Un grand merci à Flochi, m4r13 et Johp5 pour leurs gentils encouragements ! ! !
Bisous à tous.
Bluehawk.
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3. Ces gens sans histoires
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Je suis juste
De passage
Dans un monde parfait
Un monde parfait
A ce qu'il paraît
Mais quel grand carnaval
Des créatures
Qui parlent de tout
De tout mais de rien surtout
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Un grand carnaval
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14 Mai 1990.
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Vernon Dursley appartenait – et il en était très fier – à cette sorte de gens qui ne font jamais parler d'eux. Mais si, vous imaginez sûrement ; ces gens qui sont toujours à l'heure, qui tondent leur pelouse chaque dimanche après-midi et qui mettent systématiquement de côté les pages people du journal.
La normalité ! Vernon Dursley était un fervent adepte de la normalité. Et il était loin d'être le seul. A Privet Drive, la normalité faisait office de religion. Les pelouses carrées d'un vert parfait s'étalaient le long des rues devant de petites maisons aux toits rouges et aux volets de bois verni.
C'était sur toutes ces choses que se posait le regard des gens : les jolies maisons, les enfants aux joues rondes qui chahutaient dans les parcs, les grosses voitures qui luisaient au soleil et les facteurs qui passaient tous les matins à huit heures piles.
C'était un art auquel ils étaient tous parfaitement initiés, leurs yeux évitaient soigneusement tout ce qu'il pouvait y avoir d'intouchable, l'écartant de leur vue, de leur vie. Le vieil homme aux cheveux sales qui tendait sa patte d'aigle à l'entrée du sept à onze, les ruelles un peu trop sombres, cette petite fille qui arborait trop souvent des marques bleues sur les joues ; bref, les ténèbres locales, celles qui se nourriraient de leurs stériles angoisses s'ils n'y prenaient pas garde.
Vernon Dursley était normal. Il avait une femme normale, un fils normal, un travail normal, une maison normale… Et un épouvantable secret. Lui.
L'Enfant se trouvait actuellement dans le placard. Si les gens n'y faisaient pas trop attention – et Vernon Dursley avait passé ces huit dernières années et demi à faire en sorte que ce soit le cas – ils pouvaient le prendre pour n'importe quel enfant ; un enfant pâle et maigre avec une affreuse marque sur le front, mais un enfant tout de même.
Mais si on le connaissait, si on savait d'où il venait ou le genre de choses qu'il pouvait faire, on ne pouvait que voir l'effroyable vérité : le garçon était irrémédiablement anormal.
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" Debout, gamin ! Ta tante veut que tu surveilles les œufs pendant qu'elle va réveiller Dudley. "
Des coups retentirent contre la porte, faisant tomber un peu de poussière. Du fin fond de son placard, Harry James Potter, neuf ans et demi - dix dans pas si longtemps - ouvrit un œil incertain.
La voix de son oncle s'élevait de nouveau.
" Dépêche-toi ! "
A tâtons, il récupéra ses lunettes et ses chaussettes, puis secoua le tout vigoureusement pour faire partir les araignées ou autres insectes qui auraient pu s'y loger durant la nuit.
" Ma patience a des limites ! ", l'avertit son oncle.
Mais Harry n'avait pas besoin d'avertissement, il était parfaitement au courant.
" Ah, c'est pas trop tôt ! ", grogna Vernon Dursley alors qu'il sortait péniblement du placard.
Harry ne prit pas la peine de lui répondre. Ebloui par la lumière qui baignait le salon, il se dirigea vers la cuisine en clignant des yeux.
" Pétunia, je pars ! ", annonça son oncle depuis le salon.
Tant mieux ! fit une petite voix dans la tête de Harry.
Son estomac se mit à gargouiller à la vue des œufs qui cuisaient dans la poêle. Surveille les œufs ! Avec un soupir, il se laissa tomber sur une chaise sans les quitter des yeux, au cas où ils aient décidé d'attendre le moment où Harry aurait le dos tourner pour se manger entre eux.
" Est-ce que tu as fait chauffer le lait ? ", fit la voix de sa tante à l'entrée de la cuisine, quelques minutes plus tard.
