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10. Perdition.

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Je crois

Que tu es

Comme les flammes autours des croix

Et comme un ange dans les nuages

(…)

Emmène-moi

Emmène-moi dans un manoir

Enchaîne-moi

Enchaîne-moi encore plus bas

Et puis entraîne-moi

Entraîne-moi où le ciel n'existe pas.

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Le manoir.

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22 mai 1990.

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En y repensant, cette bien drôle de journée avait été pour Harry l'une des plus étrange qu'il ait jamais connu. Alors peut-être n'était-ce que justice que l'enfer choisit justement cette nuit pour se déchaîner à ses pieds ?

La nuit avançait, lente et presque douloureuse, dans le sous-sol glacial. Harry frissonnait, la seule source de chaleur restait le corps de Sarah, toujours endormie, appuyé contre son épaule engourdie. De l'extérieur lui venait les bruits assourdis de l'orage, auxquels venait faire échos le plic ploc d'un robinet mal fermé quelque part.

Un autre bruit, aussi, un bruit à peine perceptible, comme le lent ressac des vagues sur une invisible grève, comme une armée qui reviendrait lentement à la vie, comme si quelque chose approchait.

Approche… Approche…

Plus haut, tout en haut de l'escalier, et ça lui semblait un millier de kilomètres, une porte claqua.

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10 décembre 1979.

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Le long corridor descendait vers les ténèbres. Toujours plus bas, toujours plus sombre. La pierre lisse et polie s'était changée en roche humide depuis quelques mètres déjà, et le froid s'insinuait dans ses longs cheveux et sous les pans de sa lourde cape.

Elle ne renonçait pourtant pas. Serrant plus fort le tissu contre sa poitrine, elle avançait, toujours plus loin. Ce qu'elle cherchait était proche, et elle le sentait.

Elle se trompait rarement.

Les torches s'enflammèrent soudainement à son passage. Un tour des plus rudimentaires, certes, mais angoissant tout de même. La petite pièce semblait décrire un cercle parfait, mais quand elle eut fait quelques pas, elle réalisa, surprise, que seule la moitié en était réelle. L'autre n'était que son reflet dans l'immense miroir qui servait de paroi.

"Bienvenue à toi, mon enfant…"

Elle eut un sursaut. Une nouvelle torche s'enflamma près de sa tête, révélant les contours d'une silhouette féminine assise à même le sol.

"Bonjour." souffla t'elle.

L'inconnue redressa la tête, rejetant en arrière sa lourde chevelure sombre, et l'étudia un moment.

"Tu es Lily, n'est-ce pas ? Eh bien, assieds-toi, qu'attends-tu ?" ajouta t'elle avant que Lily n'ait pu confirmer.

Et Lily obéit, mal à l'aise. Elle distinguait son reflet, fragile et tremblant, de l'autre côté du miroir.

"Qu'est ce qui t'a conduis jusqu'ici ? Me trouver n'est pas vraiment une mince affaire, mon enfant. Ceux qui y parviennent ont généralement de bonnes raisons."

"Je ne suis pas sûre… Il y a tellement de choses… Disons que je cherche des réponses."

"A propos de ces rêves ?"

Lily fronça les sourcils.

"Comment savez-vous ?"

L'autre sourit. Ses yeux noirs se plissèrent comme ceux d'un chat.

"Je sais un tas de choses, fillette. C'est bien pour ça que tu es venue me voir, non ?"

Lily acquiesça, se demandant pour la première fois si elle avait vraiment eut raison de venir.

"Je me demande… Je sais que ce ne sont que des rêves, mais ils m'obsèdent, tout semble si… réel."

La femme éclata de rire. Un rire de gorge, chaud, rassurant.

"Que des rêves ? Allons, si tu croyais vraiment ce que tu dis, tu ne serais pas ici."

Lily déglutit, mal à l'aise.

"Allons, détends-toi, je ne vais pas te manger. Dis-moi un peu, quand ont-ils commencé ?"

