J'insère – une fois n'est pas coutume – une chanson. Et cette fois-ci, c'est Mylène Farmer qui va s'y coller ! A vos disk !

Chapitre 26 : Sauras-tu me reconnaître ?

Elle resta longuement à se contempler dans sa glace, à détailler chaque détail qui faisait Raven.

Sauras-tu me reconnaître, Trunk ? se demanda-t-elle anxieuse.

Sa robe, taillée par un grand couturier, lui serrait parfaitement la taille et accentuait son décolleté. Autour de son cou pendait un collier de perles nacrées et à ses oreilles des boucles d'oreilles assorties. Bien qu'elle ait les cheveux courts, elle avait une allure tout à fait féminine. Ses yeux bleus ressortaient grâce au maquillage réalisé par une charmante personne payée par son père.

Elle ressemblait à l'une de ces poupées que l'on expose dans une vitrine le jour de noël pour attirer les petites filles, sauf qu'ici, son rôle consistait à attirer le regard des hommes, et un en particulier.

Elle soupira lorsqu'elle entendit son père hurler.

Elle saisit ses talons puis descendit en dévalant les escaliers.

Dès qu'elle posa le pied dans le salon, son père l'étudia d'un oeil critique. Sid semblait apprécier les améliorations apportées à son look, tout comme Teddy qui lorgnait sans scrupule sur sa poitrine.

Bien, jugea son père. Tu sembles présentable. J'aurais dû me douter que l'actrice, que tu es, saurait se plonger dans un costume en quelques jours. Je te félicite, Raven.

Merci, père.

Tu as bien compris ta mission de ce soir ?

Oui.

Tu n'oublies surtout pas de lui parler de mon projet mais en faisant attention à ne pas le lasser. Tu dois faire cela tout en finesse. Entendu ?

Entendu.

Bien, partons.

Nerveux, Trunk ne cessait de scruter les invités qui entraient dans la salle de réception. A chaque fois qu'il apercevait le tissu d'une robe, son cœur faisait un bond dans sa poitrine à l'idée que ce soit Lynn. Mais la déception le calmait aussitôt.

Il faisait les cent pas depuis le haut des escaliers, là où il disposait d'une vue d'ensemble sur la grande salle. Il voyait Hercule en pleine discussion animée avec quelques uns de ses fans qui lui demandaient encore de raconter son formidable combat contre Cell.

Finalement, il aurait dû accepter que Songoten vienne à cette réception, il aurait été moins seul.

Soudain, son attention fut attirée par un ange en robe noire.

C'était elle ! Bien qu'elle ne soit pas brune et que ses cheveux n'aient plus la même longueur qu'autrefois, il reconnaissait Lynn.

Il contrôlait avec peine les battements de son cœur et contenait difficilement sa joie de la revoir enfin, toujours aussi belle et si... désirable. C'était le mot. En cet instant, il la désirait.

Il prit soin de descendre sans hâte les escaliers puis s'avança lentement vers le couple entouré par les autres convives.

Son bras sous celui de son père, Lynn monta les quelques marches qui menaient vers l'hôtel.

La carte d'invitation fut donnée et ils entrèrent dans la salle de réception.

Les lumières étaient scintillantes. Les gens étaient tous clinquants dans leurs habits de fête et leurs bijoux.

Lynn ne cessait de jeter des coups d'œil autour d'elle. Les présentations se succédaient, les compliments également. Mais la seule personne qu'elle désirait voir et dont elle attendait les compliments ne se montraient pas.

Où est-il ? songea-t-elle nerveuse. Il est obligé d'être...

"Bonsoir."

Elle se pétrifia sur place.

Cette voix.

Il est là, se dit-elle.

Son cœur se mit à battre furieusement contre sa poitrine. Elle avait les mains moites. La gorge sèche.

Raven, voyons, ne soit pas timide, plaisanta son père.

Nerveuse, elle se tourna vers Trunk.

Il lui souriait. Mais à qui ? A Raven ou au souvenir de Lynn ?

Je voudrais tellement que tu ne crois pas les mensonges de mon père, songea-t-elle. Je voudrais que tu me reconnaisses, moi.

Vous êtes très ravissante, Raven, la complimenta-t-il en souriant.

Merci, répondit-elle en évitant de le regarder dans les yeux.

Vous êtes bien timide. Votre père me l'avait dit.

C'est tout le portrait de sa défunte mère, répliqua son père.

Je vais vous laisser. Je reviendrais plus tard. Je tiens à ce que vous soyez ma cavalière ce soir. Vous êtes d'accord ?

Euh...

Bien sûr qu'elle accepte. Raven, ne sois pas aussi gênée.

