Bonjour/Bonsoir à tous.

Merci pour vos gentilles reviews, ça fait plaisir et surtout ça motive. Pour les lecteurs des marches de poussières, s'il en passe par là, sachez que je pense finir cette fic-là avant de poster la suite des marches, mais il n'y en a plus pour longtemps : il me reste en tout trois chapitres, et les deux derniers sont pratiquement finis.

Encore merci à tous, bonne lecture et surtout : BONNE ANNEE.

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11. Liens sacrés.

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Je marche de travers

Une marche sans repères

Abattu par les fièvres

Par mille et un détours

La sale marche

La sale marche de l'amour

Une confession

Dans sa pudeur

Et la passion devient

Belle comme la peur

Et j'ai mal

De la beauté finale

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More.

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Le journal noir, dix-neuvième page.

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Observe, mon fils, observe. Tels ont été ses mots, tels ont été les derniers mots que j'ai reçu de lui. Ai-je failli ? Je l'ignore. J'avais fait une autre promesse, bien plus longtemps, promis d'être là, d'être présent. Sans doutes les mots que l'on accorde à une sorcière ne valent-ils rien dans notre vaste tâche.

Les errants n'existent pas réellement, mon père, nous ne sommes que des créations de l'instant, des êtres sans nom.

Près de dix ans auparavant, j'ai promis à une jeune sorcière d'accorder la protection d'un enfant. Un enfant qui m'a fait un bien étrange cadeau. Un nom.

L'orage aura sans doutes raison de lui, comme des autres. Mais j'essaierais.

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22 mai 1990.

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Ce n'était pourtant pas la pleine lune.

Le roulis au cœur de ses entrailles évoquait celui d'un océan déchaîné. Dehors, la tempête faisait rage, et pas n'importe quelle tempête. Cet orage avait quelque chose, quelque chose d'inhumain, quelque chose de pas normal, quelque chose qui réveillait le loup.

Rémus crispa ses main sur son ventre en sentant se cabrer ses propres ténèbres. Le loup aspirait à rejoindre l'orage, comme si tout deux avait été de la même nature, de ces forces qu'on cadenassait soigneusement mais qui n'attendaient qu'une seconde d'inattention pour rugir et se déchaîner.

La douleur était si forte que lui aussi s'était mis à rugir avec l'orage, la douleur le possédait, chaque fibre de son être. Il sentait son esprit s'effacer, se noyer dans l'instinct sauvage du loup, si terrifiant et si attirant.

Un coup de tonnerre secoua le vieil immeuble et il eut l'impression de sentir la foudre vengeresse le traverser. Se sentant possédé, il hurla plus fort encore.

Il n'avait pris aucune potion, ce soir.

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Pourtant, retranché dans le cœur du loup, Rémus conservait un souvenir. A ce moment, sans qu'il ne sache trop pourquoi elle choisissait cet instant pour refaire surface, une scène revenait à sa mémoire. Une scène sans importance, un moment insignifiant, de ceux qu'on oublie en quelques minutes.

Mais il se souvenait.

C'était au cours d'une bataille ; pas la première, pas la dernière non plus. Il pleuvait, de ces bruines froides et entêtantes de novembre, et les silhouettes volaient autours d'eux, surgissant, disparaissant ; Aurors, mangemorts, innocents – si les innocents existaient encore – et coupables.

Il se souvenait.

Harry et Ron se tenaient près de lui, la mine sombre, le poing crispé sur leur baguette. C'était le moment crucial, le point de non-retour, l'ultime seconde de contemplation avant de se jeter dans la mêlée, et d'être déchiré par ses serres.

Parfaitement conscients que c'était peut-être la dernière fois qu'ils se voyaient, les deux garçons – si on pouvait encore les appeler des garçons. Est-on un homme à dix-huit ans ? – se regardaient d'un air embarrassé, ne sachant que dire. A ce moment-là – ou peut-être était-ce plus tôt mais Rémus ne s'en était pas encore rendu compte – le soleil avait réapparu, entraînant un arc-en-ciel dans son sillage.

