Il était de l'autre côté, il courrait vers… la sortie. D'accord, ce n'était peut-être pas pour moi, mais au moins il vivait, il avait survécu! Sa vision me donna encore la force de combattre Lord Seymour, qui s'interposait entre la sortie de Bevelle et nous. Le combat fut dur, en raison de ma grande fatigue, pourtant j'en garde presque un bon souvenir, car je sentais que je pouvais tout réussir par la force de ma volonté. Je pris enfin conscience de mon pouvoir, de mon instinct de survie.

Après une course effrénée, Kimari arrêta tout le monde dans la forêt de Macalania, où il proposa de dresser le camp. Auron lui conseilla d'aller planter les tentes près du lac, où nous aurions de l'eau. Nous marchâmes encore un peu, et finalement Yuna murmura d'une petite voix qu'elle ne pourrait plus continuer tant ses pieds lui faisaient mal. Pris de pitié, Kimari la prit dans ses bras et nous arrivâmes enfin aux abords du lac Macalania. Je tombais à terre. J'étais exténuée, je n'avais pas dormi depuis 2 jours, les combats m'avaient épuisés.

- Hé Rikku, ne reste pas là, on va poser la tente!

Wakka. Et toujours aussi délicat. Je me levais péniblement et allais m'appuyer contre un arbre.

- Ça va?

Lulu me regardait avec des yeux inquiets.

- Hum… ça va. Je suis juste épuisée.

- Je le vois bien. Yuna non plus n'en peux plus, elle va aller se reposer un peu. Tu devrais l'accompagner.

- C'est gentil, mais j'ai envie d'être un peu seule.

- Comme tu le sens. C'est vrai que tu as l'air fatigué.

- Je vais aller me promener un peu.

Je me redressais et partis en direction du lac. J'avais vraiment besoin de ne penser à rien, et je m'enfonçais dans la forêt. Je découvris une petite clairière et m'allongeai sur la mousse. Je m'endormis aussitôt et me réveillais deux heures après; la nuit était tombée. Je pris le chemin du retour, quand juste avant de sortir de la forêt je vis passer Auron. Je m'arrêtais, paralysée par sa présence. Il entendit un craquement et me regarda. Il me dévisagea longuement, puis continua son chemin. Je repris mes esprits rapidement et sortis.

- Non… Arrête! Tu n'as pas le droit de partir comme ça! Tu te prends pour qui? Tu ne me parles plus que pour me dire des méchanceté, puis tu me lances comme une bombe que tu as peur pour moi, et maintenant tu ne dis rien? Et moi je pense quoi de tout ça!

Il ne répondit pas, mais s'arrêta.

- Mais parle!

- Mais est-ce que tu peux comprendre que quand tu es là je ne sais plus ce que je dis!

Je restai interdite. Je croyais comprendre, mais tout me semblait compliqué.

- Comment, qu'est-ce que tu veux dire?

Il se retourna

- Tu ne comprends toujours pas?

- Ben…

Je levais la tête. Il me regardait, je sentais la détresse derrière ses lunettes noires.

- Je crois… C'est illogique, mais je crois que j'ai compris.

- C'est illogique, parce que depuis le début je ne sais pas comment agir avec toi. Rikku… Depuis la première fois que je t'ai vue, je n'arrive pas à penser à autre chose que toi, et même si ce sentiment est merveilleux, il me dégoûte et me répugne quand les vingt ans qui nous séparent viennent me narguer. Je sais que ce n'est pas bien, mais je ne peux me résoudre à t'oublier. Je suis comme tiraillé par mon cœur et ma raison, comme un bête héros de roman face à un cruel dilemme. Et je ne sais plus comment faire…

Pour toute réponse, je m'approchais de lui et l'embrassais. Je retrouvais enfin cette douceur, sa peau qui m'avait tant manquée. Il me serra dans ses bras, comme pour m'enfermer à l'intérieur de lui. Je ris, et lui murmurais qu'il me faisait mal. Il desserra son étreinte et me regarda l'air apaisé.

- Attends-moi Tidus!

Je consultais Auron du regard, il me poussa dans la forêt et me rejoignit. Nous pûmes juste échapper à Tidus et Yuna qui rentraient main dans la main. Nous retînmes notre souffle, jusqu'à ce qu'ils aient disparus.

- Ils étaient si choux… murmurai-je attendrie.

Auron me tenait dans ses bras, serrée contre son torse. Il ne disait rien.

- Tu ne trouves pas?

- Oui, bien sûr. Mais c'est aussi affreux, parce qu'ils viennent de me rappeler que je n'ai pas droit à une telle relation.

- Comment ça?

- Tu ne peux pas comprendre, et je ne peux pas t'expliquer. C'est mieux d'en rester là, crois-moi!

- Non, je ne veux pas. J'ai mis un an à essayer de t'oublier, j'ai cru y arriver. Je me suis cachée ton absence en me distrayant de petites histoires sans importance. Et maintenant que nous sommes enfin réunis il faudrait que je t'oublie ? Mais pourquoi ne peux-tu pas être simple pour une fois ?

