Réponses aux reviews :

Lunenoire : ce n'étaient pas vraiment le début des ennuis, juste un avant-goût, mais ne t'inquiètes pas, il ne vont pas tarder …

Onarluca : Merci beaucoup, et voilà la suite.

Louloute2 : oui, il finira par le savoir, seulement… Nan, je dirais rien…

Flow : merci beaucoup pour tes encouragements (ça motive, mine de rien.)

Théalie : une fic qui se termine bien ? C'est à voir… Je ne suis pas sûre que la fin que j'ai en tête soit exactement un "happy-end", mais la plupart devrait s'en sortir...

Cixy : Vi, pauvre, pauvre Rémus, je me dis parfois que c'est celui qui en a le plus bavé (humm… Après Sirius, peut-être…) mais ce que je ne m'explique pas, c'est pourquoi est-ce qu'il a laissé ce pauvre Harry livré à lui-même pendant douze ans ? 'l'aurait quand pu aller voir ce qu'il devenait…

Sinon… Si je passe du temps à trouver le mot juste ? Non, j'écris comme ça vient (et parfois comme ça ne vient pas…) le problème, c'est que ce n'est pas moi qui possède les phrases, mais plutôt le contraire, je crois ; et elles se pointent toujours quand il ne faut pas (cours d'anglais, contrôle de math…).

Merci pour la review !

Alinemcb54 : Merci beaucoup !!!

Alpo : merci à toi aussi.

Draya : voilà la suite.

Stellamoon : et encore : merci.

Merci également à Miss-Nymphadra, Leila, Ryatt, Ielena, lyly,

Gros bisous à tous !!!!!

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Sinon, un petit avertissement : à mon humble avis, ce chapitre me semble pleinement mériter le PG, bon, ce n'est pas traumatisant, mais il y a quelque vilains mots et une révélation plutôt désagréable.

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9. Accord parfait.

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Elle deviendra ce qu'elle voudra

Une fée un ange n'importe quoi

Et c'est ici que tout finira

Au paradis elle aura ce qu'elle voudra

Par ici plus personne ne sait

Couvrir ses plaies

Elle sacrifie toutes ses envies

A l'infini

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Justine

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22 mai 1990.

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"… Aujourd'hui le temps restera pluvieux toute la journée, avec un important risque d'orage en soirée ; les zones concernées sont indiquées en rouge sur la carte. Les températures seront comprises entre douze et dix-sept degrés, ce qui est légèrement en dessous des normales saisonnières. Bonjour à tous si vous venez de nous rejoindre ! Il est huit heure trente et nous sommes le mardi vingt-deux mai. Tout de suite les informations de la matinée. La nuit dernière…"

Un clic annonça l'arrivée de Dudley dans la cuisine, et la voix grave du présentateur fut remplacée par celles, aiguës et criardes, des héros de kids zone, son émission favorite.

Sans même jeter un regard à son cousin, Harry retira la poêle de la plaque chauffante et répartit son contenu dans trois assiettes, en prenant soin de privilégier largement celle de son cousin, qui était selon sa tante "un garçon en pleine croissance qui avait besoin de manger beaucoup." Harry s'était plusieurs fois fait la réflexion que si lui était si petit, c'était peut-être bien parce que les portions qu'on lui servait faisaient généralement à peine la moitié de celles de Dudley.

Sans un mot, il fit glisser l'assiette en direction de son cousin et s'installa à ses côté avec la sienne. Complètement absorbé par les dessins animés, Dudley fit à peine attention à lui. Harry jeta un coup d'œil distrait à l'écran où des petits personnages verts et bleus s'envoyaient des tartes à la crème à la figure, tout en se demanda pourquoi sa tante ne descendait pas déjeuner.

"Où est ta mère ?" s'enquit-il.

Dudley eut un haussement d'épaule pour toute réponse.

Il finit son assiette, avala son verre de jus d'orange puis déposa ses couverts dans l'évier. Ignorant son cousin qui louchait avec avidité sur l'assiette fumante encore intacte de la tante Pétunia, il quitta la cuisine.

