Et voilà, cette fois on touche à la fin. Encore un chapitre, et puis l'épilogue, mais le principal de l'action s'achève ici.
Ce chapitre était un gros morceau, je suis désolée pour le délai, mais je manquais de temps ces dernières semaines, mes profs ayant apparemment attendu le retour des vacances de Noël pour nous infliger tous les contrôles qu'on avait pas eu avant.
En tous cas merci - encore et toujours - pour vos reviews, et bises à tous.
Raziel Tepes : effectivement, la fin approche, on n'en est pas loin. Mais la vraie fin est pour le chapitre 13.
Tilise : normalement, toutes les explications sont là, j'espère que je réponds à toutes tes questions. Je ne sais pas trop ce que tu entends pas "pas trop mal" ("pas trop de morts" ?), à voir…
Sabi : Merci beaucoup, la suite, la voilà.
Stardust : Merci à toi aussi.
Leila : voilà la suite, j'espère qu'elle ne te décevra pas.
Un gros merci également à Thealie, Onarluca, Ryatt, Ielena et alinemcb54.
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12. Le chemin des étoiles.
2ème partie.
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D'un pas hanté vers la lumière
Aujourd'hui Anne entre dans le monde
Onze étoiles au clair de terre
Vers la beauté à l'infini des ondes
(…)
Un manteau de nuit
Recouvre maintenant
Ta petite vie
Et je m'attacherai à toi
Pour que tu ne t'envoles pas
(…)
Tu allumeras deux ou trois bougies
Autour de moi autour de notre vie
Quand la nuit sera rouge tu me rejoindras
Je serai frère et complice de ta loi
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Anne et moi.
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15 août 1980.
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Les bras levés et le front tourné vers le ciel, elle répéta l'incantation une dernière fois, criant pour couvrir le vacarme qui agitait la forêt.
Elle ignorait sous quelle forme il apparaîtrait, mais elle était sûre que, si elle attendait assez longtemps, il finirait par venir.
Et elle attendrait.
Dans un bruit de tempête qui fit trembler jusqu'au sol sous ses pieds, le ciel s'ouvrit, immense, majestueux.
Et terrible.
Le visage se dessina pour couvrir celui de la nuit. Un visage aux traits bien trop purs, au front trop lisse, un visage qui n'en était pas un.
Puis la voix résonna, venant de partout, même d'elle-même.
"Que veux-tu donc, sorcière ?"
Elle se campa fermement sur ses jambes, se forçant à dissimuler sa terreur.
"Seulement achever la tâche qui m'a été confiée." Répliqua t'elle.
"Si c'est à toi qu'elle a été confiée, alors je n'ai pas à l'accomplir à ta place."
Elle crispa les poings. La nuit perçait en lui, le rendant encore plus effrayant.
"Je vous demande juste votre aide !"
"L'esprit de la magie n'interfère pas dans les histoires des mortels."
"Mais c'est vous qui m'avez envoyé ces rêves, vous devez m'aider !"
Les arbres se remirent à s'agiter, son souffle gigantesque envahissant la forêt.
"Avec ces rêves, j'ai fait bien plus que je ne le devais. C'est à toi qu'il appartient de protéger le Sauveur."
"Mais je vais mourir !"
Les traits lisses se troublèrent, la nuit commença à se retirer.
Il s'en allait.
"Non, attendez !" protesta t'elle.
Plus lointains que des étoiles, ses yeux palissants la considérèrent un moment, presque tristes.
"Tu es vraiment prête à tout, n'est-ce pas ?" constata t'il.
Elle acquiesça, éperdue.
Et il acheva de disparaître.
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4 mai 1986.
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"Merde, gamin, elle est morte ?" demanda Mitch dans un souffle.
Connor l'ignorait, et il n'avait pas vraiment envie de le savoir. Le corps d'Amy Tillman se faisait trouble à ses pieds, le sang cognait plus fort qu'une enclume contre ses tempes.
"Réponds, petit !" pressa Mitch "Elle a clamsé?"
Connor ne dit rien, et Amy resta immobile.
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15 août 1980.
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Lorsqu'elle ouvrit les yeux, il faisait jour. La nuit avait continué sa course sans elle. Elle se redressa, plus épuisée encore que lorsqu'elle s'était endormie.
La forêt ne gardait aucune trace de son passage, les oiseaux pépiaient gaiement et les arbres avaient retrouver leur tranquillité.
"Lily ?"
Elle se retourna vivement. Derrière elle, une silhouette émergeait d'entre les arbres. C'était un homme, grand, aux longs cheveux gris. Il semblait bizarrement transparent à la lumière du jour, comme une ombre, c'est alors qu'elle comprit.
