« Vous jouez pour attraper le Vif d'Or. »
Les paroles d'Albus résonnaient dans la tête de Severus lorsqu'il monta sur son balai et donna un coup de pied par terre pour s'envoler. Ils le suivirent dans les airs, au-dessus du terrain de Quidditch et il monta suffisamment haut pour éviter d'être directement impliqué dans le match qui se déroulait devant lui. Mais il resta suffisamment proche pour voir le Vif d'Or s'il apparaissait.
« Vous jouez ce jeu pour attraper le Vif d'Or, » Lui avait dit Albus en sachant très bien que Severus n'avait jamais été à l'aise sur un balai. « Vous jouez ce jeu, » les mots murmurés tourbillonnaient dans sa tête, « Vous jouez ce jeu,… »
Quel jeu suis-je en train de jouer, Albus ? Vous ne parliez certainement pas du match de Quidditch. Alors la question reste ouverte : à quel jeu suis-je en train de jouer. Quelles sont les règles de cet engagement, Albus ? Quel est l'objectif ? Qu'est-ce que je risque de perdre si je ne gagne pas, Albus ?
Severus plissa les yeux. Le vent lui entrait dans les yeux alors qu'il regardait attentivement le ciel à la recherche du Vif d'Or.
« …attraper le Vif d'Or…attraper le Vif d'Or. »
Vous savez que je ne suis pas doué dans les airs, Albus. Vous savez que pour attraper le Vif d'Or dans un jeu de Quidditch, j'aurais besoin de beaucoup d'entraînement. J'aurais besoin qu'on me l'apprenne. Est-ce cela que vous vouliez, Albus ? Vous lui avez ouvert les portes du château pour une raison. Saviez-vous qu'il viendrait vers moi ? La réponse est-elle aussi simple ? Est-ce pour cela qu'il est ici ? Pour m'aider à attraper le Vif d'Or ?
« Vous jouez ce jeu pour attraper le Vif d'Or. »
« Severus ? Puis-je te parler un instant ? »
Severus s'arrêta. Il était en train de réprimander l'un de ses élèves qui avait complètement raté une simple potion de somnolence. Il leva la tête et grimaça quand il vit Drago Malfoy dans l'entrée de la salle de classe. « Cela ne peut-il pas attendre la fin de mon cours ? »
« Hum… » Drago sembla y réfléchir, les lèves serrées mais il secoua la tête. « Ouais, non. Ca doit être maintenant. »
Severus le regarda avec des yeux noirs, mais le jeune homme refusait de bouger et continuait à le regarder avec un sourire terne : il sut qu'il n'avait pas d'autre choix que d'abandonner. « Très bien, » Claqua-t-il énervé. Il tourbillonna pour faire face à son infortuné élève et dit avec humeur, « Quand je reviendrai, » Murmura-t-il dangereusement, « J'espère que vous aurez rectifié ce pathétique désordre. Si vous avez besoin d'une incitation pour vous comporter comme si vous aviez réellement un cerveau dans ce crâne vide qu'est le vôtre, sachez que vous goûterez à votre potion à la fin du cours. » Severus leur lança un regard noir. « C'est vrai pour vous tous. »
Il sortit rapidement de sa classe, passa à côté de Drago qui l'attendait dans le couloir et ferma la porte avant de se tourner vers son ancien élève. « Pourquoi n'êtes-vous pas avec vos propres élèves en train de leur faire cours, Monsieur Malfoy ? Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous en avez un à cette heure-ci, non ? »
Drago haussa les épaules nonchalamment. « Ils sont en examen pour l'instant. J'ai lancé un charme sur leur plume pour qu'ils ne puissent pas tricher. Et comme ce sont des sixièmes années, je pense qu'ils peuvent rester seuls quelques minutes. »
« Venez-en au but, Monsieur Malfoy. »
« Veux-tu te faire humilier samedi ? » Lui demanda Drago succinctement, en haussant un sourcil.
Severus plissa les yeux.
« Oui, oui, je sais. Le regard qui tue, et tout, » Drago fit un geste d'un air dédaigneux. « Je peux t'aider à te préparer pour le match. T'apprendre à jouer correctement. »
« En deux jours, tu peux m'apprendre à devenir un excellent joueur de Quidditch ? » Lui demanda Severus sceptique. Il se demanda si la chute de la semaine précédente n'avait pas endommagé le cerveau de Drago.