"Cet été, il y a six mois, environ. Au début, c'était très court, ce n'était même pas réellement des rêves, c'était comme… Je ne sais pas trop…"

"Comme des flashs ? Comme une image étrange qui venait faire irruption dans ton sommeil ?"

Lily acquiesça.

"Puis c'est devenu plus fréquent, plus… effrayant."

La femme poussa un soupir, et une lueur de compassion traversa ses yeux bruns.

"Tu peux en être sûre, ce ne sont pas des rêves."

"Alors… Quoi ?"

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22 mai 1990.

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"Sarah ?"

Les yeux brûlants, hébété par la fatigue, Connor traversa la cuisine d'un pas de somnambule.

"Sarah ?

Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, peut-être vingt-deux, vingt-trois heures, il avait perdu le compte. Regarder sa mère mourir doucement n'aidait pas à conserver la notion du temps.

"Sarah !"

Dehors, cette fichue tempête ne se calmait pas. "Une soirée parfaite pour crever" aurait dit son père s'il avait été là, lui qui était mort par un après midi d'été des plus radieux. Sans doute qu'il ne l'avait pas digéré.

Cette nuit s'annonçait interminable, et tant mieux, parce que le matin, le "retour au calme" serait sans doute pire que tout.

Si seulement cet orage pouvait l'emporter lui aussi, l'emporter pour toujours.

"SARAH !"

"Elle est pas là, la petite." grogna une voix dans son dos.

Connor sentit une main glacée lui étreindre le cœur. Sarah, pas là, en pleine nuit avec un temps pareil ?

Il se retourna, lentement, pour faire face au visage ravagé de Neil.

"Et où est-elle ?"

Neil se contenta de sourire, un sourire moqueur de gamin insolent, qui faisait froid dans le dos au beau milieu de ces cicatrices.

"Où est-elle ?" répéta t'il.

Encore ce sourire silencieux.

Connor n'avait jamais aimé Mitch, c'était un type à la fois violent et lâche, égoïste et faux-jeton, malhonnête en toutes circonstances. Et, avant Mitch, il n'avait pas aimé son propre père non plus, d'ailleurs, il aurait pu le détester rien que pour s'être fait liquider sous les yeux de Sarah.

En fait, il lui arrivait parfois de penser qu'il n'avait jamais vraiment aimé personne, pas même sa mère sans forces ni sa sœur sans courage. Mais tout ça, la colère, le mépris ou le dégoût, tout ça n'était rien comparé à ce qu'il ressentait quand il était face à Neil. Dans ces moments-là, toute lueur semblait disparaître, comme si les yeux sombres de Neil avait le pouvoir d'aspirer tout espoir. Il se sentait envahi d'une terreur sans nom, comme une foudre glacée qui s'abattait sur ses épaules, et la haine n'en était que plus grande.

Parce que Neil savait, il savait depuis ce jour où Mitch l'avait ramené, à peine un an plus tôt, que Connor pouvait sentir ce froid, cette aura trouble, et qu'il en avait une trouille bleue.

"Où est-elle ?" dit-il une troisième fois, et sa voix trembla, cette fois-ci.

Alors la grosse patte tordue de Neil s'abattit sur son épaule, tout près de son cou, le pouce posé sur sa gorge.

"En sécurité."

Ca n'allait pas, ça n'allait pas du tout. Connor se rejeta en arrière et quitta la cuisine, mettant le plus de distance possible entre lui et Neil. Sans se retourner, il se dirige vers la porte d'entrée.

"Connor ?"

L'appel était implacable, cette fois, ce n'était plus ce murmure doucereux. Connor s'immobilisa devant la porte, sans se retourner.

"Où tu vas comme ça ? Tu devrais rester veiller sur ta mère, mon garçon. Tu ne voudrais quand même pas qu'il lui arrive un pépin ?"

