Alors, c'est ainsi.
Harry regarda vers l'entrée et vit les visages déterminés des membres de la faculté mais ils étaient aussi, de façon assez surprenante, calmes. Il se tourna vers l'intérieur du château et confia à sa mémoire tout ce qu'il voyait. Il s'agissait d'un geste absurde, dans quelques heures, il ne serait plus en position de se souvenir de quoi que ce soit, mais il le fit tout de même. Plus pas habitude, c'était la seule façon que connaissait Harry pour dire adieu à ses souvenirs. Et à sa vie.
Il avait le sentiment de tout découvrir pour la première fois. Le château, les visages, tout était nouveau, comme lorsqu'il était arrivé pour la première fois, tant d'années auparavant. Pourquoi doit-on tout perdre pour pouvoir les apprécier ? Pourquoi l'émerveillement et l'admiration ne peuvent-ils pas durer, malgré le nombre de fois que nous les expérimentons ?
« L'armée moldue approche, » Les informa Albus en interrompant les pensée de Harry. Il attira l'attention de tous. « Est-ce que tout le monde a pris la potion ? »
Il y eut des acquiescements et des murmures d'agrément partout dans la salle.
« Je dois vous demander une nouvelle fois si vous souhaitez vraiment faire cela ? Vous avez encore le temps de partir. » Albus regarda autour de lui. « Et si l'un de vous prend cette décision, on ne pensera pas moins de vous. »
Harry secoua la tête, comme tous les autres.
Albus hocha la tête, en signe d'acceptation. « Laissez-moi vous rappeler que nous combattons pour gagner du temps, pour que Hermione et Drago, puissent conduire les enfants en sécurité. Prenez la position que vous voulez dans le château et aux limites. Et n'hésitez pas. Ce sont des forces militaires très entraînées qui croient débarrasser le monde d'un mal vil et dangereux. Ils n'hésiteront pas, » Albus s'arrêta comme s'il laissait à chacun le temps d'assimiler ses paroles.
« Avant qu'ils ne partent ce matin, » Continua Albus un instant après, « J'ai donné à Fumfseck les instructions pour qu'il me prévienne dès que les enfants seront rentrés chez eux. A ce moment-là, Minerva et moi jetterons le sort qui détruira le château. Toutes les barrières qui protégent le château disparaîtront. Transplaner sera alors possible. »
Le regarda d'Albus fit le tour de la pièce. « Si vous êtes en vie, profitez-en pour vous enfuir. Notre diversion devra être un succès. Il n'y a aucune raison pour sacrifier votre vie inutilement. Minerva et moi serons morts et toute personne vivante sera capable de transplaner. Ne soyez pas plus un héros que vous ne le serez déjà. »
« Pensez-vous vraiment qu'il y aura des survivants, Albus ? » Lui demanda Severus avec curiosité. Il se tenait à côté de Harry. Il n'y avait pas de sarcasme dans sa question, pas plus qu'il n'y avait d'espoir. Il posait la question par simple curiosité ;
Harry regarda le directeur se tourner pour regarder Severus dans les yeux. Ils se regardèrent un long moment. On aurait dit que le directeur réfléchissait très attentivement à la réponse.
« Les chances de survie sont très minces, » Remarqua Albus en regardant le Maître des Potions dans les yeux. « Pourtant, le futur est ce que nous en faisons. N'oubliez pas ça, Severus. »
Harry tourna les yeux vers Severus à temps pour le voir légèrement hausser un sourcil. Aussi inoffensive que cette déclaration ait été, Harry avait le sentiment que ses paroles, même si elles étaient applicables à tous, étaient réservées à Severus. Et le Serpentard le savait aussi.
Harry sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Il ne pouvait pas en expliquer la raison.
Albus se raidit, leva la tête comme s'il entendait ou sentait quelque chose que les autres ne pouvaient pas. On pouvait voir la tristesse sur son visage quand il les regarda. « C'est l'heure. Adieu, mes amis. »
« Nous devrions être là-bas, » Grogna Drago en regardant le dernier enfant passer dans la cheminée avec sa mère et disparaître.
« Quelqu'un devait les faire sortir. » L'admonesta Hermione brusquement. C'étaient les premiers mots qu'elle prononçait depuis qu'ils étaient entrés dans le tunnel.