Drago lui retourna son regard et lui dit d'une voix monocorde, « Je n'ai pas dit que je pouvais réaliser des miracles. »
« Monsieur Malfoy, -»
« Je n'ai jamais gagné un match contre Potter, » L'interrompit Drago, son ton clinique se mélangea à une pointe de sarcasme. « Pas une fois, pendant les six ans que j'ai joué pour l'équipe des Serpentards. Si Dumbledore m'avait assigné la position à laquelle je suis doué, j'aurais eu une chance et ce malgré le fait que la majorité de l'équipe soit constituée de personnes qui n'ont pas touché un balai en dix ans ou qui n'en ont jamais touché. Mais au lieu de me choisir moi, il t'a choisi toi pour être attrapeur. Je ne parviens pas à comprendre son raisonnement : s'il voulait un match totalement comique, il aurait fait en sorte que Potter soit Batteur. »
« Indubitablement, puisque c'est une idée d'Albus, c'est plus qu'un « plaisir particulier » pour les élèves, » Severus donna voix aux soupçons qui avaient commencé à circuler dans sa tête depuis qu'il pensait au match à venir. « Par contre, je ne vois pas ce qu'il dissimule ainsi. »
« Content de savoir que je ne suis pas le seul à trouver que toute cette affaire n'est pas très réglo, » Marmonna Drago dans sa barbe.
« Non, Drago, tu ne l'es pas. »
Ils se regardèrent spéculativement pendant quelques instants puis Drago reprit la menace qu'il avait formulée un peu plus tôt. « Tu ne battras pas Potter. Je ne peux pas vaincre Potter. Mais tu ne peux pas non plus le défier. Tu n'es pas le moins du monde à l'aise sur ton balai et franchement Severus, tu ne parviens pas du tout à le contrôler. Je ne peux pas te rendre suffisamment bon pour que tu puisses le battre, pas en deux jours, et même en y passant le reste de ma vie, je ne suis pas sûr de réussir. Mais je peux t'aider avec le reste, tu pourras au moins lui donner du fil à retordre. »
« Si Albus avait voulu que le jeu soit un défi, il aurait donné la position d'attrapeur à Drago. Tu n'es pas -»
Severus réfléchit à la proposition de Drago, la ressassa quelques minutes de plus puis prit une décision. « Très bien. » Il inclina la tête en signe d'accord. « J'accepte ta proposition. »
Drago sourit. « Bien. Viens me rejoindre à onze heures sur le terrain de Quidditch. »
Severus n'avait pas gardé un œil attentif sur l'heure, mais il était presque certain que puisque le cours que Drago avait interrompu était au milieu de l'après midi, onze heures étaient passé depuis longtemps. « Penses-tu à demain ? »
« Non, je veux dire ce soir. »
« Il fera beaucoup trop sombre à cette heure-là, » Lui rappela lentement Severus. Peut-être qu'une autre visite auprès de Madame Pomfresh serait nécessaire.
« Vraiment ? » Drago avait la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés. « Il fera sombre ce soir ? Wow ! » La surprise feinte se transforma en sarcasme et il leva les yeux au ciel. « Pas de merdre, Severus. »
Il avait fréquemment l'impression que parler avec Drago était comme parler avec un vieux mur en briques délabré : la conversation n'allait jamais nulle part, et parfois le pauvre interlocuteur qui essayait de discuter avec le-dit mur se recevait une brique sur la tête.
« Il y a une raison pour laquelle vous n'avez pas d'amis, Monsieur Malfoy. » L'informa Severus platement. « Votre personnalité. »
Drago lui sourit d'un air satisfait. « Potter se considère lui-même comme étant mon ami. »
« Oui, » Répondit Severus légèrement, se battant contre un sourire naissant. « Et ce fait parle de lui-même. »
« Un peu comme le fait qu'il se considère comme ton amant ? »
Et parfois ce n'était pas qu'une seule brique qui tombait du mortier craquelé, mais une section entière qui vous tombait dessus.
Je dois avoir perdu l'esprit pour avoir accepté cela, pensa Severus avec énervement alors qu'il arrivait sur le terrain de Quidditch, balai en main. Seul un maudit fou sortirait au milieu de la nuit pour jouer à ce jeu idiot.
L'air des derniers jours d'octobre était frais. La légère brise frappait gentiment sa robe et rendait le froid plus prononcé. Le vent, comme une main invisible, se frayait un chemin vers ses mains nues et son visage, lui donnant la chair de poule. C'était presque la pleine lune, et elle apparaissait immense dans le ciel presque sans nuage. Sa pâle lumière éclairait suffisamment le terrain pour que Severus voie où il se rendait sans avoir besoin de sortir sa baguette.
