais venir le voir, il est incroyable. »

Rogue se renfrogna un peu plus.

« Tu es lourd, Black... »

Le jeune homme quitta son perchoir et s'installa à côté des deux jeunes gens.

Grace eut un sourire discret et se leva.

« Où vas-tu ?»

«Je dois aller à la bibliothèque... Je vous laisse parler Quidditch entre hommes ! »

Severus fit une grimace signifiant clairement « sale lâcheuse ! Tu connais ma haine du Quidditch et tu m'abandonnes ! » et la regarda partir.

« Elle est jolie, tu as de la chance... » Lâcha Sirius avec l'air de ne pas y toucher.

« Elle est amoureuse de Malefoy... Désespérément amoureuse...»

«Beuh... Elle aurait pu trouver mieux...»

«Tu sais ce qu'on dit sur l'amour et les aveugles...»

«Bah... C'est une bonne chose pour elle... C'est bien d'être amoureux, non ?»

«Pas quand cet amour n'est pas retourné... Elle souffre... Chaque jour elle souffre davantage. Ils se connaissent depuis l'enfance et ce crétin ne fait même pas attention à elle ! Toujours à flirter avec cette dinde de Narcissa... Ma pauvre Gracie... »

Ils étaient devenus amis en quelques mois. Il appréciait chez la jeune fille cette réserve, cette pudeur et cette timidité qui faisaient d'elle une ombre... Elle cachait quelque chose au fond de son cœur, quelque chose d'autre que son amour pour un goujat, quelque chose de plus douloureux et de plus profond... Un peu comme lui... Il se reconnaissait en elle...

Sirius se gratta le cuir chevelu, signe chez lui d'une totale incompréhension.

« Bah... Je ne comprends pas... L'amour, c'est sensé rendre heureux, non ? »

Severus se mordit les lèvres. Il chercha un sujet de conversation moins glissant.

« Bon, et cet entraînement de Quidditch, alors ? »

Le regard de son ami s'éclaira soudainement et le jeune homme se mit à débiter en long en large et en travers les exploits de Potter au grand dam de Severus qui, n'ayant pas d'affinité particulière avec ce sport, en était venu à le haïr de par le simple fait que Sirius lui vouait un culte.

En fait non, Sirius ne vouait pas un culte au Quidditch, mais il vénérait l'herbe que foulait James Potter, le champion des Gryffondor, l'attrapeur des attrapeurs, le Dieu du Quidditch et le jeune homme qui avait la chance immense de pouvoir passer pratiquement toute sa journée auprès de Sirius Black.

« Oui... Je souffre bien du même mal que ma pauvre Gracie... Mais contrairement à elle, je ne peux pas... Je ne peux pas n'être qu'une ombre... Je n'y arrive pas, j'ai si mal... Si mal... ».

Il ferma les yeux et se laissa bercer par la voix enjouée de son ami.

Sirius était aux anges.

Il adorait être auprès de Severus, même si ce n'était que pour lui parler de choses aussi ridicules que le Quidditch. Ce n'était qu'un jeu et James y excellait. Mais le Quidditch avait la même fonction pour Potter que les discussions décousues avec Severus pour lui. Ne pas penser.

Ne pas penser à ce que cachait Remus en disparaissant tous les mois...

Ne pas penser que le temps n'avait plus d'importance lorsqu'il était près de Severus.

Ne pas penser à sa trouble jalousie de le voir constamment avec le belle et délicate Grace.

Il n'aimait pas partager Severus.

Il avait plein d'amis qui avaient des amis de leurs côtés, mais il n'aimait pas partager Severus.

James, Remus, Peter et lui... Ils formaient un groupe soudé...

Si soudé qu'une blessure de James lors d'un match lui vrillait les intestins d'inquiétude.

Si soudé que de voir de grosses brutes s'en prendre au petit Peter faisait éclater sa colère.

Si soudé qu'il se sentait désemparé à chaque fois que Remus disparaissait pendant une semaine sans vouloir leur dire pourquoi, qu'il se sentait trahi de ne pas avoir sa confiance.

Mais Severus... C'était... Spécial...

Alors, quand il savait le jeune homme avec Grace, il repoussait au maximum le moment d'aller les rejoindre, le moment de croiser les regards indéchiffrables qu'il lançait à la jeune fille, le moment de se sentir mordu par le feu de la jalousie.

Et quand, enfin, ils étaient seuls, il n'arrivait pas à parler d'autre chose que de banalités, des cours ou du Quidditch.

Mais au moins, ils étaient ensemble et cela lui suffisait. Il était heureux de ces simples moments.

A suivre…


(1) notes débiles de l'auteur 45000ème édition : n'a pas de corps dans le cache souvenir... (donc pas de cors aux pieds non plus, plutôt sympa quand on y réfléchit...)

(2) J'ai piqué la formule à ma topine Kitrinka... Enfin... Pas vraiment, c'est moi qui lui ait filé... Mais bon suite à un premier jet de sa part... Bref, ça n'intéressera personne vu que la formule est maladroite ... Mais pourquoi j'en parle alors ?

(3) ... Le monde du silence © si vous préférez

(4) une heure sans respirer ? mais comment fait-il ? C'est un surhomme, c'est un dieu, c'est siriuuuuuuuuuuuuuuuuuuus ! (nan promis, delph, Jo, je ne vous le pique pas )

(5) nan, sont trop jeunes ! vous imaginez pas des choses louches !