Les Enfants d'Arwen Undomiel
Livre 3 : Laurelothwen Tar-Tiflêt
Une aube timide transperçait les feuilles de Mallornes, s'effilochant en filaments de lumière dorée. Sur l'herbe argentée marchait une jeune fille vêtue d'une longue robe blanche perlée. Ses cheveux bruns très pâles cascadaient sur ses épaules jusqu'au milieu de son dos en vagues ondulées. À son cou brillait un collier dont le pendentif se balançait au rythme de sa marche. Arrivée au pied d'une colline, elle leva les yeux et aperçut une forme humaine, lumineuse et empreinte d'une éclatante beauté glacée. C'était une femme à la chevelure d'or. Elle tendit la main vers la jeune fille. Au même moment, celle-ci se réveilla dans son lit à baldaquin, emmitouflée dans ses épaisses couvertures doublées de plumes d'oie.
Tar-Tiflêt, fille d'Aragorn Elessär et d'Arwen Undomiel, était la plus jeune et la plus énigmatique des trois enfants royaux. Son frère aîné, Eldarion, était devenu roi, succédant à son père et était maintenant marié à la fille d'Eowyn et Faramir du Rohan, Elerinna. Leur fils, Elessär, avait maintenant huit ans. Quant à Nolwën Almare, sa grande sœur, elle venait tout juste d'épouser Leomund, fils de Theomund. Tar-Tiflêt était discrète contrairement à son frère et sa sœur. Comme eux, elle maîtrisait très bien les armes et était une excellente cavalière, mais elle avait une énergie différente. À l'exception de ses yeux qui rappelaient ceux d'Aragorn, Tar-Tiflêt ressemblait plutôt à ses aïeux, Galadriel et Elrond. On la comparait d'ailleurs très souvent à cette première en raison de sa beauté froide et de la forme de son visage.
Ce matin là, Tar-Tiflêt s'extirpa de ses couvertures et fit son lit en repensant à son rêve. Toujours le même songe. Cette forme humaine qui lui tend la main, si brillante qu'on ne distinguait pas les traits de son visage. La jeune princesse de 16 ans brossa ses longs cheveux et enfila une robe beige lacée à l'avant ainsi que son collier à pendentif représentant un dragon. Après un dernier regard à son reflet dans le miroir. Elle sortit de sa chambre et descendit un escalier de pierre qui la menait à l'étage inférieur, près du réfectoire où la famille royale se sustentait. Dans le grand hall du château de Minas Tirith, elle aperçut son neveu, Elessär, qui jouait avec un cheval de bois. Esquissant un sourire, Tar-Tiflêt alla embrasser le petit garçon sur la joue et ébouriffa sa tignasse brune.
Tar-Tiflêt : Bonjour petit prince.
Elessär (serrant sa tante dans ses bras) : Bonjour Tar-Tiflêt !
Tar-Tiflêt : Tu ne devrais pas être avec Maître Hiondil ce matin ? Il me semble que tu as des cours avec lui.
Elessär : Pas aujourd'hui. J'ai une leçon d'équitation avec Père.
Tar-Tiflêt : Je vais prendre mon petit-déjeuner. Tu as faim ?
Elessär prit la main que lui tendait sa tante. Ils entrèrent ensemble dans le réfectoire. Eldarion y mangeait déjà avec son épouse, attablés devant un délicieux plat de fruits et de pain fraîchement sorti des énormes fours à bois. Elerinna se servit du lait dans une coupe et la porta à ses lèvres rosées. Quand elle eut fini de boire, Eldarion sourit et suivit les contours de sa bouche d'un doigt. Elerinna rit et gratifia son mari d'un baiser amoureux. Eldarion ouvrit un œil et se détacha à regret des lèvres douces de son épouse.
Tar-Tiflêt : Bonjour les tourtereaux !
Elle lâcha la main d'Elessär qui alla enlacer sa mère.
Eldarion : Bonjour ma sœur. Tu m'as l'air bien matinale aujourd'hui.
Tar-Tiflêt (s'asseyant à table) Pas autant qu'à l'habitude.
Elerinna (à son fils) : Tu as passé une bonne nuit, mon chéri ?
Elessär : Oui, maman. J'ai rêvé que j'étais un chevalier très puissant comme grand-père et que je terrassais un énorme dragon plus gros que tout le château de Minas Tirith !