Drago Malfoy m'apprend à jouer au Quidditch dans le noir, pour que je puisse montrer à Harry Potter que je ne suis pas un total imbécile dans un match 'pour adultes seulement' qu'Albus a inventé, pensa Severus. Il expliqua délibérément la situation dans le but d'apprécier la folie de toute cette histoire. C'est absurde. Complètement absurde.
Alors qu'il approchait du terrain, Severus vit Drago assis sur son balai, voltigeant à environ six mètres du sol. Il regardait fixement les montagnes au-delà des limites de l'école. Ca paraissait facile, de rester assis là comme si on ne pouvait pas être plus à l'aise. Severus jeta un regard noir au balai dans ses mains. Je déteste ces maudites choses.
« Ne viens pas. » L'appela soudainement Drago. « Je descends. »
Pendant que Drago descendait lentement sur le sol, il occupa son esprit en se demandant comment Drago avait su qu'il était là. Il savait qu'il n'avait fait aucun bruit.
« Tout va bien Severus ? »
« Pouvons-nous simplement en finir avec cela ? » Marmonna Severus avec agacement. Il se sentait incroyablement stupide.
Drago le regarda avec désapprobation. « On est supposé s'amuser en jouant au Quidditch, Severus. »
« Jouer en aveugle et dans le froid ajoute à l'hilarité, c'est ça ? »
« Ca va être ainsi alors, hein ? » Drago soupira mélo dramatiquement. « Enfourche ton balai, Severus. »
Ses yeux étaient noirs, mais il se plia aux instructions de Drago. Il avait le sentiment d'être redevenu un premier année à Poudlard. Le sentiment était si puissant qu'il se retourna. Le souvenir lui revint avec une clarté étonnante : il entendait presque les murmures moqueurs d'un groupe de Gryffondors qui le regardaient essayer avec difficulté de contrôler son balai. Pathétique, Severus, s'admonesta-t-il. Il renifla de dégoût. Tu deviens particulièrement pathétique, à ton âge avancé.
« J'ai dit, m'écoutes-tu ? » Lui demanda Drago en brisant la rêverie de Severus. « Je ne suis pas ici dans le froid pour ma santé, tu sais. »
Il était encore à moitié dans les souvenirs de son enfance et ne comprit pas ce que Drago faisait jusqu'à ce qu'il sente ses mains froides encercler les siennes.
« Comme je le disais, tu tiens ton balai trop serré, » L'informa Drago. Il ne parut pas conscient de la bataille à laquelle se livrait Severus pour ne pas tressaillir et retirer ses mains du contact indésirable.
« Il répond à la pression que tu places dessus, » Severus était vaguement conscient des explications alors que le jeune homme inspectait et fouillait les mains de Severus avec ses doigts. « C'est ainsi qu'il sait quand changer de vitesse et de direction. Pour l'instant, tu le tiens si fort que je suis étonné que tu ne lui ais pas envoyé le message : Je ne veux plus jamais voler. »
La lumière de la lune brillait comme de l'argent en fusion dans les yeux de Drago. Il leva les yeux qui scrutaient les mains de Severus et rencontra ses yeux. « Severus ? Essayes-tu au moins d'écouter ce que je dis ? Ou es-tu trop occupé à hyperventiler pour faire attention ? Tout ça parce que j'ai eu l'audace de te toucher. »
Le commentaire, délivré avec la même expression de supériorité que Severus utilisait sur ses propres élèves, pénétra le brouillard de panique qui l'avait saisi. Prit légèrement par surprise, Severus cligna des yeux.
« Tu dois te détendre, » Lui dit Drago d'un œil critique. « Autrement tu vas tomber de ton balai dès que tu vas t'élever dans les airs. »
« Je déteste ces trucs. »
« Même le balai le plus rapide du monde ne te permettra pas d'échapper à toi-même. »
Cette fois, Severus tressaillit. Il essaya de retirer ses mains, mais Drago les enserrait fortement et refusait le droit à Severus de s'éloigner. « Lâche-moi, » Gonda Severus. La colère l'avait soudain envahi et elle menaçait de déborder.
Drago se redressa mais refusa de le lâcher. « Je sais pourquoi tu détestes voler, » Répondit-il. Il n'était absolument pas perturbé. « Je comprends. Mais tu ne peux pas l'éviter parce qu'il (ndt, 'it' en vo) t'a laissé tomber, enfant. Combien d'années as-tu été un agent double, Severus ? Combien ? Et combien d'autres auraient été aussi fort pour endurer cela autant d'années que toi ? Tu étais suffisamment fort pour faire face à Voldemort, bon sang, tu es suffisamment fort pour te faire face à toi-même. »
« Qui es-tu ? » Les mots murmurés s'échappèrent de leur propre volonté.
