A.N. : Et voilà le chapitre 6 ! Je vous avais promis qu'il serait moins long à arriver : j'ai tenu parole, einh ? J'espère qu'il vous plaira : moi en tous cas je me suis beaucoup amusée à l'écrire.
Réponses aux reviews:
Artémis : Toujours fidèle au poste ! Ya des jours où je me demande comment tu fais pour être toujours la première à reviewer les nouveaux chapitres... N'empêche que ça fait plaisir de te retrouver à chaque fois et ça motive pour écrire la suite !
Lovely A : Lol tu avais raison de te poser des questions sur l'identité de l'Infant et je peux même te dire que c'est dans ce chapitre que tu auras ta réponse. Un grand merci pour ta review !
Molly : Et oui il est un peu lunatique le petit Riry, mais bon après tout ce qu'il a vécu on peut le comprendre. Tu trouves qu'il est vraiment dur avec Moony dans ce chapitre ? Pourtant j'ai dû le réécrire une douzaine de fois en essayant de le rendre un peu plus soft : dans les premières versions il était presque aussi émotif que Cho et c'est tout juste s'il n'essayait pas de mordre Remus et Dumbledore ! Quand je vous disais que le chapitre 5 m'avait donné beaucoup de mal, c'était pas des blagues… Mdr !
Popov : Merci beaucoup et j'espère que la suite te plaira, même si pour le « très vite » c'est pas gagné : les délais d'updatage et moi, c'est pas vraiment une grande histoire d'amour...
Melindra : Ptdr ça se voit tant que ça ? C'est pask j'ai été contaminée il ya longtemps par le virus « Anne Rice » et depuis je me met à baver dès que j'entend parler de quenottes pointues… Un énorme merci pour ta review et j'espère que la suite te plaira aussi !
Marilyn : Je suis contente que ça te plaise et je suis soulagée de voir que finalement, ça n'a pas l'air de gêner trop de monde que la fic ne soit pas centrée uniquement sur Harry et Dray… Même si j'étais quand même plutôt contente de retrouver mes 2 amoureux dans le chapitre 6 !
Loryah : Lol je confirme : c'est pas bien d'essayer de culpabiliser les auteurs ! Après ils sont tellement rongés par les remords qu'ils deviennent insomniaques ou dépressifs et qu'ils se jettent du haut des falaises, et ça fait des fics abandonnées pour cause d'auteur suicidaire. Au fait ta réflexion sur Draco et le mot de passe de la tour de Gryffondor m'a bien fait rire pask kan j'ai reçu ta review, je venais d'écrire un passage du chapitre 6 où Harry pensait à peu près la même chose. Faut croire que les grands esprits se rassemblent lol ! Et c'est à partir du prochain chapitre que le rapprochement entre Riry et Dray risque de devenir plus sérieux : il faut les comprendre, pour l'instant ils en sont encore à apprendre à se connaître les pauvres pitchounes…
Oxaline : Je suis contente que ça t'ait plu parce que j'ai eu beaucoup de difficultés avec ce chapitre 5 et je n'arrivais pas du tout à cerner les personnages. Si on me dit après que je suis restée fidèle aux OC, ça me rassure et je me dis qu'au moins je ne me suis pas donnée tout ce mal pour rien ! Un énorme merci pour ta review et j'espère que la suite ne te décevra pas.
Amy Keira : Lol merci beaucoup ! Le tout c'est qu'elle ne soit pas trop longue et que tu ne finisses pas par t'ennuyer…
Chapitre 6 :
Il régnait un silence de mort dans les donjons. Harry avait l'impression que les battements de son cœur résonnaient comme un roulement de tambour sur les murs de pierre humide. Durant toutes les années qu'il avait passées à Poudlard, il ne s'était encore jamais trouvé seul en plein territoire serpentard à une heure aussi avancée de la nuit et il se faisait l'effet d'une souris dans un magasin de hiboux. Une idée assez inquiétante quand on savait que le chat l'attendait sûrement quelques couloirs plus loin, furieux d'avoir dû attendre toute la nuit dans une salle de Potions miteuse…
Les évènements de la soirée défilaient dans l'esprit du Griffondor avec une acuité glaçante : les mises en garde de Moony contre Bellatrix Lestranges, la rencontre avec Adrian Dannefeyr, les retrouvailles avec Rémus, Rogue et la Potion de Forme Première… Tellement d'éléments nouveaux, des éléments qui détermineraient sans doute l'avenir des personnes qu'il aimait. Il lui fallait du temps pour réfléchir à tout ça. Demain, il aurait certainement l'esprit plus clair... Arrivé devant la Salle de Potion le jeune homme rassembla son courage et poussa la porte, prêt à affronter le dragon.
Et s'immobilisa aussitôt sur le seuil, interloqué.
La salle de classe était déserte. Pas la moindre trace de Malfoy. Il n'y avait pas l'ombre d'une touffe de cheveux blond platine parmi les rangées de bureaux solitaires, pas la plus petite trace d'une paire de prunelles grises rageuses parmi les piles de chaises alignées nettement contre les murs. Le bureau de Rogue semblait figé et sans vie dans le silence lugubre de la nuit, la recette d'une Potion de Carpe-Langue encore inscrite sur l'imposant tableau noir. C'était comme si Malfoy n'était jamais venu ici. Comme s'il n'avait jamais existé…
Harry frissonna et secoua la tête. Non, non, non, ce n'était pas le moment de se laisser emporter par son imagination ! Malfoy devait simplement s'être lassé de l'attendre et avait dû aller voir ailleurs. La question était : où ? Le dortoir des Griffondors était une hypothèse peu probable après les mésaventures de Ron avec les salamandres, et de toutes façons il fallait un mot de passe pour entrer dans la tour. Idem pour les dortoirs de Serpentard. Restait l'Infirmerie, mais Harry doutait fortement de voir un jour le blondinet rester en présence de Mme Pomfresh une minute de plus que le strict nécessaire…
Le problème était insoluble. Malfoy aurait pu être n'importe où et le château était si immense qu'il faudrait des jours pour tout fouiller ! A moins que… Harry s'immobilisa, tira sa baguette de sa poche et murmura :
« Accio Carte des Maraudeurs ! »
Sa voix, à peine plus qu'un murmure, lui sembla résonner comme un coup de tonnerre dans la salle de classe vide. Il jeta un coup d'œil soucieux autour de lui, vérifiant que personne ne l'avait entendu. Après avoir passé tellement de nuits à se promener en cachette dans les couloirs de Poudlard, surveiller ses arrières était devenu un réflexe. Un faible bruissement d'air se fit entendre à l'extérieur de la salle et Harry tendit la main, juste à temps pour saisir la feuille de parchemin jauni qui volait vers lui à toute allure. Depuis sa quatrième année et le Tournoi de la Coupe de Feu, il avait eu largement le temps de parfaire ses sortilèges d'attraction. Il fallait seulement espérer que personne ne s'était étonné de voir passer un morceau de parchemin volant dans les couloirs de l'école… Mais avec la carte des Maraudeurs, Harry retrouverait Malfoy en moins de temps qu'il en fallait à Rogue pour enlever cent cinquante points à Gryffondor.
Dix minutes plus tard, le jeune homme commençait déjà à sérieusement déchanter. Cela faisait la quatrième fois qu'il examinait la carte avec une attention maniaque, et il ne trouvait toujours pas la moindre trace de Malfoy. Ni dans le château, ni dans les donjons, ni dans le parc. Et pourtant, le Serpentard ne pouvait pas avoir quitté l'école ! Cela n'avait tout simplement pas de sens. Le jeune homme soupira et passa une main ennuyée dans ses cheveux en broussaille. Il devait forcément y avoir une explication… Le problème, c'était qu'il n'en voyait aucune.
« Voyons. » réfléchit Harry. « Si j'étais Malfoy et qu'on m'avait abandonné tout seul dans une salle de potions vide alors que je ne peux parler que le fourchelangue, où est-ce que je pourrais bien être allé ? Un endroit qui ne figure pas sur la carte… La chambre des Secrets ? Non, c'est stupide : Malfoy ne sait même pas où elle est et comment y entrer, et je ne vois vraiment pas ce qu'il serait allé y faire. La forêt interdite ? Il avait l'air suffisamment terrorisé en première année quand Hagrid nous a obligés à l'y accompagner, il n'aurait sûrement pas voulu recommencer. Mais où alors ? Ce n'est pas possible qu'il soit ailleurs : il n'est pas sur le plan et la carte des Maraudeurs ne ment jamais… »
Le jeune homme stoppa net dans son monologue, le visage figé dans l'expression ahurie et béate de quelqu'un qui vient d'avoir une Révélation avec un grand R. Il y avait bien une pièce du château qui n'était pas signalée dans la Carte des Maraudeurs, une pièce que Malfoy connaissait et qui aurait pu lui offrir un refuge confortable en attendant qu'Harry revienne, parce qu'elle lui aurait fourni tout ce dont il avait besoin…
Harry replia d'un geste rapide la carte des Maraudeurs et se dirigea d'un pas vif vers la Salle sur Demande, maugréant à voix basse contre sa propre stupidité.