Eldarion : Au lieu de terrasser des dragons, tu ferais bien de manger un morceau. Tu as une longue journée qui t'attend, fils. Et toi, Tar-Tiflêt, que feras-tu de ta matinée ?
Tar-Tiflêt : Je ne sais pas encore. Probablement dégourdir les pattes de mon cheval avec une promenade.
Elerinna : J'ai entendu dire qu'un important prince navigateur est attendu à Minas Tirith aujourd'hui. Pourquoi n'irais tu pas l'accueillir ? Eldarion doit aller faire de l'équitation avec Elessär et moi, j'ai des projets avec Nolwën.
Tar-Tiflêt : D'ailleurs, elle n'est pas ici…
Elerinna : Elle dort encore, je présume. Alors, pour ce prince, tu es d'accord ?
Tar-Tiflêt : J'irai l'accueillir.
Après avoir fini son repas et souhaité une bonne journée à son frère, sa belle-sœur et son neveu, Tar-Tiflêt sortit du château en poussant les lourdes portes de bronze. Un vent tiède s'engouffra dans ses cheveux, les faisant onduler comme un drapeau glorieux. S'avançant sur le promontoire rocheux, elle se dirigea tout au bout, comme à son habitude, afin d'admirer Minas Tirith et les champs du Pelennor de haut. Auréolée par le soleil du matin, la brise soulevant gracieusement sa chevelure et sa robe, Tar-Tiflêt était perdue dans sa contemplation lorsqu'une voix familière la fit se retourner.
Voix : Tar-Tiflêt !
La princesse du Gondor se retourna et aperçut sa meilleure amie, Alcarnen, fille du chevalier Alcaranor. Ses cheveux bruns négligemment laissés libres sur ses gracieuses épaules et des étoiles pétillant dans ses yeux d'un bleu profond, Alcarnen était la seule fille en qui Tar-Tiflêt avait réellement confiance à l'exception d'Elerinna. Dans sa tendre enfance, pendant que son frère et sa sœur avait plus d'attentions de la part d'Hiondil et de leurs autres professeurs, Tar-Tiflêt se réfugiait dans les livres de la Grande Bibliothèque, apprenait l'histoire de la Terre du Milieu en rêvant à la gloire d'Aragorn et à la Quête de l'Anneau effectuée par le hobbit Frodon Sacquet. Les récits de bataille la passionnaient. Alcaranor, le père d'Alcarnen, lui avait appris en même temps que sa fille à manier les armes et leur amitié s'était forgée ainsi. Un peu plus ouverte et sentimentale que sa meilleure amie, Alcarnen était toujours joyeuse et appréciait Tar-Tiflêt pour sa grande humilité.
Tar-Tiflêt : Bonjour, Alcarnen.
Alcarnen : Tu viens au marché avec moi ? J'ai quelques courses à y faire.
Tar-Tiflêt : Tu veux encore essayer de parler à Amaldòr ?
Un éclat moqueur passa dans les prunelles noisettes de la princesse.
Alcarnen : Allez, tu m'avais promis que tu viendrais avec moi !
Tar-Tiflêt : Je ne sais pas trop… Ces jeux de fillette, trop peu pour moi !
Alcarnen (avec un air piteux très forcé) : S'il te plaît… !
Tar-Tiflêt leva les yeux au ciel.
Tar-Tiflêt : D'accord…
Alcarnen (en empoignant le bras de son amie) : Chouette ! Est-ce que je suis assez présentable ?
Tar-Tiflêt : Mais oui, tu es superbe.
Alcarnen : Oh, merci, tu es trop gentille !
Alcarnen eut un petit rire. Tar-Tiflêt, elle, sentait que la journée allait être longue. En plus de ce mystérieux prince navigateur qu'elle devait accueillir, la princesse du Gondor allait devoir supporter les minauderies de sa meilleure amie. Tar-Tiflêt était plutôt solitaire. Aller aborder les garçons qui étaient presque tous des idiots coureurs de jupons qui arboraient fièrement leurs conquêtes épinglées à leurs tableaux de chasse, non merci ! Mais Alcarnen était une bonne fille et Tar-Tiflêt avait accepté à contrecœur pour lui faire plaisir.
