Sing and Die

Par Tsubaki Hime

Hello à vous tous! Voici donc le premier chapitre de « Sing and Die ». Je vous remercie pour vos reviews, cela m'a fait très plaisir. Si, si, au point d'écrire la suite dès ce matin (si j'ai commencé à 8h00 et que j'ai fini à 13h30, sans m'arrêter… Houlà, totalement prise dans l'histoire la fille). Cette histoire m'est venue en tête dès la fin de « Poupée de sang » mais j'avais prévu d'écrire ma fic sur Comte Cain. Donc ben voilou ! Ce chapitre n'est pas très, très intéressant mais j'avais envie de refaire les descriptions physiques et psychologique des personnages (je ne peux pas commencer d'emblée sans avoir fait la présentation, sorry). Et puis ce chapitre est une revanche concernant la romance entre Tsuzuki et Hisoka. Vu qu'ils ne s'embrassent qu'à la fin de la première histoire, je me suis un petit lâchée sur celle-ci. Ben voilà, j'ai tout ce que j'avais à dire. Ah si ! Un message pour Mellyna Yanou : non, non, désolée y'aura pas Kagura (mais il est prévu qu'il réapparaisse dans une autre fic, t'inquiètes).

Blood Kiss et bonne lecture,

Tsubaki Himé

Chapitre I

Eternel Esprit

"Aah… Le meilleur moment de la journée…"

Konoé soupira d'aise, s'adossant pesamment et sans complexe dans son fauteuil en cuir. Cet homme d'environ cinquante ans d'apparence, bien que chef d'un service plus que compliqué à gérer, aimait les choses simples de la vie, comme être assis et boire un café, chose que venait tout naturellement lui proposer l'un de ses employés, un scientifique aux cheveux blonds et aux yeux ambrés pétillants de vie. Il leva la tête pour voir son secrétaire s'affairer. C'était un homme d'environ trente ans d'apparence, ses cheveux bruns coiffés impeccablement, son regard bleu sérieux encadré par des lunettes propres. Tout en cet homme inspirait le travail bien fait et ce dès la première fois que vous le rencontriez.

Il soupira de nouveau. Son regard vide de fatigue à cause de sa journée chargée d'hier se posa sur la magnifique allée de cerisiers en fleurs grâce à sa grande baie vitrée. Une légère brise secouait la cime honorable de ces arbres, faisant s'envoler gracieusement les pétales blancs et délicats. De cet endroit, il avait une vue d'emblée sur l'extérieur de ce monde qu'aucun vivant ne pouvait avoir accès. Meifu, le Royaume des Morts. Oui, il était mort, comme tous ces employés travaillant pour l'illustre roi Enma, présidant à l'Enma-Cho, le plus important des tribunaux du Juo-Cho. Konoé était le chef du service des Assignations, une section très spéciale de l'Enma-Cho qui consistait à régler tous les problèmes liés au monde des vivants. Les employés, des morts mal payés triés sur des critères très vigoureux, se nommaient les Shinigami, les Dieux de la Mort…

Et justement, à cette simple pensée, le visage de Konoé se tordit dans une grimace. En parlant de Shinigami, l'un d'eux, un certain « jeune » homme de vingt-six ans (mais pouvait-on dire « jeune », tout en sachant qu'il allait bientôt atteindre un siècle?), allait encore une fois arriver en retard pour la… allons disons dixième fois depuis ces quinze jours. Et le chef du Service savait que dans un peu plus de vingt minutes, la pendule afficherait dix heures, sans que ce fumiste de fonctionnaire ne se soit pointé, le sourire aux lèvres, brandissant son fichu paquet de gâteaux. Tout simplement incorrigible.

"Tatsumi", fit-il à son secrétaire. "Pourrais-tu sortir le dossier concernant la prochaine enquête de Tsuzuki et Hisoka? Je crois que notre jeune recrue va devoir une nouvelle fois se débrouiller seule pour l'exposé des faits."

"Oui, Mr Konoé."

L'homme de main du chef du service s'apprêtait à ouvrir le tiroir où résidait le dossier complet quand…

BLAM!

"Mr Konoé! Mr Konoé!"

Une fusée blonde débarqua à grand fracas dans la pièce, suivie de près par une petite chouette surexcitée. C'était pratiquement un miracle qu'il soit entrer aussi violemment sans faire renverser le plateau où étaient posées deux tasses fumantes de café.

Konoé grinça des dents, nullement surpris par cette entrée en fanfare. Tatsumi, quant à lui, s'offrit le droit de lever les yeux au ciel. Ce scientifique…

"Combien devrais-je te dire de frapper avant d'entrer, Watari?" Fit Konoé, furieux.

"Mais chef, c'est… très, très grave!"

En effet, l'homme aux cheveux blonds semblait complètement bouleversé. Ses lunettes étaient même un peu de travers, c'était dire le niveau d'abasourdissement. Konoé, blasé d'un tel comportement, se leva de son fauteuil avant de prendre son café en main. Tatsumi fit de même, remerciant au passage Watari de lui en avoir apporter.

"Eh, bien que se passe-t-il de si grave?"

"Vous savez quelle heure il est? "Répondit Watari du tac-au-tac. "9h30! Et il…"

"Et bien quoi? Il est plus de 9h30 même et alors? "Rétorqua Tatsumi, jetant un coup d'œil à sa montre et à la pendule placée au-dessus du bureau de son patron. "Nous n'avons tout de même pas besoin de régler l'heure suivant les nouvelles saisons, tout de même? Tu sais que bien que le temps est pratiquement figé, ici."