La pièce avait changé de forme depuis la dernière fois où Harry et Draco l'avaient utilisée pour leur cours de Potions. Plutôt que des chaudrons et des bocaux de queues de lézard séchées, c'était à présent des livres de toutes tailles et de toutes formes qui s'entassaient sur les étagères de bois verni. Harry se demanda brièvement pourquoi, étant donné que le Serpentard ne pouvait pas lire dans son état actuel. Puis il se rendit compte que les titres sur les couvertures n'étaient pas écrits en anglais mais dans une calligraphie étrange, arrogante et alambiquée. Une bibliothèque entière écrite en fourchelangue. Il n'y avait vraiment pas de limite aux miracles que la Salle sur Demande pouvait accomplir…
Malfoy était assis au centre de la pièce dans un grand fauteuil de cuir noir qui faisait penser à un trône de Génie du Mal de série B. Les aristocrates avaient toujours eu des goûts bizarres en matière de mobilier… Un grimoire massif était posé sur ses genoux, ouvert au chapitre vingt-sept. Une de ses mains gisait en travers de la page comme pour marquer le point où s'était arrêtée sa lecture. Sa tête était retombée en avant et son menton reposait contre sa poitrine. Il était profondément endormi.
Harry s'approcha sans un bruit, craignant de le réveiller. Les traits du Serpentard étaient paisibles et détendus, sa respiration régulière échappant doucement de ses lèvres entrouvertes. Il avait dans son sommeil une telle expression de fragilité et d'innocence qu'Harry s'immobilisa pour l'observer, le souffle coupé. Il n'avait jamais vraiment eu l'occasion d'examiner Malfoy de prés auparavant, et sans son masque d'orgueil et de sarcasme le visage placide du blondinet lui semblait presque étranger. Comme s'il voyait pour la première fois ces pommettes hautes et ce nez un peu busqué, ce front lisse et ces sourcils élégants. Malfoy avait des cils étonnamment longs et des lèvres pleines et bien dessinées. L'ovale de son visage gardait encore les courbes soyeuses de l'enfance, le grain pâle et sans défaut de sa peau lui donnant une beauté androgyne. Mais les formes résolument masculines de sa mâchoire et ses larges épaules de joueur de Quidditsch auraient convaincu même les esprits les plus sceptiques qu'on avait affaire à un jeune homme et pas à un enfant. Il n'était pas étonnant que la plupart des jeunes filles de Poudlard aient des vues sur le jeune Serpentard…
Harry secoua la tête comme pour se tirer d'un mauvais rêve, pestant en lui-même contre son propre aveuglement. Il savait ce qui était en train de se passer et il savait aussi que ce n'était pas du tout une bonne idée... Plus le temps passait, plus il se mettait à apprécier la présence de Malfoy, son esprit rusé et ses répliques cinglantes. Déjà, il avait de plus en plus de mal à le considérer comme un ennemi. Mais il devait garder à l'esprit que la « gentillesse » du Serpentard n'était rien de plus que le résultat d'un pacte. Draco n'hésiterait pas à trahir sa confiance dès que son problème de métamorphose serait réglé. Non, il valait mieux mettre une croix dessus dès maintenant : il gèlerait en enfer avant que Draco Malfoy et Harry Potter deviennent amis.
Un soupir ensommeillé tira le jeune homme de ses pensées et il tourna toute son attention sur le Serpentard qui était en train de se réveiller. Paresseusement, à la manière des chats, Draco étira ses membres ankylosés et ouvrit un œil, puis l'autre. Il haussa un sourcil interrogateur en se trouvant nez à nez avec un regard d'émeraude familier.
« Potter ? Qu'est-ce que tu fais là ? »
« A ton avis Malfoy ? Quelle raison voudrais-tu que j'aie pour être dans la Salle sur Demande à deux heures du matin à part être venu te chercher ? Et tu étais censé rester dans les donjons…»
Malfoy étouffa un bâillement démesuré et passa une main dans ses cheveux empoissés de gel, faisant mine de ne pas remarquer le ton lourd de reproches du Gryffondor.
« De quoi est-ce que tu te plains, tu m'as bien retrouvé, non ?... Au fait c'était quoi ce problème suffisamment urgent pour que tu détales comme un lapin sous le nez de Rogue ? »
« Parce que tu crois que je vais te laisser changer de sujet aussi facilement ? »
« Oui. Alors, c'était quoi ? »
« Je ne sais pas si j'ai le droit de te le dire. Ce sont des informations confidentielles : je ne suis pas sûr de pouvoir te faire confiance… »
Draco considéra un moment la grimace d'excuse du Gryffondor avant de hausser les épaules d'un air maussade. Bien sûr qu'on ne pouvait pas lui faire confiance ! Il était un Serpentard doublé d'un Malfoy, par Merlin ! N'empêche qu'il aurait bien voulu savoir… Et malgré tout, au plus profond de ce cœur qu'il se vantait d'avoir changé en pierre, il était chagriné de voir que Potter n'avait pas confiance en lui.
« Tu sais quoi Malfoy ? Si tu me promets de garder le secret, je veux bien te raconter ce qui s'est passé ce soir. »
Le blondinet jeta au Survivant un regard soupçonneux.
« Je ne vois pas pourquoi tu ferais une chose pareille. Même si je te donnais ma parole, tu n'aurais aucune garantie que je la respecterais. Je suis un Serpentard sans foi ni loi, tu te souviens ? »
« Je ne suis pas prés de l'oublier… Mais nous avons conclu un pacte. Jusqu'à ce que la trêve soit rompue, toutes les années où nous avons été ennemis sont censées ne pas exister. D'une certaine façon, c'est comme si nous étions déjà liés par le secret… »
« Pardon ? »
« Ce que je veux dire, c'est que le temps de la trêve est censé être un temps à part. Quand elle sera rompue, chacun aura le droit de reprendre sa vie comme si rien ne s'était passé. Et si rien ne s'est passé, personne ne peut avoir appris aucun détail compromettant sur l'autre. Donc c'est comme s'il y avait déjà une clause de confidentialité dans le contrat. »
Le Serpentard se leva d'un bond, les épaules tremblantes de rage.
« Si je me souviens bien, les termes du pacte étaient que tu m'aidais à résoudre mon problème de métamorphose et que moi je te donnais des cours supplémentaires en potions ! Il n'était écrit nulle part que je devrais rester muet comme une tombe sur tous tes petits secrets ! »
« Je te signale juste que c'est toi qui as demandé à les connaître, mes petits secrets, Malfoy ! Et je ne peux pas courir le risque que certaines informations importantes parviennent aux oreilles de Voldemort ! »
« Tu sais bien qu'à ce niveau-là tu n'as rien à craindre, Potter… » maugréa sombrement le Serpentard en se rasseyant. Harry tira à lui un second fauteuil et s'installa face au blondinet, le regard fixé sur la figure pâle et boudeuse.
« Je sais, oui… Tu poursuis « tes propres buts » et tu préfères rester indépendant des deux camps… »
« Garder un secret, c'est le genre de choses que font des amis. Nous ne sommes pas amis. »
« Non, mais nous allons sûrement être obligés de nous supporter encore quelques temps. Ca serait plus facile si nous pouvions nous faire confiance. »
Draco leva vers Harry de grands yeux effarés avant d'éclater purement et simplement de rire. Le Survivant croisa les bras et le considéra d'un air exaspéré.
« Est-ce que je pourrais savoir ce qu'il y a de si drôle ? »
« Rien du tout… C'est juste la facilité avec laquelle tu utilises le mot « confiance », comme si c'était la chose la plus naturelle du monde… Alors que nous sommes beaucoup trop opposés pour qu'il puisse jamais y avoir de confiance entre nous ! »
« Opposés ? »
« Ennemis de toujours, Serpentard et Gryffondor, protecteur des Sang-de-Bourbe et protecteur des Sang-Purs, fais ton choix ! Les Veracrasses auront des dents avant que nous puissions avoir confiance l'un en l'autre. »
« On parie ? »
Draco se figea, les yeux plissés, fixant le Gryffondor de son regard le plus incrédule. Il n'était pas sérieux quand même ? Un visage neutre, des yeux verts vibrants de sincérité et d'honnêteté, les sourcils haussés dans un arc interrogateur... Le Serpentard n'arrivait pas à décider si Potter était le plus grand manipulateur qu'il ait jamais rencontré ou s'il était simplement d'une naïveté à couper le souffle. Peut-être bien les deux.
