Un grand merci aux reviewers pour leur encouragements (ça motive ! A bon entendeur…)

Miss-nymphadora : voilà, avec juste quelques jours de retard (désolée…).

Ornaluca : merci beaucoup.

Ielena et Leila : ravie que ça vous plaise, moi aussi j'ai bien aimé écrire ces passages.

MIMI-GERARD : Les quatre personnes du début ne vont nulle part, elles ne font qu'envoyer quelqu'un. Et, non, Sarah n'est pas sorcière ; pour le reste, c'est à voir…

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7. Mot de passe

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Là tu vois j'ai le sentiment

Qu'autours de nous

plus rien ne sera comme avant

Ne me laisse pas

M'en aller seul dans les bois

Ne me laisse plus

M'éloigner là éperdu

(…)

Toi console-moi

Garde-moi encore une nuit

Si tu as l'envie

Prends-moi encore

Enlève-moi une autre nuit

Console-moi et berce-moi

Encore une fois

Est-ce que tu voudras ?

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She night

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Le journal noir, dixième page.

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Le ciel s'obscurcit et les ténèbres guettent. Un halo de lumière entoure l'enfant, meilleure protection que ce qu'ils ne lui apporteront jamais.

Il pourrait s'en servir, il pourrait voir, mais il est aveugle.

Il est incapable d'achever ce qu'elle a commencé.

L'enfant est seul, nul ne peut l'aider.

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19 mai 1990.

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Bar, presse et épicerie. Une bien étrange association, de l'avis de Rémus. Chez Trudie n'était qu'une grande salle partagée en deux : une moitié pour le comptoir et les petites tables rondes, et l'autre pour les rayonnages bourrés à craquer de sachets, boîtes et cartons de toutes les couleurs.

Trudie elle-même se fondait à merveille dans le décor : grande et grosse, les cheveux permanentés teint en un drôle de blond-roux, plusieurs rangs de colliers bon marché autours du cou, un rire joyeux et une cigarette au coin de la bouche.

Le regard vif de Rémus saisit tout cela sans même qu'il s'en rende compte, jusqu'à ce qu'il repère l'adolescent aux cheveux noirs assis à la première table. Connor. Pour une fois le gosse était à l'heure, apparemment en pleine possession de ses moyens, et semblait s'ennuyer ferme. Avec un soupir, il se dirigea vers lui.

Rémus avait longuement hésité avant de fixer le lieu de rendez-vous. L'Entrepôt devenait risqué : il avait beau y aller le visage couvert, on finirait bien par parler de lui, et si un sorcier se cachait là… De tous les lieux publiques qu'il avait repérés, Chez Trudie lui semblait être le moins dangereux : si l'un des chiens fidèles de Voldemort, sang-pur jusqu'au bout des ongles et vouant une irrépressible haine aux moldus, se pointait ici, malgré l'effervescence du samedi matin, il ne pourrait pas le manquer.

"Bonjour Connor."

Le garçon releva la tête. Ecarquillant les yeux en découvrant pour la première fois le visage de Rémus.

"'lut."

"Alors ?"

Connor fit glisser son doigt le long de l'encolure de son tee-shirt déchiré, visiblement mal à l'aise, puis il se pencha en avant.

"J'ai pas de doc." annonça t'il "Je peux plus toucher au secrétaire sans qu'il me grille. Par contre… J'ai vu des trucs… Qui pourraient vous intéresser… Peut-être. J'peux vous raconter."

Rémus hocha tranquillement la tête.

"Je t'écoute."

"D'acc. Alors voilà : c'était jeudi après-midi. J'étais rentré plus tôt, il savait pas que j'étais là."

"Il… Mitch ?"

"Ouais. Au départ, il était tout seul ; ma mère était en haut en train de dormir, la petite était à l'école et Neil trafiquait je ne sais quoi."

Rémus fronça les sourcils.

"La petite ?"

"Sarah, ma petite sœur."

Sarah ?

"Donc, il était tout seul. Et, tout d'un coup, il y avait quelqu'un d'autre. Je sais pas par où il est arrivé, je l'ai même pas entendu."

Transplanage, songea Rémus.

"Tu as vu son visage ?"

"Non, il portait… Un genre de cagoule."