« Ca aurait pu être quelqu'un d'autre. » Lui répondit-il avec colère. Il était appuyé contre le mur, mais se redressa. « Il n'était pas nécessaire que ce soit nous. »
« Eh bien, c'est nous, » Rétorqua Hermione furieusement. « Que pouvions-nous faire d'autre, Malfoy ? Rester la-bas et mourir avec les autres ? »
« Tu sais sacrément bien que c'est ce que nous aurions dû faire ! » Drago tourna autour d'elle. « Qu'allons-nous faire, Hermione ? Essayer de prétendre que nous sommes des moldus ? Nous cacher ? Nous joindre à ta belle-famille pour massacrer n'importe quel moldu qui croiserait notre chemin ? »
« Je me fiche de ce que tu fais ! » Renifla Hermione, les yeux flamboyants. « Tu peux aller en enfer, pour ce que je m'en soucie ! »
« Ouvre tes yeux, Weasley. Nous y sommes déjà. »
Hermione le regarda avec des yeux noirs puis se détourna. « Laisse-moi tranquille, Malfoy. »
« Je ne peux pas. »
« Et pourquoi pas ? » Elle le regarda par-dessus son épaule. « Il t'est trop difficile de rater l'occasion de jubiler, en disant que ton père avait toujours eu raison, hein? »
Drago la regarda simplement en ignorant la pique. « Je lui ai donné ma parole, je te protégerai. »
« Je ne veux pas de ta protection. »
« Penses-tu que je veuille être ta nounou ? » Claqua Drago. Sa patience, dans de telles circonstances, était rongée jusqu'à la corde. Il traversa la salle à grandes enjambées, attrapa son bras et le tordit jusqu'à ce qu'elle lui fasse face. « Penses-tu que je veuille ceci ? Penses-tu que je voulais voir le seul endroit que je puisse appeler maison être détruit par des moldus ? Penses-tu que j'aime les choix que j'ai en ce moment ? Merde, Hermione, je n'ai jamais rien demandé de cela ! Je n'ai pas demandé à être le fils de mon père ! Je n'ai pas demandé aux moldus de nous éradiquer ! Et je suis aussi sûr que l'enfer n'a pas demandé à pè -» Drago s'interrompit à mi-phrase. Il ferma les yeux et serra les dents pour essayer de reprendre contrôle.
« Si je pouvais retourner dans le temps, je le ferais, » Continua Drago calmement en ouvrant doucement les yeux. « Si je pouvais retourner dans le temps et sauver Ron, Poudlard et tous les autres, je le ferais. Mais je ne peux pas. » Il lâcha son bras et recula. Il avait soudain mal à la tête. « Il n'y a rien que je puisse faire, Hermione, à part respecter une promesse que j'ai faite. Et je le ferai. Que tu sois ou non d'accord. »
Que ne donnerais-je pas pour avoir la capacité de me réveiller. Il s'éloigna d'elle, prit la cape d'invisibilité, la plia et la remit dans le sac à dos qu'il avait emmené avec lui. Un murmure, « Méfait accompli » et d'un coup de baguette contre la carte des maraudeurs, et tout s'effaça. Il la plia et la plaça sur la cape, ferma le sac et le mit sur le dos. Je ne sais pas ce que je fais. Peut-être que je ne le saurais jamais. Mais je ferai de mon mieux. Je le promets.
« Malfoy ? »
« Quoi ? » Drago se tourna vers elle d'un air las.
« Pourquoi ? »
Drago soupira. « J'ai entendu dire que le sel était vraiment bon pour les plaies, les blessures ouvertes. As-tu entendu cela toi aussi ? »
« Moi non plus, je n'ai pas demandé cela, Malfoy, » Murmura doucement Hermione après l'avoir longuement regardé. « Je ne voulais pas plus les laisser derrière , que toi. »
La tension s'effaçait lentement de la pièce.
« Je pense que nous sommes d'accord pour dire que la liste des choses que nous ne voulions pas est bien plus grande que celle que nous voulions. »
« Oui. » Dit Hermione d'une voix douce. « Je pense que oui. Je suis dé -»
« Ne le dis pas ! » La coupa Drago en levant une main pour la prévenir. « Je me fiche de savoir pourquoi tu allais le dire, mais je ne veux pas l'entendre ! »
Un sourire fantôme, une tentative de petit sourire se dessina sur le visage de Hermione. « Bien, alors. »
Ils se regardèrent fixement. Le silence était tendu. C'était un territoire nouveau et non familier, un territoire qu'ils n'auraient pas exploré si le monde n'était pas devenu un enfer. Comme ça l'était, la tragédie les avait liés tous les deux et sans dire un mot, ils s'étaient mis d'accord pour ne pas tenir de discussion qui les conduirait sur ce chemin. Maintenant le problème était de décider de ce qu'ils allaient faire.
« Nous ne pouvons pas rester ici éternellement. » Lui dit Hermione gentiment.
« Non, mais nous ne savons pas si …»Drago se tut quelques instants pour réfléchir puis avança comme s'il ne s'était jamais arrêté. « Nous ne savons pas non plus si les barrières qui empêchent de transplaner sont tombées. »
Fumfseck était perché sur le dos d'une chaise et lustrait ses plumes sans relâche. Est-il mort ? Pensa Drago en regardant le phœnix. Dumbledore a-t-il déjà été tué ? Et les autres ? Drago mit de côté ces pensées. C'était le chemin à ne pas prendre. Il n'y avait qu'un endroit où elles menaient et il savait qu'il valait mieux ne pas s'attarder dans le domaine de ce qui aurait pu être.