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Au pied de l'escalier, il hésita. Là-haut, il y avait la chambre de son oncle et sa tante, la chambre de Dudley, la salle de jeu de Dudley et la deuxième salle de bain. Harry n'avait que rarement l'occasion de monter. Mais quelque chose s'était passé la veille, et quelque chose se passait peut-être encore aujourd'hui. Prenant une inspiration, il posa son pied sur la première marche et monta sans bruit.

La porte était ouverte sur la chambre de son oncle et sa tante, le dernier des royaumes secrets, l'ultime interdit, les confins du 4, Privet Drive où même Dudley se soumettait à cette règle indémodable "frappez avant d'entrer !".

Il vit les rideaux blanc et or, le couvre-lit couleur crème et la commode de bois clair. Il vit la lumière qui tombait en grappes et formait des flaques chaudes sur le parquet. Il vit les murs pâles et la silhouette sombre de sa tante qui lui tournait le dos.

Elle tenait quelque chose dans ses mains, un objet insignifiant qui pourtant concentrait toute son attention.

"Tante Pétunia ?"

Sa voix flotta un moment, comme un vent d'été prisonnier de l'air immobile. Harry se savait en faute, en territoire ennemi, pourtant, il n'avait pas peur. Il avait cette étrange impression d'être, pour quelques secondes, aux commandes de leur monde étriqué, et que c'était elle qui guetterait son aval et sa bénédiction.

Pour quelque seconde.

"Qu'est ce que tu veux ?"

Ni cri, ni colère. Ni "Mais qu'est ce que tu fais là ?". Juste ce soupir. Un peu las, presque triste.

"Je… Le petit déjeuné est prêt…" bégaya Harry, incertain.

Elle reposa ce qu'elle tenait sur la commode d'un geste machinal et se tourna vers lui. Il y avait dans ses yeux une étrange lueur que Harry n'était pas sûr de comprendre, même pas sûr de vouloir comprendre.

"Tante Pétunia ?"

Elle le regardait bizarrement. Pas avec mépris ou dégoût, non, plutôt comme s'il avait été un parfait inconnu, quelqu'un qu'elle aurait rencontré pour la première fois. Pour un peu, il se serait attendu à ce qu'elle tende sa main, comme lui avec Sarah. Tu es Harry, n'est ce pas ?

"Tu as ses yeux, tu le sais ?"

Il resta interdit. Ses yeux ? Les yeux de qui ? Mais elle quitta la pièce avant qu'il n'ai pu poser de question, de toutes façons, il savait qu'il n'aurait pas eu la réponse. Peu importait, il n'en avait même pas besoin.

En silence, il se glissa jusqu'à la commode ; posant sa main dans l'une des flaques de soleil, il se hissa sur la pointe des pieds.

L'objet était plat et petit, frêle comme un oiseau. Il l'attira délicatement à lui.

Le bois décoré de pâte à sel peinte, comme on en fait au jardin d'enfants, encadrait la photo de deux petites filles. Leurs visages étaient très différents, pourtant il y avait le même rire dans leurs yeux et le vent ébouriffait leurs chevelures, entremêlant le blond et le roux.

L'une d'elle avait des cheveux pâles, un visage maigre et un cou trop long qui avait du lui valoir bien des moqueries de la part de ses camarades de classe. L'autre était belle, plus belle encore que Sarah aux yeux d'étoiles. Elle avait des cheveux de feu et des yeux d'un vert d'émeraude.

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Son cri résonna dans le couloir, teintant le silence. Un cri rauque, le cri de celui qui rejette la douleur de toutes les pauvres forces qui lui restent.

C'était elle qui criait.

Mordant son poing pour ne pas pleurer, le front collé à la porte, Sarah n'osait plus bouger. Sa mère était encore malade. Juste là, de l'autre côté, elle vomissait et elle avait mal.

Connor était à l'intérieur et il lui avait interdit d'entrer. Ni Neil, ni Mitch n'étaient là, mais de toutes façons ils n'auraient rien fait. Ils ne faisaient jamais rien, même Mitch, qui pourtant la rejoignait dans sa chambre le soir quand il rentrait.