Alors, Harry avait souri, un vrai sourire, qui avait éclairé son regard, un sourire à la Dumbledore, un comme il en offrait quand il était tout petit, et qu'il tendait le poing pour leur faire admirer le tout dernier jouet que lui avait acheté James ; puis il avait frappé l'épaule de Ron d'un coup léger, presque insouciant.

" Vas pas crever sous un arc-en-ciel, Ronnie ", avait-il lancé, " je crois que ça porte la poisse ! "

A voir sa tête, Ron ignorait s'il s'agissait ou non d'un plaisanterie, mais ça ne l'avait pas empêché d'éclater de rire, même si ça sonnait toujours drôle, les rires de guerre.

Vas pas crever sous un arc-en-ciel.

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"Alors, gamin, dis-moi donc, tu crois que je vais te laisser sortir ?"

La lame étincelait, presque aveuglante, dans le poing de Mitch. Connor se sentit brusquement comme un loup blessé, acculé au bord de la falaise. Un loup qui n'hésiterait pas à mordre, même s'il devait y rester.

Une nuit parfaite pour crever, pas vrai papa ?

"J'ai jamais pu te blairer, le môme, toujours là où il faut pas."

Le poing se tendit, la lame décrivit un demi cercle, d'un trait d'argent. Connor esquiva d'un bond sur le côté. Pour l'instant, c'était facile.

Il avait douze ans… Il avait douze ans et il rentrait de l'école sur son vieux vélo rouge. Il avait douze ans et son tee-shirt préféré était tout déchiré…

"Je vais te saigner, le môme…"

La bouche de Mitch s'ouvrit sur un rictus. Ses lèvres étaient d'une étrange couleur sombre, ses yeux luisaient d'un feu qui lui était étranger, un feu mort.

Comme ceux de Neil…

T'as voulu me baiser, hein ?

Attend un peu, Tillman, tu vas voir ta gueule… Il a douze et les autres gamins du collège attendaient à la sortie, comme une meute de chiens enragés… Ils frappent… Oh, ils savent se battre, ils ont bien appris à faire mal, tous, mais lui ne pleure pas, ça non…

Espèce de sale petite pute…

Le couteau plonge à nouveau, encore une fois, Connor évite. Les mouvements de Mitch sont étrangement gauche, comme s'il ne les maîtrisait pas réellement. Connor frappe à son tour, le sang chaud coule contre son poing crispé. Dos à la falaise, le loup aussi sait comment faire mal.

Sarah crie dans un coin de sa tête mais il n'entend plus. La lame glacée d'un couteau de poche entame rudement le tissus de son tee-shirt, effleurant sa peau dans une sinistre caresse.

Et Sarah crie toujours dans l'escalier, et son père s'effondre, une main crispée sur sa poitrine, comme pour dissimuler le sang qui le noie, l'autre sur la crosse de son revolver ; papa qui disait toujours qu'il tirerait le premier, parce qu'il était le plus fort.

Merde, gamin, elle est morte ?

Mitch frappe à son tour, mais le loup Connor riposte, il n'a pas mal. Il se bat avec une rage aveugle, comme un gamin dans une cour de récré, et peu importe la voix qui répète, inlassablement je vais te saigner, le môme

Sa mère qui tombe comme une poupée cassée, brisée à jamais. Sa mère qui agonise lentement, qui disparaît peu à peu.

Elle aura mis un peu plus longtemps, c'est tout.

Réponds, petit, elle a clamsé ?

Il se bat contre des fantômes, à présent, quitte à en oublier que le monstre devant lui est bien réel.

Quitte à oublier…

Belle nuit pour crever, hein ?

Il sent le froid avant la douleur. La pointe déchire la peau de son bras, entamant la chair le long de ses côtes.

Pas vrai ?

