Je pourrai faire face à n'importe quoi, aussi longtemps que tu seras là pour les affronter avec moi.
Je pourrai faire face à n'importe quoi,
Les pensées de Harry se moquaient de lui sans merci pendant qu'il marchait aux côtés de Severus. Je pourrai faire face à n'importe quoi,
Je peux faire face n'importe quoi, hein ? Pensa Harry avec colère. Eh bien, je ne peux pas affronter cela ! Je ne peux pas faire face à une armée moldue envahissant ma maison !
Le cauchemar empirait. Quand ils ont commencé à chasser les hiboux en mettant fin au système de poste sorcière, Harry a pensé que le pire était arrivé. Quand les moldus se sont attaqués aux citoyens sorciers, Harry a pensé que rien ne pourrait être pire. Quand Ron a été tué, Harry a pensé que le monde ne pouvait pas tomber plus bas. Mais maintenant…
Je regrette qu'il ne m'ait pas tué ! Criait Harry silencieusement dans les confins de son esprit. Voldemort ! Lucius ! N'importe qui ! Je regrette de ne pas être mort avant que ce jour n'arrive ! Les derniers fragments de rêves auxquels Harry s'accrochait depuis que le monde sorcier déclinait se transformaient en cendre.
Le cauchemar atteignait son zénith.
Harry avait perdu son monde. Il avait perdu son meilleur ami. Il était sur le point de perdre sa maison. La seule chose qu'il avait encore, était Severus. Et il savait, il savait, que ce n'était qu'une question de temps. Et ensuite quelque chose se passerait. Un moldu aurait de la chance. Severus mourrait. Et Harry resterait seul avec les décombres de sa vie.
Je préférerais mourir !
Et je mourrai ! Se jura Harry, en y mettant toute sa colère, toute sa douleur, toute sa volonté. Avant de perdre Severus, je les combattrai ! Même si je dois devenir un meurtrier et tous les tuer moi-même ! Et si je meurs, qu'il en soit ainsi ! Mais je mourrai avant de le perdre lui aussi !
Harry était conscient des soubresauts qui traversaient sa colonne vertébrale. Il ne savait pas s'ils venaient de la colère, de la peur ou du choc qu'il ressentait.
« Nous y sommes, » L'informa doucement Severus. Sa voix fraîche le sortit du bourbier dans lequel il était en train de sombrer.
Harry hocha légèrement la tête et suivit Severus dans la Salle. Il essaya d'ignorer les fantômes des jours disparus qui flottaient dans son esprit. Les tables n'étaient plus là. Ron et Drago s'étaient disputés en plein milieu de cette pièce. Fred et Georges n'étaient pas en train de jouer une farce à Dean. Vous n'êtes pas réels ! Dit Harry avec colère aux images. Vous êtes partis ! Vous êtes tous partis !
Elles s'effacèrent lentement, s'attardèrent encore un peu, jusqu'à ce que ne demeurent plus que les professeurs rassemblés autour du directeur. Celui-ci était debout, la tête levée, il regardait le plafond magique. Personne ne parlait. Toutes les personnes avaient le visage pâle. Harry et Severus prirent place dans le demi-cercle autour d'Albus et ensemble, ils attendirent l'arrivée des autres. Harry ne savait pas ce qu'ils attendaient ou n'en était pas certain, jusqu'à ce que les portes s'entrouvrent sur Hermione et Drago. Ce n'est que lorsqu'ils se placèrent à côté de Harry et de Severus que le directeur tourna les yeux vers eux.
« Je serai bref, » Leur dit-il. « Mes sources m'ont informé que l'armée moldue est en approche, elle sera au château demain matin, peut-être même avant. Ils s'attaqueront au château avant de se diriger vers Pré au Lard. Cependant, il est vital que vous évacuiez le château immédiatement. Et le dernier groupe d'élèves doit être emmené à Pré au Lard dès que possible. J'ai déjà contacté leurs parents et dans quelques heures, ils arriveront à Honeydukes pour mettre leurs enfants en sécurité. Je resterai moi-même derrière, pour occuper l'armée jusqu'à ce que les enfants aient réussi à partir, et pour détruire le château.
« Détruire le château ? » Les paroles étonnées émanaient de la bouche de Harry.
« Oui, Harry, » Albus acquiesça tristement. « Je ne sais pas comment les moldus ont obtenu leurs informations, mais je ne veux pas que ce château et la connaissance qui s'y trouvent tombent entre leurs mains. »
« Albus ne sera pas seul, » Dit Minerva fermement. « Je resterai moi-aussi derrière. »
« Vous n'pouvez pas faire ça tout seul ! » Protesta Hagrid. « Juste vous deux, hein ? C'est pas assez. Ah, j'restrai derrière aussi. »
« Non, Hagrid. Nous n'espérons pas les vaincre. » Lui dit Albus gentiment. « Nous devons les retenir, leur faire perdre du temps, rien de plus. Nous combattrons en sachant que nous allons mourir, Hagrid. »
« Ah, mais vous n'pouvez quand même pas v'battre tout seul, » Poursuivit Hagrid. Il n'était pas découragé par les paroles du directeur comme l'était le reste du personnel qui était en état de choc. « Et j'ai pas peur d'mourir. C'est ma maison, Professeur Dumbledore. Où irais-je si j'pars ? »
« Si vous partez, vous avez une chance de survivre. » Lui signala Albus.