Pourtant elle était malade. Sa mère était de nouveau malade et il fallait la guérir.

Un nouveau cri chassa le silence qui revenait à pas de loup, et Sarah mordit plus fort dans sa paume, ignorant la douleur, tâchant de ne pas crier elle aussi.

Au troisième cri, la porte s'ouvrit sur la mince silhouette de Connor. Déséquilibrée, Sarah s'effondra sur le sol, le poing rouge et les yeux brillants de larmes contenues.

"Mais qu'est ce que je t'ai dit ?" siffla Connor.

Sans douceur, il la saisit par le bras et la remit sur ses pieds. Mais Sarah ne lui prêtait aucune attention ; son regard était rivé à la forme fragile qu'on devinait sous les draps.

"Sors d'ici !" ordonna Connor dans un murmure.

La forme remua, les draps glissèrent sans un bruit.

"Est ce que c'est toi, Soleil ?" demanda la voix rauque.

Sarah resta silencieuse. A regret, Connor la fit avancer d'une bourrade dans le dos, mais elle était incapable de parler.

"C'est elle, maman." répondit-il à sa place.

"Approche, mon bébé." Dit la voix fantôme.

Connor la poussa un peu plus fort, son front clair plissé par l'angoisse sous les mèches de cheveux sombres. Sarah avança en silence, se sentant comme condamnée à mort. Elle ne savait plus si elle aurait voulu serrer de toutes ses forces la forme fragile de sa mère ou alors s'enfuir le plus loin possible de ce souffle rauque et de cette odeur d'hôpital.

Ni l'un ni l'autre n'était possible, de toutes façons.

Quelques sourdes secondes plus tard, elle découvrit le visage blanc, encore plus pâle, encore plus maigre, encore moins ressemblant à sa mère.

Juste un fantôme de mère, et encore.

"Est-ce que tu as peur, Soleil ?"

Non, non, non, non, il y avait des choses qu'ils ne fallait pas demander. Elle n'avait pas peur, pourquoi aurait-elle peur, d'ailleurs ? Il n'y avait aucune raison d'avoir peur, dis maman ?

"Un petit peu."

Les deux mains maigres, aussi maigres et ridées que des mains de vieille femme, se refermèrent sur la sienne.

Pourquoi as-tu des mains de vieille femme, maman ?

Mais les mains étaient chaudes.

"Mon petit soleil, il ne faut pas avoir peur. Je n'ai pas peur, parce que je suis avec toi."

"Est ce que tu restera avec moi ?"

Où est-ce qu'elle pourrait aller, voyons ? Elle ne peut pas bouger du lit !

"Bien sûr, toujours."

Non, maman, pas toujours. Je ne veux pas de ce toujours-là, dis-moi un an, dix ans, mais pas toujours…

"Et on ira se promener dans le parc ?" dis très vite Sarah "Et à la plage pour les vacances d'été, et tu m'emmèneras à l'école ?" encore plus vite, pour ne pas réfléchir." Et on aura un chien, et Connor ira au collège avec son vélo rouge, et…"

"Soleil…"

Non, non, non, non ! Pas les larmes… Dans le regard de sa mère, elle pouvait lire qu'il n'y aurait plus da ballade dans le parc et encore moins de vacances à la mer, que Connor n'allait plus au collège parce que Mitch l'en empêchait et que d'ailleurs le vélo rouge était oublié depuis longtemps.

"Je t'aime, ma chérie…"

Non, non, non, non…

"Moi aussi, maman."

"Ce n'est pas la dernière fois."

"La dernière fois ?" répéta Sarah, sans comprendre.

"Non, " confirma sa mère comme si ce qu'elle venait de dire était très clair "On se reverra."

"Bien sûr, pourquoi est-ce…"

Pourquoi est-ce qu'on ne se reverrait pas ?