« Parfois, même moi, je ne le sais pas. »
Le silence s'installa entre eux. Ils se regardaient dans les yeux. Il faisait trop sombre pour que Severus voie les émotions qui perlaient dans les yeux de Drago. Trop sombre, et les émotions étaient trop complexes.
« Il y a beaucoup de choses que je sais, et peut-être le double que j'ignore. » Dit Drago calmement, « Mais j'en sais beaucoup sur le Quidditch. Et je sais que tu tiens ce balai bien trop serré. Donc si tu veux montrer à tous ceux qui regarderont le match samedi, et en particulier à Potter, que tu n'es pas aussi incompétent que tu en avais l'air à l'entraînement la semaine dernière, baisse ta garde et écoute-moi. »
Qu'espérais-je accomplir en venant ici ce soir ? Ce n'est qu'une perte de temps. La pensée lui traversa l'esprit, mais il resta où il était. Il regarda Drago dans les yeux et réfléchit, presque contre sa volonté aux paroles de l'autre homme.
« D'accord ? » Lui demanda Drago. Il le regarda jusqu'à ce qu'il acquiesce. « Maintenant quand tu montes sur le balai, enroule tes mains autour de lui, comme ça, » Drago manipula les mains de Severus pour qu'il entoure le balai de ses mains, pendant qu'il parlait, jusqu'à ce qu'il le tienne fermement. « Maintenant, quand tu veux décoller, presse gentiment le manche avec ces doigts-là, » Il tapota les doigts serrés du côté intérieur du manche, « et ainsi, tu t'élèveras. Plus la pression est forte, plus vite tu monteras. Quand tu veux t'arrêter, appuie fermement avec une légère secousse. Compris ? »
« Je me rappelle vaguement que les leçons de vol lors de ma première année était similaire. » Répondit Severus avec neutralité.
« Ca n'a pas vraiment pénétré la première fois, hein ? »
« Y'a t'il un décollage dans ton CV, ou allons-nous rester ici toute la nuit à nous tenir la main ? » Lui demanda Severus de façon sarcastique. Il commençait à perdre patience.
« Je pensais que nous pourrions rester là un moment, se peloter un peu, puis seulement nous irions nous entraîner. »
Severus le regarda avec des yeux noirs. « Réserve ça à Potter. »
« Ca veut dire que tu partages maintenant ? »
« Drago Malfoy… »
Drago soupira profondément. « Tu n'es pas aussi amusant que Potter, Severus. Il rougit et se vexe. Ensuite, il semble trop occupé à se demander si je suis ou non sérieux pour me dire de me taire, pour me frapper ou pour partir. Tu m'as simplement dit de me taire. Ce n'est pas drôle du tout. »
« Préférerais-tu que je te frappe ? »
Drago cligna des yeux. « Etait-ce une blague, Severus ? »
Severus le regarda platement pendant un moment puis lui demanda, « Allons-nous voler ce soir ? »
Drago le regarda avec méfiance puis hocha la tête et retira ses mains. Il virevolta facilement et monta sur son propre balai. « Souviens-toi simplement de te détendre, Severus. » Un sourire joueur apparut sur ses lèvres. « A moins que tu ne veuilles que je ne te masse le dos. »
« Je ne pense pas, Monsieur Malfoy. »
« Allons, volons. »
Severus regarda Drago décoller, suivit son trajet des yeux et le vit s'élever d'environ quatre mètres. Il prit une profonde inspiration, il se trouvait un peu con de faire cela, mais frappa le sol du pied et prit son envol. Le départ fut un peu chaotique, mais les instructions de Drago en tête, couplée avec la menace de plus de contacts physiques indésirables s'il ne parvenait pas une performance satisfaisante, Severus parvint à rejoindre Drago sans trop d'ennuis.
« Tout va bien, Severus ? » Lui demanda Drago. Il rapprocha son balai pour être à côté de lui, sa jambe appuyée contre celle de Severus.
« Bien. Et maintenant quoi ? » Est-ce mon imagination ou fait-il exprès d'envahir mon espace personnel ? En y repensant, Severus ne se souvenait pas de la dernière fois que Drago l'avait touché, mais il était là, et semblait chercher tous les moyens possibles pour le toucher ou le frôler. Que fait-il ?