« Pour être tuer dans queques jours ? » Le contra Hagrid. « Nous allons tous mourir, Professeur. Peut-être que certains mourront plus tôt que d'autres, mais la fin est la même. J'préfére mourir pour ma m'son que d'me cacher dans une cave. C'est mon choix, professeur. Et j'ai choisi d'mourir ici avec vous et l'professeur MacGonagall. »
« Il n'y a pas d'autre résultat possible, Albus ? » Lui demanda Flitwick quand le silence retomba après la déclaration d'Albus.
« Non, Filius. Tout ceux qui resteront derrière mourront. »
« Alors, si c'est la même chose pour vous et pour Minerva, je pense que je resterai aussi. »
« Mais -» Commença Minerva d'un ton abrupte.
« Non, Minerva. Hagrid a raison. C'est notre décision de rester ou non. Vous nous avez donné des options, vous nous avez parlé les conséquences de ces décisions, maintenant nous les prenons. » L'interrompit Flitwick. « Et moi, je reste ici. »
Ce fut comme si un barrage avait été rompu. Un par un, les professeurs de Poudlard apportèrent leur soutien et décidèrent de participer à la diversion et de mourir dans cette place qui était devenue leur maison depuis des années. Pour la sécurité des enfants, pour l'amour de leur maison, pour avoir la chance de se tenir aux côtés d'Albus Dumbledore une dernière fois, ils resteraient et mourraient.
Harry se tint en silence, écouta les personnes autour de lui apporter leur soutien au directeur une dernière fois et il se battit pour ne pas faire de même. Il ne voulait pas vivre dans un monde où il n'y aurait ni Ron ni l'école. Il avait souhaité mourir pour que la disgrâce de celui qui était devenu Celui Qui Ne Peut Pas Sauver Le Monde Sorcier se finisse. Il avait désiré mourir afin de ne pas savoir ce qu'il ressentirait à tenir Severus dans ses bras alors que sa vie lui échappait.
Que ça se termine ici, pensa Harry furieusement. Que tout se finisse ici, dans ce seul endroit que j'ai appelé maison. Que les ruines de Poudlard soient la tombe de mes rêves. Que ma mort soit ce que ma vie n'a pas pu être, laissez-moi les aider à sauver ces enfants, puisque je ne peux sauver personne d'autre.
Mais il ne pouvait pas prononcer ces paroles. Même s'il désirait immensément donner sa vie au profit de quelque chose de plus grand, il ne pouvait pas. Parce que dans son esprit, résonnait la promesse de Severus : « Je te suivrai. »
S'il restait, il condamnait à mort la personne qui se rapprochait le plus pour lui de sa famille, Severus resterait et mourrait avec lui. Malgré ses propres sentiments, malgré son lâche refus de vivre dans un monde mourrant, Harry ne voulait pas être responsable de la mort de Severus. Il tournerait le dos à Poudlard. Il fuirait la relative protection que lui apporterait le monde au-delà des murs du château, si ça signifiait sauver Severus. Il pouvait faire cela en continuant à vivre une vie sans valeur. Et même si c'était très difficile à faire, il le ferait.
Harry tourna la tête pour regarder attentivement Severus.
Je ne serai pas responsable de ta mort, pensa furieusement Harry en regardant ses brillants yeux noirs. Je vivrai cette vie aussi longtemps que je le peux, si je peux te garder sain et sauf.
Severus se tourna brusquement.
Harry écarquilla les yeux. Ne-
« Je resterai. »
« Severus, » Siffla Harry dans sa barbe. « Tu ne -»
Severus l'ignora et regarda Albus droit dans les yeux. « Ce château a toujours été la seule maison que j'ai connue. Je ne lui tournerai pas le dos même si je dois mourir. Et je ne retournerai pas volontairement dans un monde dans lequel je serai obligé d'être à nouveau un assassin. Ce n'est pas une vie. »
« Severus, » Objecta Albus d'une voix douce. « En êtes-vous sûr ? » Harry vit les yeux du directeur vaciller brièvement vers lui.
« Autrefois, j'ai refusé de mourir à genoux, Albus. Je ne choisirai pas différemment maintenant. »
« Moi non plus, » Déclara Harry avec une douce férocité. « Mieux vaut mourir ici en défendant ce que nous aimons que mourir d'une mort insignifiante en tant qu'assassins de ceux que nous avons essayés si désespérément de protéger autrefois. »
« Ainsi soit-il, » Acquiesça Albus solennellement. Ses yeux restèrent sur Harry un instant puis se tournèrent vers Severus. « La potion que je vous ai demandée est-elle prête ? »
« J'ai fait comme vous l'avez demandé. » Répondit Severus avec un sourire mauvais. « Elle est prête. »
« Merci mon vieil ami. » Albus balaya la pièce du regard. « L'arme de choix des moldus est appelée revolver : un outil qui sert à projeter des morceaux de métal très rapidement et entrent facilement dans la peau. Il y a des semaines, j'ai demandé à Severus de préparer une potion qui annulerait les effets de telles blessures en cas d'attaque moldue. Avant de rencontrer l'armée moldue, je vous demanderais à tous de boire cette potion. Je ne veux pas que votre mort soit plus douloureuse qu'elle ne doit l'être.
Tous acquiescèrent.
