Harry Potter, une nouvelle étape avant…
Note de l'auteur : Alors que dire… le temps me file entre les doigts, j'ai plein d'idées mais peu de temps pour les taper. J'espère que celui de la semaine dernière a plu même à ceux qui ne m'ont pas laissé de reviews (les vilains !).
Je tiens à remercier de leur message :
Thealie : l'aide que Rémus a fourni à Harry n'a rien de magique, c'est une écoute, du réconfort et une peine en commun qui permet une meilleure compréhension des deux parties. Voilà c'est tout, si tu veux plus de détails sur ça, je peux toujours en écrire si je me trouve face à un chapitre avec Rémus. Dis le moi. Sinon merci.
George Potter : Serais-tu un proche parent de Harry ? Pour ce qui est des chapitres avec des points de vue différents, j'avoue que c'est original mais je pense que ça peut rendre bien. Harry est la pièce maîtresse mais comme sur un échiquier, le roi est vital mais il n'est pas seul sur le plateau, les actions des autres créent un monde autour de lui. Je pense qu'il en est de même avec Harry, il est et demeure le plus important dans mon histoire mais d'autres sont là.
Chessandmat : Je crois que tu suis mon autre fic. Je suis contente de voir que celle-ci te plait aussi. Merci.
Zabou : Je vais dans ton sens par rapport à la longueur des chapitres. J'espère que la suite te plaira toujours.
Bisous à tous,
Caldys
Droit d'auteur de J.K.Rowling et de la Warner Bros : Je tiens à rappeler que tous les personnages et le monde qui les entourent appartiennent aux possesseurs (cf. ci-dessus).
Chapitre 3 : L'abandon d'une retraite (Alberforth Dumbledore)
La tempête faisait maintenant rage dehors. Il y a de cela deux heures, la voûte céleste avait disparu derrière les nuages menaçants. Le vent s'était intensifié, grondant dans le silence maintenant réduit à néant de la nuit. Réveillé, il était alors libre de déchaîner ses affres où il le voulait. Puis la pluie l'avait suivi battant autant qu'elle le pouvait les façades des maisons de pierre, les forêts et les âmes qui ne s'étaient pas mises à l'abri. Dans un rituel qui dure depuis la nuit des temps, le cycle de l'eau recommençait, immuable, sa grande boucle mais avec une violence non déguisée dans cette contrée.
Cependant, il était tard. Les hommes dormaient dans leurs doux foyers. Les déchaînements impromptus de la nature ne les gênaient pas, car comme vivant en parallèle de la nature et non en osmose avec elle, les hommes passent le plus souvent aux travers des aléas climatiques. Tentant de dompter ce qu'il ne comprend pas, en l'occurrence la nature, l'homme a depuis longtemps perdu le sens de la vie et sa place dans cet univers qui n'est pas le sien et qui ne lui appartiendra jamais.
La pleine lune qui avait illuminé le ciel n'était plus et seul une pénombre profonde habitait cette nuit. A l'extérieur, la nature était en train de se remettre de cette terrible et il flottait dans l'air, cette odeur toute particulière de terre humide, de terre détrempée ici.
A l'ouest de l'Ecosse, dans la péninsule de Harris rattachée à l'île de Lewis de l'archipel des Hébrides extérieures, la tempête était partie, continuant sa route portée par les vents. Un seul homme avait suivi cette tempête l'observant à travers les vitres de sa véranda.
Cet homme s'était retiré dans cette vie de reclus, dans cette île aux caractères encore originels. Il avait une modeste demeure dans le sud de l'île au bord de la mer. Cela faisait maintenant plus de quinze ans qu'il s'était retiré et la vie lui avait été depuis, plus paisible. Néanmoins, son insomnie ne l'avait jamais quitté et l'avait harcelé une nouvelle fois ce soir.
