MERCI à Hlne, Lola, Milady2, Nouna et Manehou pour leur(s) review(s) sur le One Shot : Souvenirs d'une autre vie.
Repère : Ce One-shot commence au mois de février de la 7ème année de Harry et Cie, la scène entre Sirius et Nora s'insère à la fin du chapitre 26 de cette année. (vous verrez les repères dans l'OS)
Dédicace : Vu la ferveur avec laquelle elle m'a réclamé cet OS, je me dois de dédier ce récit à Hélène, CAAPT fière de l'être ;-) Tu vois que tu l'as eu ! Suffisait d'être patiente lol
Une saveur à découvrir
Il y avait eu tant d'épreuves à traverser. D'abord celles qu'on ne désirent pas puis celles qu'on recherche, pour extérioriser un trop plein de peine et de colère, pour expier les fautes qu'on aurait voulu ne jamais commettre.
Dans le lointain, une ritournelle enfantine, la berceuse d'une mère, cette voix qui transporte au-delà même des rêves. Les histoires pour s'endormir, les baisers et les câlins, les rires qui résonnent encore après tant d'années. Des souvenirs flous, au fond, comme si tout cela n'avait jamais été qu'un merveilleux songe.
Puis tout avait éclaté, le rêve s'était brisé sans même qu'ils l'apprennent. Il avait fallu deux jours d'angoisse avant qu'on confirme l'affreuse réalité : la femme se trouvait bien là au moment de l'explosion. Un gouffre profond s'était ouvert sous leurs pieds, mais elle n'avait pas pu lui attraper la main, elle n'avait pas voulu se laisser entraîner dans cette spirale.
Son père avait sombré d'un côté et elle de l'autre, elle refusait toutes ses approches et ses tentatives. A deux, elle sentait bien que la douleur aurait été trop forte. Alors il y avait eu les disputes, les fugues, les mots assassins qu'elle ne se pardonnerait jamais d'avoir prononcé, même si elle avait l'excuse de l'âge, du choc, de la peur.
Il avait fallu plusieurs années pour que cette crise d'adolescence arrivée bien trop tôt ne finisse. Elle avait seize ans et fuguait pour une énième fois, sans but précis, juste pour s'éloigner, mais cette fois-ci, ce n'était pas la police qui l'avait ramenée, elle était rentrée d'elle-même et était tombée en pleurs dans les bras de son père en s'excusant pour toutes les atrocités qu'elle avait osé proférer, le rendant responsable de la mort de sa mère pour de fausses raisons, juste pour avoir quelqu'un sur qui rejeter sa colère.
Un temps de réadaptation avait été nécessaire pour qu'ils apprennent à se connaître, eux qui étaient si longtemps restés séparés et pourtant si proches. Mais les mois et les années avaient fait leur œuvre pour réunir en une complicité exceptionnelle le père et la fille, le souvenir de leur femme et mère précieusement conservé dans un coin de leur cœur.
Par la suite, les événements de la vie professionnelle de la jeune femme s'étaient accélérés. Vite repérée dans l'école de journalisme par Paul Harowide, un éminent photographe du Times, il l'intégra à son équipe alors qu'elle n'avait pas vingt ans et prouva vite qu'elle détenait le talent et l'audace nécessaire à ce métier. Elle se détacha assez rapidement du grand journal britannique pour travailler au sein d'une nouvelle équipe indépendante constituée d'un autre photographe, d'un journaliste chevronné et d'un jeune politicien qui s'était reconverti au reportage.
Elle était la plus jeune mais certainement pas la moins déterminée et ils avaient affronté tellement de dangers ensemble, dans des pays en guerre ou en situation précaire, que l'âge n'avait finalement plus beaucoup d'importance. Ils avaient frôlé le Pulitzer une fois, mais la mort du journaliste de l'équipe, tué dans une fusillade à Cuba, leur avait tous laissé un goût amer dans la bouche qui leur avait fait oublier le prix. La jeune femme qui avait désormais vingt et un ans passa photographe professionnelle et l'équipe se scinda, bien qu'ils gardèrent contact.
Vers la même époque, à son retour d'un long périple d'une année de reportage, elle apprit l'évasion de Sirius Black, le meurtrier de sa mère, et décida de rester en Angleterre, d'abord pour son père, qui recommençait à sombrer en dépression, et ensuite dans l'espoir de retrouver cet immonde assassin. Deux ans plus tard, l'homme était innocenté, ramenant toutes les questions sur la mort de Mary Stuborn à l'esprit de son mari et de sa fille.
