Lui et moi
15 ans… Je n'y revenais pas encore. Pour moi ça représentait tellement de choses! C'était le début de la vie, de ma vie. Non pas qu'avant je n'avais pas vécu, mais j'avais toujours eu assez de maturité pour savoir que je n'en avais pas assez. 15 ans représentait une sorte de cap, comme si maintenant tout allait être plus simple, comme si j'entrais dans la vie adulte. Je me sentais comme une goutte de pluie qui, sur son petit nuage, se demande si elle va sauter ou pas. Elle avait peur de s'éclaffer, mais elle pourrait faire un si beau voyage.
Je sortis brusquement de mes rêveries quand Frangin poussa violemment la porte de ma chambre.
- Qu'est-ce que tu fous encore là Rikku?
- Ben je me prépare!
- Mais t'es folle! On part dans cinq minutes si on veut avoir la moindre chance d'être à moins de trois kilomètres de la scène!
- Oui, je me maquille et je suis prête.
- Ok, je t'attends dehors avec le turbo-scoot.
Je me regardais une dernière fois dans le miroir. J'avais mis un pantalon bleu clair et un débardeur rouge. Simple, mais classe. Je passais du crayon noir autour des yeux avant de prendre mon sac à dos et de courir rejoindre mon frère sur le turbo-scoot. Il m'emmenait voir les Lukka's Stars, mon groupe préférée. J'étais tellement heureuse! Je connaissais toutes leurs chansons par cœur, mais aller les voir en vrai, comme ça… Je n'en revenais pas de ma chance! Frangin s'était vraiment démené pour me trouver ces places. En plus il avait pris une chambre dans un hôtel de Luca, pour que nous puissions profiter de la nuit au maximum. Nous y allions avec sa copine et son meilleur ami, Poto. Je le soupçonnait de vouloir me mettre avec lui, mais Poto me semblait beaucoup trop posé pour une relation avec la folle que j'étais. Pourtant, dès que nous les retrouvâmes devant la salle de concert, le courant passa super bien entre nous quatre. La copine de Frangin, Nyaka, était absolument adorable. Drôle, sympa, elle me prit sous son aile.
- Alors ma petite Rikku, ça te fais quoi d'avoir 15 ans?
- Oh, ça ne change pas grand chose, c'est juste un chiffre…
Je ne mentais pas, c'était juste que je n'avais pas envie de raconter ma vie.
- Bien sûr, mais tu sais pour moi ça a beaucoup changé. C'est le soir de mes 15 ans que j'ai rencontré mon premier petit copain!
- J'en avais 12…
- C'est normal, jolie comme tu es! Et maintenant, t'as un copain?
- Non, pas depuis 6 mois. Mais je ne cherche pas vraiment tu sais…
- Oh, faut toujours ouvrir l'œil!
Nous discutâmes encore une heure, et ils ouvrirent les portes du stade. Nous courûmes pour trouver des places assises, heureusement 4 places nous attendaient au premier rang. Nous nous précipitâmes pour les prendre. En m'asseyant je bousculai l'homme qui était à côté de moi. Un grand homme aux cheveux noirs, portant des lunettes noires et un grand manteau rouge. Je m'étonnais parce qu'il faisait chaud, surtout qu'il avait remonté son col jusqu'aux oreilles.
- Excusez-moi, je suis vraiment désolée.
- Je l'espère, mais ce n'est pas grave.
- Ben si quand même. Vous êtes tout seul?
- Non, je suis venu avec des amis, mais ils ont préféré tenter d'atteindre le premier rang. Je n'ai pas voulu m'y risquer.
- Comme nous. De toutes façons le son explose les oreilles en bas.
- Surtout que je ne pense pas que les Lukka's Stars jouent de la musique de chambre…
- Vous ne connaissez pas?
- Pas du tout. Des amis m'y ont traîné.
- Vous allez adorer, c'est mon groupe préféré.
- Je vous fais confiance. Comment vous appelez-vous?
- Rikku, enchantée.
- Auron.
Auron… Etait-il le légendaire gardien disparu après la mort de Sin? Ça me semblait impossible, mais sinon pourquoi se cachait-il derrière ses lunettes? Il dut sentir que j'étais troublée, car un sourire se dessina sur ses lèvres.
- Alors Rikku, c'est comme ça que tu nous remercie de te sortir le soir de ton anniversaire?
Frangin regardait Auron d'un drôle d'air, pourtant ça ne l'empêcha pas de se présenter.
- Frangin, frère de Rikku.
- Poto, meilleur ami de Frangin.
- Nyaka, copine de Frangin.
- Auron. Enchanté. Alors Rikku, c'est votre anniversaire?
- Oui.
- Quel âge avez-vous?
- 15 ans.
- Oh, vous êtes encore jeune…
- Je le sais, mais le temps passe si vite, je veux en profiter.