"Vous êtes l'un de ces émissaires, n'est ce pas ? Vous êtes un errant ?"
"Oui." confirma t'il en s'asseyant près d'elle, dans l'herbe "J'ai une proposition à te faire."
"Une proposition ?"
"Une seconde chance, si tu préfère."
"Je ne vais pas mourir ?"
Il eut un bref sourire.
"Personne ne peut déjouer la mort. Et heureusement, d'ailleurs, car ça pourrait poser de sérieux problèmes, à long terme."
"Alors quoi ?" murmura t'elle.
"Ce que je vais te proposer… Ce ne sera pas facile, pas facile du tout. Mais c'est ta seule chance, et surtout, la seule chance de ton enfant."
"Qu'est ce qu'il faudra faire ?"
"Je te l'ai dit, tu mourras, comme il l'est prévu. Mais, ton âme n'ira pas… là où elle doit aller."
"Comment ça ?"
"Elle restera prisonnière, un peu comme celles des errants, jusqu'à ce que tu trouves un hôte."
"Un hôte ?"
"Oui, quelqu'un qui te mènera là où ton enfant connaîtra ce danger mortel."
"Quelqu'un… qui sera mort ?"
"Oui."
"Mais comment pourrais-je savoir…"
"Fais-moi confiance, tu sauras. Mais, Lily…tu n'es pas un errant, alors, contrairement aux notre, ton esprit continuera d'exister pendant des années, pour rien."
Elle sentit un frisson glacer lui parcourir l'échine.
"Mais… Est-ce que je pourrais… Le sauver ?"
"Tu ne le sauveras pas. Personne ne peut. Ce que tu as vu, ça doit arriver."
"Mais alors pourquoi…"
"Tu ne le sauveras pas, tu le délivreras."
La peur se souleva comme une lame de fond, quelque part sous son cœur. Aurait-elle seulement assez de force ?
"Et vous, vous serez là?"
Elle ignorait pourquoi elle avait posé la question. Elle connaissait cet homme depuis dix minutes à peine. Mais il était le seul, le seul qui savait.
Il leva son visage vers le ciel, le ciel où les étoiles avaient disparu.
"Mon père me renverra." promit-il à voix basse "Il m'enverra pour observer. Je veillerais sur ton fils, je serais là."
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4 mai 1986.
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"Réponds, petit ! Elle a clamsé?"
Connor ne répondit pas. La terreur lui nouait la gorge. Il ne voulait pas s'approcher, il ne voulait pas savoir. Il ne voulait pas donner raison à cette petite voix au fond de lui, qui répétait inlassablement que tout était fini.
"Maman…" supplia t'il à voix basse.
En haut, Sarah avait cessé de pleurer.
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23 mai 1990.
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" Connor ! "
Tout était noir. Il ne distinguait que des ombres qui évoluaient autours de lui. Est-ce qu'il était mort ?
Pauvre Connor, souffla la voix, nasillarde, moqueuse, Pauvre vieux Connor
" Connor ! "
Son regard fouilla les ténèbres, cherchant un chemin parmi les ombres, vers la lumière, si lumière il y avait.
" Connor ! "
L'appel résonna une troisième fois, pressant, impérieux.
" Maman ? " souffla t'il.
C'était stupide, qu'est ce qu'elle aurait bien pu faire ici ? Mais c'était la seule chose qui lui avait traversé l'esprit.
" Connor ! "
Et, un peu plus loin, même si, dans ce noir éternel, il était difficile d'évaluer une distance, il aperçut un faible scintillement argenté.
Pauvre pauvre Connor repris la voix en échos.
Connor était foutu. Simplement et irrémédiablement foutu. Il s'enfonçait, une descente interminable, vertigineuse, vers la fin, vers le fond de l'abîme, là où ne se relevait pas et peu importait combien de fois on essayait.
Il avait brûlé sa dernière carte, il avait signé son dernier contrat avec le diable, et avec son sang, cette fois.
"Connor ?"
Il a douze ans. Il a douze ans et maman s'effondre dans l'escalier. Elle tombe et tombe sans s'arrêter et lui il sait déjà que plus jamais elle ne se relèvera.
Le froid l'envahit. De toutes ses maigres forces il tendit son esprit vers la lueur, là où l'on pouvait encore se battre, où il y avait encore quelque chose à tenter.
La réalité lui échappait. Elle fuyait plus loin encore qu'elle ne l'avait jamais fait, quelles que soient les doses qu'il ait pu s'administrer.