Et Connor songea, en sentant le métal froid de la poignée se réchauffer sous ses doigts, que s'il en avait eut la force et le courage, il aurait tué Neil, ici et maintenant.

Une nuit parfaite pour crever, pas vrai ?

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22 mai 1990

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L'orage faisait plus de bruit, par ici. L'endroit résonnait de tous ses cris de douleurs. On aurait dit un repère, un repère pour tous ceux qui étaient perdus, et qui avaient mal.

Il les avait vu, les gisants de la nuit, il avait sentit le monstre noir et dévorant qui faisait claquer ses invisibles mâchoires dans l'ombre, et si celui-là n'avait pas les yeux rouges, il n'en était pas moins terrifiant.

Harry avait peur.

Ce n'était pas la première fois, vraiment pas, qu'il avait la trouille. Mais c'était la première fois qu'elle était aussi vraie, que le danger paraissait si réel. Quelque chose de mauvais allait se produire, et pour de bon.

"Sarah ?"

Doucement, il la secoua. Ils étaient seuls dans l'immense salle. Seuls à l'exception d'un couple d'adolescents, là-bas tout au fond, qui s'embrassaient avec une avidité presque sinistre, repoussant comme ils le pouvaient leurs propres ténèbres.

Et de l'homme qui les avait conduits jusqu'ici.

Il était assis au milieu, juste devant eux, ses yeux rivés sur le couple, fixant la fille dont on apercevait les seins.

Et au-dessus d'eux, la tempête enflait toujours, le toit était en partie effondré, et les bâches de plastique transparent qui pendaient ça et là ne parvenaient plus à arrêter les rafales de vent et la pluie.

Et Sarah ne se réveillait pas.

Et Harry avait peur. Il ne savait pas qui était l'homme, mais ça n'avait pas d'importance. Il savait que l'homme était les rêves, l'homme aux yeux rouges et les voix dans la nuit, et s'il ne l'était pas, il n'allait pas tarder à le devenir.

"Sarah !"

Et Sarah ne se réveillait pas.

Un coup de vent plus puissant encore balaya les bâches, et c'est alors qu'il commença à sentir le froid.

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10 décembre 1979.

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Lily se rejeta vivement en arrière, secouant furieusement la tête.

"L'avenir ? Ce n'est pas l'avenir, je n'ai rien d'une voyante, enfin… J'ai toujours été nulle en divination !"

La femme aux cheveux sombres tendit la main vers elle dans un geste rassurant, mais Lily recula un peu plus.

"Je n'ai jamais dit que tu étais voyante, Lily, voir l'avenir est un don très rare, et tu ne le possèdes pas."

"Alors comment ces rêves pourraient-ils… C'est impossible !"

Les yeux sombres l'étudièrent un moment. Puis, la femme puisa dans un petit sac une poignée de poudre brillante, qu'elle jeta dans le feu.

La moitié de la salle qui se trouvait de l'autre côté de la salle sortit de l'ombre, et Lily distingua nettement son reflet aux yeux écarquillés.

"As-tu déjà entendu parler de John Callway, Lily ?"

Elle acquiesça.

"En cours d'histoire, je crois. C'était un type qui avait inventé toute une théorie étrange comme quoi… La magie serait vivante."

"Comme quoi la magie aurait une conscience. " rectifia l'autre "Et cette théorie n'a rien d'étrange, tu sais. Pourquoi crois-tu que le destin soit inscrit dans les étoiles, et d'où viennent les prophéties, selon toi ? Il y a une dizaine de siècles, il a mené dans l'ombre toutes sortes de travaux visant à le prouver."

"Est-ce qu'il y est parvenu ?" demanda Lily.

"On l'ignore, il a été brûlé vif avant de pouvoir exposer ses découvertes."

Lily eut un sursaut.

"Quoi ?"

"Les idées nouvelles n'étaient pas forcément bien perçues, à cette époque.