« Hermione, Drago, » Albus se tourna vers eux. « Je voudrais que vous vous prépariez à prendre le tunnel immédiatement. Les enfants doivent arriver à Pré au Lard dès que possible. Une fois loin et en sécurité, fuyez la zone comme vous le pouvez. Ne revenez pas vers nous. Vous sauver sera bien au-delà de notre capacité. »
Harry regarda Hermione hocher la tête, ses yeux oscillaient d'Albus à Harry, ses lèvres tremblaient légèrement et pourtant, Harry le savait, elle faisait de son mieux pour se contrôler. Drago ne répondit pas à Albus, son visage était impassible, froid et il regardait le directeur avec des yeux plissés, noirs et remplis de colère.
Albus fit le tour de la pièce des yeux. « Je vous demande de passer la nuit comme vous l'entendez. Profitez des dernières heures qu'il vous reste. Et sachez que j'ai eu le plus grand plaisir à vivre en votre compagnie et à travailler avec des hommes et des femmes tels que vous. Et maintenant, jusqu'au matin… »
Lentement, par deux, parfois seul, les membres de la faculté quittèrent la Grande Salle. Une fois que tous furent partis, il ne resta dans la Salle que Severus, Harry, Drago et Hermione L'espace d'une minute, aucun ne bougea ni ne parla, puis Hermione se jeta dans les bras de Harry.
« Oh Harry ! » S'écria-t-elle en enfouissant sa tête dans son épaule. « Pourquoi en est-on arrivé là ? »
« Je ne sais pas, Hermione. » Murmura-t-il. « Je ne sais pas. »
Du coin de l'œil, Harry vit Drago et Severus s'éloigner, leur donnant l'intimité dont ils avaient besoin pour se dire adieu. Et Harry réalisa qu'eux aussi devaient se dire adieu.
« D'abord Ron, et maintenant –oh Harry ! Pourquoi dois-je perdre toutes les personnes que j'aime ? »
« Harry ferma les yeux pour résister à la culpabilité qui l'envahissait. « Je suis désolé, Hermione. Je suis si désolé. Mais je ne peux pas fuir. Je ne pourrais pas vivre en sachant que j'ai laissé toutes les personnes présentes ici faire face à cela seules. »
« Nous devrions être ici, avec toi. Je regrette que nous ne puissions pas être ici avec toi. »
« Peut-être n'êtes-vous pas censés mourir avec nous, Hermione. Peut-être êtes-vous censés vivre toi et Drago pour trouver un moyen de mettre fin à cette guerre, » Harry ne savait pas pourquoi il disait cela, mais dès que les mots avaient quitté sa bouche et bien qu'il ne savait pas pourquoi il avait prononcé ces paroles, il savait qu'elles étaient vraies. « Nos vies valent mieux que cela, Hermione. »
Elle le repoussa suffisamment pour pouvoir le regarder dans les yeux. « Le penses-tu vraiment, Harry ? Crois-tu vraiment qu'il y ait un moyen de mettre un terme à cela ? »
« S'il y en a un, alors je sais que tu le trouveras. » Répondit-il sincèrement.
« Je n'ai jamais pensé que je vivrais plus longtemps que toi et que Ron. » Murmura Hermione tristement. « J'aimerais… »
« Moi aussi, Hermione. Moi aussi. » J'aimerais que rien de ceci ne soit arrivé.
« Je ne sais pas comment te dire adieu, Harry. » Ses yeux étaient remplis de larmes.
Harry sentit sa gorge se nouait. « Je pense que tu dois simplement dire les mots et partir. »
Les larmes se déversèrent. « Je ne peux pas. »
« La nuit ne durera pas éternellement Hermione. Toi et Drago devez partir. Vous devez penser aux élèves, » Lui rappela-t-il. Sa poitrine était si comprimée qu'il avait des difficultés à respirer. « Embrasse… Embrasse-moi simplement encore une fois, tourne-toi et pars. »
Hermione sanglotait, elle enfouit son visage dans l'épaule de Harry et resserra ses bras autour de lui. « Je t'aime Harry. Je t'aimerai toujours. »
« Je t'aime moi-aussi, Hermione, » Murmura-t-il contre son oreille, en la gardant près de lui pour se souvenir de la sensation qu'elle ressentait à le tenir dans ses bras. Son image était déjà gravée dans son esprit. « Maintenant vas, vite. Et ne te retourne pas. »
Hermione se recula, le regarda à travers ses yeux plein de larmes, elles glissaient le long de ses joues, et lui donna un rapide baiser. « Adieu, Harry, » Murmura-t-elle contre ses lèvres avant de se tourner et de courir pour sortir de la pièce.
Il sentait les larmes glissaient sur son visage quand il la regarda partir. « Adieu, Hermione. » Dit-il d'une voix douce alors que sa silhouette s'effaçait.
« Tu vas vraiment faire cela ? »
« Il n'y a pas d'autre choix. » Répondit Severus avec honnêteté.
Drago plissa les yeux. « Il y a toujours un autre choix. »
« Monsieur Malfoy… » Severus se trouva soudain trop fatigué pour discuter avec le jeune homme.