En bref, à vingt-quatre ans, Nora Stuborn savait qu'elle avait déjà trop vécu. Elle avait eu besoin de ce métier à risque pour se défouler, d'une certaine manière, et était parvenue à trouver un semblant de bonheur, même si c'était dur, certaines personnes ayant été sur sa route pour l'aider et la conforter dans ses idées, mais en règle générale, Nora avait dû se débrouiller seule, et c'était ce qui lui plaisait.
Des morts, des guerres, la terreur, la misère, la jeune femme avait vu le pire de ce monde et le meilleur auprès de son père. Elle avait plus voyagé que n'importe quelle autre personne de son âge et était plutôt fière de ce qu'elle était devenue compte tenu des événements de sa vie personnelle : une femme pleine de dynamisme, sûre d'elle et forte tête.
Elle avait surmonté tous les obstacles, et pourtant rien n'aurait pu la préparer à ça.
La pire des calamités sur cette terre, une catastrophe ambulante ou encore un terrible virus sournois, tout cela résumé en deux petits mots : Sirius Black.
Une calamité ? Doux euphémisme en réalité pour désigner cette plaie vivante qu'était le sorcier aux cheveux d'ébène. Elle n'avait jamais connu quelqu'un d'aussi horripilant et condescendant, et rien ne faisait plus plaisir à Nora que de le voir sortir de ses gonds, qu'il oublie un peu ce petit air supérieur qui semblait dire qu'elle n'avait rien à craindre tant qu'il était là.
Non mais il se prenait pour qui, ce crétin ? Comme si elle, Nora Stuborn, avait besoin d'une protection quelconque. Pire qu'une glue, il avait été le plus difficile à semer de tous les fileurs que ce Dumbledore lui avait mis aux trousses. Encore, cela n'était pas vraiment de sa faute, il avait reçu des ordres, mais qu'il se soit permis de lui faire la morale après coup, ça l'avait mis hors d'elle.
Bon, évidemment, elle avait aussi eu droit à un sermon de la part de Remus Lupin, mais de sa part… C'était presque normal. Remus avait le droit de lui dire qu'elle avait mal agi, il avait un talent diplomate pour cela, et puis avec lui, on pouvait s'y attendre. Ses yeux reflétaient trop de choses pour qu'on puisse oser croire qu'il était des choses qu'il ne pouvait pas faire, mais pas Sirius !
L'homme était comme elle, il avait vécu des épreuves terribles et pourtant il continuait à foncer dans le tas, pas de manière stupide, non, elle devait reconnaître qu'il savait être méthodique, mais du fait que ses réactions étaient semblables aux siennes, il n'avait aucun droit de la rappeler à l'ordre, ou alors il lui faudrait suivre ses propres règles avant.
Nora ne le détestait pas, pas vraiment en tous cas, mais c'était physique, dés qu'elle le voyait, il fallait qu'elle l'attaque, qu'elle le pousse à bout, et cela depuis leur "expédition" dans ce manoir du Kent qui appartenait à la famille Malefoy, depuis qu'il s'était pris pour son grand et merveilleux sauveur. La jeune femme l'avait ressenti comme une atteinte directe à sa dignité et – pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas vraiment – de lui plus que quiconque elle ne le permettait pas.
Puis il y avait eu sa disparition. Selon les autres, la situation serait certainement la même qu'avec Remus Lupin, qui avait été kidnappé puis relâché au bout de quelques semaines, mais Nora s'était malgré tout sentie anxieuse durant les jours qui avaient suivis. On la cloisonnait au Square Grimmaurd et, sans leurs joutes verbales quotidiennes, la demeure devenait singulièrement oppressante. Elle aurait pu partir pourtant, elle trouvait toujours le moyen de s'échapper de n'importe quelle situation, mais elle avait dû reconnaître qu'elle s'inquiétait pour lui et avait préféré rester jusqu'à ce qu'il revienne. Quelques engueulades plus tard, elle était repartie avec la ferme intention de poursuivre ses recherches.