"Je reviendrais. Je reviendrais pour te dire au revoir. Même si tu ne me reconnaîtra peut-être pas…"

"Au revoir ? Pourquoi au revoir ? Tu ne vas nulle part, tu n'as pas besoin de me dire au revoir !"

Sa mère sembla hésiter un moment, puis elle eut un faible sourire. Un pâle ersatz de celui qu'elle faisait avant.

"Bien sûr, ma chérie. Où avais-je la tête ?"

Non, non, non, non ! Et elle s'enfuit. elle fila dans le couloir, échappant aux mains de sa mère, aux bras de Connor, au lit blanc et au sourire fantôme.

Et dans le couloir, elle s'effondra, le front appuyé contre la vieille commode de bois, celle qui avait longtemps trôné dans sa chambre de bébé.

"Sarah ?"

La voix de son frère était tremblante et inquiète. Rien à voir avec le ton impérieux qu'il employait d'habitude.

"Pourquoi elle a dit ça, Connor ? Pourquoi est-ce qu'elle parle comme si… Comme si…"

Elle déglutit. De son poing douloureux, elle cogna contre la commode. Un peu de bois arraché lui écorcha la peau.

"Comme si on n'allait plus jamais la revoir ?"

Derrière elle, les traits tirés et les poings crispés sur le tissu de son jean, Connor pleurait en silence.

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4 mai 1986.

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Connor Tillman, douze ans à peine, pédalait énergiquement le long du chemin défoncé. Les creux et les pierres secouaient violemment son vieux vélo mais il ne diminua pas son allure.

Ce mince ruban de terre pâle conduisait jusqu'à la petite maison de bois dans laquelle il vivait avec sa mère et sa sœur Sarah. Et cet après-midi-là, il était en retard.

Il avait promis d'être à la maison à cinq heures piles pour que sa mère puisse se rendre à la pizzeria où elle travaillait chaque soir depuis le début du mois, lui laissant la garde de la petite Sarah en l'absence de baby-sitter. Seulement, il n'avait pas prévu les trois idiots qui l'avaient attendu à la sortie du collège pour lui taper dessus et déchirer ses vêtements.

Du coup, il était en retard.

Après une dernière accélération, il arriva en vue de la vieille voiture verte, tout ce qu'il restait de son père, décédé trois ans plus tôt. Il serra les freins et stoppa son vélo dans la petite cour de gravillons en un dérapage parfait.

"Maman ?"

Pas de réponse.

"Maman ?"

Peut-être était-elle déjà partie ? Non, peu de chance qu'elle eut laissé Sarah toute seule. A presque sept ans, la fillette se mettait à pleurer dès que sa mère et Connor disparaissaient de son champ de vision, elle était comme ça depuis la mort de leur père, abattu sous leurs yeux par un dealer.

Il contourna la maison. Elle l'attendait toujours sur le porche, de l'autre côté. Là où, normalement, elle aurait du entendre son cri.

Des cris.

Pas les siens, quelqu'un d'autre criait, à l'intérieur.

"Sarah !"

Pris de panique, il abandonna dans l'allée son vélo et son sac à dos et parcouru à toute vitesse les derniers mètres le séparant de la porte.

"Sarah ?"

Personne ne répondit. Sa petite sœur avait cessé de crier. Connor traversa la cuisine au pas de course, sentant un sourde angoisse lui étreindre la gorge.

"Sarah ?"

Malgré lui, il se souvint du jour où ces types étaient venu s'en prendre à son père, les grosses matraques noirs, le sang et les cris…

Ses cris…

"Bon sang, espèce de salope, tu vas me dire ce que tu as fait de ce putain de fric !"

Les cris venaient de l'escalier, il en était sûr, maintenant. Connor se sentit presque soulagé en reconnaissant la voix de Mitch, le crétin avec lequel sortait sa mère depuis quelques mois.

"Va te faire foutre, puisque je te dis que je n'ai rien !"

Juste une dispute… C'était banal, c'était quelque chose qui arrivait toutes les semaines, rien qu'une histoire de fric…

Si seulement Sarah pouvait arrêter de crier…

"Mais lâche-moi, à la fin !"' cria sa mère.

