Le tohu-bohu se répercuta contre les murs. La barrière créée par le choc et l'incrédulité commençait à se fissurer et la nouvelle s'infiltrait dans les consciences : les moldus avaient désormais connaissance de l'existence du monde sorcier. La peur était omniprésente dans l'esprit de chaque élève. Elle envahissait leurs esprits, mais aussi celui de leurs éminents professeurs.
« Albus, » Murmura Minerva. Elle se pencha et posa une main sur sa manche sans regarder le journal devant elle. « Vous ne pouviez rien faire. »
Il baissa la main qui cachait son visage et se tourna vers elle. « N'y avait-il rien à faire Minerva ? » Lui demanda-t-il. Sa voix était si douce qu'on aurait dit qu'aucun son n'était sortit de sa bouche. « Rien du tout ? »
Elle serra les lèvres. « Ce ne sera pas la fin. »
Sans bouger, le regard d'Albus traversa les tables, ses yeux s'arrêtèrent sur les visages paniqués des élèves. Il entendait les conversations inquiètes. Ces jeunes vies avaient été placées avec tant de confiance entre ses mains, et il les laissait tomber. Non, ce ne sera pas la fin, Minerva. Mais comment puis-je le leur expliquer ? Quels mots puis-je utiliser, qui leur permettraient de comprendre la raison pour laquelle je les sacrifie ? Comment puis-je leur dire que pour sauver notre monde, nous devons assister à sa destruction ?
« Nous faisons ce que nous devons, Minerva. » Ses yeux cherchaient les siens. « Mais ce n'est pas facile. »
« Non, Albus, ça ne l'est pas. » Il y avait une grande tristesse dans ses yeux, une douleur lasse qu'on n'avait pas vu depuis le retour de Voldemort. « Pourtant, l'alternative… » Sa voix mourut.
« Est excessive. »
C'était comme s'ils étaient en dehors du temps, leur conversation se détachait et se distançait du brouhaha venant de la Salle. Ils partagèrent un instant de silence, le monde continuait à tourner autour d'eux.
« Nous pardonneront-ils, Albus ? »
« Quand le temps viendra. » Il voulait la corriger, lui dire qu'elle n'avait rien à se faire pardonner, que la responsabilité lui appartenait à lui et à lui seul. Le poids de leurs vies à tous deux rendait une telle correction hors de propos. Elle avait choisi de porter ce fardeau avec lui : elle insisterait pour en partager la responsabilité.
Albus Dumbledore, l'un des plus grand sorcier de tous les temps, soupira amèrement. « Et maintenant, Minerva, je dois leur mentir. »
Elle fronça les sourcils mais serra les lèvres pour ne pas donner voix à la réprimande qu'elle avait sur le bout de la langue. Il se mit lourdement sur ses pieds et leva une main pour rétablir le silence. Le geste n'était pas nécessaire.
Chacun était enveloppé dans ses peurs et ses hypothèses. Inconsciemment tous attendaient un signal du directeur qui leur donnerait des réponses, qui calmerait leurs peurs, tous espéraient que Dumbledore fasse en sorte que rien de cela ne soit. Albus savait cela, comme il savait beaucoup de choses. Et cette connaissance résonnait en lui comme une plus grande trahison.
Il vit les visages se tourner vers lui avec attente quand il regarda les élèves. Il balaya des yeux la Grande Table, certains visages faisaient contrastes par rapport aux autres. Hermione Granger avait l'air déconcertée et horrifiée. Harry Potter était pâle et tremblant. Les yeux gris de Drago Malfoy brillaient d'une lueur d'impuissance et de frustration. Severus Snape avait le teint cireux et paraissait incrédule. Pardonne-moi, pensa Albus désespérément. Il détourna rapidement le regard. Il n'y a pas d'autre choix.
Il se tourna à nouveau vers les élèves. « Oui, ce que vous avez lu dans la Gazette du Sorcier est vrai. Les moldus ont découvert notre monde. Pourtant, avant que vous ne vous laissiez entraîner par la panique, je voudrais vous demander de vous arrêter. » Sa gorge se serra, menaçant de se fermer sur les traîtres mots. C'était difficile, très difficile de rester là et de prétendre…Mais tu le dois. Ce que tu risques est plus important que cela.