« Maintenant tu t'assois et tu te détends. »
« Pourquoi ? »
« Parce que je l'ai dit, » Répliqua Drago avec une suffisance exaspérante. « Détends-toi simplement, mets-toi à l'aise. Regarde autour de toi, regarde en bas. Sois simplement à l'aise sur le balai et dans les airs. »
Cinq minutes après avoir accepté, avec réticence, de suivre les instructions de Drago, il vit le jeune homme tourner en cercle autour de lui, puis s'arrêter devant lui. « Maintenant, je veux que tu fermes les yeux, » L'instruisit Drago.
« Pourquoi ? »
« Ne sois pas un connard, Severus. Fais-le. »
Severus, méfiant, ferma les yeux. « Et maintenant ? »
« Pourquoi suis-je obligé de me répéter ? Détends-toi ! »
« Drago… »
« Veux-tu te débrouiller correctement samedi ou non ? »
« Je ne vois pas comment je pourrais me débrouiller correctement samedi en suivant tes instructions. »
« C'est parce que tes yeux sont fermés. »
Severus ouvrit rapidement les yeux pour regarder Drago avec des yeux noirs. « Si c'est censé être une blague, » Commença-t-il sombrement.
« Non, je suis sérieux, » Rétorqua Drago. « Tu n'essayes pas. Oh, tu es ici. Mais pour l'instant, tu te comportes comme un adolescent rebelle, ce qui ne fait pas avancer les choses et tu n'apprends rien. »
« Tu ne m'apprends rien ! »
« C'est parce que tu ne te tais pas suffisamment longtemps pour écouter ! » S'exclama Drago. Sa voix contenait toute la frustration qu'il ressentait. « Tu es trop occupé à être suspicieux et sarcastique pour écouter autre chose que la petite voix sournoise dans ta tête qui te dit d'être un misérable con. Soit tu coopères, soit tu rentres et tu arrêtes de perdre mon temps. »
Ils se regardèrent avec des yeux noirs.
« Qu'essaies-tu de m'enseigner ? » Lui demanda Severus un peu plus tard.
« J'essaye de t'enseigner à écouter une autre personne que toi-même. J'essaye de t'apprendre à arrêter de trop penser et à simplement être. »
Il voulut lui dire que rien de ce qu'il venait de lui dire ne semblait utile dans un match de Quidditch, c'était sur le bout de sa langue, mais la lueur qu'il voyait dans les yeux de Drago lui disait que l'autre homme essayait vraiment de lui enseigner quelque chose, si seulement il coopérait suffisamment longtemps pour l'écouter. Je te donne une chance, pensa Severus. Il respira calmement puis ferma à nouveau les yeux. Je ferais mieux de mettre à profit le temps que j'ai déjà passé ici.
Severus montrait un signe de bonne volonté en fermant les yeux. Et Drago dut interpréter correctement le message, puisque, après quelques minutes de silence, il se remit à parler. « Ressens simplement, Severus. Sens le bois sous tes mains, l'espace vide sous tes jambes. Sens l'air autour de toi, le vent qui fouette tes cheveux et ton visage. Ecoute le froissement de ta robe, le bruissement des feuilles des arbres au loin.
« Ne pense à rien, » Poursuit Drago doucement. « Oublie tout. Sois simplement ici, Severus. Sois simplement ici, suspendu à cet instant. Laisse les barrières se brouiller, jusqu'à ce que tu ne saches plus où tu finis et où le monde commence.
Les yeux fermés, Severus se sentait apaisé, en transe. Drago continuait à lui parler sur un ton grave et hypnotique. La brise ne lui parut plus aussi inconfortable, comme si elle le lavait et s'enroulait autour de lui. Il avait maintenant l'impression de faire partit du ciel. La voix de Drago devint un indistinct murmure, se mariait avec les bruits nocturnes venant du sol, les cris des animaux et les sons émanant de la forêt. Pendant un long moment sans fin, Severus se fondit dans l'obscurité. Il n'était rien de plus qu'une part de la vie qui circulait autour de lui.
Un mouvement, comme si une libellule avait effleuré l'eau calme d'un étang, le ramena à lui, appela son attention. Ses yeux s'ouvrirent, dessinèrent immédiatement l'éclat lumineux de la pleine lune. Où… ? Severus se retourna vers Drago qui le regardait avec un sourire heureux.