« Bon sang, Severus, » Siffla Drago. Il était en colère. « Si tu n'avais pas ouvert la bouche -»
« Quoi ? » Severus le coupa rudement. «Alors quoi, Monsieur Malfoy ? Etes-vous allé plus loin ? »
« Tu aurais pu vivre ! »
Severus haussa un sourcil. « Nous aurions fui le château et nous nous serions cachés, oui. Mais morceau par morceau, la réalité aurait ébréché sa vie. Les souvenirs de ce qu'il a perdu, la culpabilité qu'il aurait ressentie en tournant le dos à sa maison, en ayant fuit quand tous les autres restaient pour se battre, pour avoir été acclamé en tant que Sauveur quand il ne pouvait rien faire pour arrêter cette folie, tout cela l'aurait lentement écartelé. Et un jour il aurait été obligé de tuer un moldu : pour se défendre, en guise de châtiment, la raison importe peu. Mais il aurait tué un moldu. Et alors tout ce qui le rend unique, qui il est et ce qu'il est, aurait été perdu. Dites-moi Monsieur Malfoy, est-ce la vie que vous souhaitez pour lui ? »
Drago le regarda avec des yeux perçants pendant un moment puis les détourna, il s'avouait vaincu. « L'histoire n'était pas censée se terminer ainsi, » Severus l'entendit murmure dans sa barbe.
« Comment aurait-elle dû se terminer ? » Lui demanda Severus d'une voix douce.
Drago tourna la tête, et regarda Severus dans les yeux inébranlablement. « Pas comme ça. »
« Il n'y a pas de fins heureuses. » Drago.
Drago le regarda avec réflexion puis soupira. Il se sentait impuissant et frustré. « Je suis désolé, Severus. »
Severus s'autorisa un bref sourire. « C'est plus que je ne l'avais jamais imaginé. »
« Ce n'est pas suffisant. » Murmura Drago furieusement.
« Ca doit l'être. »
Ils se regardèrent fixement, les mots résonnaient entre eux. Combien de fois as-tu vu ton père ente regardant dans un miroir ? N'as-tu jamais pensé qu'un jour ce serait mon visage qui te rendrait ton regard ? En regardant dans les yeux de l'homme comme il le faisait, Severus vit que l'ironie de ses paroles ne fut pas plus perdue pour Drago qu'elle ne l'était pour lui. « Moi aussi, je suis désolé, Drago. »
« Ne le sois pas, » Drago secoua la tête, la tristesse qu'il avait dans ses yeux une seconde plus tôt avait été balayée et remplacée par la surprise et la sincérité. « C'est peut-être la seule chose pour laquelle je ne suis pas désolé. »
Un mouvement attira leur attention et tous les deux virent Hermione courir vers la sortie. Severus se retourna vers Drago à temps pour voir sa mâchoire se serrer. Doucement, Severus franchit les quelques mètres qui les séparaient et s'arrêta à quelques pas de lui pour poser une main sur l'épaule de Drago.
« Donne-lui un moment. » Murmura Severus doucement. Il s'était penché pour lui parler à l'oreille. « Je serai dehors. »
Drago tourna rapidement la tête et entra presque en collision avec Severus. « Severus… »
Severus haussa un sourcil.
« Pourquoi ? »
Un sourire aigre-doux toucha les lèvres de Severus. « Tu es tout ce que j'aurais pu être. »
Drago écarquilla les yeux quand les paroles l'atteignirent. Le vernis de colère dont il s'était servi pour recouvrir les murs de glace qui le séparaient du monde se craquela et Severus aperçut ce qu'il y avait en dessous. Alors, pensa-t-il avec satisfaction. J'avais raison.
Severus resserra la pression de ses doigts sur l'épaule de Drago. « Adieu, Drago Malfoy. » Il n'y avait pas de sarcasme, pas de rancœur dans ses mots. Et pour la première fois, Severus prononça son nom avec une douce fierté.
Il regarda l'homme devant lui en cherchant une dernière fois son regard. Puis, sans autre mot, sans attendre de réponse, Severus Snape quitta silencieusement la Grande Salle.
Alors que Harry essuyait les dernières traces de larmes de ses yeux, il se rendit compte qu'il régnait dans la salle un silence pesant. Des yeux, il fit le tour de la pièce et fut surpris de constater que Severus était parti. Il était seul avec Drago. Ce dernier se tenait sans bouger dans un cercle de lumière crée par une bougie qui flottait au-dessus de lui. C'était difficile à dire, le vacillement de la chandelle contrastait avec la lumière froide venant du plafond enchanté mais Harry crut remarquer que le Serpentard était encore plus pale qu'à l'ordinaire.
« Drago ? » L'appela-t-il. Il grimaça en entendant sa voix résonnait durement contre les murs.
Drago ne dit rien, il le regarda simplement, impassiblement, son masque froid était composé d'indifférence.
Lentement, sans comprendre son étrange réticence et à peine conscient de son existence, Harry avança avec hésitation et s'arrêta avant l'île de lumière dans laquelle se trouvait Drago. Et ils restèrent là, l'un en face de l'autre à se regarder.
Il y avait quelque chose d'invisible, de lourd, de fatigant entre eux, comme un abyme qui s'ouvrait. Harry pouvait presque sentir sa présence et il se demandait si Drago le pouvait également. Quand il regarda dans les yeux de Drago, il ne vit rien, ils étaient sans émotion.
Le silence s'étalait entre eux et Harry fut conscient que quelque chose planait dans l'air, une chose qu'il entendait presque, qui frôlait sa conscience comme à demi-entendu, comme s'il l'imaginait à moitié. Et alors il sut ce qui remplissait l'espace entre eux : des centaines de paroles jamais dites. Des paroles attendaient d'être prononcées, des paroles qui auraient dû être dites, des paroles qui avaient été prononcées. Elles étaient toutes là à murmurer d'une voix que Harry ne pouvait pas entendre. C'était comme si elles étaient prononcées dans une autre langue, une langue que Harry avait connue mais avait oubliée. Malgré ses nombreuses tentatives, il ne pouvait pas comprendre ce qui était dit.
