Repère : Juste à la fin de la septième année, le départ de Séléné. Il y aura des sauts dans le temps par la suite.
Résumé : Rares sont ceux à pouvoir se vanter d'avoir toujours su faire le bon choix, certains ont d'ailleurs trop souvent fait le mauvais, mais ce n'est pas facile de s'y retrouver lorsque la vengeance étreint notre cœur. Il est des douleurs avec lesquelles il faut apprendre à vivre, car rien ni personne ne pourra jamais les effacer…
Rqe : Après relecture du MdP, j'ai réalisé que j'avais oublié de préciser quelque chose au sujet du 'pacte' passé entre Séléné et Libéselle (la sylphide), ou du moins c'est tellement implicite que… eh ben qu'à part moi, personne ne peut le voir PTDR ! Arf ! Faut que je joue à l'autruche moi se met la tête dans le sable « La hooooooooooooooonte ! S » M'enfin bon, je me rattrape ici ;-)
Attention ! Vers la fin (milieu-fin), je fais référence à une scène de torture, même si on n'y "assiste" pas (pas un peu fou, nan ? O.o) Je préfère prévenir pour ceux qui ne supportent pas ce genre de "violence".
Maintenir ma haine
Les côtes anglaises se dessinaient à l'horizon, enveloppées d'une légère bruine. On ne les apercevrait bientôt plus et un tournant définitif serait alors pris. Elle pouvait encore arrêter et transplaner sur la terre ferme, c'était la raison pour laquelle elle s'était embarquée clandestinement sur ce paquebot au lieu de transplaner immédiatement à sa première destination, pour se laisser encore un peu de temps, mais au fond elle savait déjà qu'elle ne reviendrait pas sur sa décision, elle n'aurait pas laissé de lettre à Hedwige la veille sans cela.
Accoudée sur le pont du navire, son regard vague perdu dans les fines lignes de terre et le visage caressé par les embruns, Séléné songeait à ce que sa nouvelle condition allait lui apporter.
Avec la fin de la guerre et l'accomplissement de leur mission, le pacte qu'elle avait passé avec Libéselle s'était terminé. D'ici deux jours, tout le savoir et la puissance que lui avait apporté les pouvoirs de la sylphide s'envoleraient et il lui faudrait apprendre toutes ses connaissances si elle souhaitait un jour revenir à la moitié du niveau que lui avait amené l'aide de son amie. Elle ne lui retirait cependant pas tout. Tout le savoir qu'elle aurait dû assimiler durant les cinq années perdues hors de Poudlard lui était offert, ainsi que toutes les connaissances dont elle avait pu se servir durant ces deux années.
Cela rassurait Séléné au fond. Avoir la science infuse était certes pratique mais également très déstabilisant et frustrant d'un certain côté, puisqu'on ne pouvait en connaître l'origine exacte. C'était aussi cela qui l'avait poussée à entamer un voyage au travers du monde : l'envie de connaître, de comprendre, la possibilité de découvrir ces merveilles qui la fascinaient et sur lesquelles elle n'avait pas eu le temps de s'arrêter.
Grâce à ses pouvoirs, Libéselle avait été en mesure de lui indiquer qu'elle aurait des difficultés pour ce qui était de la métamorphose et de certains sortilèges d'illusion mais qu'elle saurait en revanche rapidement maîtriser les potions et les sorts de défense et d'attaque, quand à la guérison et aux charmes de commodité, s'ils ne lui présenteraient pas de réels problèmes, ils lui demanderaient néanmoins un effort supplémentaire. Ainsi aurait été sa scolarité à Poudlard si elle avait pu la faire, selon la sylphide, et Séléné s'était bien gardée de la contredire, ayant souvent eu la preuve du pouvoir exceptionnel que possédaient ceux de son espèce.
Séléné ferma les yeux et visualisa la sylphide autant qu'elle put avant de lui adresser une pensée amicale d'encouragement. De cette façon, la jeune fille ne pouvait absolument pas communiquer avec Libéselle, mais c'était sa manière de rendre hommage à son amitié, et elle ferait de ce court moment, dans les années à venir, un rituel journalier.
Il n'avait en effet pas dû être facile à Libéselle d'expliquer son geste à ses semblables. Jamais ils ne l'exileraient – cette pratique n'existait pas chez les sylphes – mais il faudrait des années, voire des décennies, avant que son peuple lui pardonne ce qu'il considérait être comme une erreur de sa part.
La sorcière eut un sourire désabusé en se demandant combien de temps cela demanderait pour elle-même. Elle savait que Tara et Dumbledore lui avaient déjà pardonné, que Remus ne tarderait pas à comprendre et elle se disait même – bien qu'elle en soit moins sûre – qu'Hermione finirait aussi par enterrer cette histoire. Pour les autres, c'était loin d'être le cas, mais le voulait-elle vraiment ?
Elle-même ne se sentait pas encore de se pardonner ce qu'elle avait fait, bien qu'elle ne le regrettât aucunement au vu des résultats, mais c'était si douloureux… Elle n'aurait jamais cru qu'un cœur puisse autant saigner et le découvrait assez durement, mais de quel droit pouvait-elle se plaindre après ce qu'elle avait fait subir à ces gens qu'elle était censée aimer ?
Elle n'avait pas souhaité autant les faire souffrir, mais certaines choses avaient échappé à son contrôle, surtout en ce qui concernait Harry. Ces rêves où aucun d'eux n'avait la moindre emprise sur leurs actions, elle avait parfaitement conscience d'en avoir été à l'origine, mais certainement pas volontairement. Dans ces moments là, elle n'avait pas su contrôler son pouvoir d'empathie, ni les sentiments qu'elle éprouvait à l'égard du garçon, tout cela avait apporté une telle confusion que son propre don s'était retourné contre elle. L'apport énergétique que lui avait fourni Libéselle n'avait rien arrangé pour cela et elle se demandait encore comment, lors du second rêve, elle était parvenue à s'en sortir.
« Bonjour miss, m'autoriseriez-vous à prendre place à vos côtés ? » demanda une voix masculine à ses côtés.
Elle tourna légèrement la tête pour découvrir un jeune homme d'une vingtaine d'année au sourire charmeur, plutôt joli garçon.
« Que je sache, la place ne m'est pas réservée », répliqua d'un ton indifférent la jeune fille en détournant le regard.
Le garçon parut déstabilisé un instant puis finit par s'accouder à son tour à la balustrade, le dos tourné à la mer, un visage confiant dirigé vers Séléné.
« Je m'appelle Andrew et je suis originaire de New York », annonça-t-il.
« Toutes mes félicitations », répondit-elle d'un air moqueur.
« Euh… Vous vous appelez ? »
« Seulement mes connaissances. »
Elle avait tourné vers lui un regard neutre et le dénommé Andrew cligna plusieurs fois des yeux, ne comprenant visiblement pas ce qu'elle voulait dire. Avec un soupir, elle reprit sa contemplation du point qu'était devenu l'Angleterre.
« Serpentard, sans contestation possible ! »
- Gryffondor !
Séléné avait été très surprise par le Choixpeau magique. Elle ignorait, jusqu'à son arrivée à Poudlard, comment allait être choisie sa maison et était restée persuadée que ce serait Dumbledore qui l'annoncerait. Quand elle avait compris ce qu'était la répartition, elle avait eu beaucoup de mal à dissimuler son inquiétude, car il lui fallait à tout prix être admise à Gryffondor, or, d'après les explications d'Hermione, son caractère était sans conteste celui d'une Serpentard.
Par ailleurs, tel avait été le choix de ce chapeau étrange, alors pourquoi avait-il crié Gryffondor quand il lui avait certifié personnellement que Serpentard était sa maison ? Elle avait d'abord cru au pouvoir des sylphes, mais Libéselle l'avait démentie. Restant vague sur le sujet, elle lui avait simplement expliqué que le Choixpeau était un artefact magique protégé par les lois de leur peuple de toute manipulation et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter de lui, qu'il s'agissait d'un allié. La jeune fille en avait conclu que ce chapeau magique avait compris toute la vérité à l'instant même où il avait été posé sur sa tête, et pourtant il n'avait jamais rien dit. Intriguée par cela, elle avait fini par abandonner l'idée de comprendre le fonctionnement de cet 'être-objet' sans aucun doute unique en son genre.