Quand elles arrivèrent au marché, une foule assez dense parcourrait les kiosques et les étalages. Les marchands de fruits, de poissons, d'épices, de bijoux, d'étoffes et d'autres articles hélaient les passants pour les inciter à acheter leurs produits. Des femmes accompagnées d'enfants qu'elles tenaient par la main, des vieillards, des couples, déambulaient sur la place publique en quête de bonnes affaires. De bonnes odeurs s'élevaient et parfumaient l'air.
Alcarnen : Il est là ! Il est là !
Amaldòr, un jeune homme ténébreux aux cheveux noirs qui tombaient négligemment sur son front était derrière un kiosque de boulanger en compagnie de son père, Amaldìr, un gros bonhomme à la mine sympathique. Pendant qu'Amaldìr donnait un gros pain bien chaud à une femme enceinte vêtue de bleu en échange d'un peu de monnaie, son fils, lui, comptait des piécettes de cuivre récoltées par la vente. Quelques filles un peu plus loin, lui faisaient les yeux doux et gloussaient entre elles. Alcarnen tenait fermement le bras de Tar-Tiflêt, le cœur battant à tout rompre.
Alcarnen : Je… Je ne peux pas…
Tar-Tiflêt : Mais si, allez vas lui parler !
Alcarnen : Je vais avoir l'air ridicule !
Tar-Tiflêt : Le ridicule ne tue pas, Alcarnen. Saisis ta chance avant que ces pimbêches te le volent !
Elle poussa une Alcarnen rougissante vers le fils du boulanger qui ne daigna pas lever les yeux vers elle.
Alcarnen (bredouillant) Bonjour. Je voudrais… du pain.
Amaldòr : Quel genre de pain ?
Alcarnen : Euh…
Amaldòr : On a au sésame, au blé, aux épices, parfumé à l'orange…
Alcarnen : En réalité, je voulais simplement me présenter, dit Alcarnen, surprise par son soudain courage. Je m'appelle Alcarnen.
Elle tendit la main. Le jeune commis leva finalement ses beaux yeux noisette vers la jeune fille. Alcarnen sentit son cœur fondre lorsqu'il lui serra la main.
Amaldòr : Moi c'est Amaldòr.
Alcarnen : Si tu veux, on pourrait… Faire une sortie… Un de ces jours.
Amaldòr (sourit) J'en serais ravi.
Alcarnen eut un petit rire et engagea la conversation. Ravie de voir que son amie avait enfin eu l'attention du fils du boulanger, Tar-Tiflêt les laissa parler ensemble et s'éloigna. Elle déambulait paisiblement lorsque des cris d'affolement retentirent près d'elle. Des hennissements d'un cheval en furie se faisaient entendre. La plupart des gens fuyaient. Tar-Tiflêt vit soudain apparaître la bête incontrôlable, un grand étalon noir qui ruait et menaçait tout le monde de ses sabots. Quatre hommes tentaient de le maîtriser mais sans grand succès. Il se détacha des cordes qui le retenaient et hennit furieusement avant de courir dans la place publique. Tar-Tiflêt le vit foncer sur elle, pétrifiée. Elle entendit la voix lointaine d'Alcarnen.
Alcarnen : Tar-Tiflêt ! Sauves-toi !
Mais Tar-Tiflêt ne pouvait pas bouger. Le grand étalon freina brusquement devant elle, ses flancs luisants de sueur. Ses yeux bruns plongés dans ceux de la princesse qui s'avança prudemment en levant une main. L'animal la flaira et inclina la tête comme s'il faisait une révérence. Calme, il laissa la princesse lui caresser l'encolure. Autour, les gens murmuraient, d'autres exprimaient leur soulagement. Les quatre palefreniers malchanceux tentèrent de passer des cordes autour du cou de l'animal pour le ramener à son écurie mais le cheval poussa un hennissement furieux et fit un grand mouvement brusque pour les éloigner. Alcarnen et Amaldòr venaient d'arriver derrière.
Alcarnen (inquiète) : Tar-Tiflêt, tu n'as rien ?
Tar-Tiflêt : Non, je n'ai rien.
L'animal continuait de se faire caresser par la jeune fille, refusant tout contact d'une autre personne. Incrédule, la princesse flatta doucement le museau de l'étalon et jeta un regard aux palefreniers visiblement épuisés.
Homme #1 : Altesse, nous sommes désolés de cet inconvénient. Le cheval s'est emporté.
Homme #2 : Nous n'arrivions plus à le maîtriser, ajouta un autre.