"Tu sais de quoi ils parlaient ?"

"Ca ouais, j'ai tout entendu. Mais c'était pas très clair. Ils parlaient d'un événement… Non, d'un avènement. L'homme à la cagoule disait que Mitch devait faire en sorte que tout soit prêt à temps, sinon il aurait des problèmes."

"Tu sais de quoi il s'agit ?"

"Non, ils ont juste dit "avènement", je sais pas ce que c'est. Mitch avait l'air plutôt flippé."

"Je m'en doute. Est ce que tu as entendu mentionner une date, un jour ou même une heure ?"

"Non. Mais l'homme a filé un truc à Mitch."

"Quoi donc ?"

"Une boîte, un petit coffre noir. Avec un dessin dessus."

Rémus sentit un frisson le parcourir.

"Quel genre dessin."

"Un drôle de soleil. Avec six rayons en triangles et un œil au milieu."

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Un drôle de soleil. Avec six rayons en triangles et un œil au milieu.

A présent seul devant son café, Rémus retournait ces mots dans sa tête. Pourquoi pourquoi pourquoi confier ce qui pouvait être l'instrument de la fin du survivant à un moldu ? Et quel serait le rôle de Mitch dans tout ça ?

Il poussa un profond soupir, se retenant d'abattre son poing sur la table. Non loin de là, Trudie s'affairait derrière son comptoir, remettant les journaux en place, essuyant des verres et redressant des bouteilles. Rémus laissa vagabonder ses pensées, s'évadant de ce bar minuscule, dans un monde où Harry ne s'était pas effondré en crispant sa main sur sa poitrine, où Voldemort n'avait jamais existé et où il n'avait pas à mener à bien une tâche qui lui paraissait insurmontable.

"Bonjour, professeur Kyles !"

Pendant quelques secondes, il crut avoir simplement imaginé la voix. Sans doutes parce qu'il pensait à lui, il lui semblait que Harry lui parlait. Stupide.

"Professeur ?"

Si c'était une illusion, elle était sérieusement tenace ! Il se retourna et son regard rencontra deux grands yeux brillants, dont l'éclat était à peine terni par des verres de lunette qui avaient vu de meilleurs jours.

"Harry ?"

Il se dit qu'il devait sons doutes avoir l'air un peu idiot aux yeux de l'enfant, mais il était tellement surpris de trouver un garçon de neuf dans un bar qu'il mit quelques secondes à se souvenir que ce bar servait également d'épicerie.

"Qu'est ce que tu fais ici ?"

"Des courses." répondit-il sur le ton de l'évidence "Et vous ?"

"Oh, moi je…"

Moi je quoi ?

"J'attendais un ami."

Harry hocha la tête, puis se tourna vers le présentoir.

"Trudie ?"

L'épicière avait plongé sous le comptoir à la poursuite d'un ticket de loterie qui s'obstinait à rester hors de sa portée. De là où il se trouvait, Rémus ne distinguait que le dos de son tee-shirt rouge et quelques mèches ébouriffées.

"Trudie !"

"Mais quoi ?"

Elle se redressa, le visage rouge. Son regard s'adoucit quand elle reconnut Harry.

"Qu'est ce que t'as, Moineau ?"

"Tu n'as plus de farine ? Le rayon est vide."

"Oh… C'est Billy qui les a déplacés pour nettoyer. Vas donc voir dans le fond, c'est sans doutes là-bas."

Harry la remercia d'un sourire. Rémus se tourna vers elle alors que l'enfant disparaissait vers la direction indiquée.

"Vous connaissez Harry ?" s'étonna t'il.

"Alors c'est comme ça qu'y s'appelle ? Moi, je l'appelle Moineau, regardez-le ! On dirait un pauv' oisillon tombé de son nid."

Et ce n'est que trop vrai, songea Rémus.

"J'le vois de temps en temps ici, ses parents l'envoient quand y z'ont besoin d'un truc ou deux. J'suis une épicerie d'appoint, vous savez ? Les gens roulent pas jusqu'au grand supermarché pour un sac de farine ! Vous l'connaissez comment, vous, Moineau ?"

"C'est un de mes élèves."

"Oh, vous êtes prof ? Beau métier à ce qu'on dit. Mais avec les gamins d'aujourd'hui, que'que chose me dit que vous d'vez pas rigoler tous les jours !"

