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Il y avait l'habitude de voir une tour grisonnante, seule sur la
mer
Tu es devenue la lumière de mon côté obscure..
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Il la regarda un long moment et ne trouva aucune trace de fourberie dans l'étude de son visage. Dans la pénombre son œil manqua l'aspect rosé qui aurait pu toucher la peau pâle. Ses lèvres se tordirent dans un petit sourire qui signifiait qu'elle était consciente de l'examen minutieux et n'y prêtait pas attention, car elle voulait qu'il sache qu'elle avait parlé sérieusement.
Décidant finalement que sa déclaration ne signifiait rien de plus, il sentit de manière inattendue quelque chose s'apaiser dans son cœur, un quelconque nœud de tension dans sa poitrine s'était dénoué. Gardien Honoré ou non, il avait vu d'innombrables regards choqués par la pitié ou l'horreur sur le chemin de sa longue quête à la recherche de Jecht, bien qu'ils fussent rapidement maîtrisés et cachés. Leurs parents avaient du considérer son défigurement comme un badge honorifique labellisé « A sauvé le monde de Sin » -- Ah ! – mais ils étaient des enfants trop jeunes pour comprendre, tournant rapidement leurs visages effrayés dans les jupes de leurs mères tandis qu'il passait. La route avait été longue.
Il aurait été capable d'ôter la cicatrice s'il l'avait voulu ; son esprit était après tout, la seule force qui liait les éléments de son corps ensemble. Mais cela semblait une trahison envers ceux qui avaient donné bien plus que de la vanité, et en dépit de cela, il était pratiquement certain qu'elle réapparaîtrait. Elle était une partie de celui qu'il était maintenant. Le coup que Yunalesca lui avait donné avait mordu profondément la chaire et les os, se fendant dans l'âme.
Il posa la tasse vide sur la table et se leva.
- Merci, fut tout ce qu'il dit en partant, et que ce fut pour le thé ou quelque chose d'autre, elle ne pu le dire.
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Après cette nuit, il commença lentement à délaisser tous ces vêtements lourds lorsqu'il était dans la maison, jusqu'à finalement ne les porter que lorsqu'il quittait la propriété, un événement rare. Si cela lui était difficile au début, il n'en donna pas l'impression, et j'étais contente. Cela m'avait blessée que celui que mon mari avait aimé si chèrement, celui qui avait fait tant pour nous, ressentait le besoin de se fortifier derrière ces barrières de vêtements et de lunettes.
Il y avait une nouvelle tranquillité sociale entre nous ; une proximité confortable comme si nous étions des amis depuis longtemps, bien que nous ne nous connaissions que depuis peu. Nous nous asseyions ensemble durant de longues périodes de silence, lui habituellement avec un livre et moi avec mes peintures, sans ressentir ce sentiment désespéré de remplir le vide tranquille par des conversations nerveuses et insignifiantes. Lorsque nous parlions, j'avais l'impression qu'il m'écoutait comme peu l'avaient fait auparavant. Je parlais de Jecht et de ma vie avant qu'il n'y entre, et Auron parlait avec une impatience mal dissimulée de son pays natal, une place luxuriante et verdoyante que je rêvais de voir.
Il s'asseyait même de manière tolérante durant l'émission diurne que j'adorais, levant seulement de temps à autre un sourcil sarcastique par-dessus le dos de son livre. Aujourd'hui, il était ainsi allongé sur le canapé, tandis que j'étais assise les jambes croisées sur le sol, regardant avec une attention soutenue les personnages jouer leurs vies sans profondeur. C'était fade, exagérément dramatique et prédictif, mais j'y étais malgré tout accrochée.
- Ah ! M'écriais-je. Il l'a finalement demandée en mariage !
J'ai presque pu le voir rouler son œil.
- Il n'y a pas environ un mariage par semaine dans cette série ?
- Non ! Dis-je indignée. Enfin, peut-être. Mais là, c'est différent, ils sont juste fait l'un pour l'autre—
- Est-ce qu'il n'a pas couché avec sa meilleure amie la semaine passée ? Et est-ce qu'elle n'attend pas un bébé de quelqu'un d'autre ? Demanda-t-il d'un ton ennuyé.
Je restai bouche bée et je me retournai à moitié pour lui faire face.