« Beaucoup d'entre vous viennent de familles moldues, ou connaissent d'autres qui en viennent. » Il obligea ses yeux à regarder avec optimisme ceux qui l'observaient avec une telle candeur. « Ceux d'entre vous qui connaissent les moldus savent qu'ils sont comme nous. Ils n'ont peut-être pas notre connaissance de la magie, mais ce ne sont pas des monstres. Ils ne sont pas moins raisonnables que nous. ». Dans un coin de son esprit, il pouvait voir les sourires des jeunes Tom Jedusor et Lucius Malfoy. Il les voyait bouger et se tortiller jusqu'à ce que les sourires plein d'espoir soient remplacés par une haine méprisante, hautaine, arrogante et vindicative.
« En fait, beaucoup de moldus connaissent notre existence : certains membres clés des gouvernements moldus à travers le monde et les parents de ces sorciers et sorcières qui viennent de familles moldus. Ces moldus que nous connaissons ne nous ferons aucun mal. Nous n'avons aucune raison de penser que les autres nous en ferons. » Tu es un menteur, Albus Dumbledore. Toi qui as autrefois reçu la confiance de ceux de notre monde, tu trahis cette confiance. Les puissants sont tombés. La vérité elle-même ne parvenait à le consoler. Il était là et mentait à ceux qui lui faisaient le plus confiance. A chaque mot prononcé, Albus entendait les cris et les hurlements s'amoindrir dans les couloirs du temps.
Il continua sans relâche, se concentra sur le but qu'il s'était efforcé de suivre avec tant de rigueur. « Les actions du président américains ne sont pas nécessairement celles de tous les moldus. Nous sommes une entité inconnue de lui, notre identité ne lui a jamais été révélée et apprendre notre présence dans le monde a certainement dû être un choc pour lui. Nous devons aussi comprendre que le président américain ne médit pas sur nous par cruauté, mais par peur. Il a peur pour son pays et ses citoyens. Bien que ses agissements et ses hypothèses ne soient pas vrais, il agit d'une manière qu'il croit justifiée.
« Pour cela, nous devons rester calme. Etre prudent. Etre vigilant. Mais ne pas nous laisser vaincre par la terreur. On ne nous a donné aucune raison d'avoir peur. » Il ne pouvait pas montrer ses craintes, pas pendant qu'il était debout, devant eux. Pour les convaincre, pour perpétuer le mensonge, ils devaient croire en lui. Et il devait apparaître confiant, et son ton calme devait leur fournir un sursis. Ils n'auraient pas à s'inquiéter, pas tout de suite.
Il vit les changements apparaître dans l'attitude de tous, les regarda avaler ses mensonges, les embrasser et les utiliser pour bannir leurs appréhensions. Ils seraient prudents mais n'imagineraient pas ce qui arrivera. De leur propre volonté, ses yeux vacillèrent jusqu'à la Grande Table. Hermione semblait plus calme maintenant. Harry, même s'il était toujours pâle, ne paraissait plus dévasté et Drago n'avait pas l'air totalement convaincu, mais la frustration n'irradiait plus de son corps. Mais Severus…Severus le regardait avec des yeux noirs, le scepticisme déjà apparent dans ses yeux couleur nuit. Severus savait qu'il mentait. Il ne savait pas pourquoi, c'est tout. Il ne pouvait pas savoir pourquoi.
Albus se détourna de l'ancien mangemort et sourit d'un air encourageant à ses élèves. Il allait perdre contenance, son visage allait craquer. « Les classes continueront comme d'habitude. Mais s'il vous plait, envoyez des hiboux à vos parents dès que vous en aurez l'occasion. Parlez à vos familles. Tenez-vous au courant de ce qui se passe dans le monde. » Un dernier sourire et Albus se rassit. Le murmure des voix n'était plus paniqué ni bouleversé. Il remplissait le vide.
« Albus ? » Murmura Minerva entre l'espace qui les séparait.
« Ils croient encore en moi, Minerva » Répondit-il avec un sourire forcé. « Ils seront réconfortés, encore quelques temps du moins. »
Ils restèrent assis en silence, sans manger. Le petit déjeuner se termina et l'habituel bruit de bancs frottés contre la pierre se fit entendre et les élèves commencèrent à se lever. La foule s'agglutina, Minerva parla, ses yeux suivaient la foule qui se dirigeait vers la porte pour sortir.
