Ça ne sert à rien de te cacher, tu sais…
Oops… Je me sentais vraiment, vraiment bête. Toute penaude, je sortis de ma cachette et me présentai à son regard. Il semblait amusé.
Tu m'as entendue ?
Non. Tu es aussi légère qu'une plume. Mais j'ai senti ta présence. Rien ne me le prouvait, mais je savais que tu étais là. C'était bizarre…
Peut-être…
Je grelottais.
Viens, me murmura-t-il. Même s'il ne doit rien y avoir entre nous, je ne peux pas te laisser mourir de froid.
Il m'ouvrit son grand manteau rouge et je m'y blottis.
Tu n'arrives pas à dormir ? Demandais-je.
Non. J'avais besoin de réfléchir à tout ce que nous avons dit ce soir.
Tu n'as presque rien dit.
Presque. Et ça vous suffit.
Moi ça ne me suffit pas. J'ai envie d'en savoir plus sur toi. Parle-moi un peu de toi…
Rikku…
Tu sais, avant de penser à une relation avec toi, j'ai eu envie de te connaître. Je sais que nous n'en avons pas vraiment eu le temps, mais je crois que nous pourrions sérieusement être amis. Si tu as besoin de te confier, tu sais que je suis là. Je ne veux pas t'y obliger. J'ai juste senti que tu taisais beaucoup de choses ce soir, et je ne pense pas que c'est bien de tout garder pour soi.
Tu as raison, mais je ne savais pas si tu avais envie de m'entendre…
T'es bête. Tu sais bien ce que tout en toi m'intéresse.
Un long silence suivit. Je savais qu'il avait besoin de parler, mais je ne voulais pas le forcer.
Que veux-tu savoir ?
Pourquoi es-tu entré chez les moines, à dix ans ?
J'ai eu une enfance très heureuse. Mes parents étaient des riches bourgeois de la cité de Luca, ils m'avaient donné la meilleure éducation possible. Je savais que mon père désirait que je devins moine, et c'est pour ça que j'entrais au monastère sans trop me poser de questions, parce que je pensais que c'était le mieux pour moi. Et puis les années ont passés. Je suis resté 13 ans au monastère avant d'être retiré de mes fonctions pour avoir refusé d'épouser la fille d'un prêtre.
Pourquoi as-tu refusé ? Elle ne te plaisait pas ?
A vrai dire, je m'en fichais. Je crois même ne l'avoir jamais regardée. Simplement, à 20 ans, j'étais bête. Toute ma vie j'avais lu des livre religieux, et m'étais tenu à la pratique de cette religion. J'avais lu quelque part que les moines mariés accomplissait une sorte de tromperie face à leur dieu, même si cette pratique est permise par les dirigeants actuels. C'est pourquoi je ne voulais pas me conduire en hérétique, et j'ai refusé le mariage. Ironie du sort, j'ai renié ma foi par la suite… Mais ça c'était après avoir connu Braska.
Un silence.
Pourquoi t'arrêtes-tu ?
Parce que tu ne dis rien…
Je n'ai envie de ne rien dire, je veux juste t'écouter. Que s'est-il passé par la suite ?