« D'accord. Mais je te préviens : dès que je retrouve mon état normal, il n'y a plus de pacte, plus de trêve, plus de confiance. Tout redevient comme avant. »
Harry hocha la tête en signe d'acquiescement, Draco le dévisageant toujours d'un air soupçonneux. Finalement, comme à contre-cœur, le jeune homme se leva et lui tendit la main. Le Gryffondor la serra sans hésiter et son cœur fit même un bond dans sa poitrine quand le blondinet murmura un « Marché conclu… » à peine perceptible. Et un à zéro pour Gryffondor…
« Bon. Alors maintenant, tu vas pouvoir m'expliquer ce qui s'est passé de si grave et de si confidentiel pour que tu me laisses mariner toute la soirée dans les donjons, n'est-ce pas Potter ? »
« … Et donc tu ne fais pas confiance à Dannefeyr.
« Non. »
« Mais il n'a jamais rien fait pour mériter cette méfiance, n'est-ce pas ? »
« Non, jamais. »
« Par contre à moi, tu me fais confiance. »
« Oui. »
« Tu sais que tu es la personne la plus illogique que j'aie jamais rencontrée, Potter ? »
Harry haussa les épaules d'un air dégagé.
« On me l'a déjà dit plusieurs fois, oui … »
Draco était affalé dans son fauteuil, les épaules basses, et se massait les tempes d'un air absorbé. Il ne parvenait tout simplement pas à comprendre Potter, et cet échec le blessait plus profondément qu'un Doloris. Depuis son plus jeune âge, le jeune homme se vantait d'être un excellent juge de la nature humaine et il avait cultivé avec soin l'art d'observer et de comprendre les réactions de son entourage avec la finesse et l'exactitude d'un Legilimens. Mais avec Potter, rien. Il avançait dans le brouillard, un brouillard qui représentait déjà en lui-même une humiliation cuisante. Et tout le monde savait que s'il y avait une chose dont Draco avait horreur, c'était d'être humilié.
« Pourquoi est-ce que tu me fais confiance ? Ce n'est pas une question-piége, Potter. Je voudrais juste comprendre. »
« Ca te pose vraiment un problème, pas vrai Malfoy ? » ricana le Gryffondor d'un air amusé. « Ca doit venir de ton côté Serpentard : vous êtes tellement habitués à vous trahir les uns les autres que vous ne comprenez même plus qu'une personne puisse vous faire confiance… Je me fiche pas mal que tu sois le petit champion des Mangemorts et moi le pion préféré de Dumbedore : je te connais depuis suffisamment longtemps pour savoir si je peux avoir confiance en toi ou pas. »
« C'est là que tu te trompes, Potter : tu ne me connais pas… Et puis, je ne suis pas le petit champion des Mangemorts ! »
« Non, non, bien sûr… »
« Ravale tout de suite ton sourire hypocrite, Balafré ! Je ne suis pas un Mangemort, je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais : point final. »
Harry leva vers le Serpentard un regard pénétrant.
« Comment peux-tu être aussi sûr que tu ne le seras jamais ? Je croyais que tu n'avais pas encore fait de choix ? »
« C'est vrai, et je n'ai pas l'intention d'en faire un. » répliqua Draco, se levant de son siège comme pour signifier que le sujet était clos. Malheureusement pour lui Potter ne semblait pas de cet avis et fixait le Serpentard d'un regard plein d'attente.
« C'est une guerre qui se prépare : que tu le veuilles ou non tu seras bien obligé de faire un choix. »
« Et quel choix voudrais-tu que je fasse ? Rejoindre Dumbledore ? Je ne crois pas en lui et je n'accepterai jamais de le laisser me manipuler comme un bon petit soldat. Sans compter que nos idéaux politiques sont opposés sur beaucoup de points. Et même si je décidais de rejoindre votre tribu de joyeux pantins, personne ne croirait en ma loyauté, sauf peut-être certains Gryffondors assez fous pour me faire confiance… »
« Alors tu vas choisir Voldemort ? »
« Je ne pourrais pas devenir Mangemort, Potter, même si je le voulais. » expliqua Draco d'une voix lasse. « Je ne crois pas plus aux idéaux du Seigneur des Ténèbres qu'à ceux de Dumbledore, et il est hors de question que je m'agenouille devant quiconque, sorcier maléfique ou pas. Lorsqu'on accepte la Marque des Ténèbres, on offre au Maître son allégeance, son corps, son âme et sa vie. Moi je n'ai pas la foi nécessaire pour faire ce genre de cadeau à qui que ce soit. »
Harry garda le silence, ne sachant pas trop quoi répondre.
« Mais à la fin… » fit-t-il au bout d'un moment. « Tu seras quand même obligé de faire un choix, n'est-ce pas ? »
« Sans doute que oui. Je n'ai plus qu'à espérer qu'une troisième solution sera apparue d'ici là, ou que j'aurai trouvé une raison de croire en un avenir meilleur… »
La carte des maraudeurs à la main, les deux adolescents se mirent en devoir de regagner la Tour de Gryffondor. Malfoy n'avait pas manqué de montrer son admiration devant la carte enchantée de Messires Prongs, Padfoot, Moony et Wormtail : il comprenait mieux à présent comment Harry avait pu enfreindre aussi souvent le règlement de l'école sans se faire prendre.
Le trajet du retour se déroula sans embûches, même si les deux garçons manquèrent à deux reprises de se faire coincer par Rusard et Miss Teigne. Ils eurent également le malheur de tomber sur Peeves, mais celui-ci les laissa tranquille lorsque Draco menaça de parler au Baron Sanglant d'on ne sait quelle histoire de chaudrons et de chaussettes sales. Leçon n°7 du manuel du parfait petit Serpentard : toujours garder un moyen de pression efficace sur les esprits frappeurs insomniaques et dotés d'un sens de l'humour douteux.
Ils étaient presque arrivés devant le portrait de la grosse Dame lorsque Harry s'immobilisa soudain, les sourcils froncés et les yeux rivés sur un point bien précis de la carte des maraudeurs.
« Potter ? Qu'est-ce qui se passe ? »
Le Gryffondor ne répondit pas et se contenta de pointer du doigt un point mouvant qui se déplaçait à quelques couloirs de là, en direction de la sorcière borgne.
« Et alors, qu'est-ce que ça veut dire ? Je suis toujours ensorcelé, Potter, rappelle-toi : les serpents ne savent pas lire ! »
« Il est écrit « Adrian Dannefeyr »… »
Draco soupira, excédé. Potter commençait à être fatigant avec son obsession pour les vampires… Enfin, pour UN vampire en particulier.
« Je ne vois toujours pas où est le problème. Dumbledore a très bien pu l'inviter à passer la nuit à Poudlard, tu sais… »
« Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'il fait dans les couloirs en plein milieu de la nuit ? Et Mc Gonagall n'avait pas l'air très heureuse qu'on l'autorise à entrer dans le château, ça m'étonnerait qu'elle soit d'accord pour le laisser se promener sans surveillance dans toute l'école ! »
« Potter… » gémit Draco d'une voix suppliante. « Il est plus de minuit et la journée a été abominablement longue, alors je te supplie de ne pas dire ce que tu t'apprêtes à dire parce que sinon je me verrai dans l'obligation…
« … Il prépare sûrement un mauvais coup. On ferait mieux de le suivre pour voir ce qu'il compte faire. »
« … de te jeter un Stupefix et de te léviter jusqu'au dortoir des Gryffondors. »
Mais le Survivant n'écoutait déjà plus ce que lui disait le Serpentard, le regard fixé sur la petite silhouette tracée à l'encre noire qui se déplaçait en direction du nord. Dannefeyr avançait rapidement, comme s'il savait exactement où il allait : nord, sud, nord, nord, il descendait les escaliers jusqu'au deuxième étage, prenait le couloir menant à l'aile ouest, nord, nord, est, puis soudain plus rien. Harry sentit un frisson d'excitation le parcourir. Dannefeyr avait disparu, juste devant la statue de la sorcière borgne. Il avait dû emprunter le passage secret. La question était : comment avait-il appris son existence ? Et que comptait-il faire à Pré-au-Lard ?