Grand, cet homme arborait une magnifique barbe grisonnante et portait ce soir-là un habit sombre. Si un voleur s'était aventuré une nuit, où l'insomnie aurait été clémente, ce voleur-là aurait été surpris de rencontrer tant de livres dans cette si petite maison de pierre. Surtout que ces livres n'étaient pas ordinaires sur leur tranche, on pouvait lire des titres comme « Mille et une potions médicinales » ou encore « Sorts oubliés des temps anciens ». Cet homme était un sorcier.
Une plainte s'éleva dans la nuit, la tempête étant passé, le vieil homme put l'entendre distinctement et il sut d'où elle provenait. Se levant, il ouvrit une porte de sa véranda, changea au passage de chaussures, et se rendit dans la grange attenante à la maisonnette. Il sortit alors de la poche arrière de sa robe de sorcier, une baguette de bois très longue, en bois d'hêtre.
« Alohomora, » dit-il d'une voix vive et claire pour son âge.
Dans cette vieille grange, il avait aménagé des années plus tôt : clapiers, box et poulailler… Les bêtes avaient été affolées par la tempête et les chèvres se mettaient maintenant à bêler à tue-tête. Par chance, il avait découvert dans un vieux grimoire, les recherches d'un sorcier passionné des animaux. Grâce à ses recherches, le sorcier en question avait trouvé quelques sorts utiles dont un pour calmer les animaux. Comme ce chercheur, le sorcier avait une affection toute particulière pour les animaux. Puis utilisant ce sort, ses animaux se calmèrent et il prit le chemin inverse pour rentrer au chaud dans sa chaumière.
Le vieil homme ne s'était pas encore assis qu'un hibou vint taper du bec sur une des vitres de la véranda. L'oiseau avait les plumes en désordre et le plumage mouillé. Le pauvre oiseau, se dit le sorcier, il a du traverser la tempête. Par ailleurs, cette lettre l'intrigua, il ne recevait pas souvent de courrier et les seules relations qu'il entretenait avec les autres hommes sur cette planète, c'était avec ses premiers voisins à quelques kilomètres de là et qu'il ne voyait qu'une à deux fois par an, cette lettre ne pouvait pas venir d'eux et il y avait aussi son frère qui venait le voir quelques fois lorsqu'il en avait le temps.
Cette lettre ne pouvait être que de son frère. Qui d'autre aurait pu lui écrire dans le monde magique ? Depuis l'histoire de la chèvre, on l'évitait. Ils n'ont rien compris, pensa-t-il, pourquoi ne m'ont-ils jamais laissé l'occasion de m'exprimer sur ce sujet ? D'un côté, le plus important est que son frère lui l'ait écouté et l'ait cru. Peu lui importait comment les autres pouvaient le voir.
L'histoire de la chèvre comme les journaux l'avaient appelé s'était passée il y a très longtemps pour le sorcier et il ne comprenait toujours pas comment on avait pu lui en vouloir. Les journaux avaient dit qu'il s'entraînait à lancer le sort de l'Avada Kedavra sur ses chèvres. A cette pensée, il se demanda comment il aurait pu oser faire cela. D'abord, il n'avait jamais eu besoin de beaucoup s'entraîner pour savoir le jeter, il l'avait appris en même temps que son frère bien des années auparavant. Certes, c'était un sort de magie noire mais il en avait eu besoin ce jour là, aucun autre sort ne lui était venu à l'esprit dans ce moment de panique. Un jour en automne, il avait lâché ses chèvres dans le petit enclos derrière la maison, il les surveillait mais à cause du soleil, il s'était assoupi puis il avait été réveillé en sursaut par un mouvement soudain de ses sept chèvres. Cette panique avait été due à une seule chose : une des chèvres avait été mordu par une vipère. La chèvre était condamnée, il n'avait rien pour la soigner et pour lui abréger les souffrances, il avait préféré l'achever avec le sort de magie noire. Après coup, il avait réalisé qu'il n'aurait pas dû, qu'il aurait pu s'y prendre autrement et cela même avant qu'il ne reçoive la lettre du ministère lui annonçant sa convocation en justice. Grâce à son frère, il avait été acquitté et avait évité la prison, la sordide prison d'Askaban.