Et Sarah hurla encore plus fort. Connor fit demi-tour et regagna le salon. Sarah l'aperçu du haut des escaliers et lui lança un regard quasi-désespéré. Tout près d'elle, Mitch tenait sa mère par les cheveux, le visage violacé, la secouant et lui arrachant de petits cris de douleur.

"Lâche-la !" hurla Connor, figé dans le salon "Lâche-là, fils de pute !"

Mitch l'ignora et tira un grand coup, la front de leur mère effleura presque la première marche, elle vacilla, en équilibre précaire en haut de l'escalier. Un cri suraigu échappa à Sarah, et Connor fut tenté de l'imiter.

"T'as voulu me baiser, hein, Amy ? Tu croyais que tu pouvais m'avoir ? Où est mon blé ? Je te le répéterais pas, pauvre conne !"

"Mitch, je t'en prie !"

"Lâche-la !" cria Connor.

Et il bondit vers l'escalier, et tout s'enchaîna à toute vitesse.

Dans un sursaut d'énergie, sa mère se redressa avec un cri de douleur, abandonnant quelques mèches de ses longs cheveux aux doigts poisseux de Mitch.

"Espèce de sale petite pute…"

Et il la frappa. Un réflexe de mec, dirait-il plus tard. Son poing heurta sa mâchoire et la projeta en arrière, vers les marches.

Et elle tomba.

Paralysé, Connor vit le corps de sa mère dévaler les marches, mou comme une poupée cassée, avant d'atterrir sur le carrelage avec un drôle de bruit.

Et elle resta immobile, son poignet formant un angle bizarre et du sang s'écoulant de sa lèvre, là où Mitch l'avait frappée.

Sarah ne criait plus.

"Merde, gamin, elle est morte ?" demanda Mitch dans un souffle.

Connor l'ignorait, et il n'avait pas vraiment envie de le savoir. Le corps d'Amy Tillman se faisait trouble à ses pieds, le sang cognait plus fort qu'une enclume contre ses tempes.

"Réponds, petit !" pressa Mitch "Elle a clamsé ?"

Connor ne dit rien, et Amy resta immobile.

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22 mai 1990.

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Le front appuyé dans la paume de sa main, Harry contemplait son cahier d'un œil morne. Décidément, cette journée ne présentait vraiment aucun intérêt; le professeur Kyles n'était nulle part en vue, Mlle Linsey assurant les cours de la journée, et Danny était absent, peut-être malade, ou peut-être qu'il avait raconté à sa mère leur aventure de la veille. Elle ne l'avait sûrement pas crût, mais sans doute avait-elle jugé bon de lui faire manquer l'école afin qu'il évite le professeur bizarre et son copain Harry tout aussi inquiétant.

Pire que sans intérêt, cette journée s'annonçait même carrément désagréable, se dit-il en coulant un regard dans le fond de la classe, où Dudley et Gordon ricanaient en toute impunité, Mlle Linsey ayant renoncé depuis longtemps à l'idée de les faire taire.

Les chiffres sur son cahier semblaient se tortiller dans tous les sens, comme les personnages de kids' zone. Les pensées aussi se tortillaient, à l'instar des chiffres ; les questions, surtout. Qui et quoi ? Comment ? Pourquoi ? Qui était réellement le professeur Kyles ? Que voulait l'homme aux yeux rouges ? Qu'était vraiment la magie et surtout, qu'est ce que lui, Harry Potter, venait faire au beau milieu de toute cette histoire ?

Le monde avait changé, entre hier et aujourd'hui. Les autres enfants semblaient encore plus différents, tout lui semblait étrange et même sa tante, qui pourtant était l'incarnation même de la constance et la normalité, se mettait à agir de manière incompréhensible.

Et cette andouille de Danny qui lui faisait faux bond. Avait-il vraiment tout avoué à sa mère ? Une petite boule de papier mâché, froide, humide et collante, un peu comme les questions, s'écrasa sur sa nuque avec un petit splash. Harry ne se retourna pas, mais entendit Dudley rire encore plus fort quand il passa sa main dans ses cheveux pour en déloger le projectile.

