Le contact du sable chaud contraste énormément avec ma dernière impression, mais ça n'en est pas plus réconfortant. Je suis seule, toute seule au milieu du désert de Bikanel. Je ne sais pas où sont les autres. J'ai faim, j'ai soif…
Je me traînais jusqu'à l'amas de ruines, m'assit dessus et attendais. Quoi, je ne sais pas. J'aurai dû aller au refuge, chez mon père. Dire que j'avais failli à ma mission, que je n'étais pas digne de confiance. Mais je ne le pouvais pas. Le désert a ses secrets. Tous les voyageurs finissent par se retrouver. J'avais de l'eau pour deux jours, peut-être que l'un d'entre eux reviendrait vivant. Je ne m'en remettrai jamais de les avoir laissé mourir. Et si lui me revenait… Auron… Pourquoi revenait-il hanter mes pensées? Tout me ramenait à lui, depuis que je l'avais vu. Et de plus en plus, je regrettais d'être partie, de l'avoir laissé. Même si je ne comprenais pas sa distance envers moi, je m'en fichais. J'avais besoin de lui, d'être avec lui. Mais ce n'était pas un besoin physique… Mon dieu, pouvais-je ressentir ce que les autres appellent de l'amour? J'en avais rêvé, mais n'osais y croire. Cependant, au plus profond de moi, je savais que j'aimais Auron, que j'avais appris à l'aimer face à son absence, qu'il avait vécu en moi depuis un an. Cette révélation me semblait rapide, mais pourtant je sus que j'avais raison. Un souffle d'espoir siffla à mes oreilles, en même temps que des éclats de voix qui venaient de la vallée. J'entendais les éclats de rire de Tidus, les râles de Kimari, les soupirs de Lulu. Ainsi, il n'était pas là… Mon poul s' accéléra quand je vis le manteau rouge apparaître de derrière la dune. Il était devant tous les autres, mais ne disait rien. Je me sentais tellement heureuse! Je n'eus qu'une envie, c'était de lui crier tout ce que je venais de ressentir pour lui, tout ce que je venais de comprendre. Je me serais jetée dans ses bras, nous aurions roulé sur le sable… Mais son regard sévère m'en empêcha. Un regard qui me glaça, comme si ses yeux me hurlaient de ne rien dire, que ça ne valait pas la peine… Et les autres arrivèrent. Je leur fit des grands signes, et proposais de les conduire au refuge Al-Bedh. Ils me suivirent une journée sans rien dire, pour garder notre salive dans la grande chaleur. Juste avant de sortir du désert, j'aperçus un oiseau… C'était un signe de malheur chez nous. Je n'en parlais pas aux autres, mais je sus que mes craintes étaient fondées quand j'arrivais au refuge: il brûlait! Les Yevonistes l'avaient attaqué! Je criais une explication aux autres et courrai. Une fois arrivée, je sautais au coup de mon père:
- Papa! Tout va bien? Tu vas bien?
- Moi je vais bien, mais les autres je ne sais pas… Les monstres ont envahi le refuge, je ne sais plus quoi faire… Notre équipe essaie de les empêcher d'entrer, mais nous ne pouvons pas nous occuper de ceux qui sont à l'intérieur…
- On y va! Cria Tidus.
- Merci gamin! Passez par-là! Faîtes attention.
Tidus partit droit devant, fonçant dans le tas avec Wakka et traçant une route pour Lulu et Kimari. Auron avait disparu plus loin. Rikku regarda son père d'un air désespéré.
- Sois prudente ma fille… J'ai tellement eu peur pour toi…
- Je vais bien papa. Regarde je suis là…
- Je sais…
Il la serra dans ses bras, puis lui murmura:
- Va voir les chambres, j'ai peur que certain d'entre nous soient encore là haut.
Je courrai, montai les escaliers et entendis un cri. Je me précipitais dans la chambre de Nyaka et la trouvais étendue au sol. Un Bandersnatch était penché sur elle, prêt à la dévorer. Elle se débattait, il la lacérait. Je bondis sur cette bête et lui plantai ma griffe dans le flanc. Il se retourna sur moi et me mordit l'épaule. Sans y prendre garde je plantai ma griffe dans toute sa chair qui se présenta à moi. Quand enfin il rendit don dernier souffle, je me précipitai vers Nyaka, mais un Bombo me barra la route. Il m'envoya un souffle de feu que j'évitai de justesse, mais je savais la situation critique. Mon épaule était blessée, je ne serai jamais assez rapide pour le Bombo. Et si je ne faisais rien, il allait tuer Nyaka… J'étais perdue! Un autre souffle coupa court à mes pensées, et je me réfugiais derrière le lit. Vite, réfléchis. J'entendis un souffle, mais ne vis aucune flamme. Prudente, je sortis la tête et vis Auron mettre en pièce le Bombo. Je restais sans voix… Pourquoi était-il venu?
- Merci…
- C'est rien. Occupe-toi d'elle.
Il atteignit la porte d'entrée, s'arrêta et tourna la tête vers moi.
- Rikku… Reste ici. Reste au refuge, c'est ici que les gens ont besoin de toi.
- Je ne peux pas rester… J'ai promis à Yuna de l'accompagner, je le ferai jusqu'au bout!
- Yuna s'en sortira sans toi, elle est assez forte. Mais toi…
- Je ne suis pas assez forte, c'est ça?
- Non, je n'ai jamais dit ça.
- Mais alors, qu'est-ce que tu dis? Depuis le début je ne comprend pas, je ne te comprend pas.
- Il n'y a rien à comprendre.
Il regarda au dehors.
- C'est juste que j'ai peur pour toi.
Il partit. J'aurai voulu courir le rattraper, lui demander de m'expliquer, mais Nyaka m'avait pris la main. Je rencontrai son regard bleu. Elle souriait, et son visage semblait me murmurer qu'elle avait eu raison. Raison à propos de quoi? Le Bandersnatch l'avait lacérée sans ordre, elle saignait abondamment.
- Je vais chercher quelqu'un.
- Ça ne sert à rien. Je veux que tu restes là jusqu'à la fin…
Je pleurai.
- Comment peux-tu savoir que c'est la fin?
- Je ne sais pas, je n'ai jamais vécu ma mort, mais je sais que c'est le moment… Tu comprends?
- Oui, je crois. Mais je ne veux pas…
- Moi non plus, mais il n'y a plus rien à faire… Bonne chance Rikku.
Je ne savais pas quoi dire. Je la vis fermer les yeux. Mais soudainement son corps se raidit, elle commença à trembler et à appeler mon frère. Je ne savais plus quoi faire, je la calmais, criais le nom de mon frère. Mais il ne vient pas. Nyaka s'éteignit dans un dernier soubresaut. Tremblante, je fermai la chambre et fonçai à la salle des machines. Tout le monde y était déjà, prêt à partir. Je lançai un regard noir à Auron et allai rejoindre les autres.