Mais la partie intéressante c'est que, selon cette théorie, cette conscience, habituellement totalement neutre, serait capable d'influencer le cours des choses, à certains points de l'histoire."

"En envoyant des rêves ?" fit Lily, incrédule.

"Pas seulement des rêves, il y a toutes ces histoires de prophéties, parfois même elle envoie ses émissaires, les errants, des êtres nés de la magie, dont ils partagent la conscience, et qui disparaissent après avoir accomplit leur tâches."

Elle se pencha en avant, par-dessus le feu.

"Lily, il y a fort à parier que tes rêves sont de cette nature."

"Et si je ne crois pas à ces histoires ? Si John Callway n'était qu'un illuminé ?"

"Allons, Lily, le mot "illuminé" n'est qu'un des multiples synonymes de "visionnaire". Ce n'est pas une question de croyance ou de foi, et tu le sais. Tu l'as toujours su, parce que c'est en toi. Sinon, tu ne serais pas ici ce soir."

Lily secouait la tête, incrédule, atterrée.

"Mais alors… Qu'est ce qu'on essaie de me dire ?"

"Ca, mon petit ange, c'est ce que nous devons découvrir."

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22 mai 1990

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Sur un nouveau coup de tonnerre, Sarah ouvrit les yeux. Surprise, elle agrippa le bras de Harry en poussant un cri aigu.

Harry bougea à peine. Il avait bien trop froid. Le vent le glaçait et tout son corps était secoué de frissons.

"Où on est ? Harry ! Qu'est ce qu'on fait là ?"

Sans un mot, Harry désigna d'une main tremblante la silhouette de l'homme, qui faisait les cents pas au milieu des rideaux de plastique tout déchirés.

Sarah sursauta.

"Mitch !" s'écria t'elle.

Mitch ? Alors Sarah le connaissait. Harry avait de plus en plus de mal à réfléchir, engourdi par le froid.

Les adolescents avaient disparu.

"Mitch !" appela encore Sarah "Qu'est ce qu'il se passe ?"

La voix de Sarah lui semblait si lointaine. Il ignorait combien de temps avait passé, il avait si froid. Le vent brûlant comme le givre s'insinuait sous ses vêtements, perçant sa peau. Il se sentait comme infecté.

"Mitch !"

Sarah criait toujours, mais sa voix semblait onduler, comme les rideaux transparents, qui ondoyaient tels des fantômes. Un peu comme dans les rêves.

Approche

La voix semblait si réelle. Cette voix qui avait appelé et appelé encore, la nuit, le jour, toujours pressante et presque intime. A présent, elle pouvait exister. Elle avait accomplit sa tâche.

Elle avait conduit Harry tout au bout, jusqu'à la fin.

Approche encore…

Si seulement elle pouvait disparaître, à présent.

Ses mains tremblaient si fort qu'elles ne restaient pas en place sur ses genoux. Et juste quand Harry se dit qu'il était impossible d'être aussi gelé, le froid redoubla d'ampleur.

Une silhouette apparut devant eux. Une ombre vague dans le brouillard fantôme des rideaux transparents. Et la terreur perça sous le froid.

Il voyait les silhouettes immatérielles, à la beauté terrifiante qui dansaient, tournoyant sans fin, leurs yeux vides et leurs bouches ouvertes sur les ténèbres. La musique grinçait, monstre ricanant, il voyait le nuage noir, l'obscurité vomissante, qui planait au-dessus d'eux.

Ce n'était pas son long manteau noir, ce n'était pas la cagoule qui masquait son visage. Ce n'était pas lui.

Ils dansaient toujours, vampires avides de vie et de mort, inconscient de leurs plaies béantes. Il les voyait danser, danser encore et toujours… Encore… Et encore…

C'était le coffret qu'il tenait entre ses mains.

Il les voyait danser, et, parmi eux… Il reconnut son propre visage.

Le coffret au soleil vert.

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10 décembre 1979.