Ouais, carrément désagréable.

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1er janvier 1999.

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Pour la dixième fois depuis le début de la nuit, et pour la millième fois au moins, Ron se redressa en sursaut sur son fauteuil de bois.

"Harry ?" appela t'il doucement.

Pas de réponse. Pas plus que les fois précédentes. Il ignorait ce qui le réveillait, mais c'était toujours la même chose : ce souffle chaleureux qui le traversait, c'était un peu comme le sourire de son ami, celui qu'il avait quand ils se retrouvaient après les vacances d'été, son sourire "c'est cool de retrouver la maison !".

Et, à chaque fois, juste avant d'ouvrir les yeux, il était certain que c'était Harry, qu'il allait croiser ce regard, un peu sage, un peu espiègle, qui précédait les éclats de rire.

Alors quoi, vieux, tu m'as laissé dormir pour les fêtes ?

Mais ses yeux restaient clos.

Un grincement, derrière lui. Presque à regret, il détourna son regard du visage immobile et se tourna vers la porte.

Et là, le front appuyé contre le chambranle, le visage plus pâle que la mort et le regard empli d'incrédulité, comme s'il se demandait comment il avait bien pu arriver jusqu'ici, se tenait le professeur Rogue.

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22 mai 1990.

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Les mains dans les poches et la mine sinistre, Harry errait sans but dans la cour de récréation, contournant le plus largement possible le terrain de sport pour éviter d'être repéré par Dudley où l'un de ses idiots de copains.

Finalement, il gagna le préau, et se laissa tomber sur les marches froides. En silence, il laissa son regard glisser sur ses camarades, tous ces garçons et ces filles si heureux et insouciants, si normaux.

"Salut, je te cherchais."

De surprise, Harry faillit chuter au bas des marches. Il se retourna et son regard errant fut capturé par celui de Sarah aux yeux d'étoiles.

Sauf que ce matin-là, c'était des larmes en diamant qui brillaient sur son visage, et la peau pâle de ses joues était marbrée de rose et d'argent.

Ce matin-là, Sarah pleurait.

"Qu'est ce qu'il t'arrive ?"

Avec des gestes lents et gracieux, elle le contourna et vint s'asseoir près de lui, sur les marches.

"C'est ma mère, elle est malade."

"Oh…" souffla Harry.

Que dire d'autre ? Tu sais, c'est peut-être pas si grave… Stupide, et dérisoire. C'était grave, il le voyait dans ses yeux.

"Elle est malade depuis longtemps, je crois." continuait Sarah "C'est peut-être pour ça qu'elle a… Qu'elle a changé."

"Changé ?"

"Oui, elle… Elle n'est plus comme avant…" de nouvelles larmes se formèrent au coin de ses yeux "Tu sais Harry, je crois… Je crois que je ne la reverrais plus."

Harry sentit comme une minuscule aiguille lui traverser le ventre. Il posa sur elle un regard navré.

"Ne dis pas ça, tu ne peux pas savoir… On ne peut jamais savoir…"

Sarah releva les yeux. Des yeux encore plus grands que d'habitude.

"C'est vrai ?"

Quoi ? Qu'est ce qui est vrai ? Il acquiesça, sans rien dire, ne sachant au juste ce qu'il confirmait.

D'une main tremblante, il effaça les traînées argentée sur ses joues, recueillant un peu de lumière au bout de ses doigts, elle lui offrit un pâle sourire et sans comprendre pourquoi, il songea à l'Ombre.

Peut-être que Sarah était son chemin des étoiles ?

Mais le sourire se changea en grimace et elle laissa échapper un petit rire amer, un rire de grande personne, un rire en-fait-c'est-vraiment-pas-drôle.

"En plus, j'ai même pas fait mes exercices de math…"

Et Harry eut presque envie de rire, lui aussi. Parce que c'était bête, qui se soucie d'un devoir de math quand tout va mal ? Mais le professeur ne savait que le monde s'effondrait, il ne voyait pas que les étoiles s'éteignaient une à une dans les yeux de Sarah, alors, pour lui, ça resterait important.