Le couteau s'enfonce dans la chair. Il sent le mouvement de la lame, il sent le point de rupture, la déchirure, l'acte est presque parfait, la ligne rouge court, inaltérable et le sang coule comme un flot de boue, sale, poisseux et répugnant.
"Connor !"
Sa mère… Maman au visage de cire, du même blanc sale, cassé que les draps. La voix l'appelle et l'appelle encore. Il suffit de répondre, juste répondre, ouvrir les yeux, simplement…
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Il ouvre les yeux. Les cris se sont tus et le monde autours de lui a prit une étrange teinte rougeâtre. Le corps de Sarah n'a pas bougé, étalé sur le sol, un poing devant les yeux, à la manière des tout-petits. A l'autre bout de la pièce, là-bas, encore loin, flotte une marée noire et menaçante.
Harry a mal partout. Cet étrange breuvage se répand dans ses veines comme un feu liquide, il a comme un goût de sang dans la bouche.
Mais l'homme… L'homme a disparu. Partit pour où, il l'ignore, et il s'en fiche. De l'autre côté des voiles de plastique, le brouillard sombre se rapproche, et il lui semble distinguer de vague silhouettes, remuant dans le vent.
Doucement, il se redresse. La brûlure dans ses membres rend le mouvement presque insupportable. Moitié marchant, moitié rampant, il se rapproche de Sarah.
"Sarah ?"
Il secoue frénétiquement son épaule. La tête de la fillette roule mollement vers la droite et ses lèvres s'entrouvrent, mais elle ne se réveille pas.
Que faire, à présent ? Harry sent les larmes rouler sur ses joues. Douleur, peur, des larmes de quoi au juste ? Aucune importance. Il glisse ses bras endoloris sous les aisselles de Sarah et tire lentement son corps vers l'arrière de la salle, à l'abri derrière les bâches.
Les créatures ont atteint l'endroit où le plafond est crevé mais la pluie ne semble pas les déranger. Harry sent son cœur se glacer devant l'implacable avancée. Les escaliers sont de l'autre côté, il ne peut les atteindre.
Puis, avec un "pop" qui résonne nettement malgré le vacarme de l'orage, l'homme réapparaît au centre de la salle.
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Lorsque Rémus émergea en haut des escaliers, il eut l'impression que l'immense salle formait comme une plate-forme au milieu de l'orage. Une odeur âcre pénétra ses narines, et il prit brusquement conscience de deux choses, d'abord, que Harry n'était nulle part en vue, et ce constat fit naître une boule d'angoisse et de rage au creux de sa gorge, et ensuite, qu'il y avait des détraqueurs dans la salle.
Les voiles transparents qui s'agitant furieusement dans le vent donnaient à l'endroit un aspect cauchemardesque. Et au milieu de tout ça, debout bien droit le visage tourné vers le ciel, un homme.
Rémus resta immobile, figé un long moment, cherchant à entrevoir un sens à la scène, quelque chose, n'importe quoi qui expliquerait ce qu'on avait pu faire à Harry.
"Harry !" rugit-il.
Personne ne répondit, mais l'homme abaissa doucement la tête, tournant vers Rémus un visage couturé de cicatrices. Une lueur de surprise traversa ses yeux noirs, mais le visage resta de glace.
"Qui êtes-vous ?"
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Il ne bouge plus, plein de cette étrange certitude qu'ils ne pourront le repérer s'il parvient à s'empêcher de penser. Il prend son élan et ses yeux s'ouvrent sur ces mêmes ténèbres.
Un brouillard opaque a envahit la pièce, il ne distingue même plus le plafond. Au-dessus de lui, des créatures vaporeuses et sans visages errent sans but visible, comme désœuvrées.
Il est toujours étalé sur le sol froid, le couteau dans une main, la bouteille dans l'autre. Tout près de son visage une brume scintillante semble tenir ces horribles créatures à distances. Quelque chose qu'a fait Rémus, peut-être ? Il est trop hébété pour réfléchir.
Connor s'assoit prudemment. Il a comme l'impression que son corps ne lui appartient plus. Sans comprendre, il fixe la petite bouteille pleine de sang dans sa main, cherchant à se rappeler comment elle est arrivée là.
Il hésite à se lever. En fait il ne sait même pas s'il en est encore capable. Lentement, avec des gestes gauches, il se redresse, prenant soin de ne lâcher ni le couteau, ni la bouteille.
Les étincelles le suivent, et les créatures noires restent à distance - pour le moment.
La bouteille.