Harry secoua la tête. Même si la question ne demandait pas de réponse, d'où elle se trouvait, elle voyait bien qu'il n'y avait aucune casserole de sortie.
" Eh bien, qu'est ce que tu attends ? Il faut vraiment tout te dire à toi, tu ne fais jamais rien comme il faut ! "
Derrière sa mère, Dudley lui adressa un sourire narquois, voir Harry se faire rabrouer par l'un ou l'autre de ses parents était un spectacle qui le mettait inévitablement de bonne humeur.
Peu désireux de s'attirer des ennuis si tôt dans la journée, Harry sortit une casserole et le carton de lait en silence. Derrière lui, le rituel du petit déjeuné commençait. Sa tante remplit le bol de Dudley de ses céréales préférées, lui servit deux œufs dans l'assiette qu'il réclamait chaque matin : celle qu'il avait eue en cadeau après avoir fait acheter à sa mère les cinquante plaques de chocolat nécessaires et qui était décorée d'une décalcomanie représentait le super-héros de sa série favorite, puis lui pressa deux oranges. Ensuite elle s'installa tout près de lui et se servit à son tour tout en lui répétant pour la énième fois combien elle était ravie d'avoir un petit garçon aussi adorable.
Ecœuré par cet étalage de mièvrerie stérile, Harry posa la casserole de lait fumant sur la table et quitta la cuisine. C'était ce qu'il avait de mieux à faire de toutes façons : rien n'insupportait plus sa tante que de le voir faire intrusion dans les " moments familiaux privilégiés ", autrement dit les brèves périodes durant lesquelles on lui faisait l'honneur d'oublier son existence.
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" Qu'est ce que tu fabrique, gamin ? Elle est plus loin que ça, ton école ! "
Tony, le chauffeur du matin, celui qui portait une casquette parce qu'il ne voulait pas que l'on sache qu'il perdait ses cheveux, lui jeta un regard en biais alors qu'il arrêtait son bus le long du trottoir.
Debout près de la porte, Harry lui adressa un bref sourire ; le premier sourire qu'il adressait à qui que ce soit depuis le début de la semaine.
" J'ai utilisé le dernier ticket ce matin. Maman veut que j'achète un autre carnet. "
Tony haussa un sourcil en actionnant la commande d'ouverture des portes.
" Tu n'essaierais pas plutôt de faire l'école buissonnière ? "
Harry secoua vigoureusement la tête. Il n'avait jamais fait l'école buissonnière. Sécher les cours signifiait des ennuis à l'école, et des ennuis à l'école signifiaient des ennuis avec son oncle.
Et contrairement à ce que tout le monde semblait croire, Harry n'appréciait pas spécialement les ennuis.
" L'école ne commence pas avant un quart d'heure ", répondit-il, " j'ai largement le temps. "
Et il descendit les marches après un dernier signe de la main, peu désireux de voir Tony prolonger son interrogatoire. Au bout de cinq minutes de discussions surgissaient en général des questions embarrassantes comme t'es pas un peu jeune pour prendre le bus tous les matins ? ou encore Où est ta mère, elle peut pas t'emmener à l'école ?
Harry aimait bien Tony, mais Tony appartenait à Little Whining, il n'aurait rien compris.
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L'horloge du clocher annonçait huit heures quarante six quand il longea l'église au pas de course. Cinq minutes plus tard il atteignait la gare. " Gare " était un bien grand mot. C'est comme ça que les habitants de la ville appelait le bâtiment, où l'on trouvait billetteries et plans, à côté du passage à niveau qui voyait passer une fois par jour un vieux train en partance pour Londres.
Harry n'avait pas totalement menti à Tony, il venait bien chercher des tickets de bus ; simplement, il n'avait aucunement l'intention de les acheter.
La gare était constituée de deux salles ; dans la première, on trouvait des plans et des descriptifs aux couleurs vives, étalés sur les présentoirs, ainsi qu'un guichet derrière lequel une employée aux lunettes argentées lisait le journal. Elle leva à peine le nez au passage de Harry, qui se glissa dans l'autre salle.
Là, il y avait les distributeurs. Distributeur de billets de train, distributeur de billets de banque, de sandwichs, de sodas, de tickets de bus. Tous les distributeurs qu'on pouvait trouver dans une ville étaient réunis ici.