Il se leva, prit la lettre et la posa sur un guéridon. Il alla d'abord chercher un bol d'eau et un morceau de cake qu'il posa par terre devant la cheminée pour que l'hibou puisse se nourrir et se réchauffer. Puis il reprit la lettre et alla s'asseoir dans un fauteuil plus confortable, en face de l'oiseau pour le surveiller et voir si l'animal transi se rétablissait normalement.
Décachetant l'enveloppe, il retira la lettre dont il reconnut instantanément l'écriture : il ne s'était pas trompé, c'était une lettre de son frère.
Cher Alberforth,
Tu sais que je ne te dérangerais pas sans raison de ta tranquille retraite dans les Hébrides.
Je sais que tu te tiens toujours au courant des nouvelles du monde magique même si à chaque fois que je suis venu tu as feint de vivre en parfait ermite. Il est temps que tout cela cesse. Tu faisais parti autrefois de l'Ordre du phénix, je t'ai déjà informé du fait que celui-ci existe de nouveau. Voldemort est de nouveau puissant et je ne le suis plus assez.
Je vais être concis : j'ai besoin de toi pour entraîner Harry, tu sais comme moi, la prophétie… le poids sur ses épaules. Je ne peux l'entraîner, rends moi ce service et reviens nous.
Le temps me manque, la guerre est revenue,
Albus
Ce sorcier, seul, dans le sud des Hébrides, sur cette terre peut accueillante, n'était autre que Alberforth Dumbledore, le frère du si connu Albus Dumbledore, le frère qui n'avait pas voulu suivre la même voie, le frère qui s'était retiré pour vivre calmement. Et voici que son frère lui demandait de revenir, de revenir pour combattre celui qu'il avait déjà combattu avec lui seize ans plus tôt : Voldemort. Ai-je seulement la force de recommencer, mon frère ? dit-il en lançant ses pensées vers l'est, vers cette Ecosse, vers Poudlard où dans sa tour, le directeur de Poudlard espérait le retour de son frère. Puis sentant au plus profond de ses entrailles que sa place était de nouveau auprès de son frère, dans un nouveau combat, il se leva et se dirigea vers sa cuisine.
Alberforth s'assit sans un sourire à sa table. Près de lui, un elfe de maison venait d'apparaître, celui-ci s'appelait Pwyll. Pwyll qui sentit la détresse de son maître ne dit pas un mot, sortit un mug et lui servit du café. Le sorcier avait les traits tirés par son insomnie et par les soucis que venaient de créer cette lettre, il regardait par la fenêtre à petits carreaux au dessus de l'évier. Le soleil se levait, les nuages étaient partis.
« Pwyll, il va falloir… »
L'elfe avait très longtemps redouté ces paroles, il avait toujours su que son maître les prononcerait un jour ou l'autre.
« Je m'occuperai de tout, maître, mais je vais d'abord faire vos valises. »
Avec les années, un lien d'amitié s'était tissé entre Alberforth et son elfe. Pwyll avait toujours refusé d'appeler Alberforth autrement que par « maître » mais ce dernier n'en était plus un. L'elfe avait beaucoup appris d'Alberforth qui avait partagé avec lui son savoir ce qui expliquait l'aisance non dissimulé qui transparaissait à travers son élocution facile quasi humaine. Ce furent les seules paroles qu'échangèrent Alberforth et Pwyll. Ce dernier quitta la pièce alors que son maître avait les yeux dans le vide perdus entre l'observation du lever du soleil et l'entraînement qu'il avait à préparer.