Il régnait dans le passage souterrain une atmosphère moite et lourde de menace. Harry ne comptait plus le nombre de fois où il avait parcouru les méandres obscurs du tunnel de terre battue au cours des deux dernières années, mais ce soir, tout semblait différent. C'était comme si les ténèbres d'ordinaire familières et rassurantes renfermaient à présent quelque monstre ancestral qui se tapirait dans l'ombre en attendant le moment propice pour passer à l'attaque.
Prés du Gryffondor, agrippé à sa baguette comme si sa vie en dépendait, Draco jetait lui aussi des coups d'œil suspicieux autour de lui. Le Serpentard n'avait aucune raison d'être là. Harry avait proposé de lui ouvrir la porte du dortoir et de le laisser aller se coucher pendant qu'il suivrait Dannefeyr, mais le blondinet avait refusé. Il n'avait aucune envie de « rentrer tout seul dans une tour remplie de Gryffondors enragés bien décidés à lui faire avaler son bulletin de naissance, merci bien ». Ou en tous cas, c'était ce qu'il avait dit. Harry le soupçonnait d'avoir autant envie que lui de savoir ce que mijotait Dannefeyr, mais avec Malfoy on ne pouvait jamais être sûr de rien. Quoi qu'il en soit, la présence du Serpentard à ses côtés lui apportait à présent un curieux réconfort.
Harry posa la paume de sa main sur la pointe de sa baguette, cherchant à atténuer encore l'intensité de son Lumos. Son sortilège de lumière tenait déjà de l'étincelle anémique qu'aurait produite un élève de première année, mais avec un prince vampire dans les parages on ne pouvait pas se permettre de prendre des risques...
Bientôt, le jeune homme sentit sous ses pieds les premières marches de pierre qui annonçaient la remontée vers la surface. C'était là qu'ils se devaient de faire le plus attention : Dannefeyr ne devait plus être très loin et les bruits résonnaient dangereusement dans cette partie du tunnel. Ils étaient juste en dessous de chez Honeydukes à présent… Harry repoussa avec précautions la lourde trappe de bois et jeta un coup d'œil à l'extérieur. La cave du magasin de friandises était déserte et silencieuse, comme si personne n'était passé par là depuis des années. Un frisson de panique électrique courut dans le dos du jeune homme : ils devaient se dépêcher s'ils ne voulaient pas perdre la trace d'Adrian dans les rues de Pré-au-Lard.
Draco suivit avec appréhension la silhouette souple et silencieuse du Gryffondor qui se glissait hors du magasin, le précédant de quelques pas. Potter semblait avoir un talent inné pour les escapades nocturnes et les filatures au clair de lune -ou peut-être était-ce sa longue expérience avec les excursions clandestines dans les couloirs de Poudlard qui lui avait donné cette démarche fluide et feutrée.
Il régnait dans les rues du village un calme presque irréel, une impression qu'accentuait encore la lumière pâle et laiteuse que la lune jetait sur les maisons endormies. Quelques nappes de brume nuageuses flottaient au-dessus du sol, donnant à Pré-au-Lard des allures de ville fantôme. Les seuls bruits qui brisaient le silence de la nuit étaient les échos de rires et de conversations provenant de l'auberge des Trois Balais.
Harry repéra juste à temps la silhouette sombre de Dannefeyr qui s'éloignait dans une ruelle proche et il s'élança à sa poursuite, rasant les murs avec soin.
Le vampire marchait d'un pas rapide, apparemment plus pressé d'atteindre sa destination que de vérifier qu'il n'était pas suivi -heureusement pour les deux adolescents, car par une nuit aussi claire il n'aurait sans doute pas manqué de les repérer. Un pli de contrariété barrait son front trop pâle et il avait l'air profondément plongé dans ses pensées. Il s'engouffra dans une ruelle plus sombre que les autres, s'arrêta devant une maison dont la façade décrépie semblait prête à s'effondrer au moindre souffle de vent et frappa trois coups secs sur une porte branlante couverte d'une peinture verte éraillée. Enfoncés dans l'ombre à quelques mètres de là, Harry et Draco virent le battant de bois s'ouvrir et Dannefeyr entrer dans la maison sans un regard en arrière, sa cape de satin flottant derrière lui dans un tourbillon de tissus bleu nuit.
« Bon, voilà, on l'a suivi : maintenant on sait où il allait. Satisfait, Potter ? Parce que je ne vois vraiment pas comment on pourrait faire pour en apprendre plus… » siffla Draco d'une voix cinglante, calquant des dents dans le vent glacial de cette nuit de novembre.
Harry se contenta de fixer le vide devant lui, les sourcils froncés par la concentration. Il n'avait aucune envie de rester devant la porte alors que des choses importantes étaient peut-être en train de se dérouler à l'intérieur, pas après être arrivé aussi loin… Au bout d'un moment, son visage s'illumina et ses lèvres s'étirèrent doucement dans un sourire de loup.
« Puisque tu en parles Malfoy, je crois bien que je connais un moyen d'en apprendre davantage… »
C'était de la folie pure, pensait Malfoy tout en maintenant une poigne de fer sur sa baguette, luttant contre la tentation de plus en plus forte de fermer les yeux et de se mettre à hurler. L'idée de Potter était contraire à la logique, contraire aux consignes les plus élémentaires de sécurité et surtout contraire à l'ordre naturel des choses. Un Malfoy ne volait pas de bâtiment en bâtiment à la tombée de la nuit comme un ballon de baudruche crevé. Un Malfoy gardait toujours les pieds bien ancrés sur la terre ferme, ou bien il volait sur un balais, ou à la limite un tapis volant. Mais CA ! Ca, ça allait à l'encontre de plusieurs siècles de tradition malfoyenne…
« Bon sang, Malfoy, arrête de faire ta mauvaise tête ! » murmura Potter, quelques mètres en dessous de lui. « Tu sais bien que c'est plus difficile de léviter une personne contre sa volonté ! »
Draco grommela quelques injures inintelligibles, ce qui valait probablement mieux pour les chastes oreilles du Survivant. Contre sa volonté, contre sa volonté… Il avait déjà accepté de prendre part à ce plan débile, mais le faire de bonne grâce c'était vraiment trop lui en demander. Dès qu'il s'agissait de trouver un plan d'action valable, l'imagination débridée des Gryffondors ne valait décidément pas la ruse froide et pragmatique des Serpentards …
L'idée de Potter était simple : monter sur les toits depuis la ruelle voisine, atteindre le balcon et entrer par la fenêtre. On évitait ainsi une attaque de front et on limitait les risques d'être repérés si des gardes avaient été postés à l'étage. Evidemment, si vous proposiez ce genre de plan à n'importe quelle personne dotée d'un tantinet de jugeote, elle vous répondrait qu'on pouvait le résumer par la formule « se jeter dans la gueule du loup » et que pour tenter un coup pareil il fallait être soit totalement stupide, soit suicidaire, soit les deux. Mais ces derniers temps, Draco soupçonnait sa matière grise d'avoir pris des vacances à Hawaï en laissant une pancarte « Congé annuel » entre ses deux oreilles. Soit c'était ça, soit il commençait à ne rien pouvoir refuser à Potter quand il lui faisait ses yeux de louveteau battu, et cette hypothèse-là lui faisait froid dans le dos…
Atteignant enfin le rebord du toit, Draco ouvrit de nouveau un œil prudent et poussa un juron lorsque son pied glissa sur les tuiles grises, rendant son atterrissage nettement moins léger qu'il ne l'avait espéré. Il n'y avait plus qu'à croiser les doigts pour que la pièce d'en dessous ne soit pas une chambre à coucher…
En-dessous de lui, Potter commençait à s'agiter au beau milieu de la rue déserte, impatient. Le Serpentard s'autorisa un sourire narquois. « Mais ne t'en fais pas, mon gaillard, je ne t'ai pas oublié… » Le blondinet resserra sa prise sur sa baguette, se concentra sur la silhouette sombre de son camarade et murmura :
« Wingardium Leviosa ! »
C'était une autre des brillantes idées de Potter : puisqu'ils ne pouvaient pas escalader la façade à mains nues et que ni l'un ni l'autre n'avait encore son permis de transplaner, la meilleure façon de monter sur le toit était encore le sortilège de lévitation.