« Ca a marché, hein ? Tu l'as senti. »
« Je ne comprends pas. »
D'un mouvement confus, Drago s'éloigna de lui, tendit la main vers le Vif d'Or et revint vers Severus en tenant la balle dans sa main. « Une fois certain que tu étais sous son emprise, je l'ai lâché. »
« Sous l'emprise de quoi ? Qu'est ce que tu -» Severus prit soudain conscience de la lune. Elle était à présent bien plus haute que lorsqu'il avait fermé les yeux. « Depuis combien de temps suis-je assis là ? »
« A peu près quarante cinq minutes, je dirais. » Répondit facilement Drago.
« Que s'est-il passé ? »
« Tu m'as écouté, » Drago lui sourit, satisfait, puis continua plus sérieusement. « C'est une chose que j'ai apprise de mon père, si tu peux le croire. Si ton esprit est calme, tu peux sentir les différentes nuances du monde qui t'entourent, tes instincts sont accentués, tu peux voir des choses qui n'étaient pas visibles auparavant. Les moldus appellent cela de la méditation, mais pour nous, c'est un peu différent. Je pense que ça a un rapport avec la magie. Mais si tu le fais suffisamment longtemps, ça devient une seconde nature. Comment penses-tu que je suis parvenu à défier Potter si longtemps ? J'étais un très mauvais attrapeur avant d'avoir appris cela. »
« Tu réalises que si j'entre en transe au milieu d'un match, je risque d'être frappé par un Cognard ou par mes équipiers avant d'être parvenu à sentir le Vif d'Or ? » Lui demanda Severus. Il ignora la légère sensation de malaise qu'il ressentait à pratiquer une chose enseignée par Lucius à son fils.
« Tu as deux jours de plus, Severus. Tu n'as pas vraiment pensé que ce serait une extension de l'entraînement, si ? »
« Je l'avais espéré. »
« Tu espérais en vain. » Drago sourit. Il était apparemment content. « Viens me rejoindre ici, demain, après le dîner. Potter peut vivre sans toi un petit peu. »
« Il me demandera ce que je fais. » Lui dit Severus.
« Dis-lui que tu te laves les cheveux. »
Severus leva les yeux au ciel. « Les pathétiques excuses sont de ton ressort Drago, pas des miennes. »
« Je peux lui dire quelque chose, si tu veux. »
« Non, » Répondit rapidement Severus. Je peux imaginer quelles idioties tu lui dirais. « Avons-nous terminé pour ce soir ? »
Le sourire sur le visage de Drago ne pouvait dire qu'une seule chose : il savait ce que Severus pensait. « Oh, non. Nous devons nous entraîner à attraper le Vif d'Or encore un peu, et tu n'as pas encore volé sur ce balai. »
Ca va prendre toute la nuit, réalisa Severus avec horreur. Il étouffa un grognement.
« Toute la nuit, » Drago interpréta correctement l'expression sur le visage de Severus. « Mais, hé, » il donna une tape dans le dos de Severus, ce qui lui valu un grondement, « regarde les choses ainsi. Tu ne sais jamais quand ce petit truc te sera utile, non ? »
Les choses avaient empiré, pensa Severus avec incrédulité en regardant ses collègues voler au hasard au-dessus du terrain de Quidditch. Cinq minutes s'étaient écoulées depuis le début du match. Et, Hermione avait déjà attrapé le Souaffle accidentellement, l'avait passé par erreur à MacGonagall qui l'avait immédiatement laissé tomber. Les Cognards étaient parvenus à renverser Chourave de son balai, et il avait fallu un certain temps pour la ranimer. Le quatrième année à qui on avait confié la mission de commenter le match, balbutiait sans arrêt. Il ne savait pas comment nommer les joueurs et essayait de suivre le chaos qui se déroulait sur le terrain.
« Et maintenant, Professeur Weas…eum, non, maintenant, Ha- Professeur… le Souaffle est à nouveau tombé. Regardez le Professeur Tre-…A nouveau un temps mort pour soigner les blessures. »
Severus était déchiré entre l'envie de rire et de lever les yeux au ciel. C'était vraiment trop ridicule. Potter, faisait le tour du terrain comme s'il s'agissait d'un vrai match et cherchait le Vif d'Or. Au moins, il n'était pas fâché par l'absence de Severus ces deux derniers jours. Severus avait simplement répondu à sa question par « non » quand il lui avait demandé, « Ce n'est pas une répétition de l'année dernière, si ? » Et Harry avait laissé tomber.
Le jeu recommençait. Trelawney était revenue et gesticulait en direction de la bataille. Hermione avait à nouveau touché le Souaffle, mais Severus ne savait pas quel miracle avait permis cela. Et il y avait Malfoy. Il faisait de grands gestes de ses bras et hurlait, « Par ici ! Je suis seul ! Hermione ! », Qui au lieu de le lui passer, essaya de voler jusqu'au but et fut assommée, non pas par un Cognard mais par Hagrid qui essayait de faire tourner son balai. Pomfresh siffla une nouvelle fois dans son sifflet. Nous allons y passer toute cette foutue journée.