Il est triste de voir combien les lieux que l'on trouvait anodins voire insignifiants deviennent importants dès que l'on doit partir. On se rend alors compte de la valeur qu'ils avaient pris dans notre cœur. Ce constat frappa Alberforth alors qu'il marchait calmement sur la route qui longeait la mer. S'asseyant face à la mer, il contempla l'horizon durant une grande partie de la matinée pensant à l'île, à la Grande-Bretagne qu'il avait quitté et qu'il allait aujourd'hui rejoindre. Il se demanda aussi si un jour il reviendrait sur cette île qu'il avait tant chérie et sur laquelle son âme avait retrouvé sa quiétude. Albus l'avait appelé pour qu'il entraîne mais il avait cette intuition que son rôle ne s'arrêterait pas à cela et il y avait alors qu'il pensait à cela un goût amer dans sa bouche. Un goût amer qui ne venait pas des embruns iodés que la mer lui jetait au visage mais d'un ressentiment plus profond. N'ai-je donc pas assez donné ? Cela n'a-t-il pas suffi que l'on m'ôte le sel de ma vie ? Ô ma tendre Isabel ! Isabel, qui avait donné sa vie lors d'une mission qu'ils avaient faite tous les deux dix-sept ans plus tôt, qui avait donné sa vie pour sauver la sienne…
« Maître, tout est prêt. »
Le soleil était haut dans le ciel alors que Pwyll venait de rejoindre son maître. Puis il le laissa seul. Lorsqu'il rentra chez lui, Alberforth se sentit déjà étranger. Pwyll avait pris la peine d'empaqueter ses objets préférés dans ses bagages. Sa chaumière avait déjà perdue de sa chaleur. Oui, tout est prêt, moi aussi, souffla-t-il intérieurement.
Il prit son dernier repas dans la cuisine comme à son habitude. Sur la grande table en chêne. Cette table avait vu plus que de la nourriture dessus, la table avait supporté tout ses essais, ses expériences magiques, ses déceptions… Il avait souvent dû la réparer à cause de certains petits accidents… Une assiette apparut devant lui, un sauté de porc. Pwyll n'avait rien fait de particulier et Alberforth en comprit rapidement la signification, l'elfe ne lui disait pas « adieu » mais seulement « au revoir » et lui signalait qu'il souhaitait le revoir à cette table comme ils en avaient tout deux pris l'habitude. Alberforth Dumbledore sourit, le seul sourire de cette journée pourtant si belle vue par la fenêtre. En effet, le ciel n'avait pas été si clair depuis très longtemps et qu'on le veuille ou non malgré l'été, le climat était peu clément dans les Hébrides.
Alberforth finit son repas. Il ne dit pas au revoir à Pwyll car il le reverrait quand celui-ci viendrait lui apporter ses affaires dans ses nouveaux appartements. Il ne jeta pas un dernier regard à la chaumière, il n'alla pas voir une dernière fois ses animaux dans la grange et ne regarda pas non plus la mer des Hébrides, celle qu'il avait contemplée si souvent. Alberforth transplana alors à Tarbert d'où il prit un ferry vers Ullapool sur la côte ouest des Highlands. Arrivé en Ecosse, il transplana à Pré-au-Lard retrouvant un paysage qu'il avait cru oublier.
Le portail de Poudlard était resté le même. Grand ouvrage de fer, il ouvrait les portes de l'école de sorcellerie la plus connue dans le monde. Les statues présentes au sommet des grands piliers qui l'entourait représentaient les animaux des quatre maisons de Poudlard. Le lion, le blaireau, l'aigle et le serpent. Quatre animaux, quatre caractères, quatre destinées… se répéta mentalement Alberforth. Il avait lu ces paroles dans un livre qu'il possédait mais il ne savait plus lequel. Le grand portail s'ouvrit de lui-même et une diligence l'attendait, tirée par ces chevaux fantomatiques : les sombrals. Il monta et celle-ci l'emmena vers la silhouette qui se dessinait à l'horizon, Poudlard.