Le Gryffondor s'éleva lentement du sol, approchant à un rythme lent mais régulier du toit où Draco était déjà perché. Sa contenance était calme et détendue, comme s'il avait fait ça toute sa vie et que flotter dans les airs au beau milieu de Pré-au-Lard était la chose la plus naturelle du monde. Le Serpentard songea un moment à relâcher son sortilège et à faire passer ça pour un accident, puis il se souvînt qu'il ne pourrait pas proclamer son innocence si Potter n'était pas là pour jouer les interprètes et il abandonna l'idée.
Le Survivant prit à son tour pied sur le toit et s'accroupit aussitôt pour ne pas être vu, comme il l'avait vu faire dans les films de guerre moldus que Dudley adorait tant.
« Il n'y a personne d'autre que nous ici, Potter, ce n'est pas la peine de jouer les Aurors en cavale ! » murmura Draco d'une voix où perçait l'agacement. Harry lui jeta un regard de reproche.
« Qu'est-ce que tu en sais ? On est jamais trop prudent… »
Le Serpentard leva les yeux au ciel et se mit en marche vers l'autre extrémité du toit, prenant garde de bien répartir le poids de son corps pour ne pas casser de tuile. Maintenant, il s'agissait de ne pas se tromper de maison… Le jeune homme jeta un coup d'œil en-dessous de lui. Un balcon en fer blanc rongé par la rouille, un arrosoir élimé peint d'une grosse marguerite rouge défraîchie, une masse de déchets carboniques bruns-jaunes qui avait autrefois dû être un géranium : oui, c'était le bon balcon.
Draco attendit une minute que Potter le rejoigne, lui fit signe qu'il passait en premier et se laissa glisser d'un geste souple sur le sol sans attendre sa réponse. Il était un peu surpris de sa propre témérité : en temps normal, il n'était pas dans ses habitudes de jouer les éclaireurs. Bah, de toutes façons Potter ne rentrerait pas à Poudlard tant qu'il n'aurait pas eu les réponses à ses questions, alors autant voir les choses du bon côté : plus vite ils seraient entrés dans cette maison et plus vite ils pourraient en repartir. On n'était jamais aussi bien servi que par soi-même…
La plate-forme de métal élimé grinça un peu sous son poids, mais en dehors de ça aucun bruit ne vînt trahir sa présence. Le jeune homme jeta un coup d'œil inquiet à travers le carreau sale qui le séparait de l'appartement. Personne. Apparemment, Potter avait eu raison : la maison était abandonnée et Dannefeyr ne l'utilisait que comme point de rendez-vous. Lui et ses « collègues » n'avaient besoin que du rez-de-chaussée et ils n'avaient même pas pris la peine de monter la garde à l'étage. Ou plutôt, il fallait espérer qu'ils n'en avaient pas pris la peine…
Le bruissement léger de l'air contre le tissus d'une robe de sorcier, l'ombre fugitive d'un corps qui tombait du toit et voilait un instant la face laiteuse de la lune, et Harry Potter atterrit avec un bruit mat sur le petit balcon. Directement sur le pied gauche de Draco, pour être plus précis. Le Serpentard laissa échapper un grognement de douleur étranglé et serra les poings, se retenant pour ne pas étrangler le Survivant. Dans la pièce en dessous, les deux garçons pouvaient déjà entendre des bruits de pas et de conversation, l'une des voix appartenant indubitablement à Dannefeyr.
Harry retira son pied et grimaça un sourire d'excuse à l'intention du Serpentard qui lui lançait son regard le plus meurtrier. Première étape accomplie : à présent, il fallait pénétrer dans l'appartement. Le jeune homme considéra un moment la porte-fenêtre à la mine patibulaire qui le séparait de son but. C'était une porte de bois massif, à moitié rongée par le temps et par la moisissure, les gond à peine visibles sous la couche de rouille orange qui les ensevelissait. Le genre de portes capables de réveiller la moitié de la population de Pré-au-Lard par ses grincements s'il se trouvait quelqu'un d'assez stupide pour essayer de l'ouvrir sans un bidon d'un litre et demi d'huile de coude... Mais Harry avait déjà survécu à six confrontations avec le Seigneur des Ténèbres, il n'allait pas laisser une simple porte-fenêtre le tenir en échec.
Pointant sa baguette sur la serrure branlante, le Gryffondor jeta un sort de silence avant de murmurer du bout des lèvres « Alohomora ».
La porte s'entrouvrit légèrement, juste assez pour laisser passer les deux adolescents. A l'intérieur, la pénombre était épaisse comme de la poix. Harry s'approcha sur la pointe des pieds, le cœur battant la chamade. Sur ses talons, Draco n'en menait pas large non plus. Les bruits de voix semblaient provenir de l'angle nord de la pièce, là où se trouvait l'escalier menant au rez-de-chaussée. Les deux adolescents s'accroupirent dans un coin, aux aguets, se faisant le plus petit possible au cas où quelqu'un aurait l'idée de monter voir ce qui se passait à l'étage.
« Mais mon Prince, c'est contraire à toutes nos règles… » gémissait une voix d'homme, nasillarde et désagréable. Son ton servile et pleurnichard rappelait furieusement à Harry les supplications obséquieuses de Pettigrew ce fameux soir dans la Cabane Hurlante, lorsque Sirius et Rémus lui avaient révélé la vérité sur la mort de ses parents.
« C'est moi qui décide des règles, Gyles. Je me fiche pas mal de savoir si ce que je fais est contraire à des traditions qu'une bande de fossiles rampants a édifiées il y a des siècles de ça. Il faut vivre avec son temps, mon cher… »
La voix de Dannefeyr. Autoritaire et implacable, bien différente de la courtoisie aimable et bon enfant dont le vampire avait fait preuve dans le bureau de Dumbledore… Harry retînt son souffle.
C'était à présent une femme qui parlait, d'une voix chaude et rauque que déformait un accent slave assez prononcé. Sans savoir pourquoi, le Gryffondor s'imagina une grande femme aux longs cheveux blonds et à la peau d'une blancheur maladive, ses grands yeux d'un bleu délavé profondément enfoncés dans les orbites au milieu d'un visage taillé à coups de serpe.
« … je dois dire qu'il y a quand même un point sur lequel Gyles a raison, mon Prince. Londres n'est pas un endroit sûr pour quelqu'un de votre importance, surtout en des temps aussi troublés. »
« Aucun endroit n'est sûr en temps de guerre, Myriam. Mais à Londres au moins, je suis au cœur des évènements, prêt à intervenir en cas de besoin. »
« Oh oui, bien sûr ! » rétorqua un troisième homme d'une voix grossière et railleuse qu'Harry détesta dès le premier abord. « Et la présence du loup-garou dans cette école de mortels sous-doués n'a rien à voir avec tout ça, pas vrai mon Prince ? Faut quand même dire que le hasard fait bien les choses… »
« Fais attention à ce que tu dis, Léandres… » le mit en garde Dannefeyr d'un air menaçant. « Il me semble que je t'ai déjà ordonné de laisser Lupin en dehors de cette histoire. »
« Mais je ne demande pas mieux, mon Prince ! Ce n'est pas moi qui ai décidé de partir m'enterrer à l'autre bout du pays en faisant miroiter des ombres à un smrtelny… (1) Si vous m'aviez écouté, nous serions tous tranquillement à Aubesangue à l'heure qu'il est. »
« Malheureusement pour toi, c'est moi qui prend les décisions ici et pour l'instant je décide que nous restons à Pré-au-Lard. »
Il y eut un long moment de silence, brisé seulement par le rictus hargneux de Léandres. Quand la conversation se poursuivit, ce fut Myriam qui prit la parole.
« Je ne peux pas donner raison à Léandres, mon Prince, mais il faut avouer que cette histoire commence à tourner au ridicule… Jusqu'à quand comptez-vous encore mentir au loup-garou ? Si vous tenez autant à ne pas le perdre, faites-en un des nôtres et ramenez-le avec nous à Aubesangue. Il ne sert à rien de s'attarder encore dans cette ville remplie d'humains. »
« Vous ne comprenez pas… Aucun de vous ne peut comprendre… »
La voix de Dannefeyr était plus lasse que s'il avait vécu huit mille ans. Harry aurait donné n'importe quoi pour pouvoir se trouver dans la pièce du bas à ce moment-là, pour pouvoir observer de ses propres yeux les visages des quatre vampires.