- Tu prêtais attention à ça ?
Il eut l'air vexé.
- Malheureusement. Tu as les goûts les plus étranges. Prends ceci, par exemple..
Il montra le livre dans sa main.
Mes joues s'enflammèrent lorsque je ne vis pas le cuire habituel de la littérature classique qu'il avait dévoré jusqu'à présent mais la couverture d'un véritable roman érotique.
- Où est-ce que tu l'a pris—
Il continua avec incrédulité, une singulière lueur d'espièglerie dans son œil.
- Est-ce cette réalité fleurie et légère dont les femmes veulent vraiment ? Il lu avec une accentuation moqueuse, Gavin la porta et l'allongea sur l'herbe, la végétation verdoyante contrastant avec les cheveux roux et enflammés qui se répandaient en vagues miroitantes sous elle, ses mains luttant pour libérer les la paire ronde de couleur perlée emprisonnée dans son corset tandis que sa langue pillait les profondeurs mielleuses de sa bouche—
- Auron ! J'arrachai le livre de ses mains et il me gratifia d'un sourire mi-amusé, mi-sérieux.
Sans pitié, il continua de me tourmenter en pointant la couverture.
- Et est-ce cela qu'il est supposé porter ? Je dois te dire qu'aucun homme ne voudrait, même sous la menace de la mort, porter du cuire aussi serré que cela ou des chemises qui exposent leurs poils de la poitrine presque jusqu'au nombril. En tout cas pas un homme qui aime les femmes.
Je le foudroyai du regard.
- Il est impétueux et aventureux.
- Ou un pirate, termina-t-il.
Je ne trouvais rien à redire ; je ris et il fit un son amusé.
- Tu as meilleur temps de retourner à ta série, m'averti-t-il. Ils seront tous deux mariés à quelqu'un d'autre demain.
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Son rire était exquis. Je me surpris à souhaiter de dire n'importe quoi, même à mes propres dépends afin de l'entendre. Cela semblait un crime d'imaginer que le monde avait presque failli perdre ce son à tout jamais. Je conservais précieusement chaque moment où nous passions du temps ensemble, nous contentant simplement de la compagnie l'un de l'autre. Si je ne pouvais vivre avec elle la relation que je souhaitais, c'était au moins réconfortant pour mon cœur blessé d'avoir l'amitié improbable que nous avions construite.
Après avoir vécu si longtemps la vie solitaire d'un moine guerrier, puis ensuite celle d'un gardien en voyage, c'était également un plaisir inattendu de faire soudainement partie de ce qui pouvait presque être appelé une famille. Je trouvai de la beauté dans la routine ordinaire et prédictive de l'éveil et du sommeil, prendre des repas ensemble. De vastes mondes sommeillaient sous les couvertures des livres que je n'avais jamais eu le temps d'explorer ; sur Spira, il y avait toujours eu des tâches urgentes à accomplir. La maison me manquait toujours, si seulement il y avait eu un peu de nature sur laquelle résider, mais au moins le même soleil et les mêmes étoiles passaient dans le ciel, dans leur gloire brillante et familière.
Tidus me donnait aussi plus que tout ce que je ne lui avais jamais donné. Son enthousiasme était contagieux, même si son optimisme innocent me tapait sur les nerfs, me faisant devenir cynique avec les ravages du temps. Fidèle à lui-même, il était toujours excité de me voir, même lorsque je perdais patience et me fâchais, lui ordonnant de me cesser de m'importuner. Même le chat m'avait adopté, décidant que mon lit était la place la plus confortable pour un félin afin de passer la nuit, étant suffisamment charitable pour le partager avec moi si je n'avais pas fait d'objection à partager l'oreiller. Je le fis, et après quelques nuits sans repos, je procurai à la chose odieuse son propre oreiller, un compromis qui nous convenait à tous deux. Les rêves me perturbaient rarement, et pour la première fois depuis longtemps, même avec le désir réprimé dans mon cœur, j'étais heureux. Je me sentais vivant.
Je pensai souvent plus tard que ces choses auraient pu être en ordre,
qu'elles auraient pu juste rester ainsi. Mais je savais aussi que cela
était impossible ; soit par contrainte du destin ou simplement par la
persistance irrésistible de l'amour dénié, le reste
de l'histoire était inévitable.