Quinze minutes après, le but fut mis par Sinistra, qui avait vu une ouverture et avait jeté le Cognard dedans pour découvrir seulement plus tard, qu'il ne s'agissait pas des buts de l'équipe adversaire mais de ceux de Dumbledore qui avait une fois de plus quitté son poste. Severus voyait le match perdu ; il tourna ses pensées vers lui et essaya de trouver la sensation de calme et suivit les instructions que Malfoy avait tentées de lui faire entrer dans la tête.
« Temps mort pour le Professeur Vector qui a attrapé le Souaffle…Professeur Malfoy est en possession…non, il a été frappé par un Cognard venant de Monsieur Weasley…Monsieur Weasley est à terre. Il est entré en collision avec le Professeur Weasley… » L'air était doux ce jour-là, légèrement réchauffé par le soleil qui luisait dans le ciel.
« Retournez dans vos buts, Professeur Dumbledore ! Madame Bibine a eu le Souaffle ! Elle y est ! But pour les Bourdons. »
Il est là ! Les yeux de Severus s'ouvrirent rapidement. Il accéléra avant d'être conscient de guider son balai.
« Le Vif d'Or est en vu ! Harry Potter a plongé. Regardez! Voilà le Professeur Snape! Qui savait qu'il pouvait voler sur un balai ? »
Severus avait rattrapé Potter. Il était à peine conscient de ce qu'il faisait, quand le quatrième année parla. Je vais enlever des points à ce petit abruti. Distrait, il mit trop de pression sur le balai et entra en collision avec Potter. Un enchevêtrement confus et Severus fut ranimé par Pomfresh.
« Putain, » Marmonna-t-il en s'asseyant. « Je déteste ce jeu. »
« Est-ce que tu vas bien, Severus ? »
Severus se tourna vers Harry, assis à côté de lui. « Le jeu est fini, hein ? »
Harry secoua la tête, un sourire triste sur le visage, « En fait non. Tu m'as foncé dessus avant que je n'aie le temps de l'attraper. »
« Oh, pour l'amour de dieu, » Jura Severus, avec dégoût.
« Désolé, » Harry s'excusa d'un air penaud. Il tendit la main pour aider Severus à se mettre sur ses pieds.
Severus regarda la main tendue quelques instants, puis se résigna à l'inévitable. Il attrapa le poignet d'Harry et permit au jeune homme de l'aider à se lever.
« Es-tu sûr d'aller bien ? » Lui demanda Harry à voix basse alors qu'ils étaient tous les deux debout. Severus secoua la main pour qu'Harry la lâche.
« Rien de cassé, je te l'assure. » Lui répondit calmement Severus. « Pourtant, j'aimerais récupérer ma main. »
Harry lui fit un clin d'œil avant de le relâcher. « Prêt pour un autre round, alors ? » Il lui tendit son balai et Severus le prit avec dédain. « Tu étais vraiment bon, tu sais ça ? »
« De quoi parles-tu ? »
« Ta façon de voler, » Lui dit Harry honnêtement, « Je ne savais pas que tu pouvais voler aussi bien. »
« La vie est pleine de ces petites surprises. »
Harry lui sourit malicieusement. « Quelles autres surprises as-tu en réserve pour moi ? »
Severus le regarda, momentanément à court de mots. Harry fit un geste guilleret, enfourcha son balai et décolla. Severus le regardait toujours. Ce petit…Severus grimaça et le suivit. Ca allait être une longue journée.
« Au moins, tu t'es battu, » Le félicita Drago quand ils se changèrent trois heures plus tard.
« Je ne sais pas pourquoi je me suis dérangé, » Répondit Severus sur un ton las. Il ne voulait rien de plus que retourner dans ses quartiers et dormir. « Ca a seulement prolongé l'agonie. »
« Ce n'est pas plus de ta faute que celle de tous les temps morts, » Lui signala Drago. « Franchement, combien de fois Trelawney a pu tomber de son balai ? »
« Onze fois, apparemment. »
« Et je croyais que Dumbledore savait jouer au Quidditch. »
« Il sait. »
« Alors pourquoi ne surveillait-il pas les buts, comme il était censé le faire ? »
« Parce que ça aurait été compréhensible. »
Drago rit. « Tu as raison. Oh, eh bien. Au moins, nous pouvons participer au festin de la victoire. »
« J'appellerai difficilement cela une victoire. »
Les seuls à marquer des points avec le Souaffle furent les Bourdons, et ça n'arriva qu'une seule fois. Le reste du temps, n'était que collision, soigner les blessés, chercher le Vif d'Or, qui n'est réapparu qu'une heure après sa première apparition et l'attraper. Severus et Harry lui couraient après pour la troisième fois quand un Cognard frappa Severus derrière la tête. Il fut assommé et hors jeu une nouvelle fois. Harry en profita pour attraper le Vif d'Or. Severus avait encore un peu mal à la tête, mais la fin du jeu valait bien cela.