J'ai quitté le sanctuaire, et j'ai erré. Pour gagner ma vie j'ai enseigné la lecture aux enfants dans une petite école de Luca. De ma vie privée, rien à dire. Je n'avais ni l'expérience ni l'envie de connaître les femmes. C'est un après-midi après la classe que Braska vint me chercher. Il me dit qu'il avait entendu parler de moi, et qu'il estimait beaucoup mon courage. Il me demanda d'être son gardien, car pour son pèlerinage, disait-t-il, il aurait besoin de gens comme moi. Comme je n'avais pas d'autre horizon, je le suivais. Nous devînmes rapidement amis. Il possédait une culture et une sensibilité extraordinaire. C'est vraiment le meilleur homme que je n'ai jamais rencontré. Comme le début du voyage approchait, il nous fallait trouver un autre gardien. Non que Braska n'avait pas d'amis, mais il ne voulait pas leur infliger un tel voyage. Il savait que je serai capable, mais ses connaissances se montraient trop attachées à leurs terres. C'est à ce moment que nous entendîmes parler de cet homme qui se disait d' « une autre époque » et qui avait été enfermé. Nous allâmes le chercher, tu sais que c'est Jecht, le père de Tidus. Il accepta de nous suivre, et le voyage commença. Je te passe les détails. Ce fut très bizarre. Il y avait des moments où nous nous amusions, et d'autres où je me sentais vraiment à part, sans pouvoir savoir pourquoi ni comment changer la situation. Nous avions pourtant une grande complicité. Je m'entendais très bien avec Braska, et avec Jecht… Il m'énervait, mais je ne pouvais m'empêcher de le trouver sympathique. Peut-être parce que c'est lui qui me présenta au monde des femmes… Oui, le pèlerinage fut un peu dissolu pour Jecht et moi… Mais même si je goûtais les meilleures peaux, aucun cœur ne me retient. Sans doutes parce que je ne parvenais pas à oublier qu'à la fin de ce voyage Braska nous quitterait. J'étais d'ailleurs décidé à le suivre, mais quand Jecht s'interposa, je n'eus pas le courage d'insister. J'ai soudain eu peur de la mort. Mais je ne savais pas que regarder mourir ses amis était la pire mort. Je décidais de tenir la promesse que j'avais faite à Jecht, c'est à dire m'occuper de son fils. C'est ce que j'ai fait pendant dix ans. Voilà, maintenant je continue de tenir ma promesse… Et puis, il y a un an, je t'ai trouvée. Je dois t'avouer que j'ai remis beaucoup de choses en question. Tu étais la première femme que je désirais depuis très longtemps, parce que j'avais mis comme entre parenthèse ma vie amoureuse. Et quand tu es partie, je me suis rendu compte que j'avais vraiment été con de te laisser t'échapper. Rikku, tu es ce qui m'est arrivé de mieux depuis longtemps, je voulais que tu le saches.
C'est vraiment gentil. Toi aussi tu comptes beaucoup pour moi. Peut-être parce que tu es le premier, peut-être aussi pour autre chose… Mais je ne sais pas quoi…
Mieux vaut ne pas te poser de questions. Tu sais, les relations évoluent, mais il faut les laisser évoluer toutes seules.
D'accord.
Je baillais.
Tu es fatiguée ?
Oui.
C'est normal. Le jour se lève…
En effet, le soleil pointait son bout de nez à l'horizon, la brume matinale s'élevait des ruines de Zanarkand pour monter au ciel. L'atmosphère était féerique. Je m'appuyais sur son épaule et murmurais :
Parle-moi de Zanarkand… Il y a 1000 ans…
Pourquoi ?
Je trouve que cette brume porte toute l'histoire de Zanarkand… et je veux savoir comment elle était quand tu y vivais…
Ecoute, je ne sais pas ce que je peux te dire… Quand je suis arrivé, j'ai eu peur. Parce que je suis arrivé la nuit, que tout était allumé et que je me sentais vraiment petit, minuscule, microscopique. En plus, je devais me débrouiller tout seul pour me trouver une chambre d'hôtel alors que je ne savais vraiment pas où aller. Je te passes les détails, mais ce n'est qu'après avoir retrouvé la mère de Tidus que j'ai pu regarder et apprécier la ville. En réalité c'était une ville magnifique. Un joyau de modernité et d'esthétique. Ce que je préférais, c'était de me poser sur le toits de la maison, et là je regardais les immeubles. Et un jour j'ai compris qu'ils étaient construits de lumières ! Enfin, on avait vraiment l'impression que les lumières dessinaient sur l'écran de la nuit des murs, des portes, des fenêtres…
Très poétique !
Ouais, j'avais surtout beaucoup de temps à perdre pour penser à des conneries pareilles !
Je ne le pense pas. C'est une pensée qui t'es venue à un certain moment. Et moi j'aimerai bien voir une ville formée de lumières !
Je t'emmènerai, une fois… Mais pour l'instant viens près de moi.
Je m'endormis dans ses bras. Il veilla encore un moment, puis m'allongea à ses côtés avant de fermer les yeux.