Si seulement le comportement des "gamins d'aujourd'hui" était son seul problème ! Pour un peu, il aurait éclaté de rire.

Harry revint bien vite, un paquet de farine et une barquette de fraises à la main. Il posa le tout sur le comptoir et sortit de sa poche un billet moldu.

"Et voilà, Moineau." sourit Trudie en glissant le tout dans un sachet en plastique.

"Merci." répondit Harry en récupérant sa monnaie.

Après un dernier sourire pour Rémus, il fila vers la porte.

Rémus hésita quelques secondes, puis, brusquement décidé, il déposa sur la table quelques pièces qui lui semblaient couvrir le prix du café, puis se leva en saluant Trudie de la tête.

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Il rattrapa Harry sur le trottoir, à quelques mètres à peine de la boutique. Le garçon ne semblait pas pressé de rentrer.

"Hé, je te raccompagne ?"

Le nez de Harry se fronça sous les lunettes.

"Et votre ami ?"

"Oh, mon ami, je l'ai déjà vu. Tu veux que je prenne ton sac ?"

Harry fronça les sourcils, la proposition sembla vaguement le vexer.

"Je suis capable de le porter, c'est pas très lourd." répondit-il.

Ne comptez pas sur moi pour rester au chaud en attendant que Voldemort pointe le bout de son nez.

Rémus réprima un éclat de rire, n'y parvenant qu'à moitié. Venant de Harry, cette répartie n'avait rien de surprenant.

"Mais qu'est ce qu'il y a de drôle ?"

Cette fois, l'enfant semblait franchement blessé.

"Je ne me moques pas de toi." assura Rémus "Simplement, tu me rappelles quelqu'un."

Harry lui jeta un regard en biais, incertain.

"Qui ?"

"Un autre élève. Enfin, c'était mon élève il y a quelques années."

"Et vous l'aimez bien ?"

"Oui, beaucoup. Tu es sûr que tu ne veux pas me donner ce sac ? Je te le rendrais avant d'arriver chez toi, si c'est ce qui t'inquiète, ta tante et ton oncle ne le sauront pas."

Harry hésita un moment, le jaugeant du regard. Peut-être se disait-il que Rémus ne comprenait pas vraiment le problème ? Mais il finit par céder.

"Je vous dirais quand me le rendre."

"D'accord." accepta Rémus en le déchargeant de son fardeau.

Ils continuèrent leur route en silence. Rémus laissait Harry le guider, préférant cacher le fait qu'il connaissait déjà parfaitement l'endroit.

"Vous habitiez où, avant de venir ici ?" demanda soudainement Harry.

"Hum… J'ai une maison à Londres, mais j'ai beaucoup bougé, ces derniers temps."

"Comment ça ?"

"Tu sais, c'est difficile à expliquer ; disons que j'avais des choses à faire… Un peu partout."

"Des choses ? Vous voulez dire du travail ?"

"En quelque sorte. C'était surtout pour aider quelqu'un."

De nouveau, Harry fonça les sourcils, il n'avait pas l'air de comprendre.

"Peut-être que Danny avait raison, finalement." dit-il.

"Pourquoi, qu'est ce qu'il a dit ?"

"Que peut-être vous étiez pas un vrai prof."

Rémus se figea.

"Mais pourquoi pense t'il une choses pareille ?"

Harry haussa les épaules.

"Il a toujours de drôles d'idées, Danny. On arrive."

En effet ; sur sa gauche, Rémus aperçu la plaque annonçant Privet Drive qui étincelait au soleil. Il tendit son sac à Harry.

"D'après notre contrat, c'est ici que je te quitte."

"C'est ça," approuva Harry "merci beaucoup !"

"Mais je t'en prie." sourit Rémus.

"Et monsieur ?"

"Oui ?"

"Est ce que… Ici aussi vous êtes là pour aider quelqu'un ?"

L'espace d'une seconde, Rémus sentit son sourire vaciller. Il répondit d'un ton calme, presque trop formel.

"Ici, Harry, je suis un professeur."

Et il se détourna, ignorant le regard vert qui le suivait, indéchiffrable.

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1er janvier 1999

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"Ron ?"