De nouveau il embrassa du regard le cour de récréation, Dudley et ses amis normaux, les professeurs qui savaient toujours tout parce qu'ils étaient les professeurs, la marelle avec ciel et terre tracée en lignes parfaites sur le goudron, comme si on pouvait vraiment capturer le ciel et la terre.

"Je voudrais m'en aller." murmura Sarah.

Il la regarda un moment. Elle était jolie ; bien plus jolie que cette stupide école avec sa marelle et sa cage au écureuils. Bien plus jolie que le monde qu'il connaissait.

Il prit sa main dans la sienne, un peu maladroit et vaguement incertain.

"Alors on s'en va." souffla t'il tout près de son visage.

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Ils n'allèrent nulle part et ils allèrent partout. Le monde autours d'eux devenait étrange et étranger, et le réel se fondait dans les histoires qu'ils se racontaient. Ils n'avaient pas vraiment de but mais Harry trouva qu'avec la main de Sarah dans la sienne, ça n'avait rien de terrifiant. Little Whining se teintait de mystère et de merveilleux.

Il l'emmena dans le petit parc et lui raconta l'Ombre, il lui dit aussi la musique et les secrets, il parlait de magie et de rêves, et de tout ce qu'il aurait voulu dire, et qui tout d'un coup cessa d'être bizarre.

Ils déjeunèrent des biscuits que Sarah avait glissé dans son sac la veille, assis au pied du banc de l'Ombre, protégés par une fine nappe de ciel d'argent.

Ils jouèrent à des jeux de leur invention, des jeux auxquels on ne perdait jamais vraiment. Sarah cessa de pleurer, et Harry se mit à rire.

L'école avait disparut, l'homme aux yeux rouges n'existait plus, et la mère de Sarah n'était plus malade. Et, cet après-midi-là en s'endormant dans l'herbe douce, ils y croyaient presque.

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Le journal noir, dix-septième page.

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L'orage approche.

Je le sens dans l'air, il est presque là, il accourt en même temps que la nuit.

Il serait grand temps de veiller sur l'enfant.

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22 mai 1990.

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Le sourd gémissement du vent se pris dans les feuilles éveilla Harry. Hébété, il se redressa, ses mains à plat dans l'herbe humide.

"Sarah ?"

Elle était là, tout près, roulée en boule à côté de lui, ses mains crispées sur son ventre. Les traces d'argent étaient réapparues sur ses joues, et la couleur de ses lèvres s'assombrissait.

"Sarah, ça va ?"

Elle gémit, comme le vent. Et Harry sentit l'angoisse lui nouer la gorge, est ce qu'elle était malade ? Est-ce qu'elle allait mourir, comme sa mère ?

"Sarah !"

"Ca revient." grogna t'elle.

Elle se redressa lentement, avec des gestes gauches et malhabiles.

"Qu'est ce qui revient ?"

"Il faut qu'on y aille, il faut qu'on y aille maintenant !"

Harry se leva à son tour, la retenant par les épaules alors qu'elle vacillait.

"Mais aller où ?"

"Chez moi."

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Le journal noir, dix-septième page.

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L'orage approche, l'orage approche mais ils ne peuvent rien tant qu'ils n'ont pas l'enfant.

Ils ne peuvent rien si l'enfant ne vient pas à eux, et pourquoi viendrait-il ? Je sais qu'il connaît le danger à présent.

Ils ne peuvent rien, mais l'orage approche.

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22 mai 1990.

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"C'est… C'est ta maison ?"

Une maison qui aurait fait plisser le nez de la tante Pétunia, songea Harry alors que de fines gouttes de pluie venaient lui fouetter le visage.

Les murs étaient tout gris, le jardin à l'abandon, avec des vieux meubles et des chaises rouillées un peu partout, et un volet pendait tristement.

"Ouais, c'est ma maison." souffla Sarah entre ses dents serrées.

