Renoncement

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Laisse-la seulement pleurer
Si les larmes coulent comme la pluie
Laisse-la chanter
Si cela adoucit sa peine
Laisse-là partir
Laisse-là m'abandonner
Et si le soleil se lève demain
Laisse-la tranquille..

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Au début, il n'y avait rien d'inhabituel dans la pénombre..seulement l'oubli d'un esprit endormi, brumeux et sombre où le temps avait peu de signification et où la conscience était généralement absente. La cognition m'inonda dans un éclair lorsqu'une colonne de feu s'embrasa devant moi, obligeant la nuit à abdiquer, à se retirer à contre-cœur dans en de profondes ombres de liquide marécageux qui cachaient les amoncellements de pierre qui semblaient terriblement familiers. Les flammes s'évanouirent pour former les scintillements soumis d'un sage camp de feu et je vis finalement Jecht allongé élégamment en face lui, me faisant directement face.

La sincérité dans son regard était déconcertante, trop présente pour une simple ombre imaginée.

- Suis-je en train de rêver ? Lâchais-je distinctement.
- C'est plus simple de cette manière, idiot, dit-il, comme si cela expliquait tout. Comment va-t-elle ? Demanda-t-il.

Courtois, comme toujours. Tu m'as manqué, Jecht. Mon désir ardent de le revoir était seulement atténué par la crainte de ce que je devais dire. Je traversais la place et m'asseyais lourdement à son côté, de façon à ce que je puisse le regarder sans être ébloui par le feu.

- Elle va bien, dis-je finalement.
- Bien, fut tout ce qu'il dit. Son expression impénétrable. Le garçon ? Demanda-t-il de façon inattendue.

Je ne savais pas pourquoi le lui dire était si difficile ; je crois que c'était un supplice qu'il dût me demander comment se portait sa famille.

- Rien ne l'a empêché de progresser depuis longtemps. Et bien que je ne t'aie jamais vu jouer, je pense qu'il pourrait te surpasser. Certains l'ont appelé un prodige.

Il hocha de la tête, une indiscutable lueur de fierté illuminant son regard à mes mots. La conversation s'évanouit ensuite un peu – aucune raison de demander à l'autre : Comment vas-tu ?

Mort. Et toi ?

Pas encore, bien que j'eusse préféré l'être –

Je bannis les pensées morbides avec un peu d'effort, mais quelque chose dans l'inclinaison moqueuse du sourire inattendu de Jecht m'indiqua qu'il avait pensé la même chose. Ma bouche se déforma pour retourner poliment ce faux sourire, mais seulement brièvement. Il y avait encore quelque chose que je devais lui dire.

- Elle ne sait pas, Jecht. Je tirai les mots avec difficulté. Je ne pus lui dire.

Il feignit la surprise.

- Un moine guerrier de Yevon serait-il donc capable de mentir ? Demanda-t-il avec une voix teintée de sarcasme.
- Ne m'appelle pas ainsi, grognais-je fâché.

Il n'eut pas l'air contrit, mais soupira simplement.

- J'aurai plutôt préféré que tu le lui dises.

Je lui dis la vérité.

- Cela l'aurait tuée. Elle a failli mourir de ton absence..

L'émotion se fit finalement pleinement sur son visage, un étrange mélange de douleur, d'amour et de bonheur. Il ferma ses yeux.

- Tu lui manques toujours, Jecht, dis-je plus bas. Tout comme à moi.

Jecht était un homme sagace avec un œil étonnant pour le détail, Braska et moi l'avions noté lorsqu'il avait arrêté de boire. Je n'étais ainsi nullement surpris par ce qu'il ajouta ensuite.

- Tu l'aimes, connard, n'est-ce pas ?

Les mots crachèrent tout le vitriol qu'ils auraient pu contenir, mais n'étaient néanmoins pas accusateurs.

Je ne dis rien. Mon absence de démenti était suffisante.