Homme #1 : Vous êtes la première personne avec qui il est si calme Altesse. Je ne comprends pas ce phénomène.
Tar-Tiflêt : À qui est ce cheval ?
Homme #2 : À un homme qui vient d'arriver en ville. Il est parti pour quelques heures et nous a laissé le soin de s'occuper de sa bête. Elle ne s'est pas fait maîtriser longtemps et elle s'est emportée tout à l'heure.
Tar-Tiflêt : C'est une bête qui appartient à quelqu'un de riche, visiblement. Était-ce un seigneur ?
Homme #3 : Il ne nous a pas dit son nom, votre Altesse, dit un palefrenier blond.
Tar-Tiflêt : Je vais m'occuper de son cheval moi même, proposa la princesse du Gondor. S'il vient la réclamer, dites lui qu'on l'a transportée au château et que je la lui remettrai en mains propres.
Homme #1 (inclinant le buste) : Bien, princesse.
Tar-Tiflêt, tenant l'étalon par la bride, l'entraîna à sa suite, comme si tout cela était très naturel. Le cheval la suivait docilement sous les regards impressionnés de la foule. Alcarnen salua Amaldòr en lui rappelant l'heure et la date de leur rendez-vous puis alla rattraper la princesse Gondorienne.
Alcarnen : C'est quoi ce délire ? Cet animal était déchaîné et là, il te suit comme un gentil toutou !
Tar-Tiflêt : Je ne sais pas mais comme il m'obéit, autant en prendre soin.
Alcarnen : Le seigneur auquel il appartient va se fâcher !
Tar-Tiflêt : J'ai dit au palefrenier qu'il n'avait qu'à venir le réclamer au château. S'il veut ravoir sa bête, c'est ce qu'il fera.
Alcarnen (sourire en coin) : Tu es vraiment étrange, tu sais, Tar-Tiflêt ?
La princesse eut un rire et continua sa route. Une fois dans la cour du château, Tar-Tiflêt brossa vigoureusement la robe de l'étalon noir puis le scella elle-même sous le regard attentif d'Alcarnen. Elle le monta fièrement et lui murmura quelques mots en elfique pour voir s'il obéirait. L'animal écouta et se lança au trot.
Tar-Tiflêt (pense) : Cela prouve que son maître parle quenya. Cet étalon appartient donc à un elfe ?
Tar-Tiflêt fit quelques tours de piste et le poussa même au galop. L'animal filait comme une flèche. Les cheveux au vent et le sourire aux lèvres, Tar-Tiflêt savourait cet instant en poussant l'audace jusqu'à lâcher la bride et se laisser porter, les bras grands ouverts. Puis, elle fit ralentir le cheval qui stoppa son galop. Elle sauta à terre avant même qu'il n'arrête et l'étalon vint se poster à son côté pour recevoir une bonne caresse. Tar-Tiflêt cajolait encore le cheval lorsqu'une silhouette humaine se découpa dans l'entrée de la cour royale. Elle applaudissait.
Voix d'homme : Bien joué princesse. Vous êtes une excellente cavalière, probablement la meilleure que j'eut vu depuis longtemps.
Comme elle s'approchait, Tar-Tiflêt découvrit les traits fins d'un homme elfe aux longs cheveux blonds. Ses yeux verts changeaient de teinte avec la lumière du soleil. Il portait une longue tunique de route agencée à ses yeux et une cape grise faite dans un matériau elfique, fermée par une broche en forme d'aigle. La princesse le regarda s'approcher et vit qu'il la jaugeait avec un sourire doux.
Tar-Tiflêt : Êtes vous le propriétaire de ce cheval, messire ?
Homme : C'est en effet le mien.
L'homme donna un ordre en elfique au cheval qui quitta la main apaisante de Tar-Tiflêt pour aller rejoindre son maître qui lui chuchota des paroles amicales. Croisant les bras sur son ventre, Tar-Tiflêt laissa le vent ébouriffer ses mèches brunes tout en observant la scène.
Tar-Tiflêt : Quel est votre nom, messire ?
Homme : Je suis le prince Maeglin de Mirkwood, fils de Tranduil.
Tar-Tiflêt : Mirkwood ? La patrie du prince Legolas ?
Maeglin (s'approchant) : Vous connaissez ce nom ?