D'un pas qu'il espérait tranquille, Harry s'approcha de la grosse machine orange. Il avait l'habitude de venir ici, pourtant, à chaque fois, son cœur battait à toute vitesse et il avait du mal à reprendre sa respiration.
C'était pourtant très facile.
Tout avait commencé tout à fait par hasard. Un matin de septembre, alors que Harry avait sept ans ; il avait fait exploser le pare-brise de la voiture. Du moins, son oncle hurlait qu'il avait fait exploser le pare-brise de la voiture, même si Harry ne voyait pas comment il aurait pu être responsable. Il avait eu très peur quand un chien avait traversé la route et que son oncle avait écrasé le frein ; il avait fermé les yeux de toutes ses forces, et quand il les avait rouverts, le pare-brise était en miettes et le visage de son oncle était très très rouge.
Le soir même, une nouvelle mesure à l'encontre de Harry avait vu le jour au 4, Privet Drive : Harry ne devait, sous aucun prétexte, se trouver dans la voiture à dater de ce jour, sous peine de passer le reste de sa vie dans le placard. Comment irait-il à l'école ? Aucune importance. Il avait des jambes, non ? Qu'il s'envole si ça lui chantait, ou même qu'il aille au diable ; mais s'il faisait ne serait ce qu'effleurer une portière de la voiture au pare-brise tout neuf, le ciel lui tomberait sur la tête. Littéralement.
Durant la semaine qui avait suivit, il avait fait les trajets à pied. Le problème, c'était qu'ils lui prenaient vingt minutes, en marchant vite, et sa tante refusait qu'il quitte la maison avant qu'elle n'ait sortit la voiture, parce qu'il fallait qu'il ferme le portail derrière elle. Donc, il arrivait en retard.
L'idée des tickets de bus lui était venue le mardi suivant. Il était entré dans la gare pour s'abriter de la pluie, et avait vu un adolescent se livrer à un étrange manège. Il se tenait tout près de la machine orange, pressant d'une main le plastique juste au-dessus de la fente où l'on introduisait les pièces. Intrigué, Harry avait observé la scène en silence. De son autre main, le garçon avait donné un léger coup de poing dans le bas de la machine et quelques secondes plus tard, un petit carnet de tickets verts atterrissait dans la bouche du distributeur.
Une fois seul dans la salle, Harry avait répété l'opération avec succès. Depuis, toutes les deux semaines, il volait un carnet de tickets de bus. Il n'en était pas très fier, mais cela lui permettait d'arriver à peu près à l'heure à l'école, et de voyager au sec.
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" Enfin, tu peux me dire ce qu'on fiche ici ? Tu crois vraiment que j'ai que ça à foutre, hein ? "
Harry sentit une angoisse froide l'envahir, sans pouvoir l'expliquer. Le carnet serré dans son poing, il se glissa derrière le distributeur.
" Il nous a dit de l'attendre ici. ", soupira l'autre, visiblement agacé.
Ils étaient deux, des hommes. Ils portaient tous les deux des vestes en jean et la capuche de leur sweat-shirt était rabattue sur leur tête.
" S'il se pointe pas, je te jure que je lui filerais une bonne trempe quand je le retrouverais ! Votre mère ne le reconnaîtra pas ", ajouta t'il à l'intention de quelqu'un d'autre.
Et Harry aperçu une troisième personne. Un enfant, visiblement. Il attendait, accroupi près de la porte, son visage enfoui dans ses genoux.
" Le môme est réglo, Mitch. T'inquiètes pas, il sait ce qu'il risque. "
Harry se blottit contre la machine. Il pouvait la sentir vibrer, contre lui, presque un ronronnement. Il commençait à avoir peur ; il était évident que ces types trafiquait quelque chose de malhonnête, ils parlaient comme des gangsters de série télé, et Harry avait assez souvent entendu les histoires des romans policiers que lisait son copain Danny pour savoir ce qui arrive à ceux qui se trouvent sur la route de ce genre de types.
Mais toi aussi, tu es malhonnête… souffla une petite voix. Non, ça n'avait rien à voir, Harry n'avait pas le choix, et puis ils n'étaient sûrement pas là pour voler des tickets de bus.