« Pourquoi ne sortons-nous pas ? » Suggéra Drago qui se dirigeait déjà vers la porte. « Je sors en premier pour être sûr qu'il n'y a pas de moldus dehors. »
« Très bien. »
La voie était libre, quand Drago ouvrit la porte pour jeter un œil dehors. Quand il mit un pied dehors, Fumfseck s'envola, et il fit quelques pas en dehors du magasin, baguette en main, le village était vide. Il marmonna un sort, mais rien ne se passa.
« C'est bon. Sors. » L'appela Drago aussi doucement qu'il le put.
Hermione sortit, baguette en main et le rejoignit. Au-dessus d'eux, Fumfseck tournait en rond. « Rien ? »
Drago secoua la tête. « Non. »
« Devons-nous -» Les mots que voulaient dire Hermione moururent sur ses lèvres ; Le ciel s'éclaircit et il y eut une lumière aveuglante et perçante. Fumfseck poussa un cri mélancolique. « Oh, mon dieu… »
Le château ! Drago écarquilla les yeux, il regardait dans le vide, il n'y avait plus rien. Il est parti. Ils sont partis…
« Le – Drago, non ! Reviens ! »
Drago tourna rapidement les talons et couru aussi vite qu'il le put. Derrière lui, Hermione l'appelait toujours. Drago ne l'entendait pas, une partie de son cerveau, celle sensible à toutes les choses magiques, entendait Fumfseck voler au-dessus de lui. Devant lui se trouvait le chemin qui conduisait à Poudlard.
Il était trop tard.
Drago courait. Plus vite qu'il n'avait couru de toute sa vie.
Severus sentit Harry lui donner un coup de coude et tourna la tête dans la direction que suivait le regard du jeune homme. Trois hommes de plus longeaient le chemin.
Et tu as fini par les tuer. Je suis désolé, Harry.
Tout était arrivé si vite.
La faculté s'était éparpillée alors que résonnait encore l'adieu de Albus, chacun cherchait la place qui correspondait le plus à ses talents. Certains restèrent relativement près de château, d'autres étaient à la limite. Albus et Minerva avaient immédiatement disparu dans les profondeurs du château. Severus et Harry, déjà habitués à se battre ensemble après le procès du Seigneur Noir et n'ayant aucunement l'intention de se séparer même s'ils le devaient, s'étaient dirigés près du lac. Ils s'étaient jetés un sort de dissimulation.
Quand la première armée moldue était apparue devant eux, Severus n'avait pas hésité. Même après des années, Avada Kedavra lui venait facilement sur les lèvres. Harry, comme le savait Severus, préférait ne pas tuer de moldus, alors, il immobilisait les soldats. Ce n'est que lorsqu'il vit Hagrid se faire tirer dessus alors qu'il descendait une pente, qu'il lança le sort.
Après ça, il n'avait plus hésité.
Il n'y a pas de pitié dans une guerre, Harry. Pour ton bien, je souhaitais qu'il y en ait.
Severus lui-même, ne s'en souciait pas. Ils avaient envahi sa maison, ils avaient tué des gens, ils étaient moldus et ils faisaient souffrir Harry. Toute l'empathie qu'il aurait pu ressentir pour eux avait disparu. Elle fut remplacée par la haine profonde que sa famille avait toujours ressentie à l'égard les moldus. Le mangemort à l'intérieur de lui, longtemps enchaîné au pardon d'Albus s'était finalement libéré.
La zone qu'ils avaient choisie était maintenant couverte de corps moldus.
Severus se leva de sa position et Harry fit de même. Ces trois là ne seraient pas une menace. Severus leva sa baguette, le sort mortel était sur ses lèvres.
L'espace d'une seconde, Severus sentit l'air autour d'eux bourdonner d'énergie.
Une brillante lumière explosa. Sous ses pieds, le sol se souleva.
Albus est mort. Cette certitude lui retira l'air des poumons.
Tout autour d'eux, la magie surgissait par vagues chaotiques : l'épicentre, l'origine des sorts que contenait le château venait d'être détruit.
Les barrières tombaient.
Et le sort de dissimulation qui avait permis à Severus et à Harry de se déplacer en étant invisible, se brisa.
Severus cligna des yeux, il voyait des flashs de lumières, soudain, il sentit Harry chanceler contre son dos. Non !
Le temps sembla se figer, Severus se retourna, ses mains atteignirent le Gryffondor pour l'aider à se relever. Oh Seigneur, non…
Une sensation pression lui traversa le dos.
Severus la remarqua à peine, tant il était concentré sur le corps de Harry qui s'effondrait. Ses doigts agrippaient fermement son bras qui, soudain devint mou. Incapable de retenir sa prise sur le jeune homme, Severus ne put regarder qu'avec horreur et impuissance le corps de Harry s'effondrer sur le sol.
Il était si difficile de respirer.
« Harry… » Le mot était haleté.
Severus sentit ses genoux céder, mais il ne sentit pas l'impact quand son corps toucha le sol. Quelque chose de mouillé glissait le long de son visage, sa vision devenait flou et s'assombrissait.
Harry…
Sa main ne répondrait pas, mais Severus concentra ses pensées chancelantes vers Harry, à l'atteindre. Si je…Juste le toucher.
Juste…toucher…
Tout devint noir.