« Albus ? »
« Je lui fais confiance, Minerva. Avec notre monde, avec nos vies, je lui fais confiance. »
« Et s'il se trompe, Albus ? Et s'il échouait ? »
« Il n'échouera pas, Minerva. » Albus la regarda du coin de l'œil, sa culpabilité et sa tristesse s'étaient taillées dans une foi inébranlable envers ceux à qui il ne reste rien. « L'histoire a été réécrite pour des choses moins graves. »
« Le Sauveur du Monde Sorcier, » Murmura-t-elle doucement, ni l'un ni l'autre ne manquèrent l'ironie de ce commentaire.
Albus focalisa son attention dans la même direction que Minerva « Effectivement Minerva. Il doit tous nous sauver. »
Alors maintenant, je sais, pensa Severus avec une fascination presque morbide. Il écoutait avec un détachement surréel le discours d'Albus. Ce n'est pas une chose horriblement commune que je craignais. Je sentais simplement la fin de notre monde.
Un rapide coup d'œil sur l'article parut dans la Gazette du sorcier lui suffit pour lire entre les lignes. Ses soupçons étaient confirmés : une chose terrible se dessinait. Il avait silencieusement observé Potter et Malfoy sortir furtivement du château et avoir l'air d'attendre qu'une grande calamité leur tombe dessus. Cela n'avait servi qu'à accentuer son impression : la situation avait l'air désespéré.
Que Malfoy soit inquiet était une chose. Malgré son excentricité, Malfoy n'avait jamais désiré être sensé. Qu'il soit suffisamment inquiet pour oublier sa fierté et arrêter de prétendre, en disait long sur la profondeur de son angoisse. Mais que l'inquiétude puisse se lire sur le visage de Potter, en était une autre. Severus n'était pas certain que le Gryffondor croie vraiment être capable de dissimuler son inquiétude. Mais c'était une autre histoire. Ils étaient dans une époque catastrophique, si non seulement Potter sentait que quelque chose n'allait pas mais qu'en plus il s'en inquiète.
Severus avait su, ce jour fatidique, que leur vie continuerait à s'écouler lentement comme à l'ordinaire, mais que ces jours étaient désormais comptés. Si, par une chance folle, ils ne l'avaient pas encore compris, Severus savait que ce n'était qu'une histoire de temps avant que les moldus, tous les moldus, apprennent l'existence du monde sorcier. Ca lui donnait encore beaucoup de temps, avant cela, pour voir paraître les articles de la Gazette du Sorcier et imaginer ce que sera le futur.
L'hystérie des moldus tournerait inévitablement en violence qui s'étendrait autour de la terre comme une traînée de poudre, réduisant en cendre toutes choses et toutes les personnes touchées. Parce que les moldus craindraient la magie, de cela, il n'avait aucun doute. Ils ne comprendraient pas et pire pour eux, ils ne pourraient pas la contrôler. Alors ils détruiraient tout. Severus ne connaissait peut-être pas très bien le bon côté de la nature humaine, mais il en comprenait intimement le mauvais, celui auxquels les gens ne jetaient qu'un rapide coup d'œil pendant la nuit la plus noire, quand la culpabilité et les récriminations s'effacent suffisamment longtemps pour se permettre cette franchise.
Albus Dumbledore se tenait devant l'ensemble des occupants du château en ce matin de début novembre. Il avait prononcé des paroles calmes et rassurantes à tout le monde, sauf à ceux qui avaient depuis longtemps perdu foi en cet optimisme trompeur. La majorité des personnes, lui excepté, avait continué leur vie avec un espoir aveugle alors que lui avait eu le temps de s'adapter à la réalisation inopportune que la fin était proche.
Il aurait pu avoir une centaine d'années au lieu de quinze jours que ça n'aurait pas été suffisant. L'horreur qui l'avait assaillit pendant qu'il lisait ces trois petits mots, était si forte qu'il aurait pu ne pas avoir été préparé du tout.
