Je tournais la tête. Sin. Sin était devant nous. Le combat s'annonçait rude. En quelques minutes nous fûmes rejoint par Tidus, Yuna, Wakka et Lulu, et le combat s'engagea. Je n'ai pas de détails précis. Je me rappelle juste que ce fut long et fatiguant. Et qu'une fois que Sin eut rendu son dernier souffle, je fus projetée à terre alors que le vaisseau était happé à l'intérieur de Sin. Je fermais les yeux…
Je me réveillais en terre inhospitalière, un marécage brumeux et froid. En silence nous poursuivîmes notre route. Ce n'était pas que nous n'avions plus rien à nous dire, mais nous avions trop à dire… J'aurai aimé dire à tout le monde combien je les aimais, même si je ne les connaissais pas depuis bien longtemps. J'aurai aimé leur dire que tout allait bien se passer, que nous rentrerions tous ensemble, le drapeau de notre victoire planant au-dessus de nous. Cette pensée me redonna courage, et je marchais d'un pas assuré, jusqu'à un petit ponton égaré au milieu de la plaine. C'est là qu'une mauvaise surprise nous attendait… Lord Seymour, qui ne possédait presque plus aucun trait humain, nous barra une dernière fois le passage. Je dis une dernière fois, parce qu'en nous provoquant Seymour avait signé son arrêt. Sa cause était désespérée, il le savait, mais il voulait essayer. Il voulait essayer de nous arrêter jusqu'à bout, parce qu'il l'avait décidé. Sa détermination m'avait toujours fascinée, et me fascine encore aujourd'hui, même si au fond je sais que ce n'est qu'une pauvre crapule.
Nous nous enfonçâmes dans les labyrinthes de Sin, jusqu'à arriver devant une tour monumentale. C'est Auron qui prit la parole en premier :
Yuna, la fin est proche. Passée cette tour, il nous sera impossible de revenir en arrière.
Je le sais. Reposons nous encore cette nuit. Les divers combats nous ont épuisés, et je ne peux pas risquer de perdre.
Oui, reposons-nous cette dernière nuit…
Nous disposâmes les couvertures en cercle, et Kimari sortit du pain de sa besace. Auron nous prêta sa gourde pour l'eau. Nous discutâmes peu cette nuit, et nos paroles n'avaient aucun sens. Nous nous étions tout dit à Zanarkand, et ce qu'il restait était trop profond pour le dire ouvertement. Pourtant je sais que tout le monde a compris, puisque nous pensions tous la même chose. Finalement, Yuna éteignit le feu, et tout le monde se coucha. Je m'allongeais avec précaution sur le tapis qui me servait de lit. La dernière nuit… C'est ce que Yuna avait pensé, c'est ce qu'il avait dit. La dernière nuit avant que tout ne finisse ; ou que tout ne commence. Je ne savais pas ce qu'il voulait, alors je restais couchée. Mais je dois avouer que je ne fus pas étonnée de sentir ses deux mains se poser sur mes épaules et de l'entendre me murmurer à l'oreille :
Viens, je dois te parler.
Je me levai en silence. Je le vis monter sur une plate-forme et disparaître derrière un mur. Je le rejoignis le plus rapidement que je pus, tout en essayant de ne pas réveiller les autres.
Rikku… Ce que je dois te dire n'est vraiment pas facile, et surtout parce que j'ai attendu trop longtemps. Mais saches que si je te l'ai caché c'est pour toi, parce que je ne savais pas comment te le dire.
Je ne l'aidais pas. Je ne disais rien. J'attendais la suite.
Rikku… Je suis… enfin je ne suis pas… Mon corps…
Je fermais les yeux, posais un doigt sur mes lèvres et murmurai :
Tais-toi…
Quoi ?
Je sais.