" Il y a quelqu'un ? ", fit une voix nouvelle.
L'enfant près de la porte releva vivement la tête. C'était une fille et son visage était familier. Harry se dit qu'elle allait sûrement à la même école que lui.
Le nouveau venu était un adolescent. Il avait des cheveux noirs qui lui tombaient dans le cou et ses mains tremblaient légèrement.
" Ouais, il y a quelqu'un. ", fit l'un des deux types.
Le garçon ouvrit son sac à dos et en sortit une boîte en carton qu'il lui tendit. L'autre la lui arracha des mains. La petite fille se leva et recula.
" Et mon fric ? "
Le garçon tendit une enveloppe. L'autre l'ouvrit et fourragea à l'intérieur.
La fillette reculait toujours. Harry retint son souffle ; si elle continuait, elle allait le voir.
" On est O.K., gamin. Tu peux te tirer, on s'occupe du reste. "
Le garçon acquiesça et s'éloigna vers la sortie. L'autre le rappela d'un ton moqueur.
" Fais pas de bêtises, surtout ; tu sais que ça ferait chialer ta mère. "
Harry redressa la tête, brusquement. La fille était arrivée à sa hauteur. Elle ne dit pas un mot. Surpris, il croisa deux grands yeux noirs, qui brillaient comme des diamants, renvoyant la lumière dans toutes les directions à la fois.
Il recula un peu, retenant son souffle. Elle devait avoir son âge, peut-être un peu plus. Sa peau était très pâle, rendant ses yeux plus étranges encore.
Aucun d'eux ne bougeait, terrifiés comme deux animaux brusquement pris dans la lumière des phares d'une énorme voiture. Harry n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé quand une voix brisa le silence.
" Sarah, tu t'amènes ? On a pas que ça à foutre. "
Et elle disparut en silence.
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1er janvier 1999.
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" Comment saurons-nous s'il a réussit ? "
" Quand il aura réussi, il reviendra. ", répondit simplement Dumbledore.
" Mais comment saura t'on… Que ça a changé quelque chose ? "
Un sourire traverse le visage de Dumbledore, discret comme une ombre.
" Ce ne sera pas un changement difficile à voir. "
" Et… S'il échouait… "
" Pourquoi échouerait-il ? Faites-lui un peu confiance, Séverus. "
Rogue refusa de se laisser distraire.
" S'il échouait, nous aurions perdu la guerre, n'est-ce pas ? "
Alors Dumbledore soupira, ses yeux perdirent leur éclat et reprirent ce bleu terne qu'on leur voyait de plus en plus souvent.
" La vérité, Séverus, c'est que nous avons perdu la guerre depuis très longtemps. Depuis le mois de mai de l'année 1990, en fait… "
Rogue crispa les poings. Il avait une autre question, une question qu'il ne voulait pas poser, qu'il ne voulait même pas admettre qu'elle lui avait traversé l'esprit.
" Et le garçon ? Est-ce que… Est ce qu'il va mourir ? "
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14 Mai 1990.
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" Est-ce que tu connais une fille qui s'appelle Sarah ? Et qui serait élève ici ? "
A contrecœur, Danny leva le nez du livre de science fiction dans lequel il était plongé. C'était la pause de midi, juste après la cantine, le moment où Mlle Linsey, qui faisait la classe le matin, laissa la place à Brian Kyles, qui remplaçait depuis deux semaines Mme Young, enceinte. Dans la cour, Dudley et ses copains avaient accaparé le terrain de sport pour faire un foot, repoussant les intrus à grands coups d'injures et de menaces. Leur mode de communication usuel.
" Une fille ? ", Danny haussa les épaules, " Connais pas de fille. "
" Tu es sûr ? ", insista Harry, " Elle a des cheveux noirs, des yeux noirs aussi. "
Danny haussa les épaules en signe d'ignorance.
" Peut-être ta mère ? ", risqua Harry.
La mère de Danny était institutrice dans leur école, ce que Danny s'efforçait d'oublier, et, surtout, de faire oublier aux autres.