Ces pseudo chevaux, il ne les avait vu qu'après sa scolarité. Durant celle-ci, il avait toujours cru que les diligences avaient été ensorcelées pour les mener à Poudlard. Mais depuis qu'il était dans l'Ordre et qu'il s'était battu contre les mangemorts, les horreurs qu'il avait pu voir l'avaient amené à voir ces créatures effrayantes et dont il aurait préféré ignorer l'existence. Les voir, c'était avoir trop souffert et Alberforth était d'accord pour reconnaître qu'il avait eu sa part de blessures. Puis il pensa à Harry, qu'il allait devoir aider et se dit que lui aussi devait voir ces étranges chevaux.
Ce trajet fit rejaillir tous les souvenirs qu'il avait en commun avec ce lieu : sa scolarité, ses échappées nocturnes, ses années professorales, ses rapports qu'il venait à son frère… Puis le lac attira son regard, ce lac si calme, ce lac qui en cette fin d'après-midi avait les mêmes couleurs ondoyantes que cette mer qu'il avait quitté quelques heures auparavant. Ne pas avoir de regrets, lui souffla une petite voix intérieure. Oui, pas de regrets, se dit-il. Cette litanie reviendrait à coup sûr dans les jours qui arriveraient il le savait mais cela passerait, cela était toujours passé. Comme lorsqu'il se répétait que ce n'avait pas été de sa faute pour Isabel… Un grondement se fit entendre au-delà du lac et des oiseaux s'envolèrent de la forêt interdite. Avant qu'il ne puisse se poser la question sur l'origine de ce bruit, la diligence tressauta puis s'arrêta.
Après le grand portail de Poudlard, la grande porte de chêne se trouvait devant lui mais sans s'attarder, il s'approcha et ouvrit l'un des énormes battants ensorcelés pour ne pas être trop difficile à déplacer et entra. Poudlard est toujours aussi frais, se dit-il alors qu'un frisson le traversait. Connaissant le chemin par cœur, il s'avança en direction du bureau de son frère. Il savait qu'Albus était là, la lumière de la tour était allumée, il l'avait vu durant le trajet.
Même en plein cœur de l'été, les couloirs de Poudlard étaient sombres et sans vie lorsque les élèves n'étaient pas là pour les animer de leurs voix. Poudlard ressemblait alors à s'y méprendre à un de ces châteaux forts moldus datant du Moyen-Âge. Cette ressemblance aurait pu être plausible si Alberforth ne venait pas d'arriver aux escaliers magiques de Poudlard à perte de vue des escaliers en mouvement. Et ces tableaux. Des tableaux partout sur la moindre parcelle de mur. Il avait oublié que ces escaliers donnaient le tournis lorsqu'on les regardait trop longtemps et il s'assit sur un banc contre un mur pour reprendre ses esprits. Après tout, il n'était plus tout jeune.
« Bonjour, l'ami, content de te revoir, » dit un personnage d'un des tableaux.
« Bonjour, Nicholas, je ne savais pas que tu faisais parti du grand escalier maintenant, » dit Alberforth, étonné de voir Nicholas Flamel, le célèbre inventeur de la pierre philosophale, ici.
« Non, non, non. Ton frère m'a mis dans son bureau. Je me promenais tout simplement. Au plaisir de te revoir. Je vais prévenir ton frère de ton arriv… »
« Non, » dit-il d'une voix plus ferme qu'il ne l'avait voulu. « Excuse-moi, Nicholas, mais je préfère m'y rendre sans être annoncé. »
Nicholas partit sans un mot et Alberforth prit enfin les escaliers. Par chance, ils le conduisirent au bon étage. Il n'osait se rappeler le nombre de fois où en tant qu'étudiants, il était arrivé en retard en cours à cause d'un changement de direction impromptu d'un escalier.