Il se redressa sur sa chaise, réalisant que son front était retombé sur la couverture.

"Hermione ?"

"C'est moi."

Elle posa une main chaude sur son épaule et s'assit sur le lit. Le matelas se creusa un peu sous son poids et la forme immobile de Harry sembla se replier contre elle.

"Tu vas bien ?"

Il laissa échapper un petit rire sans joie.

"Ce n'est pas à moi qu'il faudrait poser cette question, je crois."

Elle ne répondit pas, sachant que cette faible colère n'était pas dirigée contre elle. Son regard erra un moment sur le visage aux yeux clos.

"On dirait… Qu'il dort." murmura t'elle.

"Mais il dort."

"Tu sais ce que je veux dire. On dirait… Que si on l'appelle, on si… On lui secoue l'épaule, il va se réveiller."

Il resta silencieux.

"Tu comprends ?"

Il leva les yeux vers elle. Autours d'eux les flammes des torches brillaient faiblement, comme dans la chambre d'un enfant qu'on voudrais laisser dormir. La lumière chaude dansait sur on front, sur ses joues et dans ses yeux. Il se dit qu'elle était belle.

"J'ai essayé, tu sais."

"Essayé ?"

"De le réveiller. De l'appeler, de le secouer, mais il n'a pas bougé. Et ça n'est pas normal, parce que d'habitude, un rien le réveille. Tu sais ? Tu fais un pas devant son lit et il se relève en sursaut…"

Elle acquiesça doucement, plaçant sa main dans la paume blanche de leur ami. Il sentit les larmes lui piquer les yeux.

"Il se réveillera, Ron, je suis sûre que le professeur Lupin va réussir."

Elle aussi, elle faisait de son mieux pour ne pas pleurer. Et elle y parvenait mieux que lui.

"Tu devrais aller dormir, Hermione."

"Et toi ?"

"Moi je reste là."

Elle ne protesta pas, sachant par avance que ce serait inutile. En silence, elle se pencha sur le visage de Harry et déposa un baiser sur son front pâle. Après une seconde de réflexion, elle fit de même avec Ron.

Il la regarda s'éloigner jusqu'à ce que l'obscurité l'engloutisse totalement. Alors il se tourna de nouveau vers son ami.

"Moi je reste là." répéta t'il pour les ombres.

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19 mai 1990

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Et Clash

Un bruit de vaisselle qui explose traversa le plancher. Sûrement un verre de Whisky. Terrée contre l'escalier, Sarah ne bougeait pas. En bas, Mitch hurlait. Il se disputait avec Neil.

Mitch criait souvent. Pas Neil. Ses mots, calmes et glacés, tombaient toujours à la même hauteur, avec régularité, comme les dong de l'horloge du salon.

Et c'était bien plus terrifiant.

"Espèce d'abruti, tu ne comprends donc rien ? Il m'a promis du fric, une tonne de fric !"

La voix de Mitch explosait dans la cage d'escalier. Sarah n'entendait pas ce que répondait Neil, mais apparemment ce n'était pas ce qu'attendait Mitch.

"Mais comment pouvais-tu le savoir, qu'il n'était pas réglo ?"

Sarah se recroquevilla un peu plus. Elle était coincée en haut depuis au moins dix minutes, impossible de descendre et de rejoindre l'autre escalier, celui qui menait en bas ; Mitch la verrait.

"Bordel de merde ! Neil, tu m'as fait perdre une livraison, je ne sais pas ce qui me retient de…"

Pourtant il fallait qu'elle descende, elle n'avait pas le choix. La chose s'était réveillée.

Et BAM ! Le poing de Mitch heurta le mur. Oh, pas Neil, il ne frappait jamais Neil ; il n'osait pas, on aurait dit. Et aussi bizarre que ça puisse paraître ; c'est vrai, après tout, il ne semblait craindre personne.

Sa décision était prise. Aussi discrète qu'une souris, Sarah laissa glisser sa main tremblante le long de la rampe de métal. Son pied se posa sur la première marche.

"Mais tu n'y étais pas, Neil ! Maintenant, ce gars peut raconter n'importe quoi !"