" M'étonnerais, elle n'a que des petits. Et puis pourquoi tu veux savoir ça ? Tu cherche une petite copine ? "
" Dis pas n'importe quoi ! ", répliqua vivement Harry, " C'est juste… Je la trouve bizarre et je voulais savoir, c'est tout. "
" T'as qu'à demander à Mlle Wind, ou à notre prof. "
" Mlle Wind, laisse tomber, elle n'arrête pas de me donner des punitions, quant à notre prof… C'est tout juste s'il sait comment nous on s'appelle ; alors je ne vois pas comment il pourrait connaître les autres… "
" En parlant de lui, comment tu le trouves ? "
Danny referma son bouquin dans un claquement sec. Ca, c'était un sujet qui l'intéressait.
" Je ne sais pas trop. ", répondit distraitement Harry, " il a l'air sympa, non ? "
" Tu ne le trouve pas un peu… "
" Un peu quoi ? "
" Un peu bizarre ? "
Harry fronça les sourcils, étonné.
" Non. Il est sympa. "
" Ouais, sympa. Mais c'est drôle, je le trouve distant. "
" Distant ? Comment ça distant ? "
Et puis, qu'est ce que ça voulait dire, distant ? Harry se sentit vaguement agacé ; on pouvait toujours compter sur Danny pour trouver quelque chose qui clochait sous les façades lisses, et coller un mot tordu par-dessus. Pas étonnant qu'il n'ait pas beaucoup d'amis.
" C'est comme si il n'était pas vraiment là, ou comme si il attendait qu'il se passe quelque chose… Si ça se trouve, ce n'est même pas un vrai prof ! "
Harry leva les yeux au ciel.
" Oui, et si ça se trouve, tu regardes trop la télé. "
Il y eut un moment de silence, Danny eut l'air un peu vexé. Pris de remords, Harry lui sourit gentiment.
" Désolé. Il raconte quoi ton bouquin ? ", demanda t'il pour se faire pardonner.
Après tout, lui non plus n'avait pas beaucoup d'amis.
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Harry n'avait pas été tout à fait honnête avec Danny, en fait, il avait même de quoi étayer grandement sa théorie ; mais, comme il l'avait dit, il trouvait Brian Kyles – s'il s'appelait vraiment Brian Kyles – plutôt sympa.
De plus, il n'était sûr de rien ; tout ce qu'il savait, c'était que depuis deux semaine, il avait l'étrange impression que quelqu'un – ou quelque chose – le suivait où qu'il aille, et que, par deux fois durant la semaine précédente, il avait aperçu son professeur dans Privet Drive au moment où il descendait du bus.
Simples coïncidences ? Possible. Peut-être qu'il habitait dans le coin, peut-être qu'il se promenait, ou peut-être même…
" Harry ? "
Et il n'y avait pas que ça, il y avait aussi…
Les rêves…
Il y avait aussi…
Lui…
" Harry ? "
Il se redressa brusquement. Tous les regards étaient braqués sur lui. Il sentit le rouge lui monter aux joues, il détestait être le centre d'attention, cela signifiait invariablement des ennuis.
" Alors ? ", insista le professeur Kyles.
Visiblement, on attendait quelque chose de lui. Il se sentait de plus en plus mal à l'aise.
Une règle effleura ses côtes ; de surprise, Harry fit un bond sur sa chaise. C'était Danny, il envoya un morceau de papier sur ses genoux, sur lequel était gribouillé 1554. Tentant le tout pour le tout, Harry regarda le professeur Kyles dans les yeux et répondit distinctement :
" En 1554, monsieur. "
Un éclat de rire général salua sa réponse. Impuissant, il se tourna vers Danny en quête d'explications, mais l'autre garçon se contenta de lever les yeux au ciel, avec une expression du style " j'aurais vraiment fait tout ce que je pouvais… ".
" En 1554, Harry ? ", fit le professeur d'un air amusé, " Regarde donc au tableau. "
Il obéit. Sur le tableau sombre, on pouvait lire, écrit à la craie blanche : 42 x 37 = ?
Rougissant de plus belle et maudissant sa stupidité, il piqua du nez dans son cahier, tentant d'oublier les regards moqueurs et les ricanements de Dudley, Malcom et Gordon assis au dernier rang.
" Redescends sur terre, Harry. ", sourit le professeur. " Quelqu'un veut faire la seconde opération ? ", ajouta t'il en se tournant vers la classe.