Alberforth Dumbledore marchait maintenant d'un pas décidé dans le couloir au bout duquel se trouvait l'entrée du bureau du directeur de Poudlard. Mais en route, il s'arrêta contemplant de nouveau le lac par la fenêtre, ce lac où pour la première fois il avait aperçu celle qui était devenue sa femme, la belle et tendre, Isabel. Le lac prenait les teintes argentées car la luminosité extérieure décroissait. Puis il reprit son chemin mais une fois de plus, il fut interrompu alors qu'il se dirigeait vers le bureau directorial. Un bruit, un bruit émanant d'une classe sur la gauche. La prochaine porte, pensa-t-il.
Peeves, l'esprit frappeur de Poudlard, lançait des chaises à travers la salle de classe et ces chaises formaient déjà un tas important au pied du tableau.
« Peeves, que fais-tu ? » demanda Alberforth d'une voix lasse.
Il avait si souvent vu l'esprit frappeur à l'œuvre qu'il ne savait plus comment Peeves trouvait encore et toujours de nouvelles idées, de nouvelles bêtises à faire. L'esprit frappeur ne leva même pas sa tête, l'irritation commença à transparaître dans les traits de Alberforth.
« Une dernière fois que fais-tu ? »
Sa voix gronda et résonna dans la pièce comme à l'extérieur de celle-ci mais Alberforth n'en eut pas conscience. L'esprit frappeur, figé de stupeur, leva la tête et répondit non pas tout de même sans une pointe de mesquinerie.
« C'est simple, je tente de mettre une chaise dans la corbeille à papier. »
La réponse déconcerta Alberforth qui après son soudain énervement explosa de rire lorsqu'il vit qu'il y avait réellement une corbeille à papier sous le tas de chaises. Se reprenant, il dit calmement :
« Pars. »
Peeves ne voulant énerver de nouveau cet homme qu'il n'avait pas reconnu mais qu'il avait pourtant connu une vingtaine d'années en arrière quitta la pièce non sans jeter une dernière chaise.
D'un coup de baguette, Alberforth rangea la classe et lui rendit son état originel. Rien a changé… se dit-il en silence. Alors qu'il se retournait pour reprendre la direction du bureau de son frère, quelqu'un se tenait dans l'embrasure de la porte.
« Toujours autant de voix, Alberforth. »
Albus se tenait appuyé d'une épaule au chambranle. Il se dirigea vers son frère et le serra dans ses bras en une accolade de vieux amis que se retrouvent.
« J'avais peur que tu refuses, » dit Albus Dumbledore avec un léger trémolo dans la voix.
« Comment as-tu pu croire que je te refuserais mon aide, vieux sot ? »
Alberforth se sentit repartir, le sentiment d'abandon de ce qu'il aimait venait de le quitter. Le lien utérin qui les unissait était bien plus fort que la presqu'île d'Harris dans sa mer des Hébrides. En serrant quelques instants plus tôt, Albus, son frère, dans ses bras, il avait retrouvé un morceau de lui qu'il n'avait plus eu à part occasionnellement depuis seize ans. Bras dessus, bras dessous, les deux frères remontèrent dans le bureau de Albus.
Tous deux ne s'assirent pas l'un devant et l'autre derrière le bureau du directeur de Poudlard mais partirent dans les appartements privés de Albus où ils trouvèrent deux fauteuils beaucoup plus confortables. Des petits fours leur furent rapidement servis ainsi qu'un whisky et une bière au beurre. Dès qu'ils furent installés, une légère tension s'installa entre les deux frères.
« Que veux-tu savoir ? » demanda avec hésitation Albus.
« Tout. »
Alberforth ne savait en fait que ce que la Gazette du sorcier, le Chicaneur et quelques autres magazines avaient rapporté de l'attaque du ministère et des nouvelles actions de Voldemort. Il n'avait pas au fond cherché à en savoir plus sinon il aurait très bien pu envoyer un hibou à son frère mais dans sa chaumière il se sentait en parallèle du monde magique. Depuis qu'il avait posé un pied dans Poudlard, il se sentait de nouveau en résonance avec ce monde qu'il avait laissé derrière lui depuis un moment.