Jusqu'à l'endroit où l'escalier formait un coude, il n'y avait rien à craindre ; le mur la dissimulait aux regards venant du salon, il fallait juste faire attention au bruit. Mais après, il suffisait que l'un d'eux tourne la tête…

"Alors quoi ? T'as envie qu'on se fasse buter, tout ça parce que t'avais une sale idée de ce gars, c'est ça hein ?"

Prudente, elle coula un regard dans la pièce en contrebas. De l'autre côté du salon, elle devinait la silhouette de Mitch avec ses poings crispés.

"Je te jure que je paierais pas pour tes conneries ! Et tu peux le dire, que t'as rien demandé !"

Elle longea le mur est restant accroupie, pour être le moins visible possible. Elle arrivait au bas de l'escalier, mais ce n'était pas la partie la plus difficile.

"Mais enfin, personne n'est réglo, et tu le sais ! On est tous des salopards, qui attendent la première occase pour se bouffer entre eux !"

Traverser le salon, il fallait traverser le salon. Cachée derrière le sofa, elle fixait l'espace qu'il lui restait à traverser, sans aucune cachette, livrée au regard de Mitch. Tout à a colère, Mitch ne regardait pas, mais elle était paralysée.

"Vas pas me faire croire que t'es différent."

Mitch s'avançait vers la fenêtre, vers Neil. Sarah fixa son regard sur l'un des lambeaux de cuir qui pendaient du dossier du fauteuil.

Dès qu'il atteint le tapis, j'y vais ! Ses mains tremblèrent encore plus fort. Une faim dévorant envahissait tout son être. Plus le temps

"T'es qu'une ordure ! Tu t'es foutu de ma gueule !"

Maintenant ! Elle s'élança, oubliant tout le reste. Rapide et silencieuse, elle atteignit le petit bureau. La porte était juste là. Frémissante de peur, elle s'appuya contre le mur. Il ne restait qu'à prendre les clés, et le tour était joué.

"Enfin, Mitch, tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?"

La voix de Neil lui parvenait également, maintenant. Le ton était cynique, cruellement moqueur. En silence toujours, Sarah contourna le petit bureau, et ouvrit le premier tiroir. Docile, il glissa en silence.

"Tu sais très bien qu'au fond, les choses t'arrangent."

Il était plus lourd que d'habitude, il y avait quelque chose de nouveau. Une drôle boîte fait d'un étrange métal, d'un noir mat. Sur le couvercle était gravé un drôle de dessin : un soleil.

"Mais arrête ton numéro !" rugit Mitch.

Sarah sursauta. Abandonnant la boîte, elle s'empara des clés qui se trouvaient à leur place habituelle, et se précipita vers la porte.

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Il atterrit sur le sol dur, souple comme un chat, juste derrière le massif de tulipes. Autours de lui, la nuit était calme, et il sourit dans le noir. Il se sentait étrangement bien, tout d'un coup, et c'était une sensation nouvelle. Comme s'il pouvait faire ce qu'il voulait, sans personne pour l'en empêcher ou lui dire qu'il en serait incapable, comme s'il venait de remporter une victoire.

Toujours silencieux, il referma la fenêtre du salon, après avoir vérifié une fois de plus qu'il pouvait l'ouvrir de l'extérieur, puis il s'éloigna.

Lorsqu'il ganga le parc, la musique était au rendez-vous, et il se demanda comment les habitant des environs faisaient pour ne pas l'entendre, on aurait dit qu'elle remplissait l'espace. L'Ombre le vit, l'entendit, ou peut-être le sentit, il ne savais trop. Sans le regarder, il posa sa guitare sur ses genoux et attendit, en silence, les yeux mi-clos. Comme la dernière fois, la musique continuait de flotter autours d'eux comme la lumière d'une étoile disparue.

"Monsieur ?" appela t'il doucement.

Il n'y avait pas besoin de crier, il était sûr que l'homme était capable d'entendre des choses que nul autre ne pouvait. Mais il ne répondit pas.

"Monsieur ?" répéta t'il, toujours sur le même ton "Monsieur l'Ombre ?"

Cette fois, le regard de nuit se tourna vers lui.

"L'Ombre ? Pourquoi m'appeler ainsi ?"

Le ton de sa voix était différent de la dernière fois, avant, il parlait comme les vieux clochards de la rue Saint-George, maintenant, on aurait plutôt dit un professeur.