" Alors Potter, on est dans la lune ? ", fit la voix moqueuse de Piers Polkiss derrière lui, " Qu'est-ce qu'il se passe, t'es amoureux ? "
Lui et son voisin – Dennis Prowns, un autre crétin parmi les crétins – s'esclaffèrent sans pouvoir se retenir, comme si c'était la blague de l'année.
" Je parie que c'est Mlle Wind ! ", fit Dennis, " ils se voient beaucoup en ce moment. "
Nouveaux gloussements. Danny leur lança un regarda dégoûté et se pencha vers l'avant, comme s'il craignait que tant stupidité puisse être contagieuse.
" Ou alors, c'est Artwood ! ", Continua Piers.
" Fermez-la ! ", siffla Harry.
Et ils rirent de plus belle.
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La dernière demi-heure de classe parut très longue à Harry. Quand enfin la cloche sonna, accordant son semblant de liberté habituel, il fut l'un des premiers à bondir de sa chaise.
L'un des premiers à atteindre la porte… Et le dernier à sortir. Une main s'était posée sur son épaule ; Harry n'avait pas besoin de se retourner pour voir qu'elle appartenait à son professeur, ni pour comprendre ce qu'elle voulait dire. Vous me semblez bien peu intéressé par mes cours, jeune homme… Auriez-vous un motif quelconque pour cela ? Des circonstances atténuantes peut-être… Mal à la tête ? Préoccupé ? Ou alors des ennuis à la maison… Maman est malade ? Papa est au chômage ? Je suis bien d'accord, ta vie privée ne regarde que toi, et en plus je m'en fiche, mais comprends-moi… Imagine un peu qu'il t'arrive une bricole, bonhomme… J'aurais bien du mal à dormir sur mes deux oreilles après ça…
Mais quand il se retourna, il ne croisa qu'un regard doré, brillant de sincérité et – peut-être bien, oui – de bienveillance.
" Est-ce que tout va bien, Harry ? "
Ca dépend, songea Harry, c'est quoi exactement tout ?
" Ouais. Ca va. "
Sans plus de cérémonie.
" Tu es sûr ? Tu avais l'air bizarre aujourd'hui. "
Bizarre ? Harry faillit éclater de rire, mais le professeur n'aurait pas comprit.
" J'étais un peu patraque. J'ai du manger quelque chose qu'il ne fallait pas. Vous savez, la cantine… ", tenta t'il de plaisanter.
Un gamin qui blague est un gamin qui va bien ! Ouais monsieur !
Brian Kyles eut un bref sourire. La blague était nulle, c'était juste pour être gentil.
" Personne ne t'a embêté, ces derniers temps ? "
Il ouvrit des yeux ronds.
" Qui pourrait m'embêter ? "
Ouais Harry, dis, qui pourrait bien faire ça ? Sûr que tu ne vois personne ?
" Oublies ça, c'était une question idiote. "
Harry acquiesça. Vraiment idiote.
" Parfait, désolé de t'avoir retenu. Tu peux y aller… A moins qu'il y ait quelque chose que tu voudrais me demander ? "
Harry secoua la tête. Il s'éloigna de quelques pas, s'immobilisa, revint en arrière, hésita.
" Oui ? "
Oh, et puis pourquoi pas, après tout ?
" Monsieur, est-ce que vous connaissez une élève qui s'appelle Sarah ? "
Les yeux dorés s'arrondirent d'étonnement, il ne s'attendait pas à ce genre de questions.
" Tu peux être un peu plus précis ? "
Il fit de nouveau la description de Sarah ; mais le professeur secoua la tête ; non, il ne connaissait pas. Mais le contraire aurait étonné Harry.
" Je ne vois pas, mais je peux mener ma petite enquête… "
Et il lui fit un sourire complice, comme si ces mots avaient un sens caché que seul Harry pouvait comprendre. Harry sourit en retour. Juste pour être gentil, parce que la blague était nulle.
Et il quitta la classe.
Cinq minutes plus tard, au moment de monter dans le bus, il sentit le regard glacé, désormais familier, se braquer sur sa nuque.
Sûr que tout va bien, Harry ?
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