Telle était d'ailleurs la raison pour laquelle elle se trouvait en ce mois d'avril attablée à un café, en compagnie de Nelson Malésky, le jeune politicien de son ancienne équipe. Il gardait des contacts assez intéressants dans Londres et était le mieux placé de ses relations pour lui faire part des rumeurs de la rue, ce qu'il venait d'ailleurs de faire, les informations apportées confirmant magnifiquement tout ce qu'elle savait déjà.
C'est dans un moment de silence, l'esprit dans le vague, ses mains faisant distraitement tourner le liquide noir qui se trouvait dans sa tasse, que Nora en était venue à toutes ces considérations sur sa vie et le cas particulier de Sirius Black.
- Alors petite fille ? Que se passe-t-il de si important dans ta vie que tu en viennes à oublier ma présence alors que nous ne nous sommes pas vu depuis deux ans ?
Nora grimaça autant de s'être fait prendre à rêver que de l'appellation dont la taquinait son ami. Elle leva son regard vers lui sans répondre immédiatement, contemplant l'incroyable visage de l'homme. Dans son sang coulait quatre nationalités de quatre continents différents : Russie, Malaisie, Angola et Canada. Et son physique reflétait étrangement sa quadruple identité. Son teint café, ses yeux bridés d'un marron extrêmement clair aux reflets verts, ses lèvres mi-pleines et ses dents d'une blancheur incroyable, jusqu'à son accent, curieux mélange de canadien et de russe. Il s'agissait d'un bel homme, sans aucun doute, mais il fallait passer le premier choc de ce mélange avant de le réaliser.
- Excuse moi Nelson, je suis sur une enquête assez… personnelle en ce moment, et ça me fait ressasser de mauvais souvenirs.
- Ta mère ? demanda-t-il en buvant une gorgée de café.
- Tu me connais trop pour ton propre bien, grommela Nora.
- Tout ceux qui t'ont vu prendre une cuite au moins une fois te connaisses trop, remarqua l'homme en souriant.
- Si tu continues, tu ne sauras rien, le menaça son amie.
Il porta son pouce et son index pincés au bord de sa bouche et les fit glisser sur ses lèvres, comme s'il fermait une fermeture éclair.
- Je t'écoute, raconte à papa Nelson ce qui ne va pas.
- T'es un précoce pour m'avoir eue à huit ans, répondit Nora en roulant des yeux. En fait, il y a eu du nouveau dans l'affaire de l'explosion de gaz et je travaille en ce moment avec une nouvelle équipe. Tu ne connais pas, ajouta-t-elle comme elle le voyait ouvrir la bouche. Et disons que ça ne se passe pas très bien avec un des types.
- Aïe ! C'est un snobinard ? Un m'as-tu vu ? Un académicien ?
- Un protecteur.
Nelson émit un sifflement admiratif.
- Et il est toujours en vie ? demanda-t-il, amusé. Je ne pensais pas que tu t'affaiblirais autant en si peu de temps.
- Idiot. C'est un protecteur borné, c'est pour cela que je lui ai donné sa chance.
- Hé hé ! Une forte tête ? Ça doit être explosif vos rencontres.
- Tu n'imagines même pas à quel point, soupira la jeune femme en se laissant aller contre son dossier. Dés qu'on est dans la même pièce, le show commence. J'avoue que c'est un bon adversaire, mais il ne gagne pas souvent.
- Ma chère, tu es le cynisme à l'état pur quand tu le décides, alors moi je dis qu'il n'est pas naît celui qui te rabattra ton caquet… paix à notre terre, déclara-t-il solennellement.
- Tu veux pas arrêter de raconter tes sottises deux secondes et m'expliquer pourquoi il me met hors de moi, toi qui est un excellent juge de la nature humaine.
- Les compliments maintenant, décevant comme les gens peuvent se ramollir quand ils quittent le terrain, commenta-t-il en prenant un air dramatique.
- Nelson…
- Je blague ma puce. Allez vas-y, envoie moi le topo.
Nora secoua la tête avec dérision. Son ami adorait lui attribuer toutes sortes de petits noms qui auraient pu faire croire qu'elle était une fragile jeune fille. C'était devenu un jeu entre eux, car l'homme avait compris dés leur première rencontre à qui il avait affaire et c'était souvent elle qui l'avait tiré de mauvais pas par le passé, comme cette bagarre mémorable dans un bar de Séoul qui s'était terminée en course poursuite pour le moins risquée. Nelson savait à quel point Nora était fière et avait toujours respecté ce trait de caractère chez elle, alors que d'autres – nombreux – s'y étaient cassés les dents en tentant la carte de la galanterie.