« Bon, ben… Mes amis m'attendent, alors… » commença Andrew, mal à l'aise, en s'éloignant.
Mais il n'eut pas le temps de finir que Séléné se redressait et traversait le pont sans lui accorder le moindre regard. Au loin, l'Angleterre avait complètement disparu. Elle descendit dans les cales du navire, à la recherche d'un endroit isolé, et transplana immédiatement.
Un désert de rocailles l'entourait et, non loin, quelques habitations à la richesse ostensible se parsemaient de ci de là. Elle se trouvait au pied d'un grand arbre, un paysage familier, bien trop à son goût, surtout cet élément si magnifique qu'était la demeure victorienne la plus proche, une architecture noble qui n'amenait en elle que rage et rancœur.
Sans la moindre marque d'hésitation, elle avança droit sur la résidence et frappa à la porte d'un air résolu. Une femme grande et sèche à l'air déstabilisé vint lui ouvrir.
« Mademoiselle ? »
« Bonjour, je souhaiterai voir Gerald Hargow. »
« Mais il n'est pas là ! » s'écria la femme, son visage se déformant sous l'effet d'une crise de nerfs incompréhensible.
Un homme vêtu d'une robe de sorcier apparut derrière elle et l'écarta avec plus ou moins de douceur pour faire face à Séléné.
« Qui êtes-vous ? Que voulez-vous à M. Hargow ? » demanda-t-il en plantant son regard dans celui de la jeune fille.
Fronçant les sourcils, elle jeta un coup d'œil derrière lui pour se rendre compte que d'autres sorciers se trouvaient à l'intérieur, visiblement en train de fouiller.
« Où est-il ? »
« Répondez d'abord à mes questions. »
Séléné n'avait nul besoin de pouvoirs de voyance pour comprendre que ces hommes étaient ceux envoyés par Dumbledore pour surveiller Hargow et qu'il leur avait filé entre les pattes.
« Alors il est dans la nature, murmura-t-elle pour elle-même en serrant les poings. Mieux vaut pour lui que sa route ne croise jamais la mienne… »
« Excusez-moi ? »
« Ça n'a pas d'importance… Pardonnez le dérangement. »
« Hé ! Attendez un instant ! Il me faut votre identité ! Arrêtez-vous ! »
Comme elle restait sourde à ses appels, il sortit sa baguette pour lui lancer un sortilège de stupéfixion mais la protection des sylphes étant encore efficiente, la jeune fille n'eut aucun mal à contrer l'attaque.
« Demandez à Dumbledore, il vous répondra », dit-elle simplement avant de s'éloigner.
Ainsi donc, cet être prétendument homme réchappait encore à la sanction… Séléné ne pouvait l'accepter, il fallait qu'il paie pour tout ce qu'il avait fait subir à sa famille, il n'était pas envisageable qu'il s'en sorte en refaisant sa vie impunément. Cependant, elle se refusait à gâcher encore des années pour lui, aussi puisa-t-elle dans le savoir sylphide qui se retirerait bientôt pour y trouver ce dont elle avait besoin.
Le visage fermé, elle sortit sa baguette et la coinça entre ses deux paumes, collant ses mains l'une à l'autre et les rapprochant de son buste.
Douloureuse est cette peine
Qui étreint mon cœur blessé
Insidieuse est cette haine
Qui enceint mon corps lassé
La marche du temps les effacera
Des douleurs d'antan, plus rien ne sera
Ainsi avancent la mort et la vie
De la vengeance, plus rien ne survit
Par ces mots, ma voix s'oppose
A l'oubli de cette engeance
Par ses mots, ma voie s'oppose
A l'arrêt de cette errance
Magie du temps et magie des saisons
Endigue cette fugue irrépressible
Au-delà du temps, plus que la raison
Irrigue ce flux prétendu nuisible
Donne lui toute la force
De résister aux années
Grave le dans cette écorce
A ce jour je suis damnée
A peine eut-elle terminé son incantation que son visage se crispa sous la douleur qui partait de la paume de ses mains alors que la lueur orangée qui en émanait virait brusquement à l'écarlate, mais elle n'écarta ses mains que lorsque la lumière se fut totalement estompée.
Un coup d'œil à l'intérieur de ses paumes lui fit découvrir un symbole noir : un cœur crocheté de pics par-dessus lequel était représenté une rosace qui lui faisait penser aux 'attrape rêves' indiens. A la surface de sa baguette, des deux côtés où sa peau était appliquée, le même emblème était visible. Sur la peau et sur le bois, elle se résorba peu à peu, comme absorbée, pour totalement disparaître.
Maintenant, le temps pouvait passer et les années s'écouler, la lassitude n'aurait pas de prises sur elle et, dusse-t-elle attendre des décennies avant qu'elle ne rencontre Hargow, ce jour-là, le sceau se briserait et sa colère aura gardé toute sa puissance, sa haine toute sa pureté. Le serment de patience éviterait que ces trop forts sentiments ne la rongent durant la période d'attente, mais la magie les nourrirait également, c'était le tranchant de cette incantation : plus l'attente serait longue, moins elle pourrait contrôler sa haine, mais elle était prête à cela pour punir ce monstre, elle était prête à se damner.
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Dans un premier temps, et puisqu'elle était sur place, la jeune fille s'initia à la sorcellerie aborigène, ayant découvert suite à une fastidieuse recherche l'emplacement d'une communauté magique. Son intérêt se portait surtout sur l'art des potions et la tradition qui y était rattachée en Australie. Elle devrait réaliser par la suite que cette préférence serait sa ligne directrice dans les destinations qu'elle choisirait, sa fascination pour cette discipline n'ayant guère de limites. Elle dut également reprendre la pratique magique, s'exercer aux sortilèges et en apprendre de nouveaux, et réalisa bien vite que les pronostics de Libéselle s'avéraient exacts quant à ses réussites et ses échecs.
Les années qui suivirent ne furent qu'une suite de voyages à travers le monde, de communauté sorcière en communauté sorcière bien que la jeune fille restât en contact avec le monde moldu, entre autre pour y trouver des petits boulots et se faire ainsi assez d'argent pour manger et se loger. Bien qu'il lui arrivât de revenir plusieurs fois sur une même place, elle ne restait jamais plus de deux mois d'affilé au même endroit, autant parce qu'elle avait besoin de bouger que d'éviter de se faire repérer. Elle tenait à garder l'avantage qu'elle avait sur Dumbledore vu que le sorcier ignorait sa position, du moins l'espérait-elle.
Elle découvrit assez vite qu'elle n'était pas une sorcière exceptionnellement douée. A Poudlard, elle aurait certainement été une élève moyenne et cela lui convenait parfaitement. Forte de son expérience moldue, elle préférait ne pas tout remettre entre les mains de la magie, ne comptant le plus souvent que sur elle-même. En revanche, encore et toujours, sa prédilection pour les potions en faisait une confectionneuse admirable. Son niveau, sans aucun doute, deviendrait le même que celui de Severus Rogue si elle continuait ainsi à s'adonner à cette science magique, mais elle avait à son avantage d'avoir appris au cours de ses déplacements des techniques et des propriétés dont le professeur des potions n'avait certainement jamais entendu parlé.
Elle songeait moins souvent qu'elle ne l'aurait cru à revenir en Angleterre, souvent bien trop occupée pour penser à autre chose que son apprentissage et les travails qu'elle effectuait. Suivant cette considération, elle en déduisait que le temps n'était pas encore venu de retourner aux Royaumes Unis, mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'avait aucun contact avec.
Par un caprice du destin, quatre mois après son départ, alors qu'elle sortait de l'hôtel dans lequel elle logeait à Vladivostok, une main l'avait retenue et elle s'était retrouvée face à Nora Stuborn, présente dans la ville pour un quelconque reportage. Toutes deux avaient été bien surprises de se retrouver là et Séléné avait bien vite compris que la jeune femme ne se souciait guère de savoir ce qu'il en était quant à sa fuite et aux possibilités de son retour. Nora l'avait invitée au restaurant et lui avait donné des nouvelles de tout le monde puis Séléné avait survolé vaguement ce qu'elle avait fait depuis son départ.