« Aucun de vous ne peut comprendre le lien qui existe entre Rémus et moi, et je ne vous demande pas de le comprendre. Tout ce que j'exige de vous, c'est que vous m'obéissiez. Je ne suis pas venu à Londres seulement pour renouer le contact avec de vieux amis, par l'enfer ! C'est une guerre qui s'annonce, pas une promenade de santé. »
« Mais personne ne vous demande de prendre position, mon Prince ! » protesta Gyles. « La grande majorité des Infants d'Aubesangue avant vous sont restés neutres lors des grands conflits de ce monde… »
« Et c'est précisément pour cette raison que je refuse de ne rien faire. Je ne veux pas refaire les mêmes erreurs que mes prédécesseurs. Lors de la montée au pouvoir de Grindelwald, de nombreux vampires ont combattu aux côtés des Ténèbres ou se sont simplement désintéressés de la guerre. Il y en a même eu qui ont choisi de s'allier au Ministère de la Magie. Et au cours des combats, ces vampires se sont retrouvés obligés d'affronter leurs propres frères ! »
« L'infante Escaterina d'Anthorne n'avait donné aucun ordre concernant cette guerre. » fit remarquer Myriam. « Il n'appartenait qu'à eux de choisir de quel côté ils se battraient. »
« Je le sais, ma douce. Ce que je veux dire, c'est qu'à force d'apathie de la part des Infants d'Aubesangue nous sommes devenus ce que le Ministère de la Magie croyait que nous étions : un peuple de créatures magiques sans chef et sans unité, des monstres assoiffés de sang qui ne connaissent ni la peur ni la pitié. Il est temps que cela change. Cette fois-ci, les vampires choisiront leur camps. »
« Et je suppose que ce camps sera le même que celui du louveteau ? » ricana Léandres d'un air mauvais. Myriam lui coupa la parole avant qu'il puisse en ajouter davantage, furibonde.
« Quelle que soit sa décision, le Prince n'a pas à se justifier devant toi, poskok (2 )! »
« Ca suffit ! » gronda Dannefeyr d'une voix impérieuse. « Je n'ai pas l'intention de supporter plus longtemps vos querelles idiotes ! Et tu ferais mieux de tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler si tu ne veux pas qu'on te la coupe, Léandres. Ce n'est pas parce que j'ai toléré tes insolences jusqu'à maintenant que tu dois te croire tout permis… »
Il y eut un long silence de mort, aucun des trois vampires n'osant affronter la fureur de leur Prince. On aurait presque cru un rassemblement de Mangemorts tremblant de peur à l'idée que leur maître décide de lancer quelques Doloris pour tromper son ennui. A la différence prés que s'il s'était agi de Voldemort, Léandres en serait déjà rendu à son quatrième Avada Kedavra…
« Bon. » finit par maugréer Dannefeyr. « Si c'est tout ce que vous avez à dire, il serait préférable que nous mettions dès maintenant un terme à cette réunion. Je vous retrouverai à Londres comme convenu pour vous faire part de ma décision. D'ici là, gardez profil bas et tâchez de ne pas attirer l'attention. Et si j'entend dire qu'un seul d'entre vous s'est approché de Poudlard ou a attenté en quoi que ce soit à la vie de Lupin, je vous promets que le traitement que je lui ferai subir sera si atroce qu'on pourra écrire un nouveau chapitre dans la longue et tortueuse histoire de la barbarie des Dracul… »
Léandres murmura à contre-cœur quelques paroles d'assentiment et Dannefeyr se leva pour partir, le raclement de sa chaise sur le sol raisonnant longuement dans le silence de la maison. Les membres pleins de crampes à cause son immobilité prolongée, Harry se redressa avec peine et fit signe à Draco de se diriger vers la fenêtre. Après ce qu'ils venaient d'apprendre, ce n'était pas le moment de relâcher son attention et de se faire prendre bêtement…
Après l'atmosphère lourde et saturée d'humidité de la maison, les deux garçons accueillirent avec reconnaissance la fraîcheur glacée de l'air nocturne. Il régnait toujours sur Pré-au-Lard un calme extraordinaire. On entendait même plus les échos de musique venant des Trois Balais, ce qui signifiait que l'aube ne saurait désormais plus tarder à se lever.
Du haut de leur observatoire aérien, Harry et Draco observèrent avec inquiétude la silhouette sombre de Dannefeyr qui s'éloignait à travers les rues du village, en direction de Honeydukes et de Poudlard.
« Alors ? »
Harry releva la tête, fixant sur le Serpentard un regard d'incompréhension totale.
« Alors quoi ?
« Alors qu'est-ce qui s'est passé, Potter ! Ne me dis pas que tu as oublié que je suis ensorcelé : je n'ai rien compris à ce que racontait ton copain Dannefeyr, moi ! Qu'est-ce qu'ils ont dit de si important, là-dessous ? Et est-ce que ça valait la peine de manquer se rompre le cou en jouant les escaladeurs de balcons au moins ? »
Le Gryffondor eut un sourire sinistre.
« On peut dire que ça en valait la peine, oui… En tous cas, j'avais raison de me méfier de Dannefeyr. Je ne sais pas ce qu'il cherche à faire exactement, mais il a menti à Rémus depuis le début. Il nous mène tous en bateau… »
« Tu peux être plus précis ? »
« Toute son histoire de recherches à travers la Transylvanie, c'était de la comédie. S'il avait vraiment voulu nous aider il aurait pu le faire depuis le début. C'est lui l'Infant d'Aubesangue, Malfoy. »
Le Serpentard écarquilla les yeux, les pupilles dilatées d'effroi, la bouche ouverte comme pour gober les mouches et la mâchoire un peu tremblante. Figé comme une statue de glace… Harry fronça les sourcils. D'accord, on pouvait considérer la nouvelle comme un choc, mais à ce point-là ? …
Le jeune homme se retourna lentement, redoutant d'avoir la confirmation de ce qu'il savait déjà qui se trouvait dans son dos.
Les bras croisés sur sa poitrine, Léandres considérait les deux enfants avec l'air ravi d'un gamin à qui on vient d'annoncer que Noël tomberait en avance cette année. Ses grands yeux noirs comme deux agates brillaient d'un éclat mauvais. Ses crocs luisants comme deux perles de nacre pointaient de façon menaçante entre ses lèvres minces que déformait un sourire narquois. On ne lui aurait pas donné plus d'une trentaine d'années, avec ses longs cheveux blond roux et son visage énergique aux traits nordiques. Son pantalon de cuir moldu et sa chemise noire de dandy lui donnaient des allures de voyou que la cicatrice pâle barrant son arcade sourcilière ne faisait que renforcer. Le manche de dague qui dépassait légèrement de sa botte aurait pu paraître un tantinet prétentieux sans l'étincelle de folie qui allumait ses prunelles d'encre.
« Bouh ! » susurra-t-il d'un ton provoquant, avec un manque d'originalité assez regrettable pour quelqu'un qui a eu quatre cent vingt-deux ans pour peaufiner ses répliques. Harry déglutit péniblement et fit un pas en arrière.
« Ne… N'approchez pas !… Vous n'avez pas le droit de vous en prendre à nous, Dannefeyr vous l'a interdit ! »
Le jeune homme avait voulu avoir l'air ferme et déterminé, mais sa voix résonnait avec une faiblesse risible même à ses propres oreilles. Le vampire sembla être du même avis car il se contenta de sourire de plus belle et d'avancer encore de quelques mètres.
« Je ne me souviens pas que le Prince ait donné de tels ordres. Ne pas s'approcher du château, d'accord, ne pas m'en prendre au loup-garou, sans doute, mais laisser en vie une paire de sales petits espions qui ont découvert son identité ? Non, il n'a rien dit là-dessus… »
« Nous… Nous sommes des amis de Rémus Lupin et… »
« Je me fiche pas mal de ce que peut penser le loup-garou, mon garçon. En ce qui me concerne, vider de son sang l'un de ses petits louveteaux poudlardiens serait même un bonus appréciable ! »
Les yeux écarquillés de terreur, Harry recula encore d'un pas. Le visage du vampire n'était plus qu'à quelques dizaines de centimètres du sien. Son talon glissa sur la bordure du toit et il perdit l'équilibre, les bras battant l'air autour de lui. Une main ferme s'abattit sur son avant bras et le tira en avant, vers la sécurité toute relative du toit de tuiles.
Malfoy.