Maintenant qu'il écoutait Albus conclure sa dernière exhortation absurde, Severus sentit une nouvelle alarme. Vous ne pouvez pas être sérieux ! Voulut lui crier Severus. Après tout ce que vous avez vécu, après tout ce que vous avez appris sur ce qui se passe dans le monde, vous ne pouvez pas honnêtement penser ce tissu de mensonges ! Des sorciers et sorcières étaient arrêtés sans raison dans toute l'Amérique, à moins que vivre ne soit devenu un crime. Le président américain avait dévoilé l'existence du monde sorcier aux membres des Nations Unis et des médias qui participaient au débat. Il avait alors appelé le monde sorcier 'une menace imprévisible et extrêmement dangereuse pour la sécurité et la stabilité du monde.' Que doivent-ils faire, Albus, pour justifier votre peur ? Doivent-ils tous nous tuer pour que vous les preniez au sérieux ?
La croyance bornée du directeur était exaspérante. Il croyait que les gens étaient profondément bons, soucieux les uns des autres, si on leur en donnait la chance. Toutes les chances du monde n'auraient pas pu racheter Voldemort. Ou Lucius. Ou tous les autres. Mais s'ils avaient demandé, que leur auriez-vous dit, Albus ? Y aurait-il eu d'autres anciens mangemorts enseignants aux élèves de Poudlard ? J'ai peur de penser que ça aurait été le cas.
Les yeux de Severus se posèrent sur Harry, qui avait dû sentir le poids de son regard parce qu'il se tourna pour rencontrer ses yeux. De nombreuses émotions se mélangeaient dans ses yeux verts : la panique, l'espoir et quelque chose qui ressemblait horriblement à de la culpabilité. Severus avait une idée de l'origine de cela.
« Severus ? » Il vit les lèvres d'Harry former son nom.
Severus secoua imperceptiblement la tête, regarda rapidement les élèves et revint à Harry. Il dit suffisamment fort pour que Harry l'entende, « Heures de bureau. »
Une expression momentanément perplexe et confuse se peignit sur le visage de Harry avant qu'elle ne disparaisse et soit remplacée par la compréhension. Harry hocha de la tête.
« Ne devons pas laisser les élèves savoir que nous ne croyons pas au petit monologue de Dumbledore. » Murmura Drago sur un ton énervé. Il avait correctement interprété le regard que Severus avait lancé à Harry.
« Et tu n'y crois pas ? » Le questionna Severus avec une note de sarcasme.
« J'aimerais, Severus, » Répondit Drago calmement. « J'aimerais vraiment. »
Heures de bureau, pensa Harry d'un air absent en poussant la porte qui ouvrait sur le bureau de Severus et entra. Il avait fait cela de nombreuses fois dans la journée. Il était incapable de rester assis plus d'une minute ou deux avant de devoir se remettre debout. Il ne pouvait pas oublier les nouvelle que la Gazette du Sorcier avait apporté à l'école ce matin, pas plus qu'il ne pouvait échapper à la culpabilité de n'avoir pas dit la vérité à Severus, mais il n'y avait plus rien qui puisse lui donner de l'entrain de toute façon.
Il marcha, marcha et marcha encore pour tuer les heures qui le séparaient du moment où Severus serait libre pour parler. Il se perdait dans le labyrinthe que son esprit avait crée où s'alternait le soulagement à l'idée qu'Albus prenne les choses en main, tout en ignorant allègrement qu'il n'avait rien dit de tel, et le sentiment de panique et de culpabilité qui embrumait son esprit. Il croyait en ses amis, il savait qu'ils ne l'avaient pas trahi, mais il se rendait responsable de ce qui arrivait avec la même irrationalité qu'il s'accrochait aux paroles d'Albus.
« Oui ? Qu'est-ce -» Commença Severus avec énervement. Il leva les yeux des copies qu'il était en train de corriger et se tut quand il vit que Harry qui se tenait devant lui. « Harry ? »
En d'autres circonstances, Harry aurait été heureux d'entendre que la voix de Severus avait changé d'intonation quand il avait vu que c'était lui. De l'énervement, sa voix avait pris une nuance, qui dans la bouche de Severus avait l'air inquiet. Mais le regard intense de Severus lui rappelait trop qu'il ne lui avait jamais dit la vérité, qu'il ne lui avait jamais dit que Ben et Kévin étaient venus à Poudlard. « Euh… »
« Qu'est-ce qu'il y a ? » Severus posa ses copies et lui fit signe de s'asseoir dans la chaise qui faisait face à son bureau. « Assieds-toi. »
Le cerveau de Harry fonctionna comme s'il était en mode 'auto pilote'. L'ordre lui avait été donné par celui qui avait été son professeur et Harry ne réfléchit pas et s'exécuta. Ils se regardèrent et aussi surprenant que cela paraisse, Severus le regarda avec une grande patience. Harry par contre, arborait une expression de crainte et de culpabilité.