- Vous avez bien raison. Il est très difficile de revenir en arrière, surtout quand vous êtes mort…
Je ris. Je ne pus m'en empêcher de rire, même si ce n'était pas drôle.
- Mademoiselle est amatrice de l'humour noir à ce que je vois…
- Oui, amatrice de toutes formes d'humour en réalité.
- Ah oui? Vous êtes une jeune fille bien joyeuse.
- Il le faut, il le faut. La vie est si géniale, je veux la vivre au maximum, et m'éclater au maximum.
- Vous êtes encore si naïve que ça en est beau. Mais gardez votre légèreté, l'expérience vous pèsera bien assez vite.
- Mais pourquoi êtes-vous si pessimiste? Vous n'êtes pas si vieux pourtant!
- Quel âge me donnez-vous?
- Je ne sais pas, vous êtes caché sous vos vêtements! Mais votre voix est jeune…
- Alors nous dirons que je suis plus vieux que ma voix et plus jeune que votre grand-père.
- Ça m'aide beaucoup!
- Mais je ne comptais pas vous aider, mademoiselle.
- Je m'en rends bien compte. De toutes façons ce n'est pas poli de demander son âge à un adulte.
- Vous avez bien raison.
- Mais ça ne l'est pas non pour une jeune fille de 15 ans.
- Vous fêtez votre anniversaire, c'est le seul jour de l'année qui fasse exception!
- Oh, ce n'est pas juste! Quand est-ce votre anniversaire, que je puisse venir vous le demander?
- Le jour de mon anniversaire je ne sais pas où je serai, et vous aurez sans doute oublié cette histoire.
- N'en soyez pas sûr. J'ai une très bonne mémoire.
- Mais vous verrez, avec l'âge ça se perd. Et au jour de mon anniversaire vous en aurez déjà perdu le quart, alors pensez bien que vous aurez oublié le jour de mon anniversaire!
Encore une fois je ris. Pas pour sa blague, mais pour le sérieux qu'il se donnait.
- C'est bien heureux pour nous que vous aimiez rire. Vous êtes tellement jolie quand vous riez…
- Merci…
- De rien, je le crois vraiment.
- Oh, mais moi aussi je vous crois!
Je n'avais pas pu m'en empêcher, lui foutre un vent… Comme s'il n'avait pas autre chose à faire! Pourtant je le sentis sourire.
- C'est bien la haute estime de soi. Ça évite pleins de problèmes…
- Je n'ai pas une haute estime de moi. J'ai juste confiance en moi.
- Ça aide déjà, croyez-le moi.
La lumière s'éteignit et tout le monde commença à applaudir et à crier. Je me pris au jeu, après tout j'étais là pour voir le concert. La tension montait par étapes, je sentais que nous n'allions pas tarder à exploser si les Lukka's Star ne se présentaient dans la seconde qui suivait. Heureusement, le rideau se leva et le groupe apparut dans le clair de lune. "Break" résonnait dans nos oreilles, l'une de leur meilleurs chansons. J'étais aux anges. Le concert fut extra, je me démenait comme une folle sur leur musique. Je ne pouvais m'empêcher de jeter des regards vers mon voisin, qui restait impassible. Tant pis pour lui, il ne savait pas ce qu'il manquait.
Deux heures plus tard, les Lukka's Star nous laissaient, en nous offrant leur dernière chanson, "Ne me laisse jamais seul".
Auron se pencha vers moi et me murmura:
- Elle est magnifique cette chanson.
- Oui, c'est ma préférée.
- Je vous laisse écouter.
Je me laissais bercer par les paroles. Elles racontaient une passion si fusionnelle entre deux êtres, qu'ils ressentaient exactement la même chose pour l'autre, autant l'indifférence que l'amour. J'aurai tellement voulu avoir la chance de connaître un tel amour, de pouvoir m'oublier à ce point. Malheureusement cela me semblait incroyable dans la situation actuelle. Les dernières notes de musique pénétrait le ciel, et la lumière se ralluma.
- Alors, vous avez aimé?
- Oui, beaucoup. J'ai eu raison de vous faire confiance.
- Alors frangine, contente?
- Oui Frangin, c'était parfait. Tu es tellement génial!!
Je l'embrassais sur la joue.
- Bon, on va se dépêcher de sortir.
- On fait quoi?
- Ça vous dit d'aller boire un verre? Demanda Nyaka.
- Oui, bien sûr! Répondîmes-nous tous.
- Vous venez? Demanda Poto à Auron.
- Boire un verre?… Oui c'est une idée. A vrai dire je dois retrouver mes amis dans un bar, mais je serai très heureux si vous venez aussi.
- C'est où?
- Le Pilou.
- Oui, c'est très bien! S'exclama Nyaka, En plus on peut danser! Allons-y!