Draco Malfoy lui avait sauvé la vie à lui, Harry Potter, alors qu'il venait pratiquement de se jeter du haut d'une maison de trois étages dans sa panique pour échapper aux crocs d'un vampire psychopathe. Le monde tournait vraiment à l'envers…
Harry se redressa avec difficulté, vexé de s'être laissé effrayer aussi facilement. Prés de lui, Draco fixait la silhouette amusée de Léandres avec son flegme et sa froideur habituelles. Le jeune homme inspira profondément. Il était temps de se reprendre et de se conduire comme un Gryffondor digne de ce nom, avec tout le courage et l'inconscience que cela sous-entendait…
« Si j'étais vous je ne ferais pas un pas de plus, buveur de sang. Vous pourriez le regretter… »
« Ca c'est à moi d'en décider, gamin. Tu as du cran mais si tu crois que ça suffira à te sauver, tu te fiches le doigt dans l'œil !»
« Reculez, vous ne savez pas à qui vous avez affaire… Je suis Harry Potter, le Survivant, l'Adversaire de Lord Voldemort. »
« Et c'est censé m'impressionner ? Tu n'es rien d'autre qu'un pion dans cette guerre, gamin, et même si tu es un pion important ça ne change rien au fait qu'on ne s'attire que des ennuis quand on fourre son nez dans les affaires du clan Dracul. »
« Peut-être, mais Dannefeyr n'apprécierait sûrement pas que vous décidiez à sa place de l'issue de cette Guerre. Si vous me tuez, Voldemort aura gagné. »
« Et en quoi cela me gênerait-il ? »
« J'avais plutôt l'impression que le Prince voulait faire combattre les vampires du côté de Dumbledore … Ca ne serait pas une bonne chose s'il devait changer ses plans à cause de vous, non ? »
Léandres éclata d'un rire sonore, comme si Harry venait de faire la meilleure plaisanterie qu'il ait jamais entendue.
« Pas une bonne chose ? Par tous les dieux, mon garçon, ce serait sans doute la meilleure chose qui puisse nous arriver ! Tu ne comprend vraiment rien à rien, n'est-ce pas ? »
Le Gryffondor cligna des yeux d'un air déconfit. En effet, non, il ne comprenait pas…
« Le comportement du Prince Dannefeyr est une insulte à la lignée Dracula et à tous les Infants qui sont montés avant lui sur le trône d'Aubesangue ! Depuis son plus jeune âge, il n'a jamais montré la cruauté subtile ou la force intraitable des grands chefs de notre peuple. A se demander pourquoi la Déesse Ténèbres a choisi de le marquer, lui… Il a toujours passé moins de temps dans les donjons de son château que dans les bibliothèques, le nez plongé dans ses… dans ses livres ! » Le vampire cracha le dernier mot comme s'il s'était agi d'une grossièreté qui lui brûlait la langue.
« Mais il est votre Prince. Que vous le vouliez ou non, vous lui devez obéissance. »
« Jusqu'à aujourd'hui j'ai toujours exécuté le moindre de ses ordres comme un bon petit vampire, même si sa façon de faire ne me plaisait pas. Mais ça… Cette Guerre ! Pendant des siècles, les vampires ont été des créatures de la nuit dédiées à la Déesse Ténèbres. Nous avons toujours combattu du côté du Mal et le prince voudrait que nous nous alignions avec la Lumière pour les beaux yeux d'un misérable loup-garou ? Dannefeyr est allé trop loin, gamin, et si je peux faire quoi que ce soit pour l'en empêcher je le ferai. »
« Vous n'avez pas le droit de décider si il est allé trop loin ou pas. »
« On parie ? »
Harry frissonna, les yeux fixés sur la forme sombre et menaçante de Léandres. Sa main se coula doucement vers sa baguette glissée dans la ceinture de sa robe de sorcier. Cette fois-ci, il n'y avait plus aucune façon d'éviter le combat. Et il fallait avouer que leurs chances de victoire étaient plutôt minces…
Le jeune homme se rappelait comme si c'était hier le cours de Rémus sur les vampires, en troisième année. Le loup-garou avait commencé par leur demander de lire le chapitre correspondant dans leur manuel, puis il avait passé les deux heures suivantes à pointer du doigt toutes les erreurs et les idées reçues qui s'étaient glissées dans le texte : non, ça ne servait strictement à rien de porter des gousses d'ail autour du cou pour se protéger des vampires. L'odeur aigre et nauséabonde les incommoderait sans aucun doute mais en dehors de ça rien ne les empêcherait de se jeter sur vous et de vous vider de votre sang. Il n'existait que deux façons de venir à bout d'un vampire : le feu et un pieu planté dans le cœur. Le feu parce que la lumière est l'une des seules faiblesses connues des nosfêratu, et le pieu parce que quand on vous plante un morceau de bois pointu en travers de la poitrine vous n'avez que très peu de chances de vous en relever, immortel ou pas.
Dans tous les cas, les armes naturelles dont les vampires étaient dotés compensaient largement ces quelques « faiblesses » : ils étaient immortels, possédaient des pouvoirs de régénération pratiquement sans limite et des crocs plus acérés que la plus mortelle des lames. Ils pouvaient voler, se déplacer à une vitesse trop rapide pour être perçue par l'œil humain et profiter de la moindre parcelle d'ombre pour passer aussi inaperçus que s'ils avaient été invisibles. Les plus puissants d'entre eux étaient dotés de quelques pouvoirs télépathiques et hypnotiques, et ils disposaient bien sûr de leur propre magie, une magie noire pour laquelle ils n'avaient pas besoin de baguette ou de sortilèges. En résumé, s'il n'y avait pas eu la soif de sang et la peur de la lumière, cela ferait sans doute longtemps que les vampires se seraient imposés comme la race dominante sur la surface de la Terre… Autant dire que face à Léandres, Harry et Draco avaient à peu prés autant de chances de victoire qu'un caniche nain face à un dragon norvégien à crête.
« Je ne voudrais pas tomber dans les clichés, mais je tiens à dire que ça aura été un plaisir de t'avoir connu, Potter… » siffla Malfoy entre ses dents de sa voix éternellement calme et traînante. Léandres s'approchait à présent des deux jeunes sorciers avec la démarche souple et assurée d'un grand chat à l'affût, les lèvres retroussées dans un sourire moqueur qui dénudait entièrement ses crocs affûtés comme deux lames de rasoir.
« Tu as raison : tu devrais éviter de tomber dans les clichés. Nous ne sommes pas encore morts, que je sache ! »
« Non, mais vu comme se présentent les choses ça ne va pas tarder… »
« Ce qui est bien c'est qu'on peut toujours compter sur toi pour faire preuve d'optimisme, Malfoy… »
Léandres passa à l'attaque. Tout se déroula en l'espace de quelques instants : un moment le vampire se trouvait à quelques mètres des deux enfants et la seconde d'après il était derrière Harry, immobilisant d'une main les poignets du Gryffondor tandis que de l'autre il repoussait les mèches de cheveux noirs qui encombraient le cou de sa victime, la gueule déjà ouverte pour mordre dans la chair tendre. Le Survivant se débattit pour échapper à l'emprise de fer que l'homme maintenait sur lui mais en vain : c'était comme vouloir déplacer une montagne avec une cuillère à café.
Draco se jeta à son tour dans la bataille, faisant pleuvoir les coups sur le dos et le visage du vampire qui se contenta de pousser un soupir agacé et d'écarter le Serpentard du plat de la main comme si c'était un fétu de paille. Le jeune homme atterrit durement sur le toit, sentant plusieurs tuiles se fêler sous son poids. En face de lui, Harry semblait avoir repris l'avantage, temporairement au moins. D'un coup de coude bien senti dans les côtes de son ennemi, il avait réussi à se dégager et il tenait à présent le vampire en respect, sa baguette à la main. Nullement impressionné, Léandres continuait à le considérer avec des yeux brillants de cruauté et de jubilation, à la façon du chat qui joue avec le canari avant de le dévorer tout cru.
Les deux adversaires s'affrontèrent du regard pendant quelques secondes, juste le temps pour Draco de se remettre péniblement sur ses pieds. Puis le vampire passa de nouveau à l'attaque et Potter lança un sort d'Impedimenta qui atteignit l'homme en pleine poitrine. Seulement, Léandres ne sembla pas plus gêné par le sortilège d'entrave que par la piqûre d'un moustique. Le Gryffondor se trouva de nouveau prisonnier de l'étreinte du vampire, ses coups de poing et de pieds ne rencontrant que le vide face à la force surnaturelle de l'immortel.
