Harbinger

Ce n'est pas comme si tu ne le savais pas
J'ai dit que je t'aimais et
Je jure que c'est encore le cas
Et cela a dû être si pénible
Car vivre avec lui a
Manqué de te tuer

Et c'est ainsi que tu te souviens de moi
De ce que je suis vraiment

Et c'est ainsi que tu te souviens de moi
De ce que je suis vraiment..
"How You Remind Me", par Nickelback, traduit de l'anglais

Son premier regard furtif me fendit telle une flèche au travers du coeur, immobilisant la froide respiration dans ma poitrine. Je n'avais jamais pensé encore pouvoir trouver ce genre de beauté et je me trouvai vaguement surpris que quelque chose fût parvenu à pénétrer la brume engourdie du détachement dans lequel je m'étais maintenant quotidiennement enfermé. Néanmoins, je sus immédiatement que j'avais atteint ma destination. Elle était assise derrière une grande fenêtre de verre qui se courbait depuis l'extérieur du bâtiment afin de former une niche confortable. Elle tenait un livre dans une main tandis que l'autre caressait la tête d'un enfant allongé sur ses genoux. Pâles et majestueuses, ses lèvres bougeaient faiblement tandis qu'elle lisait et la lumière ambrée du soleil dorait ses cheveux dans un halo presque éthéré, entourant l'ovale parfait de son visage. Une couverture d'aspect chaude descendait le long de ses épaules pour se répandre généreusement autour d'eux. C'était une scène idyllique d'un réconfort maternel, imprégnée d'une paix tranquille qui m'était perdue depuis de nombreuses années.

Mais tandis que je m'approchai, de récentes traces de larmes séchées pouvaient être vues distinctement sur chacun des visages. Je restai ainsi un moment à les contempler, subitement réticent à l'idée de faire intrusion dans cette scène tranquille; je n'apportais pas de bonnes nouvelles. Finalement, sentant ma présence, elle se leva et laissa l'enfant somnolant me scruter de ses yeux grands ouverts au travers de la vitre tandis qu'elle s'approchait de la porte. Ses yeux étaient pâles, d'un violet clair qui en ce moment paraissaient chagrinés, meurtris. Une capricieuse mèche d'un brun clair s'était brièvement emprisonnée dans le coin de sa bouche avant que le vent ne l'en libère.

- Je peux vous aider, monsieur?

Elle était d'une politesse distante, élevant son estime à mes yeux lorsqu'elle prit en considération mon apparence ravagée par la bataille et la large épée qui paraissait menaçante, bien qu'étant engainée dans mon dos. J'avais pourtant toujours ce visage de la jeunesse, bien que j'eusse choisi de conserver la cicatrice. Je voulais me souvenir..comme si j'avais été capable d'oublier. Sa tête arrivait à peine à la hauteur de mon épaule, mais elle n'avait pas l'air intimidée pour autant. De tous les types de femmes que j'aurais imaginé un rustre tel que Jecht prendre pour épouse, elle n'était pas ce genre là.

- Je suis venu de la part de Jecht, afin de veiller sur son épouse et son enfant.

Pour dire la vérité, il n'y avait eut aucune mention d'elle, mais j'étais incapable de le dire. A son expression dubitative, je sortis le collier de ma chemise et le lui donnais. Ses yeux s'élargirent ensuite et une main atteignit sa bouche en tremblant légèrement, tel un oiseau effrayé. Lentement, elle tendit la main pour le toucher, mais aussitôt le contact établi, elle se rejeta en arrière, comme si le pendentif argenté l'avait brûlée.

Elle releva la tête, essayant manifestement de rester calme. Les iris teintés de lilas s'étaient assombris, tournant au pourpre et son visage s'était vidé, apportant une teinte rouge à ses pâles joues et accentuant le rose de ses lèvres.

- Et comment est-ce que je peux savoir si vous dites la vérité ? Demanda-t-elle incertaine. Peut-être l'avez-vous tué vous-mêmes et volé ceci sur son corps ?

Sans que nous l'eussions remarqué, le garçon s'était glissé à l'extérieur pour nous rejoindre, jetant un coup d'oeil derrière la jambe de sa mère.

Il semblait terriblement cruel de prononcer de tels mots à sa veuve en peine et en face de l'enfant, mais il n'y avait rien d'autre à faire. Je dis simplement:

- Ses mots à mon intention étaient: « Prends soin de mon fils. Je voulais faire de lui une star du blitzball, comme son père. Mais c'est un tel pleurnicheur..il a besoin de quelqu'un pour le prendre en main. »

Tandis que je parlais, le feu s'était échappé d'elle, la laissant vide et sans couleur.

- Oui. C'est quelque chose que Jecht aurait pu dire.

Elle se retourna et se dirigea de façon hésitante à l'intérieur de la maison, laissant la porte ouverte, me signifiant de suivre. Le garçon m'observa, incertain, avec d'immenses yeux bleus. Il ne ressemblait en rien à son père, mais il y avait quelque chose dans l'ensemble formé par ses petites épaules, ou le menton à l'air têtu qui me rappelait furieusement Jecht. Je me penchai et glissai le pendentif autour de sa tête et il enroula deux petits poings autour de la chaîne.

Elle s'arrêta sur seuil, mais sans se retourner.

- Il est mort, n'est-ce pas ? Sa voix était sans ton et neutre, mais une émotion à peine réprimée y résonnait faiblement.

- Il ne reviendra pas.

Ma voix était en accord avec la sienne, bien que les mots ne l'étaient pas, pas complètement. Je ne pouvais mentir, mais je ne pouvais d'avantage lui révéler toute la vérité sans lui transpercer moi-même le coeur. Comment pouvais-je lui dire que Jecht était Sin? J'optais pour un compromis. Que ce fût la bonne décision ou non, ce fut quelque chose avec laquelle je dus agoniser, une éternité plus tard, sans jamais atteindre de conclusion.

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Jecht. Mon amour. Mort et parti pour toujours. J'avais toujours pensé que mon esprit m'aurait échappé s'il était venu à quitter cette vie sans moi, et il semblait que cela n'était pas si faux. Je pouvais déjà sentir la raison glisser hors de moi, comme l'eau au travers d'une passoire, mais je me forçais de conserver mon intégrité, avec mes bras serrés solidement autour de mon corps, comme si j'allais tomber en morceaux si je les relâchais. Je devais m'éloigner des gravitas froids de cet homme et du regard impassible de son unique œil d'acajou tandis qu'il avait saccagé ma vie avec de simples mots sans inflexion.

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