"Parce que vous êtes là la nuit, et que je n'étais pas sûr que vous existiez réellement, et puis parce que… Ca vous va bien."

"Tu ne sais pas à quel point tu dis vrai, Harry." Sourit l'Ombre.

"Alors vous n'êtes pas fâché ?"

"Non."

Harry se laissa tomber dans l'herbe, au pied du banc.

"Je veux bien croire que vous habitez dans le ciel." offrit-il.

L'homme reprit sa guitare, laissant ses doigts courir sur les cordes.

"On ne veut pas croire, tu sais. On croit, ou on ne croit pas."

Harry fronça les sourcils.

"Je ne comprends pas."

Un sourire effleura le regard de l'Ombre.

"Tu n'as jamais cru à quelque chose que tu ne voulais pas croire ?"

"Non."

Puis il songea à l'homme aux yeux rouges.

"Peut-être."

L'Ombre hocha la tête, comme s'il savait parfaitement de quoi il parlait. Il semblait de plus en plus différent de la dernière fois, Harry commençait à se sentir mal à l'aise.

"C'est vrai que le ciel vous appartient ?"

Cette fois, l'Ombre rit franchement.

"Mais tu fais une fixation là-dessus, ma parole ! Oui, il m'appartient, et à toi aussi, il est à tout le monde. Comme la terre, d'ailleurs, mais ça, les homme ne peuvent pas le comprendre."

"Ha bon."

Que dire d'autre ? Il se tut. Mais l'Ombre semblait avoir envie de parler, ce soir, et même d'entendre parler Harry.

"As-tu déjà vu le ciel, Harry ?"

"Bien sûr !" rit Harry en pointant un doigt vers le haut.

L'Ombre jeta un regard méprisant à la voûte étoilée.

"Quoi, ça ? Non, ça ce n'est rien, juste de la poudre aux yeux ! Je te parles du véritable ciel, celui qu'on trouve en suivant le chemin des étoiles."

"Le chemin des étoiles ?" répéta t'il, stupéfait.

L'Ombre acquiesça.

"Mais qu'est ce que c'est ?"

"Ca dépend, il est différent pour tout le monde. Les hommes le trouvent rarement."

"Mais vous, vous êtes bien un homme ?"

L'Ombre pinça une corde sans répondre. Le son trembla un moment dans le fragile silence.

"N'est ce pas ?" insista Harry.

"Et que pourrais-je être d'autre ?"

Harry se troubla.

"C'est juste… Vous êtes bizarre. Vous n'étiez pas si bizarre, la dernière fois. Vous êtes différent."

"Ha non ? Pourtant je n'ai pas l'impression d'avoir changé, Harry. Et toi, enfant, n'es-tu jamais différent ?"

L'Ombre plaqua un accord, grave, qui résonna froidement.

"Différent de quoi ?" demanda prudemment Harry.

L'Ombre avait le visage penché vers l'obscurité, il était difficile de déchiffrer son expression.

"De celui que les autres voient, des enfants ordinaires."

Un nouvel accord tomba, plus glacial encore, Harry sentit son estomac se nouer.

"Pourquoi serais-je différent des enfants ordinaires ?"

Alors, les yeux de nuits le transpercèrent, des yeux qui auraient pu s'emparer de son âme, s'ils l'avaient souhaité.

Mais seulement s'ils l'avaient souhaité.

"Parce que les enfants ordinaires ne rêvent pas de lui, Harry."

Lui. L'homme aux yeux rouges ? Le froid des notes l'envahit brusquement, il recula.

"Je ne sais pas… De quoi vous parlez."

Sa voix tremblait, le regard sombre ne l'avait pas quitté.

"Si tu veux." lui accorda l'Ombre "Cela ne concerne pas, de toutes façons."

Et ses doigts se remirent à courir sur les cordes, et la musique s'éleva de nouveau. Cette fois, l'Ombre se mit à chanter, un chant un peu mystérieux, riche et poétique, qui coulait comme du miel dans le cœur de Harry. C'était comme entendre une langue étrangère et nouvelle, mais que l'on comprendrait mieux que celle qu'on a toujours parlé.

Soupirant, il s'allongea dans l'herbe, les yeux rivés sur les étoiles, et laissa la musique le réchauffer.

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