Je rouvrais les yeux. Il avait peur. Oui je savais. Et je ne voulais pas en parler. Mais il continua :
Non, ce n'est justement pas le moment de me taire. Parce que même si tu sais, il faut regarder cette vérité en face, et comprendre…
Il se tut, car une larme coulait le long de ma joue. Oui, je venais de me rendre compte que cet homme que j'avais choisi était mort dix ans auparavant, qu'il errait sur les terres de Spira pour remplir la promesse qu'il avait faite à ses deux meilleurs amis, et que demain il les retrouverait dans l'Au-delà. Et que demain je le perdais…
Non je ne veux pas !
Je me précipitais dans ses bras et il me serra très fort. Je l'embrassais, puis glissais mes lèvres vers ses oreilles :
Viens avec moi…
Comment ça ? Où ?
On rebrousse chemin, on rentre à Spira. On laisse les autres dégommer le grand méchant en haut de sa tour. Même si c'est une trahison, les autres ne diront rien. Et Yuna aura compris. On se cache pendant deux ans, le temps que l'histoire ne se tasse et que j'ai atteint ma majorité. Et après on se marie et on sera très heureux !
Mais tu es complètement folle ! Je suis un Errant, ça veut dire que je suis mort. Tu entends ? Mort ! Tu as envie de vivre avec un mort ? Tu crois que c'est une vie pour toi ?
J'ai envie de vivre avec toi, c'est tout. Je sais que je serai heureuse, et je me fous de ce que tu es, ou ce que tu n'es pas…
Je lui avais cloué le bec, et moi je n'arrivais pas à croire ce que je venais de dire. Mais, comme il ne disait rien et semblait réfléchir, ça voulait dire qu'il avait envie de me suivre. Oh, comme le reflet du bonheur est beau…
Rikku, c'est beau. Mais c'est impossible. Je suis mort, et c'est demain que mon errance finit. Je veux que tu ne saches que je donnerai ma vie pour avoir une seconde chance avec toi, mais je n'en ai même pas, de vie ! Ma propre vie ne m'appartient plus ; autant dire que je ne m'appartiens plus… Je suis passé, et essayer de lutter contre donnerait raison à tous ses hommes que j'ai combattu durant mon errance.
Comme Lord Seymour ?
Exactement. Il disait que seule la mort pouvait gouverner Spira, et je me suis toujours évertué à lui donner tord. Accepter de vivre mort aujourd'hui signifierait abandonner ces idéaux qui m'ont permis de vivre pendant dix ans…
Mais si tu abandonnes tes idéaux… Il te reste moi ! Je reste, moi !
C'est pour ça que je ne veux pas revenir sur la décision que j'ai prise il y a dix ans. Rikku, il faut arrêter de rêver. J'ai 20 ans de plus que toi, tu es encore tellement jeune… Je ne peux plus prendre la responsabilité de te voler ta vie, ta jeunesse. Tu as le droit de vivre une vie épanouie, à côté de quelqu'un qui t'aime et que tu aimes, d'avoir une vraie famille, des enfants… Rikku, nous n'aurions jamais dû nous rencontrer. C'est arrivé, et je ne le regrette pas, mais nous deux n'aurait jamais dû existé. C'est pour cette raison que je ne veux pas partir avec toi.
Je te comprends. En fait notre rencontre est une erreur du destin…
Ou une jolie surprise du hasard…
Il sourit, moi aussi, mais ce n'était que pour pleurer de plus belle. Il s'assit et me prit dans ses bras. Il me caressa les cheveux, et je me calmais un peu. Je lui soufflais :
Je te garde avec moi…
Je t'emmène avec moi…
La naïveté de nos propos me convint de leur sincérité, leur stupidité de l'impossible de notre relation. Pourtant nous partîmes d'un grand éclat de rire, sûrement pour décompresser.
En fait, c'est notre dernière nuit ?
La mienne en tous cas. Et je veux juste être avec toi.
Je ne pensais pas partir.
Je le sais. J'aimerai juste te demander quelque chose.