Elle s'était rendue compte à ce moment là que si elle n'était pas prête à rentrer, elle désirait malgré tout savoir ce qu'il se passait là-bas, le problème était qu'elle ne pouvait pas allier ces deux conditions, jusqu'à ce que Nora lui propose de lui faire passer les informations importantes par l'intermédiaire de Inch Former, un ami sorcier de son père dont elle garantissait la discrétion. Ainsi donc, elles s'étaient données rendez-vous pour un mois plus tard au même emplacement et Nora était cette fois-ci venue accompagnée du sorcier. Ils avaient ainsi pu mettre en place un système de communication exclusif à l'aide d'un sortilège identique à celui qu'avait utilisé Hermione lors de sa cinquième année sur les Gallions distribués aux membres de l'AD1.
De cette manière, elle avait pu être mise au courant de la naissance d'Orion, le fils de Sirius et Nora, et surtout du mariage de ses parents, ce qui lui avait permis de leur envoyer ses félicitations, ne jugeant pas correct de sa part d'assister à la cérémonie, bien qu'elle en mourût d'envie. Après tout, elle ne pouvait décemment pas revenir puis repartir aussi sec après le mariage – vu qu'il ne lui semblait pas encore temps pour elle de revenir.
Trois années et plusieurs mois s'écoulèrent ainsi, jusqu'à ce que le mois de février la voit débarquer à Nakuru, au Kenya. A l'origine cette destination n'était qu'une escale parmi tant d'autres dans son long parcours, elle devint le lieu d'un tournant de sa vie.
Installée au bar d'un café où les clients se massaient à cette heure de la journée, elle consultait une carte de la région en buvant son expresso à petites gorgées. D'après ses renseignements, le plus grand confectionneur du moment, Xuma Swahil, se trouvait du côté de Nanyuki, avec un peu de chance…
Un fracas lui fit brusquement relever la tête, et bien lui en prit car elle eut tout juste le temps de se baisser avant qu'un pied de chaise passe au-dessus d'elle et aille briser le miroir derrière le bar. Cinq hommes semblaient avoir un léger différend et la jeune fille jugea préférable de payer sans tarder sa consommation et de les laisser régler leurs comptes.
« A'êtez ça bande de c'étin ! » intervint soudain un homme en se mettant entre deux qui allaient en venir aux mains.
Séléné leva un sourcil en voyant ce jeune gaillard efflanqué qui ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans s'interposer dans la rixe qui s'avérait violente. Contre toute attente cependant, les deux rustres perdirent leurs marques d'agressivité – du moins physique vu qu'ils continuèrent à se fusiller du regard.
« Ce n'est pas v'aiment l'end'oit pou' ce gen' de choses. Si vous voulez vous batt', allez deho'. »
Grommelant, les hommes finirent par sortir du bar après avoir balancé de l'argent sur leur table. Séléné se rassit en observant avec attention le jeune homme.
« Hé, Jomo ! l'appela le tenancier. T'es sû' que tu veux pas l'emploi ? Sé'ieusement, demande et je te c'ée la place de videu', à moins que tu acceptes de servi'. »
« Me'ci Mwai, mais j'ai déjà un job à Nai'obi. »
« Bien sû', soupira le barman, dommage que tu ais été fai' tes études là-bas. Allez, je t'off' un ve''e pou' avoi' sauver mon comme'ce. »
En riant, Jomo prit place non loin de Séléné et réalisa bien vite que celle-ci l'observait.
« Bonjou' jolie demoiselle, tu as l'ai' d'avoi' une question à me poser », remarqua-t-il en lui adressant un sourire d'une blancheur impeccable qui jurait avec la couleur suie de sa peau.
« Mmmh, pas vraiment une question, mais je m'interroge sur ton autorité. »
« Hé hé ! Je suis pas du gen' à me laisser ma'cher su' les pieds… et puis pou' êt' f'anc, ce sont des habitués du café, je les connais bien ces 'igolos. »
« Habitué des cafés aussi, je présume », remarqua-t-elle avec malice.
« De celui-ci, rigola le jeune homme. Mwai est mon oncle, j'ai passé mon enfance dans ses jambes… et j'ai cassé beaucoup de tasses pa' la même occasion. »
« Apparemment il est prêt à sacrifier sa vaisselle pour le bien-être de son bar », plaisanta Séléné.
Le courant passait étonnamment bien avec ce parfait inconnu, Séléné avait envie de le connaître mieux, de savoir son histoire, et cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus ressenti cela pour quelqu'un.
« Et que fait une jeune fille comme toi pa' ici ? » se renseigna Jomo.
« Je suis de passage, je dois me rendre à Nanyuki. »
« Tu as de la chance, je dois justement y aller demain. Si cela peut t'a'anger, je t'emba'que avec moi. »
Il aurait été beaucoup plus simple et plus pratique pour la jeune fille de s'y rendre en transplanant, mais elle n'avait aucune envie de laisser passer une chance d'en découvrir plus sur ce jeune kenyan, aussi acquiesça-t-elle.
« Avec grand plaisir. Je m'appelle Séléné Lupin. »
« Jomo Ma'al », répondit le jeune homme en serrant la main qu'elle lui tendait.
Cette poignée de main scella sans qu'aucun ne le sache le début d'une durable amitié. Ils parlèrent chacun d'eux le lendemain, sur la route qui devait les mener à Nanyuki, jusqu'à ce qu'une panne les surprenne et qu'ils doivent continuer à pied. Cet incident devait être capital par la suite puisque chemin faisant, Jomo serait tombé au bas d'une pente raide et fracassé quelques mètres plus bas si Séléné n'avait utilisé sa magie. Au lieu d'avoir peur, il s'extasia de ce prodige et la jeune fille décida de ne pas utiliser le sortilège d'amnésie – qu'elle ne maîtrisait de toute manière pas vraiment – et lui fit promettre de n'en parler à personne.
Séléné se sentait si bien auprès de son nouvel ami qu'elle restât quatre mois durant au Kenya, sans jamais chercher à se déplacer si ce n'étaient ses navettes entre Nanyuki, Nakuru et Nairobi. En plus de son amitié pour Jomo et du travail de serveuse qu'elle effectuait chez son oncle, elle avait pu rencontrer Xuma Swahil. Le confectionneur possédait un savoir et un talent époustouflants et, aux vues des capacités de la jeune fille, il avait accepté de lui enseigner son art le temps qu'elle resterait en Afrique.
Mais plus le temps passait, plus Séléné se rendait compte qu'elle ne restait pas au Kenya uniquement pour eux. Plus profondément, cette sédentarité qu'elle appréciait l'appelait à un dernier voyage, un voyage pour lequel elle savait être prête depuis quelques mois, mais encore faudrait-il trouver le courage de l'entamer…
« Tu sembles bien songeuse jolie demoiselle. »
« Pourquoi tu dis ça ? » demanda-t-elle vaguement sans lever les yeux vers Jomo.
« Pa'ce que même si je n'y connais pas g'and chose en potion, je me doute que lo'sque ça sent le b'ûlé, c'est mauvais signe. »
« Hein ? Oh non ! »
Elle se dépêcha de retirer le chaudron du feu mais la potion était déjà fichue. Avec un soupir de lassitude, elle la fit disparaître d'un mouvement de baguette et se laissa tomber en tailleur au sol en se frottant le visage.
« Premier précepte de tout bon confectionneur : Ne jamais commencer une potion avec l'esprit embrouillé », énonça-t-elle.
Elle leva vers son ami un visage fatigué et il s'assit à côté d'elle.
« 'aconte moi ce qui ne va pas. »
« A ton avis Jomo, comment… comment fait-on pour savoir quand le moment est venu pour nous de faire quelque chose ? Mais je veux dire, quelque chose de vraiment important, du genre que si tu te lances dedans, c'est toute une partie de ta vie qui en sera changée. »
« A v'ai di', je ne me suis jamais posé la question, avoua le jeune homme en se grattant la nuque. Je suppose… qu'on sait ces choses là, juste quand on se sent p'êt. »
« Oui, peut-être… »
« Tu as l'ai'… d'avoi' peu' », remarqua Jomo, non sans un certain étonnement dans la voix.