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"Il y a un enfant. Toujours le même petit garçon. Il est seul et il a peur, des gens lui veulent du mal. Il y a des voix, des cris, de drôles de fantômes qui l'entourent, ils font comme un brouillard autours de lui, continuellement."

Lily redressa lentement la tête.

"Il est en danger, en très grand danger."

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22 mai 1990

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"Alors, tu as fini par venir, hein ?"

L'invisible visage se pencha sur Harry, et il eut la désagréable impression que, si lui ne pouvait pas le voir, l'autre distinguait jusqu'à son âme.

Sarah tremblait près de lui, pourtant, il avait l'impression d'être le seul à sentir le froid.

Le tonnerre grondait toujours, comme un monstre affamé, mais Harry ne savait plus très bien si c'était dehors, ou ici.

"Ainsi, le voilà, notre petit ange…"

N'aie pas peur, petit ange, tu es ici chez toi…

Le coffret était posé sur le sol, le symbole menaçant tourné vers le ciel déchaîné, et l'homme avait quelque chose à la main, une baguette de bois clair. Une autre force travaillait pour lui, comprit Harry.

La magie.

Approche, mon mignon…

L'autre homme - Mitch - le rejoignit près du mur, contournant le petit coffre noir avec une crainte quasi révérencielle.

"Qui sont ces types, en bas, il y en a des dizaines…"

"Mitch…" appela Sarah d'une toute petite voix "C'est qui, lui ?"

Un méchant, songea Harry, un vrai de vrai, un pur salaud…

"Ils sont avec moi, moldu."

"Mitch…" souffla Sarah.

"On n'avait pas parlé de ça." objecta Mitch, ignorant Sarah "Qu'est ce qu'ils foutent là ?"

"Ca, mon vieux, c'est mon affaire !"

"Mitch !" glapit Sarah d'une voix suraiguë.

La baguette se pointa sur elle.

"La ferme, gamine !"

Sarah se tut. Harry le sentit trembler plus fort.

"Mais qui êtes-vous donc…" murmura Mitch.

Alors, la cagoule sombre se tourna vers lui, et un drôle de son étranglé se fit entendre, que Harry prit d'abord pour des sanglots. Puis il comprit.

Il riait.

"Tu es vraiment aussi bête que tu en as l'air, hein ? Stupide moldu !"

Des doigts blancs sortirent de sous la cape et se glissèrent sous la cagoule. Puis, lentement, presque avec délectation, l'être sans visage se révéla.

Sarah poussa un cri, Mitch fit un bond en arrière. Harry fouilla dans sa mémoire, les étranges yeux sombres, le visage marqué de cicatrices étaient vaguement familiers.

"Neil…" souffla Mitch.

La gare ! C'était les types de la gare.

Son rire sonna plus clair, cette fois-ci, à peine terni par le bruit du vent.

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10 décembre 1979.

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"Pourquoi est-il seul, Lily ?"

"Parce qu'il a perdu les gens qu'il aimait, et que tous les autres l'ont abandonné."

"Tu es sûre qu'il ne reste plus personne ?"

"Peut-être que si. Peut-être… Mais il n'arrivera jamais à temps. Oh, et il a si peur… Tellement, tellement seul…"

"Pourquoi est-il seul, Lily ?"

"Vous m'avez déjà posé cette question."

"Pourquoi est-il seul, Lily ?"

"Je vous l'ai dit, parce que… Oh, oh non… Je ne sais pas…"

"Pourquoi est-il seul, Lily ?"

"Parce que… Parce que je suis tombée… Il n'y a plus personne pour effacer ses cauchemars, alors ils le dévorent…"

Elle se tut, releva la tête, interdite.

"Ils font du mal à mon enfant…"

Puis elle éclata en sanglots.

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22 mai 1990

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"Alors c'était toi, c'était toi depuis le début !"

"Oui, moldu, c'était moi. Qu'il eut cru, j'étais plutôt doué, non ? Ou alors c'est toi qui est particulièrement stupide."