"Ce… n'est… pas… le… problème," siffla Watari, désignant quelque chose par la porte ouverte.

Konoé et Tatsumi portèrent leur tasse aux lèvres et négligemment, lancèrent un petit coup d'œil aux employés assis sagement à leur bureau, s'affairant à quelques dossiers. Non, il n'y avait rien qui…

« Trois, deux, un », songea le scientifique en voyant le regard des deux hommes tomber là où il voulait.

BLORF!

Ahuris par ce qu'ils venaient de voir, les deux Shinigami recrachèrent bruyamment le liquide fumant qu'ils avaient en bouche. Le cœur battant, ils se frottèrent les yeux, étant bien sûr de ne pas être victimes d'une hallucination. La personne qu'ils voyaient, à cette heure-ci…

Un jeune homme aux yeux d'émeraude lisait un livre plutôt épais, assis à son bureau. Il était calme, très concentré, son fin et pâle visage ne quittant pas les lignes qu'il lisait silencieusement. Ses cheveux châtain clair bien coiffés avaient un reflet d'or par la lumière descendant en un doux couloir doré par la fenêtre. Il ne devait pas avoir plus de seize ans, un adolescent habillé comme tous les autres: baskets, veste en jean, jeans, T-Shirt de couleur sombre. Mais ça n'était que la chose la plus normale. Ce jeune homme, Shinigami depuis maintenant un an au Service des Assignations était un fonctionnaire très sérieux dans son travail, très mature avec ce regard froid qui faisait plier même les adultes les plus arrogants. Il était un bon élément au sein même du Tribunal. Il n'y avait absolument rien à redire sur sa conduite et ses pouvoirs.

Non, la personne qui, vraiment, car c'était son habitude la plus absolue, ne devrait pas être là à cette heure-ci, était bien l'homme qui, dans un gentil sourire, lisait le livre de l'adolescent par-dessus l'épaule de ce dernier. Au passage, sa main désignait un mot qu'il montrait au jeune homme et ainsi effleurait un instant sa joue pâle, comme une fugitive caresse. C'était un homme d'environ vingt-six ans mais son visage très bien sculpté, si pétillant de bonne humeur, lui en donnait moins. Il était grand de taille, assez large d'épaules, habillé comme à son habitude d'un costume sombre, faisant ressortir la blancheur de sa chemise. Ses yeux d'améthystes, une si belle mais si triste couleur, étincelaient d'une nouvelle lueur depuis maintenant un mois et demi sans que personne ne puisse l'expliquer. Ses cheveux bruns un peu en bataille, lui donnant un air un peu désordonné, tombaient quelques fois dans le cou de l'adolescent lorsque l'homme se penchait pour mieux lire.

Mais là, ça dépassait les lois fondamentales du Service. Ce Shinigami, le plus distrait, le plus gaffeur, le plus maladroit de la Section… il… il arrivait à…

"9h45...", souffla Tatsumi, essayant au passage d'enlever la tâche de café qui avait giclé sur son costume. "Mais… en 70 ans…, c'est la deuxième fois qu'il arrive aussi tôt…"

Watari retint un rire.

"Aussi tôt, aussi tôt… Il faut quand même préciser que les employés doivent arriver à 8h00 normalement. Je l'ai vu entrer ici il y a moins de dix minutes."

Konoé se tâta le torse avec tremblements. S'il n'était pas mort, il serait tombé raide en voyant ce « miracle ». Puis, dans un léger sourire, il considéra avec amusement le Shinigami aux yeux d'émeraude. Ce jeunot y était peut-être pour quelque chose mais mise à part Watari et Tatsumi, personne n'était au courant.

En effet, il s'était avéré que la jeune recrue avait commencé, il y avait maintenant plus d'un mois, à devenir un peu plus ouvert aux autres. Il n'allait quand même jusqu'à tous les inviter pour une « méga » fête (dois-je préciser que Konoé, en tant que l'un des plus anciens Shinigami ne sait pas parler le langage de notre époque? Méga, ça fait vraiment ringard, non?) mais il allait plus vers ses collèges, passait moins de temps dans son coin à lire encore et toujours des livres très compliqués. C'était un jeune homme très introverti et le fait d'être un peu plus sociable ne pouvait lui faire que du bien. De son côté, son partenaire était resté le même, ayant toujours l'air de bonne humeur, bousculant tout le monde, ramenant à chacun qui en voulait des paquets de tartes aux pommes délicieuses. Un bon « vivant », si on pouvait utiliser cette expression.

Remis de sa surprise, Konoé appela les deux Shinigami lisant le livre. L'adolescent se leva aussitôt, suivi de son partenaire qui s'était mis à lui parler avec entrain. Aucun des trois hommes sur le seuil de la porte du grand patron ne purent l'entendre mais à en juger le petit sourire moqueur s'affichant sur le visage du plus jeune, cet imbécile de fonctionnaire lui avait lancé une blague si pathétique que cela en était pittoresque.


"Voici donc une affaire qui nous vient du bureau supérieur", commença Tatsumi en lisant le dossier qu'il avait sous les yeux.

Les deux Shinigami, silencieux, l'écoutèrent avec attention.

"Je dois vous avouer que cette fois, à cause de nombreuses missions, comme par exemple l' « affaire des cinq poupées », l'administration, complètement débordée, a oublié de vous faire part d'une âme qui avait été épargnée par la mort. En effet, il existe sur Terre un être humain qui