« Sans doute parce que c'est le cas, répondit-elle en souriant faiblement. Tu vois, je ne doute plus de la réaction de mes parents, et je sais qu'ils ont eu le temps de se retrouver et de se reconstruire une vie, mais lui… Je ne pense pas qu'il m'acceptera et c'est tout à fait légitime mais… ça me fait mal malgré tout. »
« Pou' êt' f'anc, je n'ai jamais comp'is exactement ton histoi', et tu le sais d'ailleu'. C'est un peu t'op compliqué pou' moi, qui ne connais quasiment 'ien du monde de la magie et des ép'euves pa' lesquelles tu… vous avez dû passer. Mais ce que je me dis, c'est qu'à autant le po'ter dans ton cœu', même ap'és quat' ans de sépa'ation, il se'ait bien idiot de te laisser t'échapper une nouvelle fois. »
« Non Jomo, il serait plutôt sain d'esprit de faire cela », rectifia tristement Séléné.
Il y eut un blanc dans la conversation, Séléné se contentant de fixer le vide d'un air songeur et Jomo la regardant en réfléchissant. Il finit par froncer les sourcils et ouvrit la bouche mais elle le devança.
« En fait, j'ai déjà failli rentrer, déclara-t-elle. C'était juste avant que je vienne ici, mais j'étais si peu sûre de moi que j'ai fait un arrêt dans le sud de la France et… je n'ai pas pu aller jusqu'au bout… Remarque, je ne le regrette aucunement, sans quoi je ne t'aurai pas rencontré. »
« Moi je dis que tu dois y aller. Avant tout pou' tes pa'ents, tu ne peux pas les laisser comme ça, la famille est impo'tante, t'ès impo'tante. 'etou'ne en Anglete'e et va les voi', ensuite… tu décide'as. Tu ne peux pas fui' éte'nellement, su'tout que ça ne te 'essemble pas. »
« Oui… Tu as certainement raison… »
« Bien évidemment que j'ai 'aison », lui répondit-il en lui adressant un clin d'œil.
« Jomo, si jamais… Enfin, il y a tout de même de fortes chances qu'il ne veuille plus me voir, et dans ce cas, je ne compte pas rester en Angleterre, même si je garderai le contact avec mes parents, mais voyager ne me dit plus rien. Est-ce que tu penses que tu pourras me supporter dans les années à venir ? »
« Tu se'as toujou's la bienvenue pa'mis nous, tu n'as pas à le demander. Mais en échange je veux quelque chose. »
Séléné le regarda avec surprise et il lui adressa un sourire éclatant.
« Comme je suis un éte'nel optimiste et que ça me fe'ait mal de ne plus pouvoi' te voi', je veux que tu me donnes une ad'esse où je pou'ais te t'ouver en Anglete'e. »
« Tu ne voudrais pas me donner un millième de ton optimisme ? demanda Séléné en répondant à son sourire. Mais tu sais, à supposer que je reste en Angleterre, je ne t'oublierai pas et je… »
« Non, il vaud'a mieux que tu te concent' su' ta nouvelle vie. C'est moi qui viend'ais, je te le p'omets. »
Séléné resta un moment muette et hésitante puis finit par hocher la tête avec un nouveau soupir.
« Très bien Jomo, nous faisons comme ça. »
Après réflexion, elle finit par lui donner l'adresse du Terrier. Jomo ne pouvait pas accéder au 12, Square Grimmaurd et elle n'était pas certaine de l'adresse de ses parents. En plus, elle savait que les Weasley seraient sans aucun doute ravis de l'accueillir, surtout Arthur Weasley.
C'est ainsi que, trois semaines plus tard, le mois de juin 2001 la vit prendre le départ pour l'Angleterre, départ dont elle ne reviendrait par la suite que pour quelques séjours puisque l'optimisme de Jomo joua le rôle de talisman dans son retour définitif aux Royaumes Unis.
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Douze ans plus tard…
Un soleil resplendissant et une très légère brise accompagnaient cette journée de la mi-août. Installée dans une maison aux baies vitrées grandes ouvertes, tout un tas d'albums et de photos étalés devant elle, Tara Lupin faisait un tri parmi ce résumé des dix dernières années lorsqu'un gamin d'à peu près huit ans déboula dans le salon en descendant quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait à l'étage.
« James, un jour tu vas dévaler ces escaliers la tête la première », le réprimanda la femme sans lever la tête.
« Bah, j'ai la tête dure, répondit le garçon avec un sourire éclatant. Qu'est-ce que tu fais ? »
« Je range des photos, répondit-elle en roulant des yeux. Tiens, regarde celle-là, tu t'en souviens ? »
Il prit la photo pour se voir lui-même, au bord d'un étang, alors qu'il ne devait pas avoir plus de cinq ans, accompagné d'un homme aux cheveux noirs qui dissimulaient à peine la cicatrice sur son front. L'homme l'avait attrapé par la taille et le faisait tournoyer dans les airs. Il finit par le lâcher et le garçon atterrit dans l'eau, où il avait pied jusqu'à mi-torse, alors que son père éclatait de rire.
« Mais un jour je lui rendrai la pareille », assura James avec conviction en rendant la photo à Tara.
« Aldaran et Nari sont en haut ? »
« Ouais, ils font leurs trucs bizarres de jumeaux », grimaça le garçon.
« Si ça peut calmer Nari… commenta la femme en souriant. Tu veux m'aider à classer ou vous allez profiter de cette belle journée ? »
« On va sans doute aller dans la forêt, tu veux venir avec nous ? »
« Non, je me sens fatiguée aujourd'hui, peut-être une autre fois. »
James hocha la tête sans insister. Il était fréquent que sa grand-mère ne les accompagne pas dans leurs ballades, car ils allaient trop vite pour elle. Non pas qu'elle ne soit pas endurante mais il arrivait souvent à la femme d'avoir des coups de fatigue, autant d'un point de vue physique que magique, qui étaient dus aux épreuves par lesquelles elle était passée lors de la guerre contre Voldemort. Ni James, ni son frère ou sa sœur, ne savaient exactement de quoi il retournait, c'était un sujet qu'on n'abordait pas de gaieté de cœur dans la famille.
On sonna à la porte d'entrée et comme Tara était en train de s'échiner à retrouver une photo parmi la multitude qu'elle avait, elle demanda à James d'aller voir.
Il s'agissait d'un homme d'une cinquantaine d'année que le garçon n'avait jamais vu. Malgré le sourire aimable de l'inconnu, James lui répondit avec une certaine prudence, sans doute dû à son allure un peu étrange, ses vêtements semblant avoir plus une fonction de déguisement que d'habillement vu la chaleur persistante au dehors.
« Bonjour mon garçon, suis-je bien chez les Lupin ? » demanda-t-il d'un ton poli.
« Oui, je suis leur petit-fils », répondit James en restant sur ses gardes.
L'homme eut un léger mouvement de surprise et l'enfant le vit clairement écarquiller les yeux, mais il sembla se reprendre assez vite malgré tout.
« Ton grand-père est-il là ? »
A cette question, le garçon hésita avant de répondre par la négative.
« Et ta grand-mère ? »
« Que voulez-vous ? » demanda-t-il, de plus en plus tendu.
Un étrange sourire passa sur les lèvres de l'inconnu.
« Je suppose donc qu'elle est là. »
Avant que James ait pu réagir, l'étranger avait poussé la porte et était entré, se dirigeant vers le salon.
« Qui est-ce J… » commença Tara en relevant la tête.
Lorsque ses yeux tombèrent sur l'homme, sa question se coupa brutalement et elle se releva en renversant la table, les yeux écarquillés par la peur.
« Que… Comment… »
« Bonjour Tara, ça faisait longtemps, remarqua l'homme en enlevant le chapeau qu'il portait, un sourire des plus désagréables aux lèvres. Je vois que tu es bien installée, ajouta-t-il nonchalamment, et que tu as… une famille… »
En disant cela, il avait regardé James avec une grimace de dégoût et celui-ci tourna le visage vers sa grand-mère.
« Tara, tu veux que… »
« Va chercher Aldaran et Nari et sortez », le coupa la femme sans quitter des yeux l'étranger, semblant tout faire pour garder une distance entre elle et lui.