Il ignore pourquoi, l'objet est brusquement devenu très important, vital, même. Il y a là-dedans tout ce qu'il peut rester de la vie de sa mère.
Non, pas tout, pas encore. Il lève les yeux vers le plafond. Juste au-dessus, il y a bien plus important.
Il a toujours ce sentiment de flottement, d'irréalité. Il n'est plus bien sûr de savoir dans quel monde il se trouve : celui des vivants, ou l'autre ? Le pacte à été rompu, il a gagné un sursis, et il le sait ; il a acquit une seconde d'immortalité. La question étant ; que va t'il en faire ?
Son poing se crispe sur le goulot de la bouteille et la lame du couteau brille dans les lueurs de l'orage. Il n'y a sans doute plus grand chose à faire pour personne, mais il peut toujours essayer de sauver ce qui peut encore l'être.
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"Peut importe qui vous êtes, la question ce serait plutôt : qu'est ce que vous foutez ici. C'est à cause du môme ?"
L'homme eut un rictus et les cicatrices autours de sa bouche semblèrent se retrousser.
"Vous voulez récupérer ce qu'il en reste ?"
Rémus crispa les poings. La main qui tenait la baguette en devenait douloureuse.
"Où est-il ?"
L'autre haussa les épaules, et la rage de Rémus se mua en désespoir.
"Aucune importance, j'ai fait ce que j'avais à faire."
Il darda son regard vide sur Rémus, l'étudiant, vaguement hautain.
"J'ai fait ce que j'avais à faire." Répéta t'il de cette même voix glacée. "J'ai fait ce qu'on attendait de moi. J'ai rampé comme un putain de moldu pendant des mois, je me suis roulé dans la merde et je me suis laissé infecter par leurs bassesses. Mais je m'en fous, royalement. Et tu sais pourquoi ?"
Il fut tout proche de Rémus, brusquement. Assez proche pour qu'il puisse sentir son haleine brûlante. Le loup eut un frémissement de dégoût.
"Parce que, cette nuit, et pour la première fois depuis celle du jour d'halloween de l'année 1981, la glorieuse marque est apparue dans le ciel. Un ciel moldu, un ciel ignoré, mais notre putain de marque est bien là, et je parie que ça réchaufferait le cœur de certains, s'ils pouvaient voir ça."
"A supposé qu'ils en aient un." gronda Rémus.
Plus bas, le loup gronda également.
Pas maintenant, lui souffla Rémus, attends encore…
Mais l'homme ne releva pas la pique. Ses yeux de nuit s'éclairèrent d'un feu pâle et luisant.
"Le Maître reviendra," souffla t'il. "Je le sais, le ciel m'a parlé, et votre sauveur est tout comme mort, à l'heure qu'il est. Il crèvera avant d'avoir eut le temps de se battre, si tous ces détraqueurs ne le grignotent pas ce soir."
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Rémus !
Le cœur de Harry fit un bond dans sa poitrine. Il distinguait sa forme solide entre les bâches qui claquaient dans l'orage. Il se redressa tout droit, et la tête de Sarah glissa sur le sol, ses cheveux sombres s'étalant comme une flaque d'eau sombre.
L'air s'était fait plus épais et il respirait avec difficulté. La douleur dans son corps ne s'apaisait pas, elle avait atteint le bout de ses doigts et ses orteils.
Le vent couvrait les voix, il n'entendait pas ce qui se disait. Autours d'eux, ces étranges silhouettes flottaient en un brouillard opaque, se rapprochant dangereusement de Harry. Le long des murs, rampantes, à la façon des rêves. Il sentait de nouveau le froid, celui que la douleur avait pourtant chassé.
Il attrapa la main de Sarah. Elle était glacée. Sarah avait froid elle aussi, apparemment. Pas étonnant, les gouttes de pluie forment des sillons sur ses joues couvertes de poussières et le souffle qui s'échappe de son nez et de sa bouche forme une vapeur blanche comme par une nuit d'hiver.
L'une des drôles de créatures s'était détachée des autres. Elle se rapprochait de la cachette de Harry, droit sur les deux enfants, comme si elle avait sentit leur présence. Et c'était peut-être bien le cas, songea Harry.
De l'autre côté, toujours au milieu de la salle, Rémus et l'autre homme se faisaient face, tournoyant lentement comme deux vautours qui se préparent à la bagarre. Ils étaient à moins de dix mètres de lui, pourtant avec le bruit et le vent, ça lui semblait l'autre bout du monde.