C'est comme s'il y avait quelque chose dans le chemin, réalisa Harry, en tendant l'oreille inconsciemment pour entendre les sons fantômes. Mais quoi ?
« Ca s'appelle la vie, Potter, » Lui dit Drago d'une voix lente qui interrompit l'écho du silence.
Comme si ces paroles lui avaient donné l'autorisation de s'approcher, Harry entra dans la lumière.
« Drago -» Commença-t-il d'une voix douce.
« Si tu t'attends à ce que je me mette à pleurer comme une fille pleurnicheuse, tu vas devoir attendre étern-» L'espace d'un instant, la couche extérieure craqua et Harry vit quelque chose qui ressemblait à un malaise dans les traits de Drago. « Ne retiens pas…Merde ! » Jura Drago avec énervement. Il passa ses mains dans ses cheveux. « Ecoute, je ne pleure pas. Je n'ai jamais pleuré. Je n'imagine même pas avoir un jour su comment faire. »
« Tout le monde sait comment pleurer, Drago, » Répondit Harry doucement.
« Pas les Malfoy, » Le contra Drago.
Harry abandonna. Ce n'était pas le moment de se disputer. « Drago, je -» Les mots restèrent coincés dans sa gorge, et l'étranglaient, le réduisant au silence. De toutes les personnes à qui il avait imaginé dire adieu, Drago n'avait jamais été l'une d'elles. Et maintenant, ils étaient seuls dans la Grande Salle et le matin surgissait à l'horizon. Harry réalisa que dire adieu à Drago était extrêmement difficile. Ca n'aurait pas dû l'être, mais ça l'était.
« Tu fais ce qu'il faut. »
Harry le regarda avec surprise. « Le penses-tu vraiment ? »
Drago haussa les épaules comme si la pensée n'avait pour lui aucune importance. « C'est ce que j'aurais fait, si j'avais eu le choix. »
« Je suis content que tu ne sois pas là. » Lui dit Harry, sérieusement.
Drago plissa les yeux. « Pourquoi ? »
« Hermione ne sera pas seule maintenant. »
Il haussa un sourcil argenté, interrogateur.
« Prends soin d'elle, Drago. » Elabora Harry.
« Moi ? Prendre soin d'Hermione ? » Le choc se voyait sur son visage et il y avait autre chose, mais ce fut parti avant qu'Harry ne sache ce que c'était. « Qu'est-ce qui te fait penser que l'un de nous veut cela ? »
« Tu représenteras tout ce qu'il lui restera une fois que je serai parti. » Harry se demandait s'il était normal de pouvoir parler aussi facilement de la mort. Mais si on réfléchissait à tout ce qui s'était passé, peut-être qu'il n'aurait pas dû être surpris.
« Et moi ? » Lui demanda Drago avec curiosité et indignation. « Qui va prendre soin de moi ? »
« Quand as-tu eu besoin de quelqu'un ? »
Les yeux de Drago se durcirent.
« Je ne voulais pas- Merde, » Jura Harry de frustration. « Pourquoi dès que l'on se parle les choses tournent mal ? »
« Peut-être n'utilisons-nous pas les bons mots. » Dit Drago doucement.
Quels mots devraient être utilisés ? Pourquoi plus rien n'a de sens ?
« Drago -» Et merde, pourquoi ne pouvait-il pas aller plus loin que son prénom ?
« Aussi mélodramatique que soit ces adieux, » Dit Drago quand il devint évident qu'Harry n'allait pas continuer, « Je dois vraiment partir. »
Il y avait quelque chose de forcé, quelque chose de faux, dans le ton clinique sur lequel Drago parlait. C'était comme s'il essayait d'avaler du verre brisé et refusait de s'arrêter alors qu'il lui coupait la gorge. Ce n'étaient que des mots vides, l'ombre de ceux qui auraient dû être dits. Harry se nourrissait de ces mots.
Sans le prévenir de ses intentions, Harry se rapprocha et embrassa Drago. Le Serpentard se figea, il ne résista pas mais ne lui rendit pas son étreinte.
« Je suis désolé, Drago. »
« Pourquoi est-ce que tout le monde me dit ça ? » Grogna doucement Drago. « Je suis fatigué de cela. Tu n'as pas à être désolé. »
Harry recula suffisamment pour le regarde dans les yeux. « Je pense qu'il y a de nombreuses choses pour lesquelles je dois me sentir désolé. »
« La vie est ce qu'elle est. Nous ne pouvons pas la changer. Nous ne pouvons pas la souhaiter autrement. Quel est l'intérêt de vivre, si tout ce que l'on fait est de se complaire dans les regrets, les remords et les si ? » Drago le regarda avec des yeux noirs. « Tu as eu ce que tu voulais ! C'est plus que ce que la plupart des gens peuvent dire aujourd'hui. »
« Je veux être Celui Qui est Mort avec Tous Les Autres ! » Les paroles remplies de colère et d'angoisse prononcées par Harry, peu de temps après avoir appris la mort de Ron, résonnèrent entre eux.
« Drago -»
« Je ferai ce que je peux, » L'interrompit Drago. « Je ne peux pas te promettre que ce sera facile, ou que ça comptera. Mais je ferai de mon mieux, qu'elle veuille de moi ou non. »
« Tu n'es pas obligé -»
« Non, je le sais. »
« Me laisseras-tu finir ma phrase ? »
« Tu as utilisé ton quota, Potter. » Les lèvres de Drago se relevèrent, mais son sourire n'atteignit pas ses yeux.