Tar-Tiflêt : Legolas était le représentant des elfes dans la Communauté de l'Anneau. Un vaillant archer. Il est parti avec son ami le nain Gimli pour naviguer à la découverte de la Terre du Milieu après la guerre de l'Anneau.
Maeglin : Je vois que vous connaissez bien la vie du prince Legolas.
Tar-Tiflêt : J'ai beaucoup lu à son sujet et sur la quête de la Communauté, dit Tar-Tiflêt. Un instant… Tranduil était également le nom de son père… Seriez-vous…
Tar-Tiflêt : Je suis le frère du prince Legolas.
Soudain, Maeglin eut beaucoup d'importance aux yeux de Tar-Tiflêt. Rencontrer quelqu'un qui avait connu Legolas, l'un des membres de la Communauté de l'Anneau, était pour elle une chance presque inouïe.
Tar-Tiflêt : Je n'ai jamais entendu parler du fait qu'il avait un frère.
Maeglin : Et, vous princesse, vous êtes la fille du Roi Aragorn, la fille d'Elessär… Et de la belle Arwen Undomiel. C'est un honneur pour moi de vous rencontrer.
Tar-Tiflêt : Moi de même, prince Maeglin.
Maeglin prit la main que lui tendait Tar-Tiflêt et la lui embrassa. Alcarnen s'approcha du duo et fit une révérence au prince elfe.
Tar-Tiflêt : Voici mon amie Alcarnen, fille d'Alcaranor. Alcarnen, voici le prince Maeglin.
Alcarnen : Enchantée.
Tar-Tiflêt : Et si nous allions parler à l'intérieur. Je suis sûre que vous avez de grandes aventures à me raconter.
Alcarnen : Je vais vous laisser, je dois aller panser le cheval de mon père. Ravie de vous avoir rencontré, mon prince.
Maeglin : Moi de même, damoiselle Alcarnen.
Elle s'inclina une autre fois puis s'éloigna après un petit clin d'œil en direction de son amie. Maeglin mena son étalon aux écuries lui-même et suivit la princesse Gondorienne à l'intérieur du château de Minas Tirith qui le lui fit visiter.
Tar-Tiflêt : Mon frère le roi Eldarion est avec mon neveu, le prince Elessär, aujourd'hui. J'essaierai de vous avoir une audience avec lui si vous le désirez.
Maeglin : Volontiers. Il me ferait très plaisir de rencontrer l'héritier d'Aragorn sur le trône. Il doit être un très bon roi.
Tar-Tiflêt : Aussi juste que l'était mon père.
Maeglin : Vous a-t-on déjà dit que vous ressembliez énormément à la Dame du Bois de Lorien ? La reine Galadriel. Vous avez le même timbre de voix, la même forme de visage, les mêmes yeux et la même chevelure de soie, sauf que la sienne était d'or et que la vôtre est châtain.
Tar-Tiflêt : On me le rappelle souvent.
Maeglin : Et pourtant, vous avez une beauté bien à vous, quoiqu'elle puise une partie dans celle de votre aïeule.
Tar-Tiflêt (gênée) : Vraiment… Merci du compliment.
Elle sentait Maeglin la fixer tout en marchant et le fait de se savoir ainsi regardée fit monter une bouffée de chaleur dans son corps. Il ne la regardait pas comme un sosie de Galadriel, mais plutôt comme femme singulière. Comme Tar-Tiflêt. Maeglin brisa le silence qui s'était doucement insinué entre eux.
Maeglin : Pourquoi n'utilisez-vous pas votre vrai prénom ?
Tar-Tiflêt : J'ai toujours vécu avec celui-ci.
Maeglin : Pourtant vos parents vous appelaient autrement.
Tar-Tiflêt : Le passé ne m'évoque que la mort. Je préfère l'oublier.
Voyant que Tar-Tiflêt était mal à l'aise, Maeglin ravala ses paroles et toussa nerveusement.
Maeglin : Pardonnez-moi, princesse.
Tar-Tiflêt : Ne vous faites pas de soucis, Sieur Maeglin. J'ai bien cicatrisé mes anciennes blessures. Mais n'évoquons plus mon passé… Parlez-moi de votre frère. Comment était-il ? Dites-moi tout de lui !
Maeglin : Legolas… Legolas était de nature silencieuse. Il aimait contempler les choses, évoquer leur beauté avec des mots. C'était un archer hors-pair, bien meilleur que moi. (Rit)
Tar-Tiflêt : Vraiment ?