Soudain, la première bâche se souleva et s'écarta et cette fois, le vent n'y était pour rien. Quelque chose qui ressemblait vaguement à une main glissa ses doigts, interminables et d'une couleur grise repoussante, visqueuse, de l'autre côté. Harry fit un bond en arrière, la sensation de froid s'intensifia, accompagné d'une autre, un sentiment de vide, comme si la main avait attiré à elle tout ce qu'il possédait de vie.
Sarah remua doucement la tête et un drôle de gémissement se fit entendre. Des cris étouffés résonnèrent dans sa tête, lui évoquant le bruit de fond des jours de piscine à Little Whining. Il y eut un nouveau gémissement et Harry réalisa que le son venait de sa propre gorge.
La main disparut et Harry sentit son souffle se figer, hésitant entre le soulagement et la terreur pure. Puis, une manche, longue et noire, vint remplacer la main sur la bâche, et la silhouette passa de l'autre côté. Contre les jambes de Harry, Sarah remua encore et les cris étouffés percèrent brusquement à pleine puissance dans son crâne.
Et, horrifié, Harry hurla avec eux.
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Attends, attends encore.
Le loup se soulevait, impatient. Il jaillirait encore, ce soir, Rémus en était conscient. Tout ce qu'il pouvait lui dire c'était Pas tout de suite…
Et le loup obéissait. Pour l'instant. L'orage lui avait donné une puissance inhabituelle cette nuit-là, mais Rémus était encore aux commandes.
Pour l'instant.
Les secondes s'écoulaient, interminables et Rémus ne savait que faire. Qu'il serait simple de laisser le loup sortir et mettre en pièce cet infâme mangemort, oui, mais alors, Harry serait vraiment perdu.
Il devait exister un antidote.
Un éclair fit luire les cicatrices de l'homme et une étrange pensée traversa l'esprit de Rémus, aussi vite que l'éclair avait traversé la salle.
Je ne connais même pas son nom.
Le coup de tonnerre suivit, moins d'une seconde plus tard, ébranlant les murs. L'orage était tout proche. La certitude s'imposa avec la même force alors qu'il crispait sa main sur la baguette.
Et je ne le connaîtrais jamais.
"Tu sais quoi ?" lâcha t'il soudain. "La nuit d'halloween 81, il n'y a pas eu de marque. Même pas la queue d'une. Il n'en n'a pas eu le temps, ton fameux maître"
Un cri aigu frappa alors ses oreilles. Il était pourtant à peine perceptible sous le bruit de l'orage. La gorge de Rémus se serra, la voix avait beau être déformée par la terreur, c'était bien une voix d'enfant.
Harry.
Il fit volte face et, sans qu'il ait besoin de regarder, les sens aiguisés du loup lui apprirent que l'homme avait fait de même.
"Non !" grogna t'il, d'une étrange voix, vaguement humaine.
"Rémus !"
Il bondit. Mais ce n'était pas Harry, cette fois. Une silhouette venait d'apparaître en haut des escaliers. Encore bien trop frêle pour être celle d'un adulte, mais trop grande pour qu'il puisse s'agir de Harry.
Un coup de vent balaya les cheveux noirs, et il reconnut Connor.
Dans le fond de la salle, Harry hurla de nouveau, mais rien n'était visible, derrière ces bâches.
"Rémus !" cria encore Connor.
Un nouvel éclair illumina la scène, l'espace d'une fraction de seconde. Connor tendait à bouts de bras quelque chose que Rémus ne put identifier.
"Barre-toi de là!" hurla t'il à l'adolescent.
Le garçon cria quelque chose en réponse, mais le coup de tonnerre couvrit sa voix.
Il ignorait comment il avait réussit à échapper aux détraqueurs qui se trouvaient en bas, mais ceux qui se trouvaient ici ne lui laisseraient pas la moindre chance.
"Vas t'en, c'est dangereux."
"Connor ?" siffla une voix grave.
Derrière Rémus, l'homme fit un pas en avant. Il pointa sa baguette sur l'adolescent, qui, devinant le mouvement, recula d'un pas sur le palier.
"Non !" protesta Rémus.
D'un brusque mouvement d'épaule il repoussa l'homme sur le côté. La force du loup aidant, l'homme se retrouva projeté au sol. L'angoisse monta d'un cran et Rémus se sentait perdre le contrôle.
"Rémus !" cria Connor une troisième fois.
Il lança ce qu'il tenait dans sa direction. L'objet décrivit un arc parfait, sa course à peine déviée par le vent, et jeta pendant un bref instant, à son firmament, un violent éclat rouge dans un troisième éclair.
