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Mes mains t'aimeront
Aux travers des ténèbres et elles
Te révéleront à la lumière de la lune..
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Le seul point incongru de couleur dans la pièce qui s'assombrissait lentement était le manteau pourpre reposant sans cérémonie sur une chaise, le seul élément qui n'était pas plié de manière soignée ou rangé dans un ordre parfait. Il ne pouvait y avoir de doute que l'occupant de la pièce fut autrefois un militaire, j'observais comme j'étais venue pour enlever et laver la literie. Les nettoyages ne me paraissaient plus être une tâche aussi insurmontable. J'avais presque du plaisir à le faire ; les corvées quotidiennes apparaissaient moins comme des tâches ingrates et plus comme une affirmation de la vie – les choses devaient être nettoyées, utilisées et nettoyées à nouveau, tels mes chemises tachées de peinture et l'uniforme de Blitz trempé de Tidus. La vie semblait rendre les choses sales.
Cela était d'une grande aide le fait qu'Auron n'ait aucune aversion à faire les choses dans la maison, après avoir été instruit sur l'utilisation courante des différents appareils domestiques. Il avait toujours l'air légèrement terrifié chaque fois qu'il touchait quelque chose de nouveau, comme si un éclair viendrait à le frapper d'un quelconque pêché mortel, bien que je prétendisse ne pas le remarquer après m'être vue gratifiée d'un regard furieux l'unique fois où je le mentionnai. Cela avait été plutôt amusant au début, de voir un homme passer l'aspirateur – Jecht abhorrait faire les nettoyages, nous avions toujours engagé des bonnes – mais il avait l'air aussi sérieux et gracieux en le faisant que lorsque qu'il courait au travers des formes à l'apparence mortelle avec son épée dans la cour.
Il y était maintenant, je pouvais le voir au travers de la fenêtre, bien que sans l'épée. Au lieu de cela, il se tenait avec Tidus dans les derniers rayons ambrés du soleil couchant, ils allaient y rester jusqu'à que le manteau indigo du crépuscule tombe complètement sur le jeune ciel automnal. Tous deux formaient une paire impressionnante ; les lignes claires des formes précise bougeaient en tandem comme ils exécutaient une des nombreuses techniques qu'Auron avait enseignées à mon fils. Le Gardien en avait fait la confession, une fois que le garçon avait été hors de portée de voix, que Tidus apprenait exceptionnellement vite s'il pouvait être persuadé de se concentrer. Sans surprise, c'était également un défit de l'amener à focaliser son attention.
Pourtant aujourd'hui Auron avait toute son attention. C'était le premier jour depuis presque une semaine où il était autorisé à s'entraîner à l'extérieur, il avait été malade durant plusieurs jours avec un mauvais virus à l'estomac. Un jour supplémentaire de repos aurait eut été nécessaire, mais ni moi ni Auron n'avions eut la patience de le divertir d'une autre manière, car il était pratiquement impossible de canaliser toute l'énergie qu'il avait accumulée lorsqu'il était alité. Il avait l'air mieux et je savais qu'Auron ne le solliciterait pas trop.
Je n'y avais pas prêté attention pendant longtemps à la manière dont mes yeux avaient commencé de suivre l'homme plus âgé au lieu du garçon. Je savais seulement que chaque ligne glabre de son corps rayonnait de puissance comme il bougeait d'une façon qui aurait presque pu être appelée de la danse – si le mot pouvait quelque part être corrigé de façon à garder seulement la grâce et rien de la frivolité qu'il impliquait.
Le soleil s'était pratiquement couché ; seulement une pointe de soleil brillait avec éclat sur l'horizon. Auron me faisait face en regardant Tidus d'un air grave avec les bras croisés tandis que l'enfant exécutait le kata encore une fois. Dans le crépuscule, la noirceur de ses cheveux buvait cupidement la lumière, ses dents brillaient d'un blanc artificiel dans l'obscurité comme il dilapida un rapide et rare sourire lorsque Tidus termina. Son torse nu refléta brièvement un éclat d'un bronze sombre, scintillant toujours de la sueur de son propre exercice.
Son regard se leva subitement et rencontra le mien, le sourire réapparu brièvement et il hocha de la tête en signe de reconnaissance. L'étincelle couleur acajou sembla décrire un arc à travers l'air, perçant ma poitrine et me faisant hoqueter douloureusement.
Il était soudainement céleste, cruellement magnifique : un demi-dieu capricieux errant dans le plan terrestre afin de traiter avec les mortels. Inconscient de sa propre beauté, il détourna le regard brisant ainsi le sort qui me tenait immobile. La force de ma réaction inexplicable me fit chanceler, je m'effondrai contre le lit et tendis mes bras aveuglément afin d'éviter de tomber.