Tu lui as menti, se réprimanda Harry avec colère. Comme Lucius l'a fait. Tu lui as promis qu'il pouvait te faire confiance et une fois commencé, tu lui caches des informations qui pourraient être connectées à l'exposition de notre monde.
Se sentant misérable, Harry enleva ses lunettes et se frotta les yeux. Tout ce dont il avait besoin était de sentir sa cicatrice le brûler et il aurait l'impression de retourner à sa Septième Année quand le règne de terreur imposé par Voldemort pesait sur ses épaules et qu'il regardait le monde se désagréger de la même manière qu'il tournait autour de lui en attendant qu'il fasse quelque chose pour le sauver. Je ne suis pas un foutu héros. Je suis juste un homme. Un homme sans réponse, sans idée, qui ne sait pas comment sauver tout le monde.
« Ce n'est pas de ta faute. » Lui dit Severus d'une voix douce qui s'insinua dans sa rêverie.
Surpris, Harry cligna des yeux en essayant de reformer la tâche sombre qu'était devenu Severus ; « Quoi ? » Lui demanda-t-il. Il tremblait quand il remit ses lunettes rapidement. « Que veux-tu dire ? »
« Tu n'es pas responsable du fait que l'on ait découvert notre monde. » Répéta Severus d'une voix douce.
Il rit amèrement, les mots s'échappèrent avant qu'il ne puisse les arrêter. « Comment le saurais-tu ? »
« Je connais Kévin et Ben. » Répondit Severus simplement.
« Qu-quoi ? » Bafouilla Harry, prit par surprise. « Comment -»
« Il y a des moments où je ne sais pas si je dois me sentir offensé par ton manque de foi en mon intelligence ou m'attendre à cela comme s'il s'agissait d'une évidence. » Rétorqua Severus d'un ton acerbe. « Comme tu aurais dû l'apprendre, que je ne suis pas un idiot. Contrairement à ce que ton parrain t'a certainement dit. »
« Je ne comprends pas. »
Severus sait ? J'ai passé tout ce temps à me tracasser pour savoir si je lui disais ou non et il sait ? Mais pourquoi n'a-t-il rien dit avant aujourd'hui ? Et d'abord, comment sait-il ? Les seules personnes à être au courant sont Drago et moi…Harry s'arrêta pour ressasser cela. Pourquoi Drago lui aurait-il dit ?
Severus soupira d'agacement. « Monsieur Potter, vous êtes un très mauvais menteur. »
« Je ne suis pas -»
Severus mit ses protestations de côtés. « Tu as aussi l'exécrable habitude de parler quand tu devrais écouter. Comme je le disais, des gens sont nés sans aucun don pour la dissimulation et tu dois être comptés parmi ces gens-là. Pensais-tu vraiment pouvoir cacher ce que tu es à tes amis moldus ? »
Il n'y avait pas lieu de faire semblant. Severus savait et comme il le lui avait signalé, Harry était un très mauvais menteur. « J'ai essayé ! » Lui dit Harry avec franchise. « J'ai vraiment essayé. Mais ce sont mes amis et je ne pouvais pas -»
« Leur mentir, » Termina Severus à sa place. « Vois-tu où je veux en venir ? Où te promènes-tu encore dans l'épais brouillard de l'incompréhension ? »
« Non, je crois que je me suis encore dans le brouillard. »
« Pourquoi ne suis-je pas surpris ? » Marmonna Severus pour lui-même. « Je suis certain que tu as commencé avec les meilleures intentions, mais tu ne peux pas te battre contre ce que tu es. Et je pense pouvoir dire que cette petite mascarade a duré jusqu'à ce jour fatidique où ils ont décidé de venir te voir. »
Harry le dévisagea. Comment ? Comment cet homme en sait-il autant ?