Rémus tendit les mains, par réflexe, pour attraper l'objet, et, à la même seconde, l'homme toujours au sol tendit sa baguette.
Le coup de tonnerre qui suivit noya ses paroles, mais cela ne nuisit en rien à l'efficacité du sort.
Une brusque rafale sembla balayer le garçon, comme s'il n'avait été qu'un vulgaire pantin, son corps fut projeté contre le mur, où il laissa une emprunte rouge sombre, avant de sombrer avec un claquement dans les escaliers.
Quand le hurlement de Harry retentit de nouveau, Rémus joignit sa voix à la sienne.
Lorsqu'un quatrième éclair ricocha sur la cage d'escalier désormais vide et sur les sinistres marques rouges, Rémus comprit que la vague de douleur et de colère emportait le loup dans son implacable ascension. Il comprit aussi que ça lui était égal.
Et quand résonna le quatrième coup de tonnerre, le loup avait déjà pris le dessus.
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1er janvier 1999.
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Un sourd grondement se fit entendre à l'extérieur, le genre de bruit que fait un animal en étouffant un grognement.
"Qu'est ce qu'il se passe ?" souffla Ron.
Il s'était tourné vers Dumbledore, mais le vieux sorcier ne lui apporta aucune réponse. En silence, il se pencha et posa sa main sur le front de Harry.
"C'est Fumseck." Devina Hermione.
Rogue eut un sursaut et se tourna vers le corps immobile de Harry.
"Est-ce que ça signifie que…"
"Ca ne signifie rien du tout." coupa Ron d'un ton rageur.
Rogue ne répondit rien. Le ton de Ron ne parut pas l'émouvoir, il se contenta de fixer les paupières closes de Harry, une lueur farouche dans le regard.
"Professeur ?" souffla Ron, suppliant, en direction de Dumbledore.
Mais il resta silencieux.
"Attendons." murmura alors Hermione. "Attendons encore un peu."
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23 mai 1990.
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Hurlant toujours, Harry recula jusqu'au mur, tirant le bras mou de Sarah derrière lui. Puis, un bruit d'une autre sorte fit monter sa panique d'un cran, si c'était encore possible.
Un grognement, un cri de bête, puissant, à la fois grave et aigu, qui contenait toute une myriade d'émotions et pourtant conservait un vide inhumain.
Le vent claqua encore, et une nouvelle bâche se souleva, révélant la scène dans une sordide parodie de théâtre d'école primaire.
Une créature, énorme, monstrueuse, qui ressemblait vaguement à un loup, faisait à présent face à l'homme. Harry ne pouvait même plus crier, sa voix s'étranglait dans sa gorge brûlante.
C'est Rémus.
Non non non non n'importe quoi
C'est Rémus, c'est lui, c'est ton nouveau copain Rémus qui grogne et qui écume de rage et qui enfonce ses griffes dans la poitrine de ce type pour le réduire en bouillie.
Il se pencha encore. Peut-être, oui peut-être bien, que tout cela n'était pas réel, peut-être qu'il était juste en train de devenir fou, que ces foutus rêves avaient une fois encore pris le dessus, et que Harry pétait les plombs, tout seul dans son placard en se tortillant dans tous les sens.
Une nouvelle rafale lui emplit la tête, et les cris terrifiés, suraigus, résonnèrent encore plus fort. Il réalisa alors que la créature l'avait rejoint.
Les doigts répugnants se posèrent sur sa joue, et Harry comprit alors que ce froid insupportable, inhumain qui le glaçait depuis des heures et que la douleur qui le dévorait n'étaient rien du tout.
Parce que le contact de la créature multiplia tout ça au moins par un million.
Et Harry tomba. Il tomba sans pouvoir s'arrêter dans un puis de ténèbres.
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Le froid traça un chemin devant lui, et Harry n'avait d'autre choix que de le suivre, car ailleurs tout était noir. Il eut comme l'impression que son âme quittait son corps, mais pas pour rejoindre les anges ou le ciel ou le paradis ou tout autre connerie du même genre, non ; son âme à lui, elle descendait, bas, très bas ; si bas qu'elle ne remonterait jamais.
Tu as détruit le Maître, petit homme.
Un marasme d'obscurité pourrissant aspirait son âme, et avec une joie féroce en plus, il l'entendait qui ricanait de plaisir dans son coin.
On le tirait par les pieds vers le fond, le fond du fond, le vent glacial filant en flèche devant lui, pour mieux ouvrir la voie.
Réduit à rien, à pas plus qu'un bébé vagissant comme un veau.
Il n'allait pas mourir, comprit-il, non, mais ce serait pire.