Il suivit l'équipe hors des vestiaires et croisa Harry qui l'attendait dehors.
« C'était amusant ! » Dit-il joyeusement tout en suivant Severus et Drago. « Je me demande si nous recommencerons. »
« Il faudra me passer sur le corps. » Marmonna Severus.
« Etait-ce vraiment si nul ? »
Severus le regarda avec des yeux noirs.
« D'accord, je pense que ça l'était. »
Severus refusa d'ouvrir la bouche avant d'arriver dans la Grande Salle. Au moins, la débâcle était terminée. Peut-être que maintenant les choses pourraient redevenir normales.
« Puis-je avoir votre attention un instant, s'il vous plait ? »
Oh non, mon dieu, non !
Tous les regards se tournèrent vers Albus Dumbledore. Le directeur se leva. Le dîner n'avait pas encore commencé. « Tout d'abord, je souhaiterais féliciter les professeurs pour leur jeu incroyablement divertissant. »
Les élèves applaudirent bien fort et les professeurs se regardèrent avec inquiétude.
« Pourquoi ai-je le sentiment que je ne vais pas aimer ce qu'il va dire ? » Marmonna Drago sombrement en jetant un coup d'œil vers Severus et Harry.
« Eh bien, que peut-il -» Commença Harry avec curiosité.
« Tais-toi ! » Lui intimèrent Severus et Drago en même temps. Ils se surprirent.
« Je -»
« Ne dis pas un mot de plus ! » Claqua Drago. Il semblait horrifié.
« Oh, s'il vous plait, » Hermione leva les yeux au ciel. « Être superstitieux ne te ressemble pas. »
« Rien d'autre non plus. » L'interrompit Ron. Il se pencha pour sourire d'un air satisfait à Drago.
« Tu verras, » Marmonna Drago sur un ton menaçant. Il était trop perturbé pour attraper la perche.
« Et deuxièmement, » Albus souriait. Les mains de Severus serraient les coins de la table et il se résignait au pire. « Je voudrais rappeler à tous qu'Halloween se déroulera vendredi prochain. »
Severus retint son souffle. Ca va commencer.
« Traditionnellement à cette date, nous organisons une fête particulière. Mais je pense qu'il sera plus amusant si nous ne faisions pas qu'un banquet, mais aussi une fête. »
D'accord, ça ne me paraît pas trop mauvais.
« Il y aura, bien évidemment, de la musique et des amuse-gueule un peu plus tard dans la soirée. » Albus poursuivit. Il avait un grand sourire. Les élèves discutaient avec excitation et les professeurs commencèrent à se détendre. « Et à la fin de la soirée, une récompense sera décernée au meilleur costume. »
Des regards curieux furent échangés. Personne n'avait apporté de costume avec eux, cette année.
Albus leur sourit afin de les rassurer. « Ne vous inquiéter pas. Jeudi, tous les cours seront annulés pour la journée et seront remplacés par un voyage à Pré au Lard. Tout le monde pourra trouver un costume. J'ai pris la liberté d'écrire à vos parents pour leur demander la permission, oui, même les premières et deuxièmes années seront escortés au village par les professeurs.
Des exclamations enthousiastes s'élevèrent parmi les élèves. Les professeurs se détendirent davantage. Pourtant la perspective de surveiller des premières et des deuxièmes années pour leur premier voyage à Pré au Lard n'était pas en haut de la liste de ce qu'ils voulaient faire avant de mourir, mais connaissant Albus, ils savaient que ça aurait pu être pire. Comme un match de Quidditch pour Halloween complété avec les costumes, pensa Severus avec soulagement.
Albus se tourna et sourit aux personnes assises à la Grande Table. Le cœur de Severus se souleva. Ce n'était pas encore terminé. « Et je voudrais rappeler aux professeurs de ne pas oublier de choisir leur costume, eux aussi, participeront au concours. »
Putain de merde.