C'est normal, dit Trunk en lui saisissant la main puis en y déposant un baiser. Vous n'êtes pas dans votre élément ici. Si vous avez besoin de quoi que se soit, je suis à votre disposition. A plus tard.

Sur ce, il s'éloigna.

Lynn n'en croyait pas ses yeux. Il ne semblait pas étonné de la revoir sous les traits d'une autre. Il croyait vraiment les mensonges de son père !

Je pense qu'il est tombé dans le piège, dit son père à son oreille. Surtout, reste vigilante.

Entendu.

Un homme vint à leur rencontre.

Ils commencèrent à discuter d'affaires.

Lynn se détacha du bras de son père et partit se réfugier dans un coin. Assise sur un chaise, un verre de champagne dans les mains, elle observait cette cour d'un regard désappointé.

Ils étaient là et personne n'entendait son cri de rage. Personne ne viendrait la délivrer de son calvaire.

Trunk est comme toute les autres. Il ne prendra jamais le temps de m'écouter. S'il m'aimait vraiment, il aurait senti ma détresse. Il n'aurait pas joué le jeu de mon père. Pourquoi ne voit-il pas ce qu'il y a derrière cette apparence si fausse si... sale. J'en ai assez... Je pensais au moins qu'en le revoyant mon état s'améliorerait mais non... Je vais encore plus mal...

Elle se leva.

Elle marcha au milieu des convives, cherchant un endroit où se réfugier... loin de la lumière qu'elle avait toujours ignorée.

Elle sortit de la salle de réception puis se rendit à la réception où on lui tendit des clés. Elle les saisit sans aucun remerciement puis le regard vide monta à l'étage.

Lorsqu'elle ouvrit la porte de sa chambre, ses pas la menèrent directement vers le balcon. Et son regard se perdit vers l'horizon.

Elle devait se faire une raison. Ils couraient dans deux sens opposés. Jamais ils ne parviendraient à se réunir, puisque même dans une pièce close ils étaient incapables de se retrouver.

Toi qui n'as su me reconnaître

Ses yeux se sont posés sur moi mais aucun déclic.

ignorant ma vie, ce monastère, j'ai

J'ai eu beau hurler, ma peine il ne l'a pas entendue.

devant moi une porte entrouverte

J'ai perdu mon cœur hier et aujourd'hui ma raison s'effrite.

sur un peut-être

Est-ce que je n'ai pas assez cru en lui ou est-ce lui qui n'a pas assez cru en moi ?

même s'il me faut tout recommencer

Je regarde mes mains tellement corrompues. Et je vois...

Toi qui n'as pas cru ma solitude

Mon destin... tracé de rouge.

ignorant ses cris, ses angles durs, j'ai

Mon armure depuis longtemps rongée.

dans le cœur un fil minuscule

Les doutes n'ont jamais cessé de m'assaillir, mais je les ai toujours étouffés.

filament de lune

Le fardeau est devenu trop lourd pour la petite fille que je suis au fond de moi.

qui soutient et là, un diamant qui s'use

Sans toi à mes côtés.

mais qui aime

Je suis pathétique.

J'n'ai pas choisi de l'être

mais c'est là "l'innamoramento"

Ce chemin m'attire sans que je ne comprenne pourquoi.

l'amour, la mort, peut-être

mais suspendre le temps pour un mot

Je désire tant aller vers cet inconnu.

tout se dilate et cède à tout

et c'est là "l'innamoramento"

Il m'ouvre ses grands bras en me murmurant qu'il me comprend.

tout son être s'impose à nous

trouver enfin peut-être un écho

Derrière moi, rien ne me retient. Devant moi, tout m'appelle.

Toi qui n'as vu l'autre côté de

Je n'ai plus qu'un seul souhait en cette nuit froide et obscure.

ma mémoire aux portes condamnées, j'ai

Changer de décor et quitter cette scène sans intérêt.

tout enfoui les trésors du passé

Un seul recours.

les années blessées

Fermer les yeux et sauter.

comprends-tu qu'il me faudra cesser

S'envoler comme un oiseau et se sentir léger.

Moi qui n'ai plus regardé le ciel, j'ai

Et voler plus haut pour tenter de s'approcher toujours plus du soleil.

devant moi cette porte entrouverte, mais

Faire abstraction de lois de ce monde, et exister éternellement.

l'inconnu a meurtri plus d'un coeur

Devenir ce flocon de neige et renaître dans chaque élément de la nature.

et son âme soeur

Pour espérer apaiser mon cœur.

l'espérant, on l'attend, on la fuit même

Apaiser mon âme.

mais on aime...

Et dormir paisiblement...

Lynn posa les mains sur le balcon puis se pencha pour regarder ce vide immense qui l'appelait.

Parce que tu n'as pas su me reconnaître...