« Mais je… »
« Fais ce que je te dis ! »
Le garçon eut un sursaut de surprise. Jamais la femme n'avait parlé sur un ton aussi dur à qui que ce soit, et ce regard sur cet homme, comme de la terreur à l'état pur… James n'eut cependant pas à monter comme Aldaran et Nari descendaient à leur tour de l'étage. Ils figèrent en découvrant la scène qu'offraient les trois protagonistes.
« Que se passe-t-il ? » demanda Aldaran avec le même regard de suspicion que James avait adressé à l'homme au début.
Avant que qui que ce soit ait pu répondre, Nari s'était légèrement recroquevillée sur elle-même et fixait l'inconnu d'un regard dangereux. Aldaran fut surpris de voir qu'ils étaient devenus ambrés, lorsque la louve se manifestait en dehors des pleines lunes, c'était signe d'un grand danger, et James l'avait également remarqué.
« Sortez d'ici, lança-t-il du haut de ses huit ans en se plantant devant l'homme. Vous ne… »
Il n'eut pas le temps de finir que Tara avait bondi sur lui pour le reculer autant que possible et le projeter au-dehors.
« Ne t'approche pas de lui, je vous ai dit de sortir ! »
« Je vois que tu es prudente, ricana l'homme. Et je remarque également que j'ai manqué quelque chose », ajouta-t-il en passant son regard d'un enfant à l'autre.
La peur de Tara semblait s'être envolée devant la nécessité de protéger ses petits-enfants, et elle s'avança d'un pas vers l'homme.
« Va-t-en d'ici ! Tu n'as rien à faire dans ma maison ! »
« Voyons, voyons, ce n'est pas comme ça qu'on accueille son mari… Mme Hargow », déclara-t-il avec une lueur de démence dans le regard.
A ce moment, Nari fila tout droit dehors et passa en trombe devant James pour s'éloigner de toute la vitesse de ses jambes de sept ans, vite suivie par Aldaran. Leur frère les suivit du regard un moment mais ils disparurent bientôt de son champ de vision et il reporta son attention sur les deux adultes. Il ne pouvait pas partir, pour cette fois-ci c'était Tara qui avait besoin de protection, même s'il n'en comprenait pas la raison.
La louve s'était éveillée en Nari dés qu'elle avait senti la présence de l'homme dans la demeure. Du plus profond de son instinct, ses sens avaient hurlé à l'ennemi, au besoin de le chasser de son territoire, mais elle était encore jeune, elle devait faire appel à l'alpha, lui seul pouvait changer quelque chose, seul l'ancien pouvait chasser cet intrus, alors elle courait, elle galopait au travers des plaines pour aller le chercher, l'humaine lui ayant offert une plus grande liberté qu'à l'accoutumé.
Nari savait que son frère la suivait et n'aurait pas de mal à la rattraper comme elle voyait enfin la route apparaître devant elle. Elle n'était même pas encore arrivée qu'elle leva sa baguette devant elle. Quelques secondes plus tard, dans une explosion assourdissante, le Magicobus stoppait devant elle.
« Le Magicobus, moyen de transport pour sorcier en perdition, annonça l'homme qui accueillait les voyageurs. Mon nom est Stan Ro… Oh ! Salut Nari, comment… »
Il eut un mouvement de recul comme elle levait un regard animal vers lui mais Aldaran arriva à ce moment et passa son bras autour des épaules de sa sœur.
« Le ministère ? »
Elle hocha la tête alors que la présence de son frère l'apaisait lentement.
« Il faut que nous allions au ministère immédiatement, il s'agit d'une urgence, déclara le garçon au conducteur.
« Ooooh ! alors si c'est une urgence ! » rigola Ernie, le vieux chauffeur du Magicobus.
Il tira sur une mannette dorée et, dans un "pop" sonore, ils se retrouvèrent dans les rues de Londres. Du moins on le supposait comme tout ce qu'on voyait du paysage se résumait à des lignes plus ou moins grises. A cette vitesse, les passagers émirent des protestations comme ils étaient plus bousculés que jamais dans les virages et, lorsque le bus stoppa brusquement, ils se retrouvèrent tous agglutinés contre la vitre avant.
« Le ministère, annonça Ernie, plus rapide, ce n'est pas… »
« Hé ! Il faut payer ! » s'exclama Stan comme les deux enfants descendaient à toute vitesse pour rentrer dans la cabine téléphonique qui n'était autre que l'entrée du ministère de la magie.
Ils se faisaient interpeller sur leur passage comme ils cavalaient dans les couloirs mais ils étaient bien trop rapides pour se faire arrêter. Enfin, au bout de cette course effrénée, ils déboulèrent dans le bureau des relations diplomatiques, où se trouvait Remus Lupin, en grande conversation avec un de ses assistants. En voyant débarquer deux de ses petits enfants, il ouvrit de grands yeux.
« Nari ? Aldaran ? Qu'est-ce que… »
« Il faut que tu rentres ! le coupa Nari en plantant ses yeux dans les siens. Il y a un homme étrange à la maison ! »
Ils eurent juste le temps de le voir froncer les sourcils qu'il passait devant eux pour descendre à l'aire de transplanage.
« Je crois qu'il s'appelle Hargow », dit Aldaran en cavalant à sa suite.
Le nom fit l'effet d'un coup de fouet à l'homme et sa course se fit alors si rapide que les deux enfants ne purent le suivre. Le nom tambourinait dans l'esprit de Remus comme il ne l'avait jamais fait et il ne pouvait qu'espérer une chose : arriver aussi vite que possible chez lui.
Pendant ce temps là, dans la maison qu'ils habitaient à la campagne depuis quelques années, Gerald Hargow prenait un malin plaisir à faire durer ses retrouvailles avec sa "femme".
« Tu m'as fait beaucoup de peine à partir de la sorte mon amour, n'as-tu donc eu aucune considération pour nos merveilleuses années de mariage heureux ? »
« Pourquoi après tout ce temps ? demanda Tara en se plaçant derrière un fauteuil comme Hargow s'avançait d'un pas. Pourquoi revenir ? »
« Oh ! Quel grand chagrin m'infliges-tu là ? N'as-tu donc toujours pas compris tout ce que tu représentes pour moi ? J'ai dû me cacher durant tout ce temps, me faire oublier si je ne voulais pas qu'on me repère dés mon arrivée en Angleterre vois-tu ? Mais pour rien au monde je n'aurai laissé échapper ma bien-aimée femme. »
« Tu es complètement malade ! »
« Non, je suis obsédé, répondit-il avec un sourire narquois. Obsédé par toi. Le jour, la nuit, il ne s'est pas passé une heure durant laquelle je n'ai pas pensé ou rêver de toi. Lorsque je me couchais, je t'imaginais à côté de moi. Tu te souviens, amour ? Lorsque j'ondulais sur toi jusqu'à ce que… »
« Tais-toi ! s'écria Tara en plaquant ses mains sur ses oreilles, se reculant encore plus alors que son corps se repliait sur lui-même. Ne parle pas de ça ! Ce ne sont que tes fantasmes ! Ce ne sont que des mensonges ! »
Elle s'écroula soudain au sol, le corps secoué de sanglots. Cette posture réveilla brusquement James, qui jusqu'alors était resté sans rien faire, incapable de réagir face à cette situation incompréhensible, mais maintenant c'était différent. Il avait déjà vu sa grand-mère faire ce genre de crise, même si cela faisait longtemps maintenant qu'elle n'en avait plus eue. Dans ces moments-là, elle perdait toutes ses forces et devenait incapable d'exercer la magie et très peu de gens pouvaient l'approcher sans risquer de la voir prendre peur, surtout quand il s'agissait de Remus en fait, un peu comme si elle avait honte de quelque chose. La plupart du temps, c'était à Fiona Distort qu'on faisait alors appel, la seule qui pouvait réellement la calmer, ou alors on attendait que la crise passe.
Comme l'homme s'approchait d'elle avec un sourire satisfait, il se plaça à nouveau devant lui mais en sortant sa baguette cette fois. Hargow sembla surpris et plissa des yeux.