Suis-je attirée par Auron ?
Suis-je en train de tomber amoureuse de lui ?
Mes mains se tordirent dans les draps puis se fermèrent en poings, je m'assis lourdement sur le matelas comme si j'avais été frappée en plein visage par la main indélicate de la réalisation soudaine. Il n'y avait aucun moyen de nier la réponse à la première question ; la chaleur résultante du mercure courant dans mes veines rendait tout mensonge impossible. Une centaine de petites pensées et coups d'œil de ces derniers mois devinrent subitement des évidences incontestables. Oui, d'un point de vue purement physique, je l'étais. Mais pas seulement, je suppose : il était toujours aimable, patient avec Tidus et possédait même un sens de l'humour tordu caché quelque part. Il était le rocher stabilisant que Jecht n'avait jamais été – mais ô mon Dieu, c'était trop tôt, je n'étais pas prête –
Jecht..
J'aurais pu rester engourdie ainsi assise pendant des heures, si je n'avais pas entendu Tidus claquer la porte lorsqu'il rentrèrent pour le souper. Ma tête tournait et mon estomac avec. Je ne voulais rien de plus que me retirer dans ma chambre et m'allonger, mais j'étais incapable de bouger. Le bruit soudain me poussa à agir ; je ne voulais plus parler à quiconque. Le laissai dans la cuisine une note griffonnée hâtivement et fuis, laissant inévitablement Auron amener à se demander pourquoi j'étais venue pour seulement retourner son lit et laisser les draps entassés sur le sol.
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Auron nota distraitement que Tidus avait beaucoup grandi depuis la dernière fois où il avait porté le garçon à son lit de cette manière. C'était fascinant la façon dont les enfants grandissaient. Etant mort et lui-même inchangé dans un environnement si étrange, Auron avait complètement perdu la notion du temps qui passait. Il lui semblait encore parfois que très peu de temps s'était écoulé depuis son arrivée, ainsi ces nouveaux changements chez Tidus étaient plutôt un choc. Ses membres étaient plus longs bien qu'il était encore plutôt maigre, le temps passé à l'extérieur avec Auron lui avait permit de mettre un peu de muscles. L'expression presque angélique sur son visage endormi était pourtant toujours la même, tout comme le sourire démoniaque qu'il arborait une fois éveillé.A peine remit de sa « grippe », comme Serra l'avait appelée, les activités de la journée l'avaient véritablement et complètement épuisé. Auron s'était senti un peu coupable de l'avoir fait travailler si durement en voyant le garçon incliner la tête et presque planter son visage dans la pizza à peine entamée. Ils iraient plus doucement demain. Le garçon avait besoin d'un jour de repos.
Sur le chemin du retour du salon, il s'arrêta involontairement devant la porte de Serra. Le souper avait été une activité tranquille avec l'absence de son rire taquin et le bavardage incessant de Tidus englouti par la soudaine fatigue. Suis-je devenu si habitué à elle ?
Rien n'avait véritablement diminué sa beauté à ses yeux. Même plus tôt dans la soirée, ébouriffée et ses bras remplis de lessive, il avait presque senti ses os fondre devant son sourire. Est-ce qu'elle sait ? Peut-elle savoir combien elle m'affecte, la façon dont je dois porter ailleurs ce regard qui ne demande qu'à boire sa vue éternellement ?
Il décala son poids afin de continuer le long du couloir, mais il ne le fit pas. Cela ne lui ressemblait pas de s'isoler tel qu'elle l'avait fait ce soir, pas depuis sa bataille initiale avec la dépression et le chagrin. Lorsqu'ils rentrèrent, tout ce qu'ils trouvèrent fut une note laconique disant qu'elle était au lit avec un mal de tête, suggérant qu'ils commandent le souper pour ce soir. Cela avait l'air assez anodin, mais un malaise qu'il ne pouvait nommer éveilla son inquiétude, le laissant avec un sentiment dominant d'inexactitude. Elle avait également laissé toute sa literie empilée sur le sol, comme si quelque chose l'avait heurtée soudainement.
Il entendit le doux jet de la douche coulant dans le fond, ainsi elle ne devait pas se sentir si mal, il supposa. Il devrait vraisemblablement en prendre une lui-même. Il s'en retourna pour jeter le reste de la pizza dans le frigo était en train de le faire lorsqu'il entendit le son alarmant de la chaire humide dérapant sur la porcelaine, suivit par un bruit sourd et écœurant. Il courut vers la porte et l'ouvrit juste assez pour y passer la tête prudemment.
- Serra ?
Pas de réponse.
- Serra, est-ce que tu vas bien ?