Maeglin : Oui. Un jour, il est parti à Imladris avec mon père. Un conseil très important y siégeait sur l'avenir de l'Anneau Unique qu'un jeune hobbit de la Comté avait en sa possession. Legolas a été désigné représentant des elfes, aux côtés de votre père notamment et du Nain Gimli avec qui il a noué une belle amitié. On les dit partis ensemble à la découverte de la Terre du Milieu. Nous n'avons plus entendu parler de lui depuis. J'ai repris ses fonctions mais je ne suis pas Legolas. Le peuple lui était plus attaché. C'était le favori de mon père. Il aime ses enfants autant les uns que les autres mais il avait une préférence pour lui. Probablement parce qu'il était plus érudit et plus savant. Moi, je préférais m'entraîner à l'arc et étudier les plantes médicinales.
Tar-Tiflêt : Vous me ressemblez un peu. Je n'ai pas de souvenirs marqués de mes parents mais j'ai passé mon enfance à m'enfermer dans la bibliothèque du château. J'étais solitaire. Je le suis encore, d'ailleurs. Ma sœur et mon frère sont plutôt du type actif, ils montent à cheval, se battent à l'épée… Moi je ne suis qu'une petite princesse qui se passionne pour les vieilles histoires comme celle de la Guerre de l'Anneau. Un jour, je partirai à la découverte du monde… Comme Legolas.
Maeglin jeta un coup d'œil à la princesse qui marchait, fière, à ses côtés. Il sourit.
Maeglin : Je suis sûr que vous le ferez.
Tar-Tiflêt le regarda et lui rendit son sourire.
Tar-Tiflêt et Maeglin passèrent le reste de la journée ensemble, évoquant leurs vies, leurs familles et leurs connaissances tout en partageant les légendes de leurs cultures. Ils soupaient ensemble tout en riant des anecdotes des voyages de Maeglin lorsqu'Eldarion, portant une longue tunique royale gris-bleu brodée de fils dorés entra dans la pièce. Aussitôt, Maeglin se leva et mit un genou en terre.
Maeglin : Majesté…
Eldarion : Qui es-tu, noble étranger ?
Maeglin : Mon nom est Maeglin, prince de Mirkwood. Votre sœur, la princesse Tar-Tiflêt, et moi-même nous sommes rencontrés ce matin alors que je souhaitais avoir une audience avec vous.
Eldarion : Je vous l'accorderai avec joie, prince Maeglin de Mirkwood. Relevez-vous, mon ami, vous êtes ici chez vous. Je demanderai à mes serviteurs de vous préparer une chambre pour la nuit.
Maeglin : Je vous remercie infiniment de votre hospitalité, majesté, le remercia le prince en se levant.
Eldarion : Alors, vous venez de la forêt de Mirkwood ?
Maeglin : Oui, majesté. Je suis le fils du Roi Tranduil.
Tar-Tiflêt : Son frère est le prince Legolas Vertefeuille.
Eldarion : Vraiment ? Cela doit t'intéresser, ma sœur. Toi qui voues un culte au récit de la Communauté de l'Anneau !
Eldarion prit une gorgée de vin pendant que Tar-Tiflêt rougissait.
Maeglin : Elle m'en a parlé tout à l'heure. Votre sœur est une femme très intelligente.
Eldarion : En effet, c'est une princesse très douée pour les études et l'histoire, n'est-ce pas, Tar-Tiflêt ?
Tar-Tiflêt : Euh…oui… Merci mon frère, bredouilla la princesse, gênée. Je vais vous laisser à vos discussions, messieurs, dit-elle en se levant. Bonne nuit, Eldarion. Seigneur Maeglin.
Elle tendit la main et Maeglin lui fit un baise-main sans décrocher son regard du sien. Puis, Tar-Tiflêt se détacha lentement de lui et alla embrasser son frère sur la joue avant de quitter la pièce.