Parce que, si ça se trouve, il n'en mourrait jamais.
Et le Maître, tu crois qu'il est mort ?
Mais qui est le Maître ? Hurla Harry dans l'implacable silence de son esprit (ou ce qu'il en restait). Qui est le Maître ? Qui est le Maître ? Qui est
Et puis, au milieu d'un univers où pourtant tout n'avait jamais été qu'ombres, Harry entr'aperçut une lueur, comme un miroitement sur l'eau.
Il se redressa en suffoquant, et en sentant revenir la douleur et le froid, il réalisa que son corps avait cessé de lui appartenir pendant… Pendant quoi ? Quelques secondes, quelques siècles ? Les rugissements de la bête s'étaient tus, et l'horrible créature aux mains grises n'était nulle part en vue.
Harry reconnut brusquement le visage penché sur lui.
"L'Ombre !" s'exclama t'il.
Mais ce n'était pas l'Ombre, d'ailleurs ce n'était même pas un homme. Comment avait-il pu le croire ? Elle avait des cheveux longs et soyeux et de grands yeux lumineux qui rappelaient ceux de Harry et d'autres, plus lointains, qui avaient appartenus à une petite fille sur une vieille photo dans la chambre de sa tante.
"Maman ?" souffla t'il, incrédule.
Elle sourit et porta un doigt à ses lèvres, délicate et silencieuse, comme pour sceller un secret.
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Il fut un temps où il se croyait immortel.
Pas par là… Ne cours donc pas si vite… Pas cet arbre, attention à la route… Pas autant gamin, pas si vite… Ne touche pas à ce flingue…
Je vais te crever, le môme
Il revint brusquement à la mémoire de Connor ces fins de soirées de sa petite enfance où, épuisé, il luttait pour garder les yeux ouverts, puisque je vous dit que je n'ai pas sommeil !, tout en sachant parfaitement que personne n'y croirait, que comme chaque soir sa mère se pencherait sur lui avec un doux sourire en murmurant : il est l'heure de dormir.
Il se sentait exactement comme ça, son corps comme épars au bas des escaliers, la pointe de métal de la rampe brisée enfoncée dans son dos, sans qu'il ne ressente aucune douleur.
L'heure de dormir, petit garçon.
Les sombres silhouettes revenaient à la charge, il était probable qu'elles ne l'aient jamais quitté. Et, cette fois, il n'avait aucun moyen de défense, elles emporteraient son âme Dieu - où plus vraisemblablement le diable - seul savait où.
Et déjà elles étaient là, déchues des hauteurs où elles planaient en un funèbre ballet. Connor n'avait même plus la force d'avoir peur, la vie le fuyait trop vite pour qu'il puisse seulement la rattraper ; si ces bestioles voulaient avoir une chance d'obtenir quelque chose, elles avaient plutôt intérêt à se manier.
Mais il ne se passa rien, elles restèrent à distance, et Connor distingua quelque chose. La lumière fut ténue, tout d'abord, comme les lueurs d'argent qui l'avaient sauvé précédemment, puis elle grandit. Et grandit encore, jusqu'à former une silhouette.
"Maman…" souffla t'il.
C'était la seule chose qui lui était venue à l'esprit. Pourtant, la femme qui apparut devant lui ne ressemblait même pas à Amy. Elle avait un visage clair et doux et de longs cheveux roux. Mais étrangement, Connor en restait persuadé: c'était sa mère.
"Ne t'inquiète pas," murmura t'elle "c'est bientôt fini."
Et elle disparût.
Il y eut quelques secondes de flottement. Les créatures se rapprochèrent dangereusement, mais il ne ressentait plus rien. Tout ce qu'il lui restait de vie et de forces le tendait vers cette éphémère apparition.
Puis des bruits de pas. Des clac clac qui résonnait comme dans une salle vide, un bruit assourdissant. Un homme se pencha sur lui, et Connor déchiffra sans peine l'expression dans son regard.
Il est l'heure de dormir, à présent…
"Qui êtes-vous ?" souffla Connor.
Sa voix n'était plus qu'un faible gargouillis, un liquide au fond de sa gorge l'empêchait de prononcer les mots correctement, mais l'homme le comprit néanmoins.
"Je suis l'Ombre." répondit-il.
L'Ombre ? songea Connor. Parfait, pourquoi pas ? Ca lui irait très bien.
"Tout ça…" bégayait Connor "Tout ça c'était… C'était pour Harry."