« Je crois qu'arriver à ce point, je devrais me sentir offensé » Décida alors Severus en regardant le visage de Harry avec une incrédulité réprobatrice. « Tu peux au moins me donner un peu de crédit. Après tout, je pense qu'il n'aura fallu qu'un commentaire venant du cœur concernant ta vie : qu'ils étaient heureux pour toi, qu'ils s'inquiétaient, ou des bêtises dans ce genre-là, et tous tes mensonges bien préparés se sont évaporés. »
« Nous sommes venus pour te voir… » Les mots exactes prononcés au moment où il avait le plus besoin de les entendre. « C'est ça, » Répondit Harry d'une voix douce et parce qu'il ne pouvait s'en empêcher il ajouta joyeusement « Et c'était plus facile que de prétendre être le petit ami de Drago. »
Il cilla. « Je crois qu'un grand nombre de choses aurait été préférable à prétendre être le petit ami de Monsieur Malfoy : une réunion de mangemorts présidée par Voldemort, par exemple. »
Malgré lui, Harry ne put s'empêcher de rire. « Alors tu savais depuis tout ce temps ? » Lui demanda-t-il une fois qu'il se fut arrêter de rire.
« Je le soupçonnais fortement. » Le corrigea Severus. « Ce n'est que lorsque toi et Monsieur Malfoy ayez commencé à arpenter furtivement les couloirs, avec une expression horrifiée de culpabilité déformant votre visage que mes soupçons se sont confirmés. Que les moldus arrêtent des sorciers était la seule catastrophe qui se déroulait dans notre monde actuellement, j'ai donc compris que cette expression qui marquait ton visage, 'ce-n'est-pas-de-ma-faute', avait un rapport. » Un petit sourire joua sur les lèvres de Severus. « Peu de choses sont capables de vous donner la même expression horrifiée qui se voyait sur votre visage à Drago Malfoy et à toi, le même sentiment de culpabilité et la même aversion à parler. En fait, deux hypothèses m'ont immédiatement traversé l'esprit. Après l'article de la Gazette du Sorcier, j'ai compris. De plus, tu agissais comme si tu étais responsable de tout ce qui ne va pas dans le monde. »
« J'aurais dû te le dire, » Murmura Harry en regardant l'autre homme. Le moment était venu de lui divulguer le reste, de lui dire qu'il ne leur avait pas seulement parlé de l'existence du monde sorcier, mais qu'il leur avait aussi montré. « Severus, je veux que tu saches que… » Les mots moururent dans sa gorge. Il ne pouvait pas le faire. Il n'y avait pas de condamnation dans les yeux couleur nuit de Severus, mais il y en aurait s'il savait à quel point Harry avait brisé les règles. « Je suis terriblement désolé de t'avoir menti. » Tu es un lâche, Harry Potter. Un sacré foutu lâche, et un hypocrite pour couronner le tout.
Harry soupira. Mais même s'il sait que je leur ai dit, il ne pense pas qu'ils aient un rapport avec ce qu'il s'est passé. Il ne pense pas que ce soit de ma faute. Coupable ou non, Harry commençait à se sentir un peu mieux.
Severus leva les yeux au ciel, « Je ne suis pas fâché contre toi. Je -» Il cligna des paupières comme s'il avait soudain réalisé un chose terriblement importante. « C'est parce que tu as cru que je serais en colère contre toi. »
« Quoi ? » La conversation échappait à Harry.
« Tu ne te sentais pas coupable d'avoir parlé à tes amis de notre monde, tu étais simplement inquiet que je sois en colère contre toi à ce sujet. » Severus parla doucement, comme s'il était étonné.
« Et alors ? » Harry fronça les sourcils. Il se sentait vaguement insulté par l'attitude de Severus. Peut-être ne suis-je qu'une grosse farce pour toi, Severus. Mais pour moi, tu n'es rien de ce genre là.
« Vous avez besoin de travailler sur vos priorités, Monsieur Potter. »
« Et quelles seraient-elles, Severus ? » Il ne pouvait pas dissimuler la nuance de défi que l'on entendait dans sa voix.
« Si notre monde commence doucement à glisser vers l'enfer, je devrais être le dernier de tes soucis. »
« Et ce serait le cas, si d'une manière ou d'une autre j'étais arrêté par l'un de ces moldus zélés, tu veux dire ? » L'interrogea Harry innocemment «Comme ça? » Il avait touché un nerf comme il savait qu'il le ferait. Il pouvait voir un muscle pulser dans la mâchoire de Severus.