« Allons bon ! Voilà que les gamins ont droit de posséder une baguette magique, ce ne serait pas illégal cela ? » demanda-t-il d'un ton doucereux.
« Je vois pas en quoi ça vous regarde ! Tara vous a dit de sortir alors allez-vous en ! »
« Range ça petit, ru risques de te blesser. Je suis beaucoup trop doué pour toi.
Fronçant les sourcils, James leva sa baguette avec la ferme intention de l'expulser hors de chez grands-parents mais l'homme fut bien plus rapide que lui et le désarma.
« Pas mal pour un gamin de ton âge, admit-il, mais tu as encore à apprendre avant de pouvoir jouer dans la cour des grands. »
Il parcourut la distance qui le séparait de Tara et s'agenouilla auprès d'elle en posant d'un geste presque tendre sa main sur ses cheveux. A son approche, la femme s'était mise en position fœtale et elle avait maintenant la tête entre les genoux, le corps secoué de violents tremblements.
« Il semblerait que tu m'aies caché des choses ma douce. De qui sont ces enfants ? Remarque, ce n'est pas grave, tu me raconteras ça une fois à la maison. Je suis sûr que tu vas adorer notre nouvelle demeure. »
Tout en parlant, il avait de nouveau levé sa baguette mais James ne le laissa pas finir son mouvement. Privé de sa propre baguette, il ne trouva d'autres solutions que de sauter sur l'intrus qui, pris par surprise, laissa échapper les deux baguettes.
Le garçon s'accrochait au dos de l'homme tout en lui donnant autant de coups que possible où il pouvait l'atteindre, mais Hargow était bien plus grand et fort que lui et n'eut aucun mal à le jeter à terre.
« Je ne sais pas de qui tu es la gosse, mais on t'a mal éduqué, siffla l'homme en récupérant sa baguette et en la pointant sur lui. Mais après tout, si tu es le petit-fils de ma chère femme, tu es le mien aussi. Tu vas avoir le grand honneur de faire partie du voyage. »
Il fut cependant une nouvelle fois coupé dans son élan par l'arrivée de Remus.
« Expelliarmus ! »
Le sort avait été si violemment envoyé que Gerald Hargow se retrouva projeté contre une armoire qui se fracassa sous l'impact. Il resta un moment immobile puis se releva difficilement.
« Je vois que tu es en forme Lupin, grimaça-t-il, mais je te ferai remarquer que je suis dans mon droit. Tu as épousé Tara alors qu'elle était déjà ma femme, elle me revient de droit. »
Remus vit rouge et se jeta sur l'homme pour encercler ses doigts autour de sa gorge avec tellement de force qu'Hargow n'avait aucune chance de s'en dégager.
« Tara ne t'appartient pas ! hurla-t-il, le visage déformé par la haine. Ce mariage dont tu parles n'à aucune valeur ! » « Tu vas payer Hargow, tu vas payer pour tout ce que tu nous as fait », ajouta-t-il dans un grognement sourd.
L'homme avait compris que Remus ne plaisantait pas et un masque de peur passa sur son visage qui bleuissait petit à petit. James était horrifié par la rage de son grand-père et n'osait pas s'approcher de sa grand-mère, de peur de voir sa crise empirer, mais il avait surtout peur que Remus aille trop loin.
Il n'eut heureusement pas à réfléchir à la conduite à tenir comme quatre hommes débarquaient dans le salon, parmi lesquels Sirius. Celui-ci attrapa son ami à bras le corps et le repoussa de toute sa force alors que deux autres sorciers tenaient Hargow en joue de leur baguette, ce qui semblait bien inutile comme l'homme essayait de reprendre avec beaucoup de difficulté sa respiration.
Sirius plaqua Remus contre le mur et planta son regard dans le sien.
« C'est fini Remus ! On l'a ! D'accord ? On le tient ! »
Lentement, la respiration saccadée du sorcier se calma et il se laissa tomber à moitié sur son meilleur ami, ses mains empoignant ses épaules avec tant de force que Sirius serait bon pour de beaux bleus par la suite.
« Je le hais, souffla-t-il dans un grondement si bas que seul James, qui se trouvait assez prêt, l'entendit en plus de Sirius. Je le hais tellement… »
« Calme toi, souffla son ami en le serrant contre lui. Ça ne te va pas la haine, ça ne te va vraiment pas… »
Un moment passa puis Remus hocha la tête en se détachant de lui.
« Il faut s'occuper de Tara », intervint le quatrième sorcier, qui n'était autre que Kingsley Shacklebolt.
Remus tourna le regard vers elle, elle se trouvait toujours en position fœtale, et s'approcha avec prudence.
« Tara ? appela-t-il prudemment, sachant pertinemment que sa présence pouvait aggraver ce genre de crise, même si les circonstances étaient différentes. Tara, c'est Remus. On l'a attrapé. Il ne peut plus rien te faire. Tara ? »
La femme resta un instant immobile puis, lentement, leva la tête vers son mari. Tout le monde semblait avoir retenu sa respiration dans la pièce, sauf Hargow qui continuait à essayer de la retrouver, mais contre toute attente Tara s'accrocha au cou de Remus avec la force du désespoir en laissant couler ses larmes.
« Sers-moi, sanglota-t-elle, je t'en supplie Remus, ne me lâche pas. »
« Jamais, répondit-il en la pressant contre lui. Jamais je ne te lâcherai. »
Soulagé, Sirius se tourna vers James, qui était resté à terre comme les événements avaient été bien trop rapides.
« Ça va aller ? »
« Ouais, ouais, grommela-t-il en se relevant. Comment ça se fait que vous soyez là ? »
« Aldaran est passé au bureau des Aurors après que lui et Nari aient prévenu Remus, expliqua Kingsley. Une chance que moi et Sirius étions là. »
« Pourquoi suis-je surpris ? grimaça James en songeant à son frère et sa sœur. Où sont-ils ? »
« On leur a dit de rester au ministère », indiqua Sirius.
« Chef ? Qu'est-ce qu'on fait de lui ? » demanda un des deux autres Aurors.
« On l'amène à Azkaban en attendant de voir la suite, dit Kingsley. Sirius, prends ton après-midi, on n'a plus besoin de toi pour le moment. »
Sirius hocha la tête et les regarda sortir puis tourna les yeux vers James, qui paraissait perplexe. Ça n'allait pas être facile d'expliquer toute l'histoire aux enfants, mais maintenant qu'Hargow était attrapé, ça n'avait plus vraiment d'importance.
o
Deux semaines étaient passées depuis cet incident, et tout ceux qui avaient espéré que cette histoire en était arrivée à sa fin avaient eu une cruelle déception lorsque le tribunal avait déclaré que les preuves n'étaient pas suffisantes pour inculper Hargow de plus qu'une effraction et de lui faire payer une amende considérable qu'il n'aurait pourtant aucun mal à régler.
On n'avait pas osé confronter de nouveau Tara à l'homme durant le jugement, mais il était difficile de savoir comment on pouvait lui apprendre la terrible nouvelle, personne ne savait comment faire.
Bien que Tara soit la cause principale de sa présence en ces lieux, cette question était loin de l'esprit de Séléné comme elle se tenait devant la porte de la cellule d'Hargow. Dans ce secteur d'Azkaban, les gardiens faisaient des rondes régulières mais peu fréquentes et la sentinelle n'avait rien objecté à laisser la femme à l'entrée. De toute manière, même s'il parvenait à sortir de sa cellule, le prisonnier serait vite rattrapé.
Restée seule, Séléné ne bougea pas durant un long moment avant de sortir sa baguette – au contrôle, ils n'avaient pas remarqué qu'elle ne leur avait pas donné la bonne, il faudrait songer à renforcer la sécurité du lieu – et de la coincer entre ses paumes, comme elle avait fait quelques seize années auparavant.
Flux de peine et flux de haine
Contenu au fil des ans
Par cette puissante gaine
Née de la magie du temps
En ce jour vient la raison
Neuve alliée de ton dessein
Qui accède à ta mission
De revenir en mon sein
La digue est lésée
Face à cette force
Et dans cette écorce
Le sceau est brisé
Quelques instants puis les symboles du cœur emprisonné réapparurent sur sa peau et sa baguette, mais au lieu d'être réabsorbés, ils s'effritèrent et une fine poudre noire tomba au sol. Elle porta brusquement une main à sa bouche et l'autre à son ventre en se pliant vers l'avant, les yeux écarquillés, prise de nausée et avec l'impression d'avoir reçu un violent coup dans le ventre qui lui coupa la respiration quelques secondes. Cette sensation ne dura que le temps de son apparition qu'une colère sans commune mesure montait en elle alors qu'un brasier incandescent se propageait dans son corps par ses veines.