Albus reprit tout non pas depuis la première chute de Voldemort mais depuis que Harry était rentré à Poudlard. Alberforth fut étonné de ce que le jeune homme avait pu faire mais aussi des erreurs de son frère. Quand Albus eut fini toute l'histoire jusqu'à la dernière réunion de l'Ordre, le soleil était déjà loin derrière l'horizon. Dobby, entre temps, leur avait fait parvenir un repas plus substantiel et les deux hommes mangeaient maintenant en silence.
Alberforth avait conservé des images diffuses des Potter et de leur nouveau-né. Il se les était remémoré la veille grâce à sa pensine. Le bout de chou tout rose qu'il avait revu hier à travers ses souvenirs avait bien grandi, avait accompli déjà tant de chose à son âge et un tel destin pesait sur ses épaules.
« Tu aurais dû être plus présent pour lui, tu aurais dû… »
« Oui, je sais. Mais j'étais occupé, je n'ai pas vu que tout allait si mal jusqu'à juin dernier. J'ai fait des erreurs que je n'aurais pas dû faire. »
« Non, Albus, ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu aurais dû m'appeler plus tôt, tu n'aurais pas dû me cacher tout ça, j'aurais dû t'aider, tout ce poids sur vos épaules à vous deux. Fumseck, viens nous tenir compagnie. »
Le phénix de Dumbledore prit un envol majestueux et se posa sur l'accoudoir du fauteuil de Alberforth. Le phénix était magnifique, son plumage rouge vif continuait avec sa queue et ses serres et son bec était comme d'or.
« Je crois que comme dans le passé, » murmura Alberforth, « comme dans le passé, il va falloir que tu nous remontes le moral, mon ami. »
Le chant magnifique et mélodieux du phénix redonna du courage aux deux hommes qui quelques minutes après se levèrent.
Alberforth et Albus marchèrent dans le couloir en se remémorant des souvenirs de leur enfance et de leur emploi de professeur dans Poudlard. Arrivant devant une porte, Alberforth la reconnut de suite : c'était les appartements du professeur de défense contre les forces du mal.
« Les couloirs sont bien silencieux, Albus, serais-tu seul ici ? »
« Seul ? Dans Poudlard, tu sais bien que c'est impossible. Minerva MacGonagall doit dormir chez elle et il y a les fantômes et Peeves ainsi que Argus Rusard et mon éternel gardien des clefs de Poudlard, Rubeus Hagrid. Antidopean Opaleye. »
La porte des appartements s'ouvrit alors que le directeur de Poudlard venait de prononcer le mot de passe. Les deux frères rentrèrent et Alberforth sut rapidement qu'il pourrait se refaire à l'idée de vivre dans le château. Cet appartement qui avait déjà été le sien auparavant se révéla n'avoir que très peu changé depuis qu'il l'avait eu lorsqu'il avait enseigné trente ans plutôt la défense contre les forces du mal.
Alors que Alberforth faisait le tour des lieux, Albus se campa au milieu de la pièce observant les déambulations de son frère. Au bout de quelques instants, Albus prit la parole mais les mots semblaient lui manquer.
« Voudrais-tu… en fait, je ne sais pas trop comment le dire, mais est-ce… »
« Oui, j'accepte le poste de professeur de défense contre les forces du mal. »
« Comment savais-tu que j'allais te poser cette question ? »
« Dès que j'ai reçu ta lettre et que je me suis décidé à te rejoindre, j'ai dès le départ eu le sentiment que mon rôle ne se cantonnerait pas à entraîner Harry pendant un mois et qu'il faudrait continuer à Poudlard. Quel meilleur moyen pour légitimer ma présence dans les murs du château que de prendre le seul poste vacant de l'enseignement magique ? »
Le lien entre les deux frères était tel que toute la soirée, les deux hommes avaient su exactement ce que l'autre ressentait. Alberforth avait l'impression d'être revenu comme à l'époque alors que tous deux partageaient tout. Ils savaient exactement comment l'esprit de l'autre fonctionnait et Alberforth en moins d'une soirée avait déchiffré les méandres des plans de son frère et les thèses qu'il avait envisagé.