Il ne crie pas, il ne sait plus, il a tout oublié, tout sauf…

Juste un peu plus longtemps…

Le sang est chaud le long de son ventre, la sensation serait presque réconfortante. Sa main agrippe le couteau, toujours dans son bras, par la lame. Il tire un grand coup et le métal déchire la peau, mais cette fois, il ne sent vraiment plus rien.

Tu l'avais tuée…

Il croise un instant le regard vide de Mitch, et, au dernier moment, une lueur de compréhension se ravive. Trop tard.

Tu l'avais vraiment tuée…

De nouveau, le métal plonge dans la chair, mais cette fois, c'est le loup Connor qui tient le manche du couteau. Et quand, tout contre son corps, il sent le sang jaillir à nouveau, il peut enfin hurler sa douleur et sa rage.

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"Rémus ?"

Il ouvrit les yeux sur un épais brouillard. Les couleurs tournoyaient à toute vitesse et il sentait le sol froid et dur sous sa joue.

"Ho, Lupin !"

La voix rendait un son étrangement modulé, comme un échos. Tout son corps le brûlait, sa poitrine surtout. Chaque respiration était douloureuse.

"Hé Lupin ! Ca va ?"

La voix ! Il l'avait presque oubliée. Serrant les dents, il pivota sur le côté et se redressa laborieusement sur un coude. Sa chemise était toute déchirée et tachée de sang encore tiède. Son sang.

Dehors, l'orage grondait toujours.

"Orbank ? Qu'est ce que vous me voulez ?"

"C'est à propos de la marque. Mais vous êtes sûr que ca va ?"

Rémus se redressa péniblement. Il avait froid, à présent ; une des fenêtres s'était ouverte et le vent avait envahi l'appartement.

"Ca ira." souffla t'il "Que pouvez-vous m'apprendre ?"

"J'ai découvert ce qu'était la marque de Zargan. Si vos types n'y avait rien compris, c'est qu'ils ont du confondre Jonas Zorgan, un tyran du dix-huitième siècle avec la personne qui nous intéresse : Miler Zargan, né et mort au cours du dix-neuvième siècle."

"Et qui était-ce ?"

"Un dingue. Je ne vois que ça. Certains disaient qu'il était brillant, mais c'était surtout un fou furieux, il a tué des centaines de personnes."

Rémus sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine. Il se leva pour aller fermer la fenêtre, sachant pertinemment que le froid n'était pas en cause.

"Mais qu'est ce qu'il a fait, Orbank, qu'est ce que c'est que cette fichue marque ?"

"L'œuvre de sa vie. Zargan avait vu, un jour, un prophète annoncer que le maléfice de l'Avada Kedavra serait contré, puis vaincu, alors il a voulu… créer un sortilège de mort."

"Quoi, inventer une formule ? C'est possible de faire ça ?"

"Oh, il n'a rien inventé, il s'est contenté de fouiller l'histoire. La connaissance est un arme extrêmement puissante, vous savez… Enfin, il a mis au point une poudre, capable de donner la mort à celui qui l'avalait."

"Un poison ?" fit Rémus "Quoi c'est ça, l'œuvre de sa vie ?"

"Je vous ai dit, qu'il était cinglé ! Et c'était surtout un gars puissant, en son temps, il a massacré des dizaines de cobayes avant de parvenir à quelque chose. Et puis c'est un poison un peu particulier, il tire sa puissance des… ténèbres qui entoure la victime, du mal, si vous préférez. Sa seule faille, c'est qu'il doit être bu volontairement, mais Zargan savait être persuasif."

Des ténèbres ? Quelles ténèbres pouvaient bien entourer Harry ?

"Le procédé était très étrange, aussi." reprit Orbank, interrompant ses pensées.

"Comment ça ?"

"Pour deux raison. La première c'est que son effet n'était pas forcement immédiat, il pouvait être déclenché à n'importe quel moment, selon son bon vouloir."