Sa main tremblait dans celle de Harry, et elle trébuchait à chaque pas.

"Mais qu'est ce que tu as ?" murmura t'il.

"Viens…"

La porte n'était même pas fermée. La maison semblait vide, mais peut-être y avait-il la maman malade quelque part ? Sarah tira sur son bras pour le faire marcher plus vite. Ils traversèrent la cuisine et le salon.

"Par là, Harry…"

Elle le fit entrer dans une petite pièce. Une pièce beaucoup plus belle que les autres, avec d'épais rideaux et un bureau de bois. Il y avait aussi une autre porte, de l'autre côté.

Sarah s'appuya contre le mur, et ses cheveux semblaient devenir de plus en plus sombres sur son front de plus en plus pâle.

"Et maintenant ?" pressa t'il "Tu vas me dire ce qu'il t'arrive ?"

"Ouvre le tiroir, " souffla t'elle, ses yeux clos "celui du haut, et prends la clé."

Harry obéit. Il contourna le bureau de bois et ouvrit le premier tiroir.

Et un grand froid l'envahit brusquement.

Là, devant lui, sur le couvercle sombre d'un boîte bizarre, il y avait le soleil vert.

"Harry, dépêche-toi…"

Sarah … La gorge sèche, il attrapa le trousseau de clés, ses yeux rivée sur le soleil.

"Harry !"

D'un secousse, il s'arracha à sa contemplation, et, sans prendre la peine de refermer le tiroir, se précipita vers elle.

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Le journal noir, dix-septième page.

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Dernière chance, l'orage est le plus grand risque. Ce n'est pas n'importe quel orage, et lui qui possède le Loup devrait le savoir.

Si jamais l'enfant allait à eux…

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22 mai 1990.

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La pluie semblait tomber plus fort, dehors, remarqua Harry en descendant le petit escalier de bois.

Tout était sombre, en bas.

Sarah se précipita vers le grand meuble en métal, et ouvrit les lourdes portes. Là, elle attrapa le petit objet rond et transparent. Harry sentit son sang se glacer alors que, d'une main experte, elle plongeait le dard étincelant dans la petite fiole.

Le tonnerre se mit à gronder, dehors. Il y avait peut-être des éclairs, mais, depuis le sous-sol, on ne pouvait les voir.

"Qu'est ce que tu fais ?"

Elle contempla le seringue, minuscule dans sa main, et tourna vers lui un regard presque triste.

"Il n'y a que comme ça, que ça s'arrête."

Et, affalé contre la porte métallique, mordillant sa lèvre, elle planta l'aiguille dans la peau claire de son bras, et appuya sur le piston.

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Le journal noir, dix-septième page.

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Si l'enfant allait jusqu'à eux, alors son sacrifice n'aurait plus aucune utilité, et le pacte serait vain.

Et peut-être, alors, que tout serait perdu.

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22 mai 1990.

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Il retint ses épaules alors que son corps s'affaissait sur le sol. Les étoiles étaient revenues dans son regard, et il se dit qu'elle était belle. Pas belle comme peut l'être une petite fille, mais une autre sorte de beauté, une beauté qui imprégnait ses yeux noirs et son doux sourire, plus doux que celui de la fille aux yeux verts sur la photo au cadre de pâte à sel.

Elle était belle, comme aurait pu l'être une mère.

Alors, oubliant le sol froid et la petite fiole vide, oubliant l'inquiétante boîte dans le bureau là-haut, et parce qu'elle était si jolie, Harry se mit à chanter.

Il chanta la douce mélopée de l'Ombre, et un sourire naquit dans les yeux de Sarah.

Et, serrant très fort sa main dans la sienne, il se pencha et chuchota au creux de son oreille :

"Montre-moi le chemin des étoiles…"

Et Sarah ferma les yeux.

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En haut, alors que l'orage s'éveillait aux ténèbres, un ombre passa derrière les dos de Mitch, debout au milieu du salon vide, et une voix lui glissa à l'oreille.

"Tout est en place…"

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