Cette nuit-là, la princesse eut le sommeil agité. La forêt auparavant illuminée était maintenant sombre et était couvée par un ciel orageux. Le vent violent soufflait autour d'elle sans répit, arrachant des feuilles mortes au passage. Des éclairs zébraient le firmament dans un bruit de fin du monde. Tar-Tiflêt arrivait à peine à distinguer son chemin tant le vent était fort. Puis, soudain, elle vit une grotte apparaître. Une forme en blanc était prostrée sur une autre qui semblait sans vie. Un homme aux cheveux grisonnants, une couronne d'argent posée sur sa tête. Même immobile, respirait la dignité et la royauté. La forme en blanc agenouillée à ses côtés, la tête posée sur sa poitrine, semblait être une femme. Une femme mince aux longs cheveux d'ébène. Elle leva la tête et Tar-Tiflêt la reconnut immédiatement.
C'était Arwen. Sa mère. Et l'homme sans vie couché sur un monument de pierre, c'était son père. Son cœur se serra. Tout à coup, sortis de nulle part, apparurent un homme et une femme sans âge. La dame, elle l'avait souvent vue dans ses rêves précédents. Une femme aux cheveux d'or, portant une robe scintillante. Quant à l'homme, il semblait sage, sa chevelure brune était tressée sur ses tempes et il était vêtu d'une tunique blanche et d'un manteau marron.
Tar-Tiflêt : Qui êtes-vous ?
Femme : Tu nous connais très bien même si tu ne nous a jamais vus, probablement.
Tar-Tiflêt : Êtes-vous… Galadriel ?
La magnifique dame hocha la tête. Tar-Tiflêt remarqua que la vision de sa mère pleurant le corps d'Aragorn avait disparu derrière. L'homme qui l'accompagnait fit un pas en avant.
Homme : Et moi, je suis le Seigneur Elrond.
Tar-Tiflêt : Vous… Vous êtes mon grand-père ?
Elrond : C'est exact.
Soudain émue, Tar-Tiflêt sentit ses yeux lui piquer comme si ils s'embuaient de larmes. Elrond lui fit un sourire paternel. Galadriel s'approcha et posa une main blanche et douce sur le front de la princesse. Tar-Tiflêt vit alors des flashes lui cribler la tête. Elle vit sa mère, en robe noire, pleurant la mort d'Aragorn, puis, elle vit Arwen dire adieu à son frère Eldarion, entrer dans la chambre où elle dormait en compagnie de Nolwën. Elle vit Arwen embrasser ses filles endormies et déposer une lettre aux côtés de Belawyn, la nourrice. Ensuite, la vision continua. Tar-Tiflêt vit sa mère quitter le Gondor à cheval pour ne plus jamais y revenir. Elle la vit s'allonger à Cerin Amroth et s'y laisser mourir sous les Mallornes. Le vent emporter ses cendres et le soleil faire rayonner sa tombe verdoyante. Quand la vision s'éteignit, Tar-Tiflêt sentit des larmes couler sur ses joues.
Galadriel (retirant sa main) : Voici ce que tu n'as jamais su, ma belle enfant…
Elrond : Arwen a laissé un héritage au même titre que ton père à tous ses enfants. Si Eldarion a reçu le titre royal de ton père et Nolwën la bonté de ta mère, toi, tu as eu un héritage beaucoup plus spécial.
Galadriel :Tu es protégée par le savoir de tes aïeux. Elrond et moi t'avons choisie pour transmettre la connaissance de tes ancêtres.
Elrond s'avança et posa une main sur l'épaule de la jeune fille. Autour d'elle, le vent s'était calmé et le soleil était revenu.
Elrond : Vas, parcours le monde. Écris tes découvertes pour que personne n'oublie.
Galadriel : Pars avec le prince Maeglin de Mirkwood. Explore la Terre du Milieu. C'est là ton destin.
Tar-Tiflêt (déterminée ) : Je le ferai.
Elrond et Galadriel embrassèrent le front de leur héritière et lui sourirent. Aussitôt, Tar-Tiflêt s'éveilla. Le jour venait de poindre dans le ciel. Sans prendre le temps de s'habiller, elle sortit de sa chambre en trombe encore en robe de nuit et courut à travers le château sous le regard intrigué des lavandières et des domestiques. Elle en intercepta une.
Tar-Tiflêt (à bout de souffle) : Où est le prince Maeglin ?
Servante : Je crois qu'il est aux écuries, Altesse.
Tar-Tiflêt : Merci.