De nouveau, il se planta devant Harry. Ses yeux luisaient par intermittence, tantôt plein de ténèbres, tantôt aveuglants.

"Mais ça n'a plus aucune importance, maintenant."

Il tendit la main et effleura la joue de Harry. Harry savait d'instinct que les doigts étaient froids, mais il était tellement gelé lui-même qu'ils lui semblèrent presque chauds.

"Parce qu'il est là, n'est-ce pas ? Harry Potter, le Survivant."

Et il rit de nouveau, amusé par une ironie sinistre, que lui seul pouvait comprendre.

"Tu croyais peut-être que tu pourrais t'en sortir ? Que mon maître disparaîtrait comme ça…"

Mon maître.

La main remonta le long de son coup, se glissa dans ses cheveux.

Lui.

"Tu croyais qu'il n'avait pas prévu son retour ?"

Il tira violemment. Harry sentit un éclair de douleur lui traverser la nuque. Sarah poussa un cri strident.

"J'attends depuis si longtemps, tu sais, j'attends depuis des années."

Il tira encore plus fort, et Harry poussa un cri.

"Je ne te tuerais pas, petit homme, tu ne mourras pas aujourd'hui, non. C'est un maléfice qui prend son temps, très longtemps. Le maître aura encore besoin de toi, tu comprends ?"

Harry sentait les larmes lui monter aux yeux. Mais il était sûr qu'elles ne couleraient pas, jamais. Elles se changeraient en glace sous ses paupières.

Il tira si fort que le front de Harry toucha presque le sol poussiéreux.

"Réponds-moi, sale petite vipère, est-ce que tu comprends ce que je dis ?"

"Je ne sais pas…" hoqueta Harry "Je ne sais pas de quoi vous parlez…"

Et l'homme lâcha ses cheveux. Une brève seconde, Harry ressentit une vague de soulagement alors que la douleur s'évanouissait. Puis, l'homme leva le poing, et la douleur éclata de nouveau, juste en dessous de son oreille, et Sarah hurla encore.

Il se leva et se tourna vers Mitch. Harry parvenait à peine à le suivre des yeux. Il vit sa lourde silhouette qui se brouillaient alors qu'il tendait le bras.

"Qu'est ce que tu fais ?" siffla Mitch.

"Ne t'inquiète pas, il paraît qu'on ne sent rien."

"Neil, qu'est ce que tu fous ? Arrête, tu…"

"Impero !"

Le corps de Mitch devint bizarrement mou. Il cligna des yeux, plusieurs fois, hébété.

Repoussant les pans de sa longue cape noire, l'homme tendit un objet métallique, étincelant, qu'il plaça dans sa main.

"Occupe-toi des autres, à présent."

Harry croisa un instant son regard, des yeux emplis d'une lueur qui leur était étrangère.

Puis, Mitch s'éloigna.

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23 mai 1990.

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Sa respiration laborieuse était presque aussi douloureuse pour lui que pour elle. La tête entre ses mains, son front appuyé sur son bras froid, il se sentait glisser, irrémédiablement, comme si cette interminable nuit n'était qu'une succession de chutes.

Et il n'était même pas encore minuit.

Par moments, il la haïssait, il la haïssait vraiment. Toute cette colère, toute cette souffrance, c'était elle. Elle qui n'arrivait même plus à se battre. C'était si facile de crever, finalement.

"Connor ?"

Une main remua doucement contre sa joue. Elle était si maigre qu'il pouvait sentir les os de ses doigts.

"Qu'est ce qu'il y a ? Tu as soif ?"

Il chercha du regard le verre et la bouteille d'eau.

"Connor, où est ta sœur ?"

Sa gorge se serra un peu plus. Bonne question, où était-elle ?

Ce n'est pas fini… Je reviendrais te dire au revoir…

"Elle… Elle est en sécurité." dit-il tout doucement.