Draco observait la scène avec une impuissance fébrile, les doigts crispés sur sa baguette. Il ne savait pas quoi faire : s'il lançait un sortilège sur le vampire il courait le risque de toucher Potter, et s'il ne faisait rien le Gryffondor se ferait tuer quand même… De toutes façons, il fallait bien prendre un décision un jour ou l'autre, pensa le Serpentard en brandissant sa baguette et en hurlant : « Accio Dague du vampire ! »
La courte lame d'argent s'envola aussitôt de la botte où le vampire l'avait glissée et atterrit dans la main levée de Draco, qui se précipita aussitôt sur Léandres et enfonça la dague de toutes ses forces dans le dos que l'immortel lui présentait. Le cri de douleur du vampire résonna avec la force d'une sirène dans le silence de la nuit. Règle de survie n°1 : ne jamais tourner le dos à un Malfoy.
Draco retira la lame du dos de Léandres et la planta une seconde fois, puis une troisième, puis encore une autre, cherchant à se frayer un chemin entre les côtes et les vertèbres pour pouvoir atteindre le cœur. Le vampire s'effondra sur le sol, plié en deux par la douleur, jurant d'une voix rauque et éraillée dans une demi-douzaine de langues qu'aucun des deux sorciers ne connaissait. Le Serpentard s'agenouilla près de l'homme, empoigna d'une main ferme une poignée de cheveux blonds et tira sa tête en arrière pour dégager la gorge. Les deux billes d'agate brûlantes de haine rencontrèrent un instant le regard gris déterminé, les prunelles d'argent liquide brillant d'une froideur inhumaine. Pour la première fois depuis très longtemps, Léandres sentit un frisson de peur parcourir son échine.
Un peu en retrait, Potter s'était effondré sur le sol et cherchait difficilement à reprendre son souffle. Lorsqu'il releva enfin la tête, ce fut pour voir Draco Malfoy abattre le couteau sur la gorge du vampire et trancher la carotide d'un geste sec et précis. Le sang jaillit à flot de la blessure comme une fontaine macabre et l'homme écarquilla les yeux dans un geste de stupeur incrédule, un gargouillis informe échappant seulement de sa gorge en charpie à la place du cri de surprise qu'il avait voulu pousser.
Draco considérait avec une froideur désincarnée le corps démembré qui gisait sur le sol de tuiles, une mare de sang écarlate glissant doucement le long du toit pour s'écouler dans la gouttière avec dans un crépitement sinistre. Ce n'était pas la première fois qu'il était confronté à la mort, et il n'avait certainement pas la naïveté de croire que ce serait la dernière. Avec un père comme Lucius, on ne pouvait pas grandir en ignorant éternellement les cris et les gémissements qui montaient des donjons et des geôles du manoir. Draco n'avait que sept ans lorsqu'il avait pour la première fois vu mourir un Moldu et il avait baigné dès son plus jeune âge dans un univers de magie noire, de douleur et de sang. C'était le prix à payer quand on faisait partie de la famille Malfoy. Mais malgré tous ses efforts, il n'avait jamais vraiment pu rester tout à fait insensible devant ce genre de spectacles, et encore moins se résoudre à y participer. Encore une des raisons pour lesquelles Lucius le considérait comme la honte de la famille…
Potter s'approcha avec précautions du corps inerte du vampire, sa baguette toujours serrée dans la main.
« Tu crois qu'il est mort ? »
« Pas encore. Pas tout à fait, mais ça ne va pas tarder. »
Un silence inconfortable s'installa entre les deux adolescents. Vas-y, pensait Draco, dis-le. Nous savons tous les deux ce que tu penses, après tout… Ce n'est pas pour rien que tu es le petit Héros de Gryffondor. Il n'y a plus rien que nous puissions faire pour sauver ce monstre, et même s'il y avait un moyen je ne vois pas pourquoi nous prendrions la peine de l'aider. Il a essayé de nous tuer, et il n'aurait pas eu pitié, lui. Mais nous, nous sommes les Gentils, n'est-ce pas ? En tous cas, toi tu l'es. Moi, je suis un meurtrier…
« Je te remercie, Malfoy… Merci de m'avoir sauvé la vie. »
Le Serpentard leva un regard étonné vers Harry, plongeant avec incrédulité dans deux prunelles émeraude brûlantes de sincérité.
« T'avoir sauvé la vie ? »
Le Survivant hocha la tête, l'air calme et solennel. Draco pouvait déjà voir les traces bleuâtres d'un hématome apparaître sur la peau blanche à la base de son cou, là où Léandres avait serré en essayant de l'étrangler.
« Ca fait deux fois que tu me sauves la vie dans la même soirée. Je ne sais pas pourquoi tu l'as fait mais je te remercie… »
Draco laissa échapper un petit rire incertain et se contenta de hausser les épaules.
« Je n'allais quand même pas laisser ce vampire avoir ta peau si facilement, non ? Et puis si tu mourrais, il ne resterait plus personne d'assez fou pour me faire confiance dans cette école… »
Les lèvres du Gryffondor se tordirent dans un sourire amusé comme il tentait en vain de réprimer un gloussement. Draco secoua la tête d'un air interloqué. Décidément, il ne comprendrait jamais rien à la façon de penser de Potter. Mais plus le temps passait et plus il se disait que ce n'était peut-être pas si grave que ça, finalement…
Le chemin du retour se déroula sans encombres, même si les deux adolescents eurent quelques difficultés à descendre du toit sans se rompre le cou. Finalement, ce fut Draco qui trouva la solution en transfigurant la ceinture de sa robe en une corde à nœuds grâce à laquelle ils purent retrouver la terre ferme en toute sécurité.
Les rues de Pré-au-Lard étaient toujours aussi désertes et il ne restait plus beaucoup de temps avant que l'aube ne pointe à l'horizon. Déjà, le ciel commençait à se teinter d'un bleu plus clair et le disque blême de la lune se faisait de plus en plus flou, comme si quelque démon malin s'amusait à le gommer peu à peu de la voûte céleste.
Arrivés à la sortie du souterrain devant la statue de la sorcière borgne, Harry sortit de nouveau la carte du Maraudeur et vérifia que personne ne les surprendrait à déambuler dans les couloirs. Heureusement, à cette heure-ci de la nuit Rusard était déjà parti se coucher et Miss Teigne était occupée à patrouiller dans les donjons. Les deux adolescents atteignirent rapidement la tour de Gryffondor, et après que Harry ait donné le mot de passe -« Mort à tous les espions Serpentards »- ils se retrouvèrent enfin dans la salle commune. Alors seulement, Harry s'autorisa à pousser un long soupir de soulagement et à s'effondrer dans un des fauteuils faisant face à la cheminée. Un bon feu crépitait encore dans l'âtre grâce au travail dévoué des elfes de maison.
« Par la barbe de Merlin ! Après avoir survécu à une nuit pareille je ne regarderai plus jamais mon oreiller de la même façon !»
« Ne te réjouis pas trop vite, Potter : la nuit en question n'est pas encore tout à fait terminée…»
Harry tourna vers le Serpentard un regard interrogateur. Le dos très droit et le visage neutre, Draco fixait d'un regard intense le seuil de l'escalier menant au dortoir des garçons. Seuil d'escalier où se découpait la silhouette austère et implacable du Maître des Potions Severus Rogue.
« Vous êtes décidément incapable d'obéir à quelque forme de règlement que ce soit, Potter. Dois-je vous rappeler que les élèves sont censés se trouver dans leurs dortoirs après l'heure du couvre-feu ? Cela fait près de deux heures que je vous attend : il ne faudrait pas que vous en fassiez une habitude… »
Il ne faudrait pas, non, approuva mentalement Harry. Parce que se retrouver à la merci d'un Severus Rogue en colère faisait définitivement partie des habitudes dont le Gryffondor aurait préféré se passer…
(1) smrtelny: mortel en tchèque. Enfin je crois, parce que je suis allée chercher ma traduction sur un dictionnaire en ligne donc c'est très possible que j'aie fait une erreur…
(2) poskok: sous-fifre.
(Si vous vous demandez pourquoi Léandres et Myriam parlent tchèque alors que la Transylvanie se situe en Roumanie, et que par conséquent ça aurait été plus logique pour des vampires transylvaniens de parler roumain, ben c pask le roumain est une langue latine qui ressemble beaucoup trop au français à mon goût et que ça sonnait pas très bien dans la conversation. Avec le tchèque, ya tellement de consonnes à la suites qu'on ne peut plus rien prononcer mais au moins ça sonne « Europe de l'est ». Et puis il n'y a aucune loi qui interdise à des vampires d'être originaires de république tchèque que je sache, non ?… )
The End of Chapter 6 !
J'espère que ce chapitre vous aura plu et comme d'habitude, si vous avez encore une minute à me consacrer svp svp svp laissez-moi une petite review avec vos impressions !