Il lança rageusement un caillou dans le feu, dispersant des étincelles aux alentours et envoyant des brindilles enflammées virevolter autour de la pierre jusqu'à ce que les braises rougeoyantes s'éteignent et se scindent en cendres. Je réalisai finalement où nous étions et pourquoi cela était si curieusement familier. C'était le dernier camp de feu où nous avions séjournés avant d'entrer à Zanarkand, cette nuit mélancolique et sans sommeil où nous deux étions restés silencieusement éveillés, redoutant la perte imminente de Braska. O combien avions nous sous-estimé nos facultés pour le chagrin..

- Est-ce qu'elle t'aime ? Demanda-t-il finalement dans une voix qui résonnait presque morte.

Ma tête tomba entre mes mains.

- Je ne sais pas, Jecht. Pour son bonheur, j'espère que non, grognais-je dans une misère désespérée. Aprement, je m'écriais, Délivre-moi de ce serment, Jecht ! Libère-moi et je jure que je quitterai sa vie pour toujours.

Il émit un rire rauque dépourvu humour.

- Auron, c'est un miracle que tu ne sois pas parvenu à te tuer une deuxième fois, misérable bâtard, tant tu te frappes la tête avec une culpabilité qui n'est pas la tienne.

Sa voix intimait qu'il ne parlait pas seulement de Serra et du présent. Il eut l'air soudainement très fatigué mais résigné.

- Si tu pars, il y aura de toute manière quelqu'un d'autre.

Je pouvais supporter de l'écouter dire cela. J'aurais voulu pleurer pour le regard qu'il y avait sur son visage ; fermement contrôlé et je sus ainsi qu'il dissimulait l'invasion de la folie qu'il maintenait en veille. Sin commençait à le rendre fou. Comment pouvais-je supporter d'augmenter sa torture ? Je la désirais, mais pas à un tel prix !

- Elle mérite mieux qu'un homme mort, Jecht.
Son expression était toujours de pierre.

- Au moins je sais cela, que mort ou pas, tu la protégeras. Et même un aveugle ne pourrait nier que tu l'aimes.

Il détourna le regard, parlant très doucement.

- Prends juste..soin d'elle. Rends-la heureuse. Pour moi.

Les mots inutiles étaient sortis avant que j'aie pu les arrêter.

- Cela aurait dû être moi. Je souhaite—

La pierre se brisa.

- Tais-toi, Auron ! Hurla-t-il. C'était mon choix et rien ne peut le changer maintenant. Ne le rend pas plus pénible.

Il ouvrit ses mains et les regarda comme si elles étaient soudainement étrangères..inconnues.

- Je ne vais pas être capable de le refaire, Auron, dit-il singulièrement. Je ne pense pas qu'il reste assez de moi pour cela. Il se leva, me tournant le dos.
- Jecht, m'écriais-je, courant pour attraper son bras. Attend—
- Tu vas bientôt t'éveiller, Auron..

Il me gratifia de ce demi-sourire tordu et les larmes montèrent finalement à mon œil lorsque je vis son regard de compassion pour moi, tandis qu'il était celui qui vivait en enfer. En comparaison, mon existence damnée était le paradis.

Je restai ainsi figé tandis que les précieuses secondes s'écoulaient. Vivants, aucun de nous deux n'avait jamais été le genre à—

Mais il n'y aurait jamais plus d'occasion ; je me débarrassai de mon inhibition et

J'aurais dû faire cela—

l'attrapa violemment dans une étreinte aussi étroite que mes bras le permettaient, l'étreignant comme j'aurais dû le faire tandis que nous étions tous deux des hommes vivants. Après une seconde, je sentis ses bras se refermer avec force autour de moi et l'humidité de sa joue mal rasée contre la mienne juste avant qu'il ne commence à s'évanouir. J'essayais désespérément de tenir, mais mes bras se noyèrent en vain au travers de sa forme de plus en plus transparente.

- Je te reverrai ! Hurlais-je avec désespoir. Je te libérerai !