Alors que la seule réponse fut de l'eau qui coulait, il courut à travers la pièce et l'entrée jusqu'à la salle de bain. L'auréole pourpre sur fond blanc fut la première à attirer son œil, et il s'approcha d'elle sans plus d'hésitation pour la modestie ou la propriété. Elle gisait allongée face contre terre et immobile sur le sol pavé de la douche. Sa frêle forme resta complètement inerte tandis qu'il la retournait avec inquiétude. Le jet continu de l'eau lava le filet de sang qui coulait de sa lèvre, l'autorisant à se répandre dans un rose pâle au travers de l'égouttoir. En examinant doucement sa tête de ses doigts, il trouva une large bosse sous ses cheveux, enflée mais pas sérieuse. Elle bougea dans ses bras, jetant un coup d'œil en direction de l'eau qui coulait directement sur son visage.
- Auron ? Demanda-t-elle pâteuse. Ses yeux s'ouvrirent ensuite un peu, réalisant seulement où elle était et où ses habits n'étaient pas.
Il coupa le jet d'une main et attrapa le linge le plus proche de l'autre afin de l'enrouler autour d'elle. Elle essaya de s'asseoir pour le faire elle-même mais sa voix bourrue l'arrêta.
- Arrête, Serra. Pas si rapidement.
Heureusement, le grand linge couvrait tout. Si Auron avait eut la tentation de regarder, il l'avait habilement caché. Bien sûr, il aurait pu tout voir lorsqu'il était entré, de toute manière..Mais il avait l'air presque comme toujours, extrêmement calme, bien que son ton fût préoccupé.
Il s'assit sur ses talons, la couvrant entre ses genoux, ne prêtant aucune attention à l'eau qui pénétrait dans ses pantalons tandis qu'il examinait la coupure sur sa lèvre inférieure. Pour sa part, il avait été aisé d'oublier sa nudité dans son inquiétude, mais maintenant il se battait pour ne pas se rappeler depuis combien de temps il n'avait pas vu de femme ainsi.
- Qu'est-ce qui est arrivé ?
- Je ne sais pas..j'étais debout, puis je ne l'étais
plus. Tout était très chaud.., dit-elle péniblement.
Il fronça des sourcils. Elle tremblait, même sous le jet, et la peau sous ses mains, qui aurait dû être froide de l'eau qui ruisselait toujours, était bouillante. Il posa sa main sur son front.
- Tu es fiévreuse.
Serra ferma ses yeux lorsqu'il la toucha, se sentant subitement perdue, le toucher délicat lui invoqua fortement un désir réprimé de recevoir de l'attention. Si ses doigts tremblaient légèrement, elle ne le nota pas.
Abruptement, une écrasante vague de malaise se déversa sur elle.
- Auron, laisse-moi. Je vais vomir.
Elle trébucha jusqu'aux toilettes et le fit, humiliée par sa présence. Mais il vint à son côté sans un mot, ses bras puissants la soutenant et ôtant les mèches mouillées de son visage. Finalement, les spasmes se calmèrent et elle posa sa tête lourde sur ses bras, se sentant aussi faible qu'on chaton à peine né.
Elle l'entendit partir puis revenir, puis senti la fraîcheur lisse du verre d'eau qu'il pressa dans sa main.
- Ta douche est terminée, je crois. Essayons de te mettre au lit.
Elle ouvrit ses yeux et essaya de se lever mais ne pu le faire, étant trop désorientée pour garder son équilibre.
Il la soutint délicatement, à tel point qu'il faillit perdre le linge dans le processus.
- Voilà, je vais te porter. Juste, ah, tiens le linge.
Tenue étroitement contre son torse, ses bras enroulés solidement autour d'elle, elle se battit contre l'envie de pleurer et de s'abandonner. En enfouissant sa tête dans sa chemise, elle pleura en silence, triomphant du besoin de Jecht, qui avait toujours été celui à la tenir ainsi avant, mais également honteuse de la façon dont l'étreinte d'Auron, bien qu'à but pratique, semblait la consoler. Elle sentait maintenant le frisson la parcourir au contact de ses bras nus contre sa peau.
Combien cela lui manquait d'être ainsi étreinte..
Il l'assit au milieu des oreillers, attrapant un linge pour ses cheveux sans qu'elle le lui demande, ainsi qu'une chemise pour qu'elle puisse se changer. Elle essaya de faire cela elle-même tandis qu'il alla chercher de la glace à la cuisine pour sa tête. Ce n'était pas si désagréable de recevoir un peu d'attention. Elle pourrait fermer ses yeux avec lui ici et se sentir en sécurité, enveloppée dans le confort de sa présence, sachant que rien ne pourrait lui faire de mal tant qu'il serait proche d'elle. N'était-ce pas ce que Jecht lui avait demandé ? Etait-ce si faux de ressentir cela pour lui ?
Comment pouvait-elle ne pas le faire ?