Elle lui raconta donc le caractère de cet homme étrange et son chemin de vie, en omettant toutefois de préciser qu'il s'agissait d'un sorcier. Quand elle eut fini, il hocha la tête en se calant contre le dossier de sa chaise, la mine pensive, un sourire en coin. Nora s'était souvent demandé pourquoi il n'avait pas plutôt choisi une branche psychologique que politique pour sa carrière, car l'homme possédait un véritable don pour appréhender correctement les gens. Peut-être la diplomatie aurait-il pu lui aller également, mais il n'avait pas choisi cette voie. Son amie ne lui avait jamais demandé ses raisons, après tout, ses affaires ne la concernaient pas.
- C'est le coup des pôles identiques qui s'opposent, dit-il enfin. Tu sais, positif et positif se repoussent et idem pour les négatifs. Vous vous ressemblez trop pour qu'il n'y ait pas d'étincelles lorsque vous vous rencontrez.
- Oui, merci, ça, je l'avais deviné moi-même.
- Ça t'énerve cette situation ?
- Non, pas vraiment, je dirais plutôt que ça m'amuse mais… je ne sais pas, j'ai l'impression que quelque chose cloche. Tu te souviens de ce guide qu'on avait à Djakarta ? Il s'était passé la même chose avec lui, on se prenait réciproquement la tête, par jeu. Là, c'est différent, il y a un truc et je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.
- Tu te souviens comment ça s'était fini avec ce guide ?
- Sur sa déclaration d'amour, soupira la jeune femme. Je crois que ça ne lui a pas plu que je refuse.
Nelson la regarda par-dessus ses lunettes et elle prit un air offusqué.
- Hé ! Tu connais très bien cette histoire, et tu sais que j'ai toujours été réglo avec les types qui me demandaient. Tu sais bien que je n'ai jamais voulu m'engager.
- Oui, je le sais, rigola son ami, c'est pas pour ça que je te regardais de la sorte, mais tu me surprendras toujours à en parler de manière si désinvolte. Enfin bref, donc, si on résume, tu te retrouves face à quelque chose que tu ne connais pas et ça t'énerve.
- En gros, c'est ça. Je me flatte quand même de comprendre beaucoup de chose et de gens, mais lui, il m'échappe et ça m'agace.
- Et c'est depuis le départ ?
- Non… Non, la première fois que je l'ai revu, c'était normal. Un peu houleux mais c'est la conversation qui voulait ça.
- Comment ça "revu" ? s'étonna Nelson. Tu le connaissais d'avant ?
- Certaines personnes de mon équipe étaient des amis de mes parents avant la mort de ma mère, je les ai connus quand j'étais gamine.
- Il a quel âge ?
- Trente-sept ans il me semble, pourquoi ?
- Comme ça… Un ancien ami de tes parents, protecteur borné, alors ? Et un truc que tu ne comprends pas ? Je vois… Désolé, mais je ne donne pas les réponses qu'on a déjà.
Nora le regarda en clignant des yeux alors qu'il avait un sourire moqueur.
- C'était bien la peine que je t'en parle, tiens, grogna-t-elle.
- Mais si, tu verras, ça aide de discuter avec quelqu'un. Un autre café ?
- Volontiers. A toi maintenant, comment va ton mariage ?
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Nora était installée dans un fauteuil du salon, au 12 Square Grimmaurd, seule dans la pièce. Elle savait déjà que les informations qu'elle avait rapportées aux membres de l'Ordre leur avaient permis plusieurs prises importantes, dont une avec laquelle certains avaient l'air d'avoir des comptes personnels à régler. Elle n'avait pas vraiment été mise au courant de tout cela mais à en juger par le silence qui régnait dans la maison depuis deux jours alors que des cris avaient résonné quelques temps plus tôt, la note avait été payée.
La jeune femme n'adhérait certainement pas à la pratique de la torture, mais elle savait qu'il ne s'était agi que d'un incident. Dans un premier temps, les cris de colère venaient de Sirius, puis elle avait été réveillée par un vacarme incroyable où les hurlements de plusieurs personnes se mêlaient, dont – Nora en avait été surprise – la voix de Lupin. Il y avait finalement eu un cri déchirant et couinant puis le silence.