"Comment ?"

Elle fut prise d'une violente quinte de toux. Connor lui tint fermement les épaules alors que son souffle se faisait plus brûlant encore.

"Vas la chercher… S'il te plaît…" haleta t'elle.

"Non, maman, je dois rester près de toi." murmura t'il en l'aidant à se rallonger.

Mais elle secoua la tête, comme une petite fille têtue, repoussant ses mains.

"Vas-y maintenant, s'il te plaît. Vas-y, c'est important."

"Mais maman…"

Elle prit sa main entre les siennes.

"Je ne risque plus rien maintenant." souffla t'elle "Mais Soleil a besoin d'aide. S'il te plaît, mon chéri."

Non, hurla t'il en silence, je ne peux pas partir ! Que cette petite idiote se débrouille, si elle s'est encore fourrée où il ne fallait pas !

"Connor…" supplia Amy.

La mort dans l'âme, il se leva. Il attrapa la bouteille et le verre vide, qu'il plaça sur la table de nuit, à sa portée.

Au moment où il ouvrait la porte, elle fut de nouveau prise d'une quinte de toux. Il se retourna vivement, prêt à revenir sur sa décision, mais elle secoua simplement la tête.

Alors il sortit, prenant soin de fermer la porte derrière lui.

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1er janvier 1999.

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Fumseck s'endormait lentement sur son lit d'or et d'argent. Jamais encore une combustion ne lui avait prit tant de temps, mais Dumbledore soupçonnait que c'était lié à Harry, lequel se battait pour l'autre, il n'en était pas sûr, mais l'un comme l'autre devaient sentir que le temps leur était compté.

Dumbledore ne regardait plus le phœnix, son fidèle compagnon depuis si longtemps. Face à la fenêtre, il laissait son regard errer sur Poudlard, sa belle école.

Cette nuit avait un goût de non-retour, mais, malgré ses larmes, il restait droit.

Ils n'avaient pas encore perdu.

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23 mai 1990.

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"Sarah !" hurla de nouveau Connor, se forçant à ignorer l'angoisse qu'il sentait monter.

Où pouvait-elle être ? Etait-elle seulement rentrée de l'école ?

Il n'était même pas allé la chercher, mais elle savait bien rentrer toute seule, après tout, elle avait quand même onze ans !

Puis, c'est alors qu'il comprit. Il sut où elle était, mais ça n'avait rien de rassurant.

Le sous-sol.

Vraiment ? Savait-elle vraiment ce qu'il y avait, en bas ?

Bien sûr qu'elle sait, pas complètement débile, quand même.

Les jambes tremblantes, Connor traversa le salon, et atteignit la petite pièce. La porte du sous-sol était fermée.

Elle n'est pas là… Elle n'est pas en bas…

Mais l'angoisse demeurait. S'exhortant au calme, il contourna le bureau, ouvrit le premier tiroir, cherchant la clé.

Et sa panique monta d'un cran.

Et merde !

Le coffret avait disparut.

Il referma le tiroir d'un coup de poing, mais dans le vacarme du tonnerre, le bruit s'entendit à peine.

"Et bien, le môme, qu'est ce qu'il t'arrive ?"

Mitch.

Connor se releva d'un bond.

"Où est Sarah ?"

"T'en fait pas, elle n'a rien."

"Je te crois pas !" siffla Connor "Où est-elle ?"

Mitch se contenta de ricaner. Il ressemblait beaucoup trop à Neil, tout d'un coup.

Connor se dirigea vers la porte, faisant mine de contourner Mitch. Il savait qui pourrait l'aider, le tout était de le trouver.

"Où tu vas comme ça, le môme ?"

"Mitch, laisse-moi passer !"

Toujours souriant, Mitch secoua lentement la tête. D'un geste tranquille, il leva le poing, dans lequel brillait quelque chose. Un couteau.

"Tu crois vraiment que je vais te laisser sortir ?"

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