Bien sûr !
Comment as-tu su ?
Le jour où nous avons tué Yunalesca. C'est elle, non ? Elle t'a tué quand tu as voulu venger Jecht et Braska ?
C'est ça.
Tu as semblé si soulagé quand tu lui as donné le coup de grâce, et j'ai compris ce que tu voulais dire par « un jour, la souffrance est tout ce qu'il reste ». Et aujourd'hui je le comprends encore mieux…
Tu souffres ?
Tu sais, le soir du concert, je me suis dit que j'aimerai rencontrer quelqu'un pour qui je pourrai me perdre autant que dans la chanson « Ne me laisse jamais seul ». J'ignorais que cette personne se trouvait à mes côtés et que l'on pouvait souffrir bien plus que la chanson ne le supposait, puisque je ne peux pas mettre de mots sur ma souffrance…
Je ne veux pas que tu souffres.
Ne t'en fais pas, si je souffres, c'est parce que je l'ai choisi. Ne me demande pas de te l'expliquer.
Non, tu as le droit de garder ça pour toi. Mais j'ai encore une dernière faveur à te demander.
Tout ce que tu voudras.
Demain… Quand je partirai, je ne veux pas que tu pleures, que tu cries, ni même que tu parles. Au pire des cas ne me regarde pas. Mais si je vois que tu es malheureuse, je ne pourrais jamais partir tranquille dans l'Au-delà.
Comment… comment tu peux me demander ça ? Tu crois vraiment que je pourrai te laisser partir sans rien faire ? Même si c'est une cause perdue, je veux pouvoir pleurer, pour espérer te retenir.
C'est exactement ce qu'il va se passer. Mais je ne serai pas sauvé de la mort une seconde fois. Je deviendrai un monstre, et je ne serai même pas capable de te reconnaître si je te rencontrais…
Tu es égoïste, mais je m'en fiche. Je ne pleurerai pas, tu partiras soulagé et moi… il me restera une vie pour essayer de t'oublier.
Arrête Rikku ! Il avait haussé la voix. C'est ridicule ! Comment peux-tu dire des conneries pareilles ? Tu es encore jeune, tu as toute une vie pour être heureuse ! Dans quelques temps tu m'auras oublié !
Arrête-toi ! Tu me fais encore plus mal ! Je criais. Comment tu peux dire ça ? Comment tu peux savoir ? Qu'est-ce que tu peux connaître ? Je ne sais pas même pas pourquoi j'essaie de te l'expliquer, tu es vraiment trop bête !
Mais c'est toi qui est bête ! Regarde-toi un peu… Tu te vois pleurer sur moi pour le restant de tes jours ?
Je préfère ne pas me voir…
Le silence tomba. Nous ne savions plus quoi dire, comme si nous n'avions plus rien à nous dire. Comme si nous ne pouvions plus rien dire. Nous restâmes un long moment, face à face, à nous toiser du regard. Enfin, j'essayais de percer ses maudites lunettes. Mais je sentais son agressivité, alors je pense qu'il ne me regardait pas tendrement. Il baissa quand même la tête et soupira.
Rikku, c'est ridicule. Je ne veux pas me disputer avec toi ce soir. Je crois que l'on s'est tout dit… Maintenant, si tu veux rester, ça me ferait plaisir. Mais je comprendrais tout à fait que tu ne veuilles plus de moi, et même je crois que le mieux c'est que tu partes, maintenant. Enfin, que tu retournes à Spira. J'ai peur que ça se passe mal…
Moi aussi, mais je ne pars pas. Je ne te quitte pas.
Rikku…
Il me prit la main, et nous marchâmes un moment les deux. Rien que pour être ensemble, une dernière fois. Puis nous nous couchâmes, car le combat du lendemain serait rude. Nous passâmes notre dernière nuit enlacés, dans une quiétude que je ne comprends toujours pas…
Tjrs ce prob de tirets... dslée