En temps normal, l'âme de journaliste de Nora aurait cherché à savoir ce qu'il s'était passé, mais les visages fermés des autres l'en avaient dissuadés. Elle n'aurait jamais cru pu voir Tara Milten, cette femme si avenante et rieuse, avec une telle expression de détresse que celle qu'elle avait surprise alors que la sorcière se croyait seule. Quoi qu'il lui soit arrivé, l'homme qui avait poussé le dernier cri ce soir-là le méritait amplement.
La porte du salon s'ouvrit mais elle n'y prit pas garde jusqu'à ce que la personne s'arrête à côté d'elle.
- Oh ! Tu es là.
- Apparemment, répondit Nora en reconnaissant la voix.
Un silence s'abattit et la jeune femme fut surprise de ressentir un certain malaise. Elle leva les yeux pour voir que Sirius fixait le feu d'un œil dur, les poings à moitié serrés. Avec un sourire moqueur, elle reporta son attention sur le feu.
- J'ai l'impression qu'une personne dans cette pièce doit des excuses à une autre personne dans cette pièce, dit-elle.
A ses côtés, Sirius se tendit un peu plus et Nora se sentit respirer. Décidément, c'était étrange et paradoxal, mais elle se sentait bien quand il était là.
- D'accord, tu pouvais parfaitement te débrouiller seule, t'avais raison, marmonna Sirius.
Le sourire de Nora s'étendit jusqu'à ses oreilles et elle le regarda droit dans les yeux.
- J'ai pas bien entendu, dit-elle avec toute l'innocence dont elle était capable.
Les poings de Sirius se serrèrent encore plus pour calmer ses nerfs. C'était déjà assez dur pour lui de reconnaître ses torts et de s'excuser pour qu'elle en rajoute. Et pourtant… pourtant il était heureux de ce qu'elle venait de dire, parce que c'était le signal qu'elle était prête pour une nouvelle joute, et Sirius devait bien avouer que malgré tout l'énervement qu'il en retirait, il appréciait ce combat puéril et la répartie acérée de la jeune femme.
En fait, ce n'était pas la seule chose qu'il appréciait, son air borné et cynique, sa conception de la vie si proche de la sienne et la différence qui existait dans leurs rapports aux autres lui faisait chaud au cœur sans qu'il sache trop pourquoi.
A sa manière, Nora l'avait secoué, bousculé et brusqué dans son lent réapprentissage de la vie. Douze ans derrière les barreaux, ce n'était pas rien quand il s'agissait de revenir à une vie à peu près normale, surtout en temps de guerre. Les vérités abruptes qui sortaient de la bouche de la jeune femme, qu'elle avait sans doute apprises de Remus ou des autres membres de l'Ordre lui avaient permis de se relever sur un plan humain, de faire reculer la partie animale qu'il avait trop développée à force de se transformer en chien. Remus et Tara l'avaient remarqué et les paroles de son amie restaient gravés dans son esprit.
« Avec le temps et nos retrouvailles, nous nous redécouvrons chacun peu à peu, et c'est bien, mais nous ne pouvons redevenir ce que nous ne serons plus jamais. C'est une nouvelle vie qui s'ouvre devant nous, ce seront les nouvelles rencontres qui nous permettront d'être ce que nous sommes réellement. »
Sur le coup, Sirius avait cru qu'elle parlait pour elle et Remus, par rapport à Séléné, que Tara s'obstinait à croire aussi blanche qu'une licorne quand à ses intentions, mais quand son regard avait croisé les yeux malicieux de son plus ancien ami, il s'était dit que cette phrase avait certainement un sens qui lui échappait.
- J'ai dit que je m'excusais d'avoir cru que tu ne pouvais pas te débrouiller seule, répéta-t-il en exagérant sur les mots. Mais je reste sur mon idée que tu as pris de mauvaises décisions et que tu n'es qu'une petite peste, ajouta-t-il avec un sourire charmant.
- Tu manques de vocabulaire ou d'imagination ? J'hésite, répondit Nora en se relevant pour lui faire face.
- Quel malheur de ne pas savoir prendre une simple décision, ricana Sirius. Ne t'inquiète pas, on fait de bonnes potions contre la confusion à notre époque.
- Trouble d'incertitude à périodicité sirusienne, je préfère, déclara très sérieusement Nora, et c'est bien ce que je pensais, c'est le vocabulaire.