« Ce sont les personnes que tu aimes qui font la valeur du monde dans lequel tu vis, Severus, » Continua Harry avant que Severus ne puisse l'interrompre. « Pourquoi se battre, si ce n'est pas pour sauver ce à quoi tu tiens le plus ? Penses-tu que le monde moldu signifiait quelque chose pour moi quand tout ce que j'avais, c'était les Dursley ? A ton avis, à quel point celui-ci sera important pour moi si tous ceux que j'aime sont partis ? Aime-le ou non Severus, mais tu contribues largement à la raison pour laquelle j'aime le monde dans lequel je vis.
Quelque chose apparut dans les yeux noirs de Severus mais ce fut parti avant qu'Harry ne puisse l'identifier. « Ton monde doit effectivement être bien dérisoire, si toutes les personnes que tu inclues sont des gens comme moi, Malfoy, les Weasley, et ce grand balourd de Hagrid. »
Harry ignora la pique. « A quoi ressemble ton monde, Severus ? »
Severus plissa les yeux.
« Pourquoi étais-tu aussi mal à l'aise ces derniers mois ? Qu'as-tu peur de perdre ? » Le pressa Harry sans relâche. « Que perdrais-tu, Severus, si notre monde glissait vers l'enfer ? »
« Plus que tu ne le crois. »
Les mots furent prononcés si doucement qu'ils étaient à peine plus fort qu'un murmure, mais ils auraient pu être hurlés tant ils eurent d'impact sur leur conversation. Harry ferma la bouche et Severus, après l'avoir regardé avec un regard brûlant, détourna les yeux.
Severus détourna les yeux. Severus Snape, celui qui avait regardé les yeux de serpent de Voldemort sans tressaillir alors qu'il lui racontait mensonges sur mensonges, qui avait fait face à un loup-garou sans réfléchir à deux fois, qui s'était jeté devant l'endoloris pour le bien d'une personne qu'il méprisait, venait de détourner les yeux.
La main d'Harry avait déjà franchi la moitié de la distance qui le séparait de Severus quand il se rendit compte que ce n'était peut-être pas le meilleur mouvement et retira la main rapidement en espérant que Severus soit trop absorbé dans son étude du mur pour l'avoir remarqué. « Je comprends finalement pourquoi tu es si inquiet. » Lui dit-il avec prévenance.
Severus se tourna vers lui avec des yeux noirs. « Je ne suis pas -»
« Oh arrête avec ça, » Harry l'obligea à se taire. « Je n'ai aucun mal à admettre que je suis un idiot, alors je ne vois pas pourquoi tu te soucis tant de ne pas paraître effrayé, au moins devant moi. Ce n'est pas comme si j'allais le répéter aux élèves. Ils seraient aussi terrifiés par toi que tu confesses ou non. »
« Comprends que -»
Harry l'interrompit à nouveau. « Je comprends, Severus. C'est ce que j'essaie de te dire. Mais Severus, ce que j'ai dit tout à l'heure est vrai. Tu ne seras pas seul pour affronter cela parce que je serai là à chaque pas. »
« Est-ce que tu essaies de me consoler ? » Marmonna Severus d'une voix acerbe, et des yeux sans émotion. Mais c'était une indifférence que Harry connaissait très bien. Il ne se servait de cette indifférence que lorsque c'est la dernière chose qu'il ressentait. « Avons-nous terminé avec les récriminations coupables et les maux d'estomac ? »
Tu ne lui as toujours pas dit que tu les avais emmenés à Poudlard ! Lui signala sa conscience avec une rigueur indignée. Oh merde ! Claqua Harry en tournant le dos à sa conscience une fois pour toute. « Ouais, » Répondit-il une fois certain que sa conscience soit cachée. « Revenons au sujet. »
« Ai-je besoin de demander ? » Demanda Severus sèchement.
Quand as-tu déjà eu besoin de demander ?
Il n'y avait qu'une question dans l'esprit de Harry qui méritait une réponse.
« Que se passe-t-il ? »
« La réponse dépend de la personne que tu interrogeras pour te baser pour commencer tes hypothèses. » Lui dit Severus cyniquement. « Si tu demandes à une personne qui n'est pas capable de voir la différence entre la réalité et ses propres rêves d'idéaux, elle te dira que ce n'est qu'un moment d'ouverture vers de nouvelles relations plaisantes et qu'il ne faut pas prendre en compte ces arrestations. Si tu demandes quelqu'un d'autre, une personne avec un cerveau, par exemple, tu auras une histoire bien plus sombre qui parlera de répercussion et de violence. Je te conseille de choisir ton poison avec sagesse.
