Je ne me rappelle pas bien de ce qu'il se passa par la suite. Enfin, en réalité je ne veux pas m'en rappeler. Trop de mauvais souvenirs me percutent. Je dus annoncer à Tidus le sacrifice de Yuna et je vis le refuge exploser au milieu du désert. Nous étions tous dans le cockpit. J'avais envie de pleurer, mais mon père m'en empêcha. Il nous consulta tous avant de lancer une recherche sur Yuna. Il fallait attendre que le satellite la détecte. Je m'excusais et allais sur le pont. Les larmes formaient des traînées sur mes joues alors que je regardais droit devant. Soudain un main se posa sur mon épaule.
- Ça va petite sœur?
Frangin alla s'appuyer à la rambarde et baissa la tête.
- Non ça ne va pas. Je n'arrive pas à croire que les Guados nous ont enlevé tout ça.
- Quoi?
- Tout. Le refuge, notre maison, les gens…
- L'amour…
Il pleurait. Je n'avais jamais vu mon frère pleurer.
- Frangin… je suis tellement désolée. J'aurai dû faire quelque chose. Elle était devant moi, elle appelait à l'aide, elle souffrait tellement…
- Tais-toi. Tu ne pouvais rien faire, je le sais. Auron me l'a dit.
- Auron…
- Tu lui dois une fière chandelle, il t'a sauvée, parce qu'encore une fois tu t'étais jetée face au danger sans réfléchir…
- Je n'ai pas réfléchi, parce que Nyaka était en train de mourir devant moi. Tu aurais fait la même chose…
- Oui, j'aurais fait la même chose. J'aimerai te dire que j'aurai fait beaucoup plus, mais il n'y avait rien à faire. Je n'aurai jamais dû la laisser seule, mais je lui faisais confiance.
- Tu sais, ce n'est la faute de personne. A part de ces crétins de Guados qui nous ont envoyé leurs bombes. Je ne crois pas que Nyaka aimerait que l'on pleure.
- Non, elle n'aimerait pas. Tu sais qu'elle t'aimait beaucoup?
- Oui, je crois…
- C'est elle qui m'a expliqué, le soir où…
- Oui je sais.
- Ce jour-là je l'ai détestée de t'avoir mis de telles idées dans ta tête de linotte!
- Hahaha! C'est bien de toi ça!
Je redevins grave.
- Tu en as parlé à papa?
- Non, bien sûr que non… C'est notre petit secret…
Je lui serrai la main.
- Merci beaucoup… Tu sais qu'elle t'aimait plus que tout?
- Non. Je ne savais jamais comment me tenir avec elle. Quand j'étais froid, elle me demandait toute la tendresse possible, et quand j'étais gentil elle se braquait. Ça me rendait fou…
- Elle avait tout compris, et jouait bien son jeu. Les rares fois où j'ai parlé avec elle, elle parlait de toi comme de l'amour de sa vie. Et elle n'avait pas tord…
- Elle n'a pas eu le temps d'avoir tord… Mais merci de m'avoir dit ça.
Il me prit dans ses bras. Je me sentais apaisée, comme si nous avions épongé la peine de l'autre. Il m'embrassa sur le front et je relevai la tête. Une vision d'horreur me frappa.
- Derrière toi!
Une sorte de dragon nous faisait face. Mais je sentais qu'il ne nous avait pas vu. Mon frère murmura le nom d'Effray, le dragon gardien de Bevelle. Ainsi Yuna était à Bevelle et ils nous attendaient. Je n'eus pas le temps de réfléchir car les autres arrivèrent et nous nous débarrassâmes de la bête. Mon père nous approcha de Bevelle et nous atterrîmes au milieu d'un long couloir jonché de fleurs. Je me doutais bien que ce n'était pas pour nous souhaiter la bienvenue, et c'est là que je vis Maître Seymour embrasser ma cousine Yuna, qui était devenue officiellement sa femme. Tidus cria. Yuna pointa son sceptre en direction de Seymour, Maître Kynoc nous menaça de son fusil. Le ricanement de Maître Seymour me fit tressaillir.
- Ainsi, Lady Yuna, c'est pour m'envoyer que vous avez pris le risque de m'épouser. Soit, qu'il en soit ainsi. Mais il faudra aussi envoyer vos amis.
Je vis Yuna désespérer. Elle fit tomber le sceptre.
- Tuez-les!
Tout se passa très vite. Auron renversa Kynoc à terre, Yuna sauta de la tour, secourue par Valefore. Nous fûmes jugés. Durant le procès, j'apprenais que tous les dirigeants de Yevon étaient des Errants, des morts qui n'avaient pas été envoyés. Spira était gouverné par la mort. Je savais bien que Yevon n'était qu'une mascarade, un paravent pour la folie des hommes. Mais je me tus, car mon arrêt était déjà assez difficile. Condamnée à mourir! Mourir au nom d'une cause qui n'existait pas… Ils ont ferré mes poignets, comme ceux des autres, puis nous ont poussés dans un long couloir. Nul ne disait mot, jusqu'à ce que le couloir se sépare en deux voies opposées. De manière brutale les gardes empoignèrent Yuna et lui bandèrent les yeux. Tidus cria, s'égosilla, mais fut bientôt maîtrisé par deux gardes. Lulu, Kimari et Auron eurent aussi les yeux bandés, puis on les emmena. Mais… pourquoi eux? Pourquoi m'enlevait-on mon Auron? Je n'eus pas le temps de me le demander, puisqu'on me prit tel un baluchon sur son dos avant de me jeter dans une sorte d'égout visqueux. Pouah! Les gardes s'en allèrent, croyant que nous ne sortirions jamais. C'était compter sans Tidus qui nous trouva un passage sous-marin. Après une dernière victoire sur le spectre d'Effray, j'aperçus de la lumière. Ainsi la vie était de l'autre côté. Mais avais-je vraiment envie de vivre, s'il n'était pas de l'autre côté?