Tar-Tiflêt reprit sa course effrénée. Elle se sentait heureuse et légère comme une plume. Son rêve était pour elle une révélation, une bénédiction pour ce qu'elle avait toujours voulu faire. La princesse ouvrit toutes grandes les portes du château et se précipita dehors où le vent frais du matin s'engouffra dans ses cheveux. Filant comme une flèche elle se précipita aux écuries où Maeglin pansait son cheval. En la voyant ainsi essoufflée, les cheveux ébouriffés par la nuit, il ne fit que la trouver encore plus belle.
Ses yeux s'arrondirent de surprise alors que la princesse reprenait son souffle.
Tar-Tiflêt (essoufflée) : Prince Maeglin. Je... Je... Veux... Partir avec vous…
Maeglin : Quoi ?
Tar-Tiflêt : Je veux… Aller à la découverte du monde… Avec vous….
Maeglin : Mais, c'est impossible, vous avez un devoir à accomplir ici !
Tar-Tiflêt : J'ai la bénédiction de mes aïeux… Je vous en prie… Je veux vous accompagner !
Maeglin ne savait quoi répondre. Ce qui l'intriguait considérablement c'était « la bénédiction des aïeux ». Mais de quoi parlait-t-elle ? Il lut dans ses yeux noisette un grand désir de liberté et d'aventures. Elle l'implorait de la prendre sous son aile. La princesse voulait voir le monde à travers les yeux de Legolas, naviguer sur l'océan, voir d'autres ciels et d'autres rives que celles du Gondor.
Tar-Tiflêt avala sa salive et parla d'une voix beaucoup plus nette.
Tar-Tiflêt : S'il vous plaît…
Maeglin : Qu'en pensera votre frère ?
Tar-Tiflêt : Il me laissera partir. Je vous en prie… J'en ai assez de vivre entre quatre murs. J'ai passé toute ma vie dans l'ombre d'Eldarion et Nolwën. Pour une fois que je ferais quelque chose qui me tient à cœur… Et avec vous, termina-t-elle en rougissant.
Maeglin sentit son cœur battre la chamade. Il se sentait incapable de refuser quoi que ce soit à la princesse. Le prince elfe fit quelques pas dans sa direction.
Maeglin : Si vous le voulez vraiment… Alors j'accepte.
Tar-Tiflêt : Oh, merci !
Tar-Tiflêt éclata d'un grand rire heureux et alla se jeter au cou de Maeglin qui l'enlaça maladroitement pendant qu'elle le couvrait de remerciements. Dans son euphorie, elle l'embrassa sur les lèvres. Voyant son geste, elle s'arrêta net.
Tar-Tiflêt : Euh… Je suis confuse…
Maeglin : Ne vous excusez pas.
À la grande surprise de Tar-Tiflêt, il l'embrassa à son tour, tendrement. Submergée par une émotion inconnue, elle répondit à son baiser en l'enlaçant plus étroitement. Lorsque leurs lèvres se séparèrent, Maeglin plongea son regard dans le sien.
Maeglin : Quand partons-nous ?
Tar-Tiflêt : Le temps de régler quelques détails et de faire mes bagages et nous partirons… Au fait, je peux te demander quelque chose ?
Maeglin : Oui ?
Tar-Tiflêt : Appelle-moi par mon prénom.
Maeglin : C'est Tar-Tiflêt, je sais.
Tar-Tiflêt : Non, pas celui-la. Mon vrai prénom.
Maeglin sourit.
Maeglin : D'accord… Laurelothwen.
Laurelothwen Tar-Tiflêt et le prince Maeglin de Mirkwood quittèrent Minas Tirith quelques jours plus tard avec le consentement du roi Eldarion. Ils s'embarquèrent sur le bateau du prince elfe et on raconte qu'ils partirent à la découverte du monde comme l'avaient fait Legolas et Gimli. La princesse Laurelothwen consigna ses aventures dans ses carnets, « Les Chroniques de la Mer Infinie », que l'on peut lire dans la bibliothèque de Minas Tirith. Elle se maria à Maeglin quelques années plus tard et lui donna deux fils ainsi qu'une fille.
Certains disent qu'elle serait partie aux Terres Immortelles après le mariage de ses enfants. Sûrement dans l'espoir d'y voir Elrond et Galadriel qui y écoulaient leurs siècles dans l'attente du sommeil éternel.
Quoiqu'il en soit, ses récits de découvertes devirent célèbres et on enseigne maintenant aux enfants du Gondor l'histoire de la princesse navigatrice, Laurelothwen Tar-Tiflêt. Celle qui partit à la découverte du monde.