Il sentit sa gorge se nouer. Evidement, sans doute avait-il trouver ça si excitant, savoir que depuis le début il détenait la vie d'un enfant entre ses mains, sans doutes qu'il s'était sentit fort, de tenir l'épée qui trancherait la gorge d'un roi.

"Et l'autre raison ?" s'enquit Rémus d'une voix blanche.

"Lui seul pouvait "déclencher" son effet ?"

"Comment ? Mais il doit être mort !"

"Attendez, ce n'est pas fini. Si tout ces faits sont connus - pas par beaucoup, mais révélés quand même - c'est parce que Zargan tenait une sorte de journal, dans lequel il notait toutes ses révélations. Il était du genre mégalo, et avoir créé un poison que lui seul pouvait utiliser l'avait certes vraiment branché, mais il n'a pas supporté l'idée que sa création se perde, après lui."

Sombre crétin, songea Rémus.

"Et alors ?"

"Et alors, et si vous me permettez, c'est là qu'il a été brillant, il a en quelques sortes "injecté" une part de son âme dans un symbole, un soleil avec un œil en son centre. Là-dessus il n'a pas été franchement original, c'était le blason de sa famille, et il paraît que son père…"

"Alors tout le monde peut utiliser ce truc, maintenant ?" coupa Rémus.

"En théorie, oui. Enfin, ceux qui peuvent se procurer de la poudre et qui savent faire apparaître la marque, ce qui fait, finalement, pas tant de monde que ça."

Il tire sa puissance des ténèbres qui l'entourent…

Rémus laissa tomber son front dans ses mains. Quel que chose n'allait pas, quelque chose n'allait vraiment pas ce soir, le Loup l'avait sentit, il se cabrait, en lui.

L'orage…

"Rémus ?"

Il releva la tête.

"C'est vrai ce que vous m'avez dit ? Cette histoire concerne le petit Harry Potter ?"

Il acquiesça en silence. Où pouvait être Harry, à présent ? Sagement chez son oncle et sa tante, ou bien…

Harry qui est l'Ombre ?

Une sorte d'ami, je l'ai rencontré dans le parc…

"Il faut que j'aille là-bas…" il se tourna vers le feu "Merci, Orbank, vous m'avez été d'une aide précieuse."

Il se dirigea vers la porte.

"Rémus !" rappela Orbank.

Il se retourna.

"Vous devriez peut-être changer de chemise ?"

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Sarah avait cessé de crier depuis un bon moment déjà. Elle restait immobile. De temps à autre, un drôle de soubresaut la secouait. Harry entendait ses dents claquer.

Il avait essayé de la réchauffer, au début, mais il avait fini par y renoncer. Lui-même était bien trop gelé pour être capable d'apporter de la chaleur à qui que ce soit.

Les silhouettes fantômes ne l'avaient pas quitté. Elles étaient partout, autours de lui, et il avait de plus en plus de mal à distinguer la forme réelle, celle de l'homme. Elles allaient et venaient, leurs mains suppliantes et leurs bouches avides. De temps à autre Harry sentait une main décharnée lui griffer la joue, sans provoquer aucune douleur. Peut-être était-il déjà mort ?

L'homme avait ouvert le coffret, livrant son contenu aux foudres de l'orage, pour engendré quelque chose… Quelque chose de

Puissant…

Quelque chose de mauvais…

La mort…

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Il courait aussi vite qu'il le pouvait, remontant les rues désertes, sa course freinée par le vent et la pluie.

L'eau glacée ruisselait dans son cou et le long de ses épaules. Il avait l'impression qu'elle cherchait à pénétrer sa peau. Les griffures le long de son torse s'étaient faîtes plus douloureuses.

Il se traita intérieurement d'idiot en atteignant le petit parc, il n'y aurait personne ici par un temps pareil.

Il remonta pourtant l'allée centrale, ignorant une fois de plus le vent et le tonnerre.

Personne.

Rien qu'un banc. Un vieux banc de bois qui ne résisterait sans doutes pas à un semblable tempête.