- Parce que je n'ai pas le droit. Et ne me demande pas pourquoi, je n'y répondrai pas. Je suis vraiment désolé, mais je ne peux rien faire de plus.

Cette fois, je ne sus quoi répondre. Enfin si, j'aurai pu ergoter, crier, me révolter contre son silence. Mais je sentais que ça n'allait pas me le ramener, alors je le regardais repartir en direction du camp. Curieusement, je ne pris pas cet abandon avec beaucoup de gravité. Je savais que tout n'avait pas été dit, et que mon prénom serait encore associé au sien…

Le lendemain nous partîmes tôt, car le Mont Gagazet nous attendait. Après avoir traversé la Plaine Félicité, nous nous hasardâmes sur un petit chemin escarpé avant de rencontrer les Ronso, peuple de Kimari. Ils nous proposèrent un moment de répit, car les Guados nous avaient encore envoyé une de leur stupides machines, et parce que la route du Mont Gagazet s'annonçait difficile. Et ils avaient raison. Je croyais n'avoir jamais autant souffert physiquement de ma vie. Les monstres se montraient coriaces, et le froid me glaçait les membres. Native de mon petit désert, je n'avais jamais vraiment connu le froid, mais cette première expérience en fut révélatrice. Auron me prêta son manteau pour la dernière partie ; une tempête de neige s'était levée. Après deux jours nous atteignîmes le sommet du Mont, mais Lord Seymour nous y attendait… Horrifiée par son aveu de vouloir devenir le nouveau Sin, je me précipitais sur lui, mais me rendais vite compte que ce combat était mieux adapté à de bonnes épées et que je faisais mieux de disperser mes potions Al-Bedh… Après un dur et long combat, Lord Seymour capitula enfin, mais je savais que nous le reverrions…

Après un dernier combat contre le gardien du Sanctuaire, les Ruines de Zanarkand se déroulèrent enfin sous nos pieds. Cette image de calme me réconforta suite à toutes les épreuves endurées, mais je sentais aussi que la fin se rapprochait, et que je n'avais pas trouvé de solution pour sauver Yuna, comme je l'avais promis à Tidus… Je regardais Auron. Je sus qu'il m'avait comprise, mais qu'il ne pouvait pas m'aider. Il avait promis de ramener Yuna à Sin, il le ferait. Sa droiture d'esprit était sa force et sa faiblesse. Mais au moins, il me comprenait… Le voyage continua, silencieux, jusqu'en bas de la montagne. La nuit tombait peu à peu, alors Yuna proposa de dresser ici le camp.

- C'est peut-être la dernière fois que nous sommes tous ensemble…

- Pourquoi dis-tu ça ? Demanda Wakka.

- J'ai peur de Lady Yunalesca. J'ai peur d'échouer devant elle…

- Voyons Yuna, la réconforta Tidus, tu as été parfaite jusqu'ici. Alors tout ce qu'on te demande, c'est de continuer comme tu as fait jusqu'à présent ! Je sais que tu peux le faire. Je vais aller faire du feu.

Nous nous assîmes tous en rond autour du feu, et la plus longue nuit de notre vie commença. On se dit tout. Tout le monde à tour de rôle raconta son histoire, mais ses souvenirs sont encore trop vivants dans ma mémoire, trop attachés à toutes ces personnes pour que je puisse les raconter. Je dois cependant vous dire que Auron ne parla quasiment pas. Il ne raconta que ce que l'on savait déjà, mais se garda bien de donner des détails. Il se garda aussi de croiser mon regard, mais je sais qu'il ne perdit pas un mot de ce que je racontais. Je taisais bien sûr notre histoire, mais je sais qu'il comprit chacun de mes silences… Nous nous résolûmes à nous coucher quand le feu s'éteignit, nous plongeant dans le noir total. A tâtons je cherchais une couverture et m'y emmitouflais. Mais j'avais encore froid, et ne parvenais pas à m'endormir. C'est pour ça que j'entendis quelqu'un se lever, même s'il faisait tout pour ne pas faire de bruit. Je reconnus la lourde démarche d'Auron, et sans bouger je le regardai partir en direction de la montagne. Qu'allait-il faire ? Allais-je le suivre ? Si oui, pourquoi ? Parce que j'en avais envie, simplement. Il fallait arrêter de me poser des questions, j'avais envie d'être avec lui. Et même s'il m'avait dit qu'il ne pouvait pas être avec moi, moi je ne pouvais pas être sans lui. Il fallait un compromis. Et mon compromis à moi était de le suivre discrètement, sans me faire remarquer. Plus agile que lui, mes pas se perdaient dans le silence glacial et il ne me remarqua pas. Il alla s'asseoir un peu plus loin sur le chemin, laissant ses pieds pendre dans le vide. Je me cachais derrière un rocher. Je ne le voyais pas, mais j'entendais sa respiration. Je goûtais avec exaltation chacun de ses souffles qui rejoignaient l'air.