- Incertitude ? répéta Sirius avec un sourire en coin. Intéressant, je te trouble donc tant ? demanda-t-il en lui faisant du charme, sentant sa victoire proche sur cette joute.
La jeune femme rapprocha sa bouche de son oreille, amusée de le sentir déjà jubiler intérieurement alors qu'elle allait une fois de plus remporter cette manche.
- D'accord Sirius, rien ne sert de le nier, lui chuchota-t-elle d'une voix à la fois sérieuse et sensuellement timide. Mes rêves ne montrent que toi, ne me rejette pas, je t'en prie.
Elle sentit sous sa main posée sur sa poitrine l'homme se tendre et elle le regarda avec un sérieux effrayant, prenant un air un peu inquiet, alors que Sirius la fixait, les yeux grands ouverts, incapable de réagir.
- Je t'ai eu, lança doucement Nora avant d'éclater franchement de rire.
Il fallut un moment pour que Sirius se remette du choc alors que la jeune femme n'en pouvait plus de rigoler, des larmes coulant sur ses joues. Elle riait tellement qu'elle laissa sa tête tomber sur l'épaule de l'homme pour se retenir et Sirius se demanda un instant si le fait de se décaler serait une vengeance suffisante. Mais avant qu'il ait pu se décider, elle s'était calmée et se laissait tomber par terre en gloussant encore un peu.
- C'est pas du jeu, protesta Sirius, boudeur, en s'asseyant à côté d'elle, furieux de s'être laisser prendre.
- Le charmeur charmé, tu avoueras que la blague est vieille comme le monde, pouffa la jeune femme en lui adressant un clin d'œil. Cela étant, j'accepte tes excuses avec grand plaisir.
- Quelle magnanimité, répondit sarcastiquement l'homme.
Nora secoua la tête en souriant puis se laissa aller contre le pied d'un fauteuil, reprenant sa contemplation du feu. Un silence agréable s'installa et la jeune femme commença même à somnoler, un vague sourire aux lèvres. C'était bien la première fois qu'ils restaient ensemble sans que la dispute se finisse par le départ d'un des deux, reconnaissant sa défaite ou montrant au contraire sa supériorité.
Sans vraiment faire attention à ce qu'il faisait, Sirius se mit à observer sa voisine. Il avait souvent l'habitude de comparer les gens entre eux, de dire qu'un tel ressemblait à un tel, les seuls avec lesquels il n'avait jamais fait ça étaient ses amis les plus proches, mais alors qu'il essayait de trouver quels traits de ressemblance la jeune femme avait avec les autres qu'il avait connu, il se surprit à ne rien discerner.
Il lui trouvait un visage un peu trop sec et anguleux, des cheveux courts qui partaient un peu n'importe comment mais visiblement uniquement dû à un manque de coiffage, elle n'était pas très grande mais on la devinait sportive et ses courbes féminines n'étaient pas des plus affriolantes tout en étant quand même bien formées.
Réalisant brusquement la tournure que prenait son observation, Sirius détourna vivement le regard, heureux que Nora ait fermé ses paupières, elle aurait imaginé… Elle aurait pu penser… Bref, elle aurait pu se faire de fausses idées. Mais pourquoi la dernière phrase qu'elle avait prononcé lors de leur joute revenait tout à coup ?
- Pourquoi tu me cherches tout le temps ? demanda-t-il.
- Pourquoi tu surenchéris à chaque coup ? répliqua Nora du tac au tac.
- Prems pour la question, plaisanta Sirius.
Elle rouvrit les yeux et le regarda, mais avec un air étrangement sérieux.
- D'accord, je veux bien répondre la première, mais dans ce cas là, dis moi d'abord quel est ton problème ?
- Pardon ?
Sirius n'était pas habitué à ce qu'elle lui parle ainsi, il s'était attendu à ses habituels sarcasmes et, à la place, il devait faire face à une Nora dangereusement sérieuse avec laquelle il n'avait jamais rien eu à faire.
- C'est quoi ton problème ? répéta Nora. Tu as le syndrome du super héros ou quelque chose comme ça pour avoir cet instinct protecteur ? Pourtant, à en juger par les portraits de ta mère dans l'entrée, je doute que ce soit elle qui t'ait transmis ça.