Il n'y a personne, ici, tu rêves. Et Harry est probablement planqué tout au fond de son placard sous une pile de couverture pour oublier l'orage.

Dans son ventre, le Loup rugit de nouveau.

"C'est moi, que tu cherches ?"

Rémus fit volte face. Debout dans l'allée, bien droit sous le ciel déchaîné se tenait un homme. Il était grand et probablement fort, lui souffla le Loup. La pluie avait plaqué ses cheveux argent sur son front.

"Vous êtes… Vous êtes l'Ombre ?" s'enquit maladroitement Rémus.

L'homme eut un sourire en coin.

"J'imagine qu'il s'agit de moi."

Un nouveau coup de tonnerre résonna derrière eux.

"Si tu cherches Harry, il n'est pas ici."

Rémus ressentit un pincement d'angoisse.

"Où est-il ?"

L'Ombre le détailla un moment, avant de répondre sur un ton presque triste.

"Ils l'ont."

Le pincement se transforma en un poing gigantesque. En quelques pas, il fut à la hauteur de l'Ombre.

"Où ça ? Où l'ont-ils emmené ?"

"Tu le découvriras en temps utile."

Un autre coup de tonnerre, le Loup poussa un nouveau rugissement, et cette fois-ci, Rémus hurla avec lui. Il bondit en avant, ses mains agrippant l'Ombre quelque part entre le cou et les épaules.

Mais l'étrange homme ombre les repoussa, lui et le Loup, aussi aisément qu'une branche morte.

"Ecoute-moi, humain, tu ne comprends pas. Retrouver l'enfant maintenant ne servira à rien, tu m'entends ? Ta seule chance, c'est cette femme, Amy, tu dois la trouver !"

"Où est Harry ?" cria Rémus

"Amy, trouve Amy !" répéta l'Ombre, sa voix disparaissant dans le vent "Trouve-la avant l'enfant, tu n'as pas le choix !"

"Mais qui est-ce, à la fin ? Qui est Amy ?"

"C'est ma mère !" hurla une voix familière.

Familière sans l'être vraiment. Elle était déformée par le mugissement du vent, par la douleur, et par la rage. La rage qui suit généralement le désespoir ; celle que Rémus connaissait bien, et le Loup encore mieux.

Puis sa silhouette apparut dans le chemin, étrangement bancale, comme un oiseau blessé. Le vent le faisait tanguer, le ballottait de gauche à droite mais il avançait toujours, un poignard à la main, gardant contre lui son bras blessé et ignorant le sang qui inondant son tee-shirt.

Il se laissa tomber au pieds de Rémus, à bout de forces, hébété de fatigue et de désespoir. C'était Connor.

"C'est ma mère…" répéta t'il doucement.

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1er janvier 1999.

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"C'est le moment, Severus." soupira Dumbledore.

Rogue releva le front, un peu choqué. Pas vraiment par les mots, mais plutôt par sa voix. Jamais encore elle ne lui avait parut si lasse, comme s'il avait perdu tout espoir.

Il coula un regard vers Fumseck qui achevait sa lente agonie. Alors ça y était, c'était ça, la fin ? Ca ne ressemblait pas à la fin d'une guerre, songea t-il sans vraiment comprendre pourquoi, pas d'explosion, pas de cri, pas de sang.

Juste une lueur qui s'éteint, même pas, qui cesse de briller.

Du bout des doigts, le vieux sorcier effleura les plumes palissantes de son vieil ami. Un adieu ? Presque.

"Il est temps d'y aller, à présent."

"D'y aller ?" répèta bêtement Rogue.

Dumbledore acquiesça calmement.

"Il faut descendre."

Descendre ? Et Fumseck ? Sans le vouloir, il se tourna de nouveau vers le phœnix mourant.

"C'est une chose pour laquelle il préfère être seul." Répondit doucement Dumbledore à sa question silencieuse "Et il y a quelqu'un, en bas, pour qui je dois être présent."