Un sourire traversa le visage de Albus et Alberforth fut heureux d'arriver à provoquer cela chez son frère qui avait tant de poids sur les épaules. Je serai là maintenant pour l'en délester un peu, se dit-il.
« Bonne nuit, Albus. »
Albus se retourna, le salua à son tour et allait fermer la porte lorsque Alberforth l'interrompit :
« Les choses restent telles toujours comme elles l'étaient où sont-elles libres de faire comme il leur semble bon ? »
« Les choses sont telles qu'elles étaient, rien a changé, les cuisines sont toujours derrière le tableau, pense à chatouiller la poire ! » répondit Albus, un sourire toujours plaqué aux lèvres car il avait compris que Alberforth faisait référence à ses anciennes fringales nocturnes lorsque son insomnie le tenait éveillé et que son estomac le conduisait dans les cuisines de Poudlard. « As-tu besoin d'aide ? Où sont tes bagages au fait ? »
« Ils vont arriver, merci. »
La porte de ses nouveaux appartements se referma et Alberforth vit que la pièce était déjà très bien nettoyée par les elfes de Poudlard, il se dit qu'un petit coup de ménage ne serait donc pas nécessaire. Il leva alors sa baguette fit un geste compliqué et quelques instants plus Pwyll se retrouva dans la pièce des bagages entassaient autour de lui.
« Le voyage a-t-il été bon, maître ? »
« Oui, Pwyll. Pas de problèmes en mon absence. »
L'elfe de maison fit signe que non puis se mit à ranger les affaires d'Alberforth dans les diverses armoires. Comme si il s'agissait de celles de la chaumière, Pwyll rangeait chaque vêtement avec une aisance déconcertante. Les vêtements placés, Pwyll s'activa à disposer les objets auxquels tenait Alberforth sur le bureau, la table de chevet et les divers autres guéridons du trois pièces.
L'appartement était spacieux. Composé de trois pièces, il disposait d'un bureau, d'une chambre et d'une salle de bain. Les meubles étaient pour la plupart en chêne ou en merisier et les teintes dominantes de la pièce étaient le rouge et l'or. Ces deux dernières couleurs correspondaient parfaitement à Alberforth qui avait été, il y a très longtemps selon lui, un élève de la maison Gryffondor et qu'on le veuille ou non, les couleurs de votre maison vous marquent à vie. Les fenêtres donnaient sur le lac et sur le parc et Alberforth se réjouit d'avoir la meilleure vue de tout Poudlard comme il s'était plu à le crier sur tous les toits lorsqu'il avait été jeune professeur.
Puis Pwyll finit de ranger, l'elfe ne montrait aucune trace de fatigue et Alberforth se demanda une fois de plus comment les sorciers pouvaient dénigrer de telles créatures.
« Je crois qu'il est tant de nous quitter pour quelques temps, mon vieil ami. J'aimerai que tu viennes me voir de suite si il y a le moindre problème ou si tu as seulement envie de me voir. »
Alberforth fut alors surpris par la réaction de son elfe. Pwyll s'approcha d'Alberforth et lui serra les jambes dans les bras. Le temps de réagir et Alberforth se baissa et serra l'elfe dans ses bras. Tous deux échangèrent un dernier regard chargé de toute leur affection mutuelle puis l'elfe disparut.
La fatigue reprit alors soudain ses droits sur Alberforth qui se sentit las par tout ce qu'il avait appris aujourd'hui et tout ce qui allait l'attendre. Le temps de se préparer et Alberforth Dumbledore se coucha laissant son esprit vaquer dans les bras de Morphée.