Il ignore d'où vient cette phrase, mais il lui semble brusquement essentiel de souligner ce dernier point. Il ne sait même pas qui est Harry, pourtant, ni même si il existe. Peut-être est-il simplement en train de délirer ?
"Pour Harry." répète t'il.
Mais l'Ombre comprend très bien. En silence, il acquiesce.
L'heure de dormir, à présent…
D'accord, songe alors Connor, d'accord je veux bien, si vous y tenez tellement. Pourquoi pas, après tout ? Ca semble une bonne idée.
Il fut un temps où il se croyait immortel…
Bientôt fini… Ne t'inquiète pas, tout est fini…
Et ses yeux se ferment enfin alors qu'un vent, mystérieux et ancestral, vient souffler sur son âme.
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23 mai 1990.
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Il revint brusquement à lui en sentant un souffle glacé contre la peau nue, à vif, de son ventre.
Rémus se redressa d'un mouvement brusque qui fait grincer de douleur les muscles de ses reins. Ses vêtements étaient tous déchirés, et ses mains couvertes de sang.
Le sien, ou bien… ?
Un homme était étendu près de lui, bouche entrouverte, les paumes tournées vers le plafond éventré qui continuait de déverser les vomissements de l'orage.
Quiconque avait vu son visage auparavant l'avait trouvé bien laid, avec toutes ces cicatrices.
Quiconque l'aurait vu à ce moment se serait sentit glacé par l'horreur.
Rémus se releva, tomba à genoux et vomit, puis se releva encore, titubant comme un ivrogne, se forçant à détourner les yeux, se forçant à ne pas voir le sang, se forçant - même - à penser à autre chose.
Son pied droit buta contre quelque chose. Quelque chose qui roula un peu plus loin, prenant son faible élan dans le vent de la tempête. Quelque chose qui avait coûté sa vie à un adolescent.
Sans y penser vraiment, il se pencha et ramassa la bouteille. Et le liquide sombre ramena une foule de souvenirs en lui, certains datant de Poudlard, d'autres même de sa petite enfance. Et d'autres, encore, de la nuit passée.
"Harry ?"
Il se souvint des cris, derrière les bâches. En courant presque, il contourna le sang - noir - et gagna le fond de la salle.
"Harry ?"
Il était là, ils étaient là tous les deux. Le petit garçon était appuyé contre le mur du fond, ses joues couverte de larmes et de poussière, immobile, les yeux grands ouverts et la respiration laborieuse. Un peu plus loin, la fillette était inconsciente, le haut de son visage dissimulé par une masse de cheveux sombres tout emmêlés.
Les faibles jambes de Rémus ployèrent et il tomba à genoux devant eux. La bouteille roula aux pieds de Harry. Il l'observa un moment, puis leva les yeux vers Rémus, son regard indéchiffrable.
"Harry…" souffla t'il.
L'enfant ramassa alors la bouteille et dévissa le goulot.
"Qu'est ce que tu fais ?" bégaya Rémus.
Etrangement, la dernière plainte d'Amy Tillman lui revint à l'esprit. Les derniers mots d'une femme mourante, sans doute en proie au délire.
Sauve Harry, sauve mon petit garçon…
Le regard de Harry, calme, rencontra le sien.
"Elle dit qu'il n'y a que ça qui peut me sauver." souffla t'il.
Et, portant le goulot à ses lèvres, il avala une pleine gorgée du liquide sombre, puis une autre.
Le sang fut la meilleure des protections pour lui, Rémus, souffla Dumbledore dans un coin de sa tête.
Rémus, écœuré sentait la nausée revenir, Harry reposa la bouteille, désormais presque vide.
"Elle avait promis de venir lui dire au revoir." dit-il à Rémus. "Regarde, elle est là, Sarah n'est pas toute seule."
"Qui est là? De qui parles-tu ?" demanda Rémus, étonné.
"Ma mère." répondit Harry.
Lily ? Impossible. Il se retourna, pourtant, s'attendant presque à la trouver derrière lui, avec son sourire malicieux et ses cheveux flamboyant.
Mais, évidemment, il n'y avait personne. Personne d'autre que Sarah qui, bien qu'elle ait perdu dans la même nuit la totalité de sa famille, conservait un délicat sourire, qui venait éclairer son visage si pâle.
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2 janvier 1999.
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Le douzième coup de minuit résonnait encore dans le château endormis, inconscient de l'importance de cette nuit entre toutes. Là-haut, en haut d'une des plus hautes tours de Poudlard, dans l'habituel silence qui assistait la fin comme le commencement, la petite forme fragile du phœnix (re-) nouveau-né laissa échapper une trille.
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