Et, pour la énième fois en cette sinistre journée, Rogue sentit un énorme poids lui écraser le cœur, qu'il croyait pourtant disparu depuis bien longtemps.

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22 mai 1990.

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"Qu'est ce qu'il fait ?"

Les silhouettes tournoyaient toujours dans leur ronde sinistre, sordide simulacre d'une farandole enfantine, au son d'une comptine ricanante. Harry, tremblant dans le vent de l'orage, ne voyaient qu'elles.

"Dis, qu'est ce que Neil fabrique ?"

Le décolleté d'une des femmes aux visages dévastés découvrait sa poitrine ensanglantée. A chaque qu'elle passait, Harry ne pouvait détacher ses yeux du spectacle horrifiant, des lambeaux de chair et des longues traînées rouges sur le tissus blanc de la robe.

Ses dents ne claquaient plus, il avait cessé de sentir le froid, pourtant, à chaque respiration, il se formait un petit nuage gris contre sa bouche.

"Harry ?"

La voix de Sarah semblait lointaine, elle lui parvenait déformée par la musique, la peur et le vent. La femme passa de nouveau et il se sentit au bord de la nausée.

"Et où est Mitch ?" continuait Sarah à voix basse "Où est-il allé ?"

Perdu dans un infini brouillard blanc, Harry ne voyait plus rien ni personne. Il ne remarqua pas l'expression horrifiée de Sarah quand il répondit, d'un voix lente et grave :

"Il est mort."

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Il devait être plus de minuit et l'orage ne se calmait pas, loin de là. Il semblait à Connor que cette foutue tempête possédait une vie propre. L'idée semblait peut-être dingue, mais après tout, le monde entier lui semblait dingue. Il avait l'impression d'avoir basculé dans un univers parallèle, un univers plein de monstres ricanants et de mères mourantes sous les foudres du ciel.

"Connor ?"

Ce n'était qu'un filet de voix. Elle mourrait. Et pour de bon, cette fois. Il le sentait, il la sentait partir et s'éteindre.

Connor s'approcha du lit sans trop savoir si la brûlure dans sa poitrine était due à l'orage, à sa blessure où à autre chose, autre chose qui ne guérirait probablement pas.

Il posa le couteau sur la table de nuit.

"Je suis là, maman." dit-il pour la centième fois au moins.

"Où est Soleil ?" murmura t'elle.

"Elle n'est pas loin." souffla t'il "Je vais la retrouver, bientôt. Je la ramènerais."

Rémus, qui était resté tout près de la porte jusque là, s'approcha à son tour.

"Savez-vous où elle est ?" demanda t'il doucement.

Connor ressentit une nouvelle vague de colère. Contre Rémus, cette fois-ci. Bien sûr que non, elle ne savait pas. Comment aurait-elle pu savoir ?

"Harry …" haleta t'elle.

Connor fronça les sourcils.

"Qui ?"

"Harry…" répéta t'elle "Elle est avec Harry. Ils sont en danger, les voix fantômes tournent et tournent et tournent… " Elle serra plus fort la main de Connor. "Ils vont disparaître Oh ils vont…"

"Arrête maman…" supplia Connor à voix basse.

"Ils ne vont pas disparaître." promis Rémus en reprenant sa main que Connor avait lâché, secoué par un sanglot silencieux.

Les yeux presque vides d'Amy Tillman se posèrent alors sur Rémus et, d'une drôle de manière, elle parut le reconnaître.

"C'est toi ?" demanda t'elle dans un murmure incrédule. "C'est vraiment toi ?"

Mal à l'aise, Rémus acquiesça, ne sachant que faire d'autre.

"Oh, tu es venu… Je n'y croyais plus."

Sans comprendre, il se tourna vers Connor, mais le garçon ne lui fut d'aucune aide. Il se contentait de fixer sa mère, comme changé en pierre.

Et soudain, dans un brusque sursaut d'énergie, Amy se redressa, s'asseyant presque.

"Le couteau." murmura t'elle.

"Le quoi ?" répéta Rémus.