- Si tu pouvais éviter de parler de ma mère… grinça Sirius.
- Oh ! Un sujet qui fâche ? T'aimes pas ta famille apparemment.
- Ils n'étaient pas ma famille, répondit Sirius en appuyant chaque mot, une lueur dangereuse dans le regard.
Nora éclata d'un rire mauvais qu'il ne lui connaissait pas.
- Vraiment ? lança-t-elle. Pourtant, c'est bien elle qui t'a mise au monde, non ? C'est quoi déjà son nom ? Ah oui ! Nocera Black. Nocera et Procyon Black, tu vois, tu portes le même nom qu'eux. Ce sont tes parents. Tu fais partie de cette famille.
- Tais toi…
- Sirius Black ! Le dernier descendant de la noble et…
- TAIS TOI !
Sirius s'était soudain précipitée vers elle dans un accès de rage et l'avait plaquée au sol en lui enserrant les bras bien trop fort.
- Ne parle plus ! Tais toi ! Ne parle plus de ces gens !
- C'est quoi ton problème ? Ces gens sont ta famille ! hurla Nora.
Leurs respirations rapides et rageuses se mêlaient alors que Sirius serrait de plus en plus fort les bras de la jeune femme, fou de colère
- C'est quoi ton problème ? répéta-t-elle d'une voix lasse, ne semblant pas se soucier de la douleur qu'elle devait immanquablement ressentir.
En posant la question, elle avait détourné un regard devenu neutre vers les flammes, fatiguée pour une quelconque raison. La fureur de Sirius s'évanouit et il desserra son étreinte, et la force poignante sembla se déplacer vers son cœur.
- C'est pas ma famille, dit-il de nouveau, mais d'une voix basse et les yeux baissé sur un point invisible. Ils ne l'ont jamais été. Ma famille… ce sont mes amis. Ma famille, c'est Harry, c'est Remus et Tara, et ce sera toujours James et Lily, même s'ils ne sont plus là. Les liens du sang ? Eux ils savaient ce que c'était mais moi… On ne me l'a jamais appris…
Pourquoi ?
- Les Black ? Non, il n'y a eu qu'Andromeda, les autres n'étaient que des simulacres, ils ne savaient même pas ce que la famille signifiait, ou plutôt ils n'associaient cela qu'à la puissance de la pureté et de l'argent.
Pourquoi je lui raconte tout ça ?
Il eut un ricanement désabusé.
- J'ai été jaloux, c'est amusant non ? Je crois pas qu'ils l'aient jamais su mais j'ai été jaloux de leurs familles. Les parents de Remus faisaient tant pour lui, comme s'il était la seule chose qui pouvait importer, même eux passaient après, ceux de James n'étaient pas souvent là mais c'était pareil, tout ce qu'ils faisaient, c'était pour les protéger, quand à ceux de Lily, son père a fait plus qu'on aurait pu seulement l'imaginer de n'importe qui compte tenu des circonstances de l'époque.
Elle ne me demande rien, pourquoi je lui en parle ?
- J'ai été jaloux, mais à ma manière, en essayant de me les accaparer je suppose. C'est pour ça que c'est eux, ma famille. Parce qu'ils m'ont accepté, malgré toutes mes conneries, parce qu'ils m'ont aimé…
C'est tellement douloureux de dire ce simple mot…
- C'était… la première fois… Il y avait eu Andro mais… Je ne la voyais pas souvent, nos parents évitaient qu'on se voie. J'ai été heureux quand tous ces interdits ont été brisés, mais je n'en ai pas profité autant que je l'aurai fait sans mes amis. Parce qu'ils étaient là, parce que ça me faisait peur quelque part, mais que je voulais tenter le coup.
On ne m'a jamais montré ce que c'était avant eux, avant Remus et Tara, puis James et Lily…
- J'avais peur, murmura Sirius en baissant encore la voix, mais c'est une peur que j'ai aussi aimée.
Merde, pourquoi ça fait si mal ?
Un silence s'installa.
- T'es pas un protecteur Sirius, remarqua Nora, toujours le regard détourné. Eux, tu les protèges, parce qu'ils sont ta famille, alors pourquoi tu cherches à me protéger ? Juste pour me faire chier ? T'es chiant Sirius, t'imagines pas à quel point.
- Si, sourit doucement Sirius, Lily me le disait tout le temps…
- C'est quoi ton problème ? C'est quoi mon problème ?