Il lui fallut un moment avant de parvenir à contrôler cette haine qui n'avait cessée de croître durant toutes ces années, même si elle avait été retenue, et quand elle se sentit un peu mieux, elle ouvrit la porte de la cellule, l'esprit étrangement embrouillé et en même temps clair, curieuse sensation…
Lorsqu'elle pénétra dans la geôle, l'homme leva la tête vers elle et lui adressa un sourire goguenard.
« Je suppose que vous êtes ma défense pour faire baisser mon amende, l'accueillit-il en l'observant de haut en bas. Vous êtes une jolie femme en plus, tant mieux ! »
« Vous semblez en effet bien les apprécier », remarqua-t-elle d'une voix neutre.
« Vous avez tout compris, ma belle ! »
Elle le fixa un moment et au fond d'elle son sang se mit à bouillir de plus en plus fort.
« Vous n'avez juste que sur un point : je suis bien la défense… mais pas la vôtre. »
Elle se retourna pour fermer la porte, ses iris étaient devenus rouge flamme, mais elle l'ignorait, et la clé tourna dans la serrure avec un cliquetis sinistre.
Non loin de là, trois gardiens étaient en train de discuter en riant du dernier match de Quidditch auquel ils avaient assisté. L'un d'eux rigolait en se rappelant la manière dont l'attrapeur des Merles de Corby avait feinté son adversaire lorsqu'un cri déchira l'atmosphère. Le silence s'abattit brusquement dans le petit groupe et leur sang se glaça comme un second cri aussi suppliciant retentit à nouveau. Le troisième fut comme un déclic qui les ramena à leur rôle et ils se précipitèrent vers la source de ces horribles hurlements, mais ils eurent beau tout tenter, ils ne parvinrent pas à ouvrir la porte de la cellule alors que les braillements continuaient à s'élever.
« Ouvrez cette porte ! » hurlait un des geôlier en tambourinant contre le bois.
« Mais on est en train de torturer quelqu'un là-dedans ! » s'horrifia un autre. « Qui as-tu laissé entrer ? » demanda-t-il au dernier.
« Une… Une femme… Mais je ne sais pas… »
« Je vais chercher le directeur ! »
Alors qu'il s'éloignait, les deux autres gardiens regardaient avec un malaise grandissant la porte obstinément fermée au travers de laquelle passaient les cris du supplicié.
« Mais qu'est-ce qu'il se passe là-dedans ? » demanda le plus jeune d'une voix blanche.
Le directeur arriva bientôt mais ne put rien non plus. Lorsqu'il sut qui se trouvait à l'intérieur, il décida de faire appel à Albus Dumbledore, mais même le puissant sorcier ne put accéder à la cellule. Une heure durant les cris retentirent avec force, et à ceux-là s'ajoutaient les protestations des prisonniers et leurs supplications à venir en aide à l'homme qui était en train de subir la torture, quelle qu'elle soit. Enfin, les cris cessèrent et un silence impressionnant s'abattit sur la totalité de la bâtisse d'Azkaban, jusqu'à ce qu'un cliquetis indique l'ouverture de la porte. Derrière se tenait Séléné, couverte de sang, sur ses mains, sa robe, sa baguette. Elle leva un regard éteint vers Dumbledore et passa devant eux pour aller s'appuyer contre le mur, à l'extérieur, et se laisser glisser au sol, l'air vidée.
Les cinq hommes hésitèrent un instant avant d'entrer dans la cellule, où on n'entendait plus qu'un râle irrégulier, et les réactions ne se firent pas attendre.
Le professeur Dumbledore et le directeur d'Azkaban eurent un mouvement de recul alors que l'un des geôliers avait un véritable sursaut d'horreur.
« Par Merlin ! » s'écria-t-il en plaquant une main sur sa bouche et en détournant les yeux.
Le plus jeune ne put même rien dire qu'il vomissait sur le sol de la geôle après être tombé à genou, les jambes coupées, avec des hoquets de terreur. Le dernier, au contraire, poussa un cri d'effroi et sortit en trombe de la cellule pour échapper au spectacle offert.
A peu près remis du choc, Dumbledore commença par faire sortir le plus jeune gardien et ordonner aux deux autres d'en faire autant.
« Alan, appelez une équipe de Médicomages et dîtes leur qu'ils vont devoir gérer un effacement de mémoire, ordonna-t-il au directeur de la prison. Mais ne dîtes rien sur ce qu'il s'est passé, je m'en charge. »
« B… bien, je vais le faire », assura le directeur, qui était devenu très pâle. « Edward, occupez-vous de Johan, vous voulez bien ? Et retrouvez Kurt. »
« Bien monsieur Catraz », répondit le geôlier en soutenant son collègue, pas vraiment en meilleur état que lui.
Ils semblaient tous bien trop heureux de s'éloigner de la cellule et de Séléné pour chercher à discuter et Dumbledore se retrouva bientôt seul dans le couloir avec la femme, qui n'avait pas bougé.
Il s'approcha d'elle et vit qu'elle fixait ses mains sans vraiment sembler les voir. Sur ses paumes, sous le sang qui séchait, on devinait une fine cicatrice qui représentait un cœur crocheté emprisonné et le vieux sorcier poussa un soupir.
« Ce genre de sortilège est dangereux », remarqua-t-il.
« Ce genre d'homme est dangereux », répondit-elle d'une voix éteinte.
« Tu te sens mieux ? »
« Non… »
Dumbledore hocha la tête et sortit d'une de ses poches un mouchoir puis sa baguette.
« Portus ! » murmura-t-il avant de le tendre à Séléné. « Attends moi dans mon bureau. »
La femme le prit sans répondre et, quelques secondes plus tard, elle se trouvait dans le bureau du directeur. Elle se laissa tomber sur une chaise et resta immobile, ne faisant même pas attention à Fumseck qui ne semblait pas beaucoup apprécier sa présence ici et s'était écarté le plus possible d'elle.
Elle resta ainsi près de deux heures sans même se rendre compte du temps qui passait avant que Dumbledore ne revienne. Il lui lança un sortilège de nettoyage pour la laver du sang qui la recouvrait puis s'installa derrière son bureau sans prononcer une parole et la regarda un moment.
« Ce que tu as fait est très grave, dit-il enfin. Pour cela, on pourrait te faire subir le baiser du Détraqueur… »
Elle ne répondit rien, restant là à fixer le vide.
« As-tu eu du plaisir à le faire ? » demanda-t-il comme s'il redoutait la réponse.
« Non… Je ne me suis même pas sentie libérée… Tout ce dont j'ai l'impression, c'est que justice a été rendue. »
« Tu es fière de ce que tu as fait ? »
« Non. »
« Tu as l'impression d'avoir eu raison ? »
« Non. »
Un silence s'installa durant lequel Dumbledore l'observa avec tristesse.
« Pourquoi avoir fait appel au serment de patience ? »
« Parce que je voulais qu'il paie… Parce que je ne voulais pas que mes parents aient à avoir quelque chose du genre sur leur conscience… » « Je suppose que vous n'aurez plus besoin de mes services », ajouta-t-elle comme une évidence.
Dumbledore poussa un profond soupir.
« Le serment de patience est une damnation terrible Séléné. On n'a plus aucun contrôle sur notre haine lorsqu'on brise le sceau. Tu savais cela, tu connaissais les conséquences, mais tu n'aurais jamais fait cela en temps normal, et ce n'est pas dans ta nature de torturer les gens… Il n'y aura pas de suite à cette affaire. J'ai pu l'étouffer et, de toute manière, le juge m'a avoué qu'il regrettait de ne rien avoir à charge contre Hargow. Ce que tu as fait mériterait une punition, c'est vrai, mais il y a déjà assez eu de souffrances comme ça… De plus, je me refuse à perdre un aussi bon maître des potions que toi. »
Séléné leva les yeux vers lui pour tomber sur son regard grave et finit par hocher la tête.