Sans répondre, elle attrapa le couteau que Connor avait abandonné près de la tête de lit. L'adolescent parut brusquement revenir à la vie.

"Mais qu'est ce que tu fais ?"

Elle se redressa encore, le regarda dans les yeux.

"Ce que je dois faire, et depuis bien longtemps."

Et la pointe de la lame d'argent traça une fine ligne rouge dans la peau blanche de son avant-bras. Puis la ligne s'épaissit et le sang se mit à couler, dessinant de mystérieuse arabesque.

Le vent souffla plus fort contre la fenêtre, et la pluie redoubla d'ardeur, heurtant les vitres dans un bruit de mitraille.

Elle tendit son bras valide en direction de Rémus , cherchant à atteindre quelque chose, derrière lui. Il se retourna et attrapa la bouteille de verre vide, renversée sur la sol.

Elle la prit et l'appuya contre la blessure. Les gouttes écarlates tombèrent une à une, résonnant au fond de la bouteille. Connor les fixait, comme hypnotisé, son visage blême et ses yeux écarquillés.

"Il faut partir." leur dit-elle finalement.

Elle rendit la bouteille à Rémus, qui la reçut sans comprendre. Son bras saignait encore et Connor amorça un mouvement dans sa direction, mais elle le chassa d'un geste las. Elle se lassa retomber en arrière, son brusque regain de force s'était envolé aussi vite qu'il était apparu.

"Il faut partir…" répéta t'elle "Il faut partir partir partir…"

Elle chantonnait les mots, comme une mélopée, un incantation. Rémus sentit une vague de nausée lui remonter dans la gorge. Les yeux d'Amy roulèrent en arrière et il prit sur lui pour ne pas vomir.

"Maman… Maman !" supplia encore Connor.

Il avait voulu crié, mais sa voix s'était brisée en chemin. Prise d'une quinte de toux, Amy fut forcée d'interrompre son chant.

Lorsqu'elle put de nouveau respirer, elle reprit d'une voix plus calme.

"Aller les retrouver, les enfants. Ils ont besoin d'aide."

"Je ne te laisse pas." coupa Connor.

"Tu ne comprends pas, mon fils… Ta sœur… Elle risque sa vie. Moi je dois mourir ce soir, tu ne peux rien y changer, mais Soleil doit vivre. Tu dois les retrouver, vous devez les retrouver, où ils mourront, tous les deux…"

"Maman…"

"Connor, je t'en prie."

Un spasme la secoua brutalement, la tordant sur le lit aux draps sales.

"Mais on ne sait même pas où ils sont…"

"L'homme…" dit-elle "Il m'avait promis qu'il serait là, qu'il veillerait sur lui… Il doit savoir."

"L'Ombre…" murmura Rémus.

Elle acquiesça.

"Non !" protesta Connor, les yeux plein de larmes. "Je ne peux pas… Je ne peux pas la laisser !"

Rémus hésita un instant, bouleversé par sa détresse, puis l'image de Harry s'imposa à lui. L'image du porteur de l'espoir, l'image du jeune homme immobile dans ses draps immaculés, l'image du gosse aux yeux pleins de feu qui se battait contre ce petit crétin de Piers Polkiss, l'image d'un bébé aux yeux de lumière qui faisait la joie et la fierté de son père. Vas pas crever sous un arc-en-ciel, il parait que ça porte la poisse

Il faut partir…

"Connor, elle a raison." souffla t'il à l'adolescent.

Le garçon le regarda, hébété. Rémus prit doucement sa main et l'attira vers lui, l'éloignant d'Amy.

"Maman…" murmura t'il.

Elle lui rendit son regard, et, l'espace d'une seconde, ses yeux cessèrent d'être vides.

"Je t'aime." dit-elle simplement.

Ces mots-là semblèrent lui rendre un brusque espoir.