« Je crois que je préférerais ne pas être surpris plutôt que de craindre d'être déçu. »
« Moi aussi, » Severus s'arrêta. Ses doigts tapaient sur le bureau. « Pourtant je pense qu'il serait léger de ne parler que de la crainte d'être déçu.»
« Penses-tu que ce soit aussi mauvais ? » Lui demanda Harry. « Une partie de ce qu'Albus a dit tout à l'heure était compréhensible. Beaucoup de moldus nous connaissent déjà, et ce sont eux qui ont généralement dû subir. Regarde Voldemort et ses mangemorts. »
Severus secoua la tête. « Tout en revient toujours au nombre. Ils sont plus nombreux, beaucoup plus nombreux que nous autres. »
« Et toutes les choses que nous pouvons faire ? » Le contra Harry. « Ils ont besoin d'armes, tout ce dont nous avons besoin est de mots. »
« Combien de personnes peux-tu tuer avec un Avada Kedavra ? »
« Quoi ? »
« Prétendons que je suis pris d'une folie meurtrière et que je commence par tuer tous les habitants du château. » C'était intéressant, remarqua Harry d'entendre le changement de cadence dans la voix de Severus. Inconsciemment il avait repris le ton professoral. « Si je jetais un sort maintenant sur toi, que se passerait-il ? »
« Rien. Pour de nombreuses raisons. »
Severus le regarda avec des yeux noirs. « Monsieur Potter… »
Harry leva les yeux au ciel. « Si je n'étais pas Celui Qui a Survécu, je mourrais. »
« Et les autres habitants du château ? »
« Qu'est ce qu'ils ont ? »
« C'est ce que je veux dire. Si je désire tuer toutes les personnes du château avec un Avada Kedavra, je devrais chercher chaque personne et jeter un sort à chacun, individuellement. En avoir le désir et ressentir la haine n'est pas suffisant. Si ça l'était, Voldemort aurait massacré toutes les personnes de la planète uniquement en pensant aux mots. Il avait des mangemorts parce qu'ils lui étaient utiles. Ca lui aurait pris des décennies pour parvenir à ses buts tout seul. » Severus s'arrêta. « Comprends-tu ? Nous sommes peut-être plus puissants que les moldus, mais ils sont plus nombreux que nous ne le sommes. Et leurs armes peuvent nous tuer par troupeau. Ils n'ont pas besoin de nous attaquer un par un. S'ils souhaitent lancer une attaque sur notre monde, nous serons dans une situation désespérée. »
C'était étrange, depuis toutes ces années qu'il connaissait les deux mondes, il n'avait jamais vu la distinction qui existait jusqu'à ce que Severus les lui montre. Il était si facile de croire que la magie et lui-même étaient invincibles. Après tout, tout était magique. Comment quelque chose d'aussi commun qu'une balle pourrait faire du mal à la magie ? Parce que nous sommes seulement humains, pensa Harry. Le calme qui l'avait envahi depuis le discours d'Albus commençait à se dissoudre. Nous avons peut-être de la magie, mais nous sommes encore humains. Nous ne sommes pas des dieux. Nous ne sommes pas invincibles. Notre magie n'est efficace que si nous sommes capables de la diriger correctement.
« Mais pourquoi nous feraient-ils du mal ? Nous ne leur avons rien fait ? »
« Regarde le monde, Harry Potter. Regarde notre monde, et regarde le leur. Enlève la magie et leur technologie. A quel point sont-ils différents ? » Les yeux de Severus transperçaient les siens. « Regarde le monde et dis-moi ce que tu vois. »
Ce fut comme si la voix hypnotique de Severus était un ordre et rappelait des souvenirs du passé. Sa vie avec les Dursley, fut suivie d'innombrables images de batailles contre Voldemort et ses mangemort. Puis il revit ses années à l'université et les informations qu'il avait vues à la télévision montrant les morts et les destructions qui avaient lieu partout dans le monde.
Regarde-le monde, lui avait ordonné Severus.
Pourquoi nous feraient-ils du mal ? Lui avait demandé Harry.
La réponse n'était pas si difficile à comprendre après tout.
Parce qu'ils le peuvent.
Harry regarda Severus qui lui aussi le regardait, mais avec attente.
« Nous avons des problèmes. » Murmura-t-il.
« Oui, nous en avons. »