« Tu vas me manquer. »
Il ne restait plus beaucoup de temps à vivre à Harry, mais il savait que pendant le peu de temps qu'il avait, Drago lui manquerait. Quand Drago sortirait, Harry savait qu'il ne le reverrait plus jamais. C'était comme si mourir était sans conséquence. Un monde sans Drago n'avait pas beaucoup de sens pour Harry, c'était comme un monde sans Ron. La rivalité, les commentaires sarcastiques : il avait grandi avec l'exécrable présence de Drago comme il avait grandi avec l'amitié et le soutient que Ron lui apportaient.
Drago semblait déprimé, il s'affaissa dans les bras de Harry et appuya sa tête contre son épaule. « Tu seras mort, Harry. Comment pourrais-je te manquer ? »
« Ce n'est pas parce que tu ne comprends pas, » Harry fit un vaillant effort pour lever le visage de Drago. L'expression d'indifférence avait disparu mais on aurait dit plutôt une petite marque.
« Je n'ai jamais pensé devoir un jour te dire adieu. »
« Non, je pense que les mots auraient davantage étaient 'bon débarras' » Lui accorda doucement Drago. « Je ne peux pas dire que Celui Qui a Survécu me manquera. Je ne me suis jamais soucié de ce connard. Mais je suis désolé de dire que Harry Potter, me manquera. Je ne peux pas dire que je sache quoi faire avec ça. »
Quelque chose vibrait douloureusement à l'intérieur d'Harry « Tu te souviendras de moi ? »
Drago leva la tête lentement et regarda Harry dans les yeux. « Comment pourrais-je oublier ? »
La glace se brisa et Harry vit la douleur qui reposait en dessous. Pour moi ? Est-ce pour moi ? Pourquoi ?
« Je dois partir, Harry. Pour de bon, cette fois. » Rapidement, comme s'il avait peur des conséquences de ses actions, Drago lui rendit son étreinte et se redressa, « Meurs bien, Harry Potter. »
« Adieu, Drago, » Murmura Harry en le laissant partir et en regardant le Serpentard sortir de la pièce. « Adieu, mon ami. »
« Tu n'as aucune raison de te sentir coupable, Harry. » Severus interrompit les pensées troublées de Harry.
Harry leva les yeux vers lui, surpris. « Comment -»
« Je sais très bien reconnaître l'expression que tu as quand tu te critiques. » Severus haussa les épaules et tendit un verre à Harry, qui le prit instinctivement. « Je dois dire que j'ai moi-même étais champion de cette catégorie autrefois. »
Harry sourit tristement et regarda son verre. Severus s'assit à l'autre bout du canapé et se tourna pour lui faire face. « Je n'essaie pas de te prendre ta place de champion, Severus. »
« Aimes-tu Hermione ? »
Harry le regarda d'un air surpris. « Bien sûr ! Pourquoi cette question ? »
Severus le regarda d'un air absent. « Ca ne veut pas dire que tu te soucies moins d'elle, parce que dire adieu à Monsieur Malfoy t'as été plus douloureux. »
Harry cligna des yeux, étonné. Comment se fait-il que tu saches toujours tout ? Il n'avait pas été conscient qu'il se sentait coupable. Mais alors que lui et Severus se dirigeaient vers les quartiers de ce dernier, une fois que Harry eut quitté la Grande Salle, le sentiment avait commencé à le ronger légèrement au début, mais il prenait de la vigueur. Et maintenant, il était presque une heure du matin, de ce que Harry savait être le dernier jour de sa vie et il était en prise avec ce sentiment.
Severus soupira. « Elle pleurait, Harry. Drago, non. Il a enfermé ce qu'il ressentait et il a laissé ses émotions suppuraient, stagnaient jusqu'à ce qu'elles se transforment en poison. Bien que tu saches qu'elle souffre maintenant, tu sais qu'elle guérira. Il est fort possible, que Drago, lui, ne s'en remette pas. »
« Je ne savais même pas qu'il souffrait, » Lui dit Harry. « Pas avant la fin, juste avant qu'il quitte la salle. Si je ne l'avais pas regardé, je ne l'aurais probablement pas vu. »
« Adieu n'est pas un mot facile à prononcer, Harry. Peu importe les circonstances. »
Non, ça ne l'est pas, Harry regarda son reflet dans la tasse qu'il tenait dans sa main. Je crois que c'est le mot le plus difficile de tous.
Ce fut comme si on en revenait toujours aux mots.
« Avada Kedavra ! »
« Si tu veux éviter les gens douteux, je peux te donner des conseils. »
« Je n'ai besoin de personne pour savoir qui sont les gens douteux, merci. »
« Tu n'as jamais été seul, Harry. Tu n'as jamais été seul.. Toute ta vie des personnes se sont tenues derrière toi et se sont battues à tes côtés. Elles se sont tenues juste derrière toi pour t'aider à porter ce fardeau, toute ta vie et toute la leur. Et tant que tu vis, Harry Potter, elles continueront à le faire. »
« Jamais de toute ma vie, je ne me suis attendu à ce qu'une autre personne ne gâche sa vie pour mon bien. »
« Nous venus ici pour te voir, pour voir à quoi ressemble ton monde. »
« Tout ce que j'ai vraiment, c'est moi-même. Mais je me donnerai volontiers pour toi. »
« Tes gardiens pourront se reposer également un peu. »
« J'ai peur que ce soit la seule parcelle de normalité que je puisse te donner »
« Ron est mort. »
« Je ne sais pas comment te dire adieux. »
« Adieu, mon ami. »
Les mots étaient une chose si simple. Simple, triviale et pourtant si puissante. Suffisamment puissante pour changer une vie. Suffisamment puissante pour changer le monde. Et pourtant si facile à brandir. Des choses si petites ne devraient pas contenir autant de pouvoir, songea Harry tristement. Ou s'ils le doivent, ils ne devraient pas nous venir si facilement. Pas quand nous n'avons pas la sagesse de les utiliser correctement.