Cette fois, elle le regardait, et Sirius réalisa ce qu'il venait de faire, aussi se redressa-t-il, lui permettant de se remettre assise. Elle fixa un moment ses bras rouges qui commençaient à bleuir sans chercher à les frotter et Sirius eut un élan de culpabilité.
- Pardon, murmura-t-il. Je ne voulais pas… Je ne sais pas ce qui m'a prit…
- Je t'ai poussé à bout, dit simplement Nora.
Il la regarda de nouveau et se rendit compte qu'un étrange sourire était apparu sur ses lèvres, mais il disparut comme elle levait encore les yeux vers lui.
- Alors ? Pourquoi ?
Pourquoi avait-il parlé ou pourquoi cherchait-il à la protéger ? Les deux questions semblaient ne faire qu'une, au fond.
- Je ne sais pas, avoua-t-il. T'as raison, c'est peut-être parce que je suis chiant et que je savais bien que tu n'avais pas besoin de protection…
- Nelson aussi est agaçant.
- Qui ça ?
Sirius la regarda avec étonnement, ne comprenant pas de quoi ou de qui elle parlait.
- Bien sûr que j'avais déjà la réponse, poursuivit-elle, mais c'est un peu comme une odeur qu'on ne connaît pas, tu vois ? Tu sens, tu aimes la fragrance, mais tu ne peux pas mettre de nom dessus, pourtant, tu peux connaître la chose qui sent ainsi, mais comme tu ne l'as jamais associé au parfum, tu ne peux vraiment savoir que quand tu le vois.
- Mais de quoi est-ce que tu parles ?
- Je n'en sais rien, je n'ai jamais connu, je ne pensais même pas qu'un jour ça m'arriverait… Et j'ignore où tout cela va nous conduire, s'il peut y avoir un avenir…
Et Sirius comprit, aussi simple que ça…
- Moi non plus.
Nora se mit à genou et lui attrapa les mains, le forçant à faire de même, son sourire ironique revenu.
- C'est pourtant vrai qu'on est pareils tous les deux, remarqua-t-elle, sauf que je suis plus maligne que toi.
- Tu rêves là !
- Qui sait ? Peut-être le rêve dont je t'ai parlé tout à l'heure.
Et avant qu'il ait pu avoir une quelconque réaction, elle avait posé ses lèvres sur les siennes, ses mains lui agrippant les deux côtés de son visage, et, contre toute attente, Sirius répondit instantanément.
Ce n'était pas doux, ni romantique, le baiser était violent, passionné, c'était une autre bataille, une autre joute, sauf que cette fois-ci, il n'y aurait ni vainqueur, ni perdant.
Pourquoi ?
Je ne sais pas.
Comment ?
Est-ce vraiment important ?
…
Alors on s'en fout ?
Oui.
Lorsqu'ils furent à bout de souffle, ils se séparèrent, la respiration haletante, une lueur encore incrédule dans leurs regards accrochés, et pourtant déterminée.
- Qui parlait d'endurance déjà ? se moqua Sirius en remarquant la respiration plus rapide de la jeune femme.
- Pratique d'hyper ventilation, pour l'apnée, expliqua en souriant Nora.
- Vraiment ?
- Vraiment.
Et elle reprit ses lèvres entre les siennes pour un baiser encore plus sauvage que le précédent.
Ils ne savaient toujours pas où cela les mènerait, car s'ils avaient eu des aventures par le passé, aucun n'avait jamais aimé comme ils se sentaient prêts à le faire. Ils ne l'étaient pas encore cependant, ils n'étaient pas vraiment amoureux, ils comprenaient juste ce que cela signifiait, et le temps, peut-être, ferait son office. A moins qu'ils ne soient pas faits l'un pour l'autre… Peu importait, ils avaient découvert la saveur de l'amour l'un avec l'autre, sans même s'en être rendus compte, et l'avenir, quel qu'il fut, s'annonçait soudain plus lumineux.
FIN…
Alors là, j'ai VRAIMENT besoin de votre avis parce que je me trouve incapable de m'autocritiquer sur ce récit…J'espère ne pas avoir fait un Sirius trop OOC :-S J'aime bien ce que j'ai écris mais je sais pas du tout si ça va vous plaire ! lol Alors dîtes moi siouplait ;-)