"Tu seras là, n'est ce pas ? Je reviendrais, avec Sarah, et tu seras là…"

Elle le regarda encore, sachant, peut-être inconsciemment, que la réponse serait décisive et que, quelque fut la réalité, il faudrait qu'il le croit.

"Oui."

Il resta une ultime seconde debout devant elle, les larmes figées sur son visage, puis un brusque soubresaut le secoua, et il s'enfuit en courant.

Alors elle se tourna vers Rémus, resté dans la pièce.

"Sauve-le, s'il te plaît…" les larmes roulèrent sur ses joues. "Sauve Harry, sauve mon petit garçon…"

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Un nouveau coup de tonnerre fit trembler le sol et les murs, comme dans les vieux films d'horreur en noir et blanc que regardait parfois l'oncle Vernon. Il sembla à Harry que le tonnerre l'ébranlait à l'intérieur.

Le brouillard s'éclaircit, se faisant translucide, et les silhouettes s'écartèrent, livrant Harry à l'orage.

"Non…" souffla t'il.

Sarah s'était tue, une poupée cassée contre lui. Les formes se dispersèrent un peu plus, et Harry distingua d'autres silhouettes, près des murs, des silhouettes noires, et il lui sembla que ce froid venait d'elles.

"Non…"

L'homme fut de nouveau devant eux, ses cicatrices luisant dans le brouillard qui s'évanouissait. Il approcha son visage si près de celui de Harry que ce dernier voyait pulser la ligne de son front.

"Bois !"

Le gobelet qu'il tendait laissait échapper une opaque fumée verte.

Bois… chuchotèrent en écho les formes dispersées.

"Non…"

Il ne fallait pas boire, se répétait-il, il ne fallait pas non non non il ne faut pas Harry il ne faut pas non…

"Bois !"

Bois… répétèrent les ombres.

Bois, mon mignon, bois… C'est comme un chocolat chaud, comme du lait qui te liquéfierait les tripes, bois mon mignon bois…

"Non !"

"BOIS !"

Et l'homme pointa la baguette sur Sarah. La fillette redressa mollement la tête, un mélange de frayeur et d'étonnement dans ses yeux.

Harry secoua la tête, incapable de parler.

Non non non non…

"Doloris !"

Harry se raidit, terrifié. Un rayon sortit de la baguette et heurta Sarah, l'enveloppant. Aussitôt, la fillette se mit à hurler, se convulsant d'une manière terrifiante. Elle criait à plein poumons, sa voix hideusement déformée par la douleur, son visage changé en un masque grotesque.

Harry se mit à hurler avec elle.

"NON ! ARRETEZ ! ARRETEZ !"

Au bout de quelques interminables secondes, les cris cessèrent. Sarah retomba sur le côté, sans forces.

Sans un mot, l'homme tendit de nouveau le gobelet.

Bois !

Harry hésita, ses mains tremblante, il tendit encore la baguette en direction de Sarah.

Bois ou il lui fera mal encore, bois ou il lui fera très mal, bois ou elle criera encore plus fort, et peut-être que cette fois…

Non non non, il ne faut pas il ne faut pas boire ça…

L'homme ouvrit la bouche, prêt à lancer de nouveau la formule, et Harry s'empara maladroitement du gobelet.

Bois !

Et il but.

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Debout sous la pluie battante, Rémus ne distinguait même plus la petit parc. Il ignorait quelle direction prendre.

Soudain, Connor tendit le bras, désignant quelque chose dans le ciel, droit devant eux.

Et Rémus comprit qu'il n'avait plus besoin de chercher.

"Oh mon Dieu…" hoqueta t'il.

"Qu'est ce que ça veut dire ?" souffla Connor.

Dans le ciel planait un sinistre nuage vert.

"Ca veut dire qu'il est déjà trop tard." murmura Rémus.

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1er janvier 1999.

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Tout était calme à Poudlard. Et, dans le bureau du directeur en haut de la plus haute tour, tout était encore plus calme. C'est là que, seul à la fin comme au début, Fumseck le phœnix disparut dans un bouquet de flammes.

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