Harry regarda dans les yeux compréhensifs de Severus. « As-tu peur ? »
« De mourir ? »
« Ouais. »
« Non, » Severus secoua la tête. « Je suis venu au terme de ma mortalité il y a longtemps. Et toi, as-tu peur ? »
« Pas de mourir, non. »
« Il n'y aura pas de douleur. » Lui assura Severus en interprétant correctement les mots que Harry n'avait pas dits. « J'ai fait une potion pour s'assurer que notre mort ne serait pas douloureuse. »
« Je me souviens, Dumbledore en a parlé. »Harry s'arrêta. « Comment le savait-il, Severus ? »
« Il savait que la situation se détériorait dans le monde. Il m'a demandé de faire cette potion au cas où le pire arriverait. Et c'est que je faisais, le jour où tu es revenu à Poudlard. »
« Je me demandais où tu étais. Je sais que Drago se demandait où tu étais, quand je lui ai crié après. » C'était un sentiment étrange qui accompagnait ces mots : il éprouvait un serrement doux-amer qui lui donnait envi de sourire mais aussi de craquer. « Je suis content que l'on n'ait pas à souffrir. » Admit Harry. « Je souffre déjà tant. »
« Il y a de nombreuses sortes de douleurs, Harry. Et la douleur liée à la mort est la plus faible de toute. Elle est fugace et n'est rien comparée à celle que ressentent ceux qui restent derrière. Ce n'est rien comparé à ce que l'on ressent quand on perd quelqu'un, à celle que ressentent ceux qui doivent continuer quand toutes les choses et toutes les personnes qu'ils connaissaient et aimaient sont mortes. »
Une image traversa l'esprit de Harry. Il vit Hermione et Drago à Honeydukes. Les enfants avaient retrouvé leurs parents, mais eux ne savaient pas quoi faire, ne savaient pas où aller, parce que Poudlard n'existait plus et qu'il avait emmené tout le monde avec lui.
« Nous sommes les chanceux, Harry. Nous ne verrons jamais les cendres de nos rêves. »
« Est-ce que tout ira bien ? » La question n'était qu'un murmure. Il avait encore une boule dans la gorge.
« Je ne sais pas. »
« Pourquoi ne nous disent-ils jamais que les contes de fées se terminent en tragédie ? »Murmura Harry après un instant de silence, plus pour lui que pour Severus.
Severus lui répondit quand même. « Parce qu'il faudrait admettre qu'ils ne sont pas réels. Et parfois, Harry, les contes de fées sont la seule chose qui nous soutienne, quand le désespoir face à la réalité est trop difficile à supporter. »
Harry se souvenait de la joie et de l'excitation qu'il avait ressenties quand il avait appris qu'il quittait les Dursley pour devenir un sorcier. Un monde de magie ! Les possibilités étaient sans fin ! Il ne savait pas qu'ils se terminaient toujours dans le chagrin. A quoi sert la magie si tout ce qu'elle nous apporte, c'est la souffrance ?
« Je regrette que nous n'ayons pas plus de temps, Severus. »
« Qu'aurais-tu fais ? »
« J'aurais vécu. »
Le coin des lèvres de Severus s'étira. « Etre un mangemort, avait des avantages plutôt limitées, mais l'un des bénéfices imprévus a été celui de m'apprendre à vivre. »
« Que veux-tu dire ? » Il n'était pas sûr que Severus lui réponde, l'homme n'avait jamais été très ouvert sur le temps qu'il avait passé en tant que mangemort, mais Harry n'allait pas laisser passer l'opportunité de lui poser la question.
« J'ai appris qu'il n'y avait ni passé, ni futur. Il n'y a qu'un instant très long et sans fin. Maintenant est tout ce que tu as toujours eu. Si tu ne peux pas vivre maintenant, tu ne vivras pas du tout. »
Harry ne savait pas pourquoi, mais quelque part, il se sentait un peu mieux. « Je ne comprendrai jamais cela, Severus. »
« Comprendre quoi ? »
« Comment tu as fait pour avancer si une chose telle que celle-ci flottait au-dessus de ta tête. »
« Les conseils ne sont bons que s'ils viennent de quelqu'un d'autre. » Répondit Severus légèrement. « Autrement, ce n'est qu'une platitude médiocre qui ne sert qu'à se sentir mieux. »
Harry secoua la tête et sourit en dépit de tout. Certaines choses ne changeraient jamais.
Severus sourit, un mince sourire, puis leva son verre. « Un toast, si tu veux, avant que l'aube ne vienne. »
« A quoi ? » Lui demanda Harry en levant le sien.
« Au Rogotloys » Dit Severus sur un ton ironique en touchant le goblet de Harry.