« Nous… »
Quelqu'un toqua à la porte et un guérisseur, d'après sa robe, entra.
« Professeur Dumbledore, j'ai le bilan de… »
Il se tut en apercevant Séléné mais Dumbledore lui fit signe de continuer.
« Vous pouvez parler devant elle », lui assura-t-il.
« Comme vous l'avez remarqué, ce n'était pas beau à voir, et pour cause… Cet homme a été émasculé de manière lente et minutieuse. Apparemment, son tortionnaire lui a retiré ses tissus les uns après les autres, bandes par bandes, et très fines, croyez m'en. On a détecté un sortilège de conscience et de perception. Avec ça, la victime ne pouvait pas s'évanouir et a ressenti la douleur du début à la fin, toujours avec autant d'intensité. Je… Je n'ai jamais vu ça. C'est quelque chose d'horrible. Sait-on qui a fait cela ? »
« Ceci est une autre affaire, répondit Dumbledore. Autre chose ? »
« Il est en état de choc et il ne laisse pas approcher les infirmières. Cet homme a apparemment développé une gynophobie, la peur des femmes. »
« Très bien, merci beaucoup, vous pouvez disposer. »
Avant de se retirer, le guérisseur se tourna une dernière fois vers Dumbledore.
« La personne qui a fait ça est un monstre, professeur. »
Le directeur se contenta de hocher la tête et l'homme sortit.
« Il a raison au fond, souffla Séléné, j'ai été un monstre durant ce temps-là… »
« Tu te souviens de tout ? »
« Pas vraiment… Des bribes me reviennent, mais je pense que je me souviendrais de tout plus tard… »
« Je peux t'en libérer. »
« Non, je ne… pense pas que ce serait honnête. Je préfère vivre en possession de la totalité de mes souvenirs… Mais vous risquez de le regretter à me garder à Poudlard. »
« Je ne crois pas non. Maintenant, je pense que tu devrais rejoindre Harry. Et, Séléné ? »
Elle le regarda alors qu'elle s'apprêtait à sortir.
« Je ne cautionne aucunement ce qui s'est passé, mais dans cette histoire, le monstre est Gerald Hargow. »
« Cela ne change rien à mon crime », répondit simplement Séléné avant de sortir.
Non, cela ne changeait rien, Dumbledore le savait, mais tout le monde commettait des erreurs, même s'il était rare de voir quelqu'un le faire au point de se maudire lui-même. Il n'y a encore pas si longtemps, le vieux sorcier n'aurait pas laissé passer cela, c'était bien trop grave pour ne pas donner de suite à cette affaire, mais s'il était une chose qui caractérisait Séléné, c'était qu'elle ne supportait pas de perdre le contrôle. Sans doute était-ce là pour elle la pire des choses qui puisse lui arriver. Et pourtant elle n'avait pas hésité à aller à l'encontre de cela par esprit de vengeance. Pouvait-on en vouloir à Remus pour avoir fait ce qu'il avait fait à Pettigrow ? Pouvait-on en vouloir à Séléné ? Les hommes jugeaient bien facilement, songea Dumbledore, mais aucun d'entre eux n'en avaient vraiment les capacités et, surtout, le droit.
o
Séléné et Harry se trouvaient dans le canapé de leur salon. La femme avait reposé sa tête sur l'épaule de son mari et un silence s'était installé. A peu de choses près, Harry lui avait posé les mêmes questions que Dumbledore, auxquelles elle avait répondu tout aussi négativement. Harry devait être en train de faire le point.
« Tu t'en veux ? » demanda-t-il finalement.
« Tu veux savoir si je vais ressasser cette histoire et me culpabiliser durant le reste de ma vie ? Non, pas pour lui, pas pour cette ordure. »
« Tu ne ressens donc rien face à ce que tu as fait ? »
« Non… Je suis désolée. Je ne peux pas. »
Harry la serra un peu plus contre lui, l'air pensif et un peu perdu, puis hocha la tête.
« Tu n'as pas à être désolée, souffla-t-il. Je ne sais pas trop moi-même comment réagir. J'ignore si je t'approuve ou non mais… je me dis aussi que je n'ai pas à le faire… Je ne veux, et ne peux, oublier cela mais autant le mettre de côté. Il n'y a au fond aucun intérêt à ressasser cela. »
Séléné eut un petit sourire en songeant que Harry avait bien changé entre son adolescence et aujourd'hui. Devenir père l'avait transformé, comme cela l'avait fait avec James, disaient parfois Remus et Sirius avec amusement. Il était moins colérique qu'avant, même s'il conservait son caractère impulsif, il était devenu plus sage, moins porté sur certaines questions qu'auparavant.
Un bruit leur fit tourner la tête vers l'entrée du salon. James, vêtu de son pyjama et les cheveux en bataille, les regardait, l'air un peu gêné.
« Tu ne dors pas James ? » demanda gentiment sa mère.
« Ben en fait… »
Il parut un peu mal à l'aise puis grimaça.
« J'ai un peu de mal à dormir alors… »
Harry sourit en songeant à son fils si fier et si fort malgré son jeune âge qui n'osait pas leur demander s'il pouvait rester avec eux. Il ouvrit son bras pour lui signifier de venir et il fut auprès d'eux très vite avec un grand sourire, se calant confortablement dans les bras réconfortants de son père.
« C'est cette histoire qui t'embête ? » dit Séléné en remettant en place ses cheveux en bataille.
« Ben en fait… Oui, avoua-t-il en rougissant. Je pensais pas que Tara avait vécu tout ça et… je comprends pas tout. »
« Tu comprendras plus tard James, lui dit son père. Nous aurions voulu que vous ne soyez même jamais au courant, toi, ton frère et ta sœur, mais avec ce qui s'est passé… »
« Oh non, c'est pas ça. Je suis content de savoir pourquoi Tara avait des malaises parfois, parce que je l'aime beaucoup moi… Mais… maintenant il fera plus de mal, hein ? »
Harry et Séléné échangèrent un regard.
« Non mon chéri, répondit Harry en lui faisant poser sa tête contre son bras, il ne fera plus jamais de mal à personne, je te le promets. »
Un sourire rassuré apparut sur les lèvres de l'enfant et il ferma les yeux, mais une nouvelle voix se fit entendre.
« Nous aussi on peut venir ? »
Aldaran et Nari étaient également descendus et on leur fit de la place. Aldaran entre ses deux parents et Nari à côté de sa mère.
« Eh bien c'est une joyeuse réunion de famille », commenta Harry avec un grand sourire.
« Sûr que c'est rare », dit Aldaran en adressant un clin d'œil à sa sœur, qui grimaça et se colla un peu plus contre sa mère.
La petite fille n'avait pas vraiment l'habitude de montrer des marques d'affection aux autres, sinon à son grand-père, et Séléné déposa un baiser sur son front en souriant à ce moment précieux.
Ils finirent par tous s'endormirent dans cette position, les parents bien plus tard que leurs enfants, et, avant qu'elle ne sombre dans le sommeil, Harry se pencha doucement vers Séléné.
« Je t'aime, lui murmura-t-il à l'oreille. Rien ne pourra changer ça. »
Elle releva son visage ensommeillé et lui répondit de même avec un demi sourire avant de s'endormir pour de bon.
Il y avait eu trop d'incertitudes par le passé, autant pour leur époque que lors de la première guerre, pour que d'autres viennent perturber le présent. Il fallait songer à vivre et ils comptaient bien en profiter autant que possible de cette vie de famille que ni l'un ni l'autre n'avait imaginé être plus belle que dans leurs rêves.
Fin…
Fiouuuuuuuuuuuuuu ! (profond soupir de soulagement) J'ai mis du temps à l'écrire ce petiot ! M'enfin il est là, alors voili ! Z'en pensez quoi ? C'est nul ? Arf ! j'aurai dû m'en douter ! bon, tant pis, j'essaierai de faire mieux la prochaine fois
1 Si quelqu'un peut me dire le nom, c'est pas de refus ! J'ai prêté mon tome 5, dur de trouver les infos sans ça S