« A la fin de monde, » Harry reprit son sourire doux-amer. C'est drôle, ce sont toujours les petites choses innocentes qui sont détournées et dénaturées. Il but une longue gorgée et regarda Severus finir le sien et prendre la bouteille. « Ne devrais-tu pas aller doucement avec ça ? »
Severus haussa un sourcil. « A ton avis, à quoi sert l'alcool, Harry ? »
« Il n'y aura pas de douleur. »
« Oh, je vois, » Harry termina le sien et tendit son verre pour que Severus le lui remplisse. « Mon tour ? » Il leva le verre.
Severus fit un geste de la main. « Si tu veux. »
« A ce qui nous attend de l'autre côté. »
« Comment peux-tu être sûr qu'il y a un autre côté ? »
« Je ne le peux pas, » Harry haussa les épaules, indifférent. « Mais s'il y en a un… »
« Très bien. »
Ils burent en silence. Les effets enivrant de l'alcool se mélangeaient avec ceux de la potion.
« Qu'est-ce que tu as dit ? »
Harry cligna des yeux. « Quoi ? »
Severus tapa avec un long doigt sur le pendentif cachait sous sa chemise. « Tu ne me l'as jamais dit. »
« Est-ce que tu t'es posé la question tout ce temps ? » Harry fut surpris et bizarrement touché que Severus y pense encore.
« Tu le sais très bien. Et, » Severus leva une main pour prévenir la réponse de Harry, « avant de le réciter à nouveau en fourchelangue, je veux que tu me le dises dans une langue que je puisse comprendre. »
La mâchoire de Harry se referma. Parfois, c'était vraiment trop étonnant. Après un temps, il répondit. « Je ne sais pas si je peux le dire en Snape, Severus. »
« Monsieur Potter… »
Harry s'empêcha le sourire satisfait de se dessiner quand il vit l'expression impatiente sur le visage de Severus. Oui, effectivement, certaines choses ne changeront jamais. « Peu importe les chemins que tu empruntes, sache que je les emprunterai avec toi. Dans cette vie ou dans la prochaine, tu ne seras jamais seul. »
Severus fut silencieux un très long moment. « Je ne sais pas ce que je -» commença-t-il finalement, mais il fut coupé par Harry, qui sut exactement ce que Severus s'apprêtait à dire.
« Tu es toi. C'est tout. »
Cette fois, Harry vit quelque chose dans son expression. Le Serpentard l'effaça suffisamment bien pour que Harry ne puisse pas la définir très clairement, mais savoir qu'elle était là était suffisant pour Harry. C'était ce le truc de Severus : Harry n'avait pas besoin qu'il le lui épelle. C'était là, dans toutes les choses qu'il faisait.
« Espères-tu dormir un peu ? » Lui demanda Severus après un temps.
« Sincèrement, je ne pense pas pouvoir dormir. »
« Moi non plus. »
Ils retombèrent à nouveau dans le silence. Harry sentait quelque chose subsister entre eux. Il lui fallut un moment pour comprendre d'où ça venait. Severus était mal à l'aise. Mal à l'aise. Ou peut-être nerveux. Harry n'avait pas encore assez d'expérience avec ces émotions pour en être sûr. Il voulait lui demander quelque chose, c'était sur le bout de sa langue, mais quelque chose l'en empêchait. Peu importe ce dont il s'agissait, Severus devait le faire sans l'aide de Harry. Que ce soit divertissant de regarder Severus être mal à l'aise, fut une chose qu'Harry ignora avec insouciance.
« Harry ? »
« Oui ? » Lui demanda Harry, en feignant de ne pas s'être aperçu de son trouble. Il dut se mordre l'intérieur des lèvres pour contenir son sourire quand il vit Severus détourner le regard.
« Peut-être…Je me demandais si ça ne t'ennuierais pas trop, si je… »
« Quoi ? » Lui demanda Harry quand Severus se tut. Ne te ris pas à ses dépends, se dit-il fermement. Ce n'est pas un instant risible de toute façon.
Quoi ? Une voix rebelle lui posa alors la question. Si tu ne peux pas rire pendant les quelques heures qu'il te reste à vivre, quand le pourras-tu ?
« Si nous restons éveillé en attendant l'aube, je me demandais, si je pouvais… » Severus s'arrêta. Il inspecta le mur et regarda Harry d'un air incertain. « Puis-je te tenir dans mes bras, jusqu'à ce que vienne le matin ? » Lui demanda-t-il doucement.
Soudain, ce n'était plus drôle du tout.
« Bien sûr, » Répondit Harry, presque aussi doucement que Severus le lui avait demandé.
Après s'être déplacé, Harry s'appuya contre la poitrine de Severus, les jambes allongées sur le canapé devant lui, les bras de Severus reposaient sur son ventre. Après quelques minutes pendant lesquelles Harry remua, il trouva finalement une position confortable, et posa la tête sur l'épaule de Severus.
« J'aimerais que nous puissions rester ici, à cet instant, pour toujours. » Murmura doucement Severus, son souffle effleurait l'oreille de Harry.
« Et toute cette discussion sur le maintenant ? » Lui demanda Harry en souriant. « N'est-ce pas l'un de ces instants sans fin ? »
« Ce n'est pas suffisamment éternel. »
« Je sais. »
Ils n'avaient pas besoin de dire autre chose. Tout ce qu'ils avaient besoin de dire avait été dit au cours de leur vie. Tout le reste, ils le savaient, sans avoir besoin de le dire avec des mots. Lentement, les grains de sables glissaient dans le sablier, l'instant s'estompait. Mais pendant qu'il durait, ils allaient simplement être, juste être, jusqu'à ce que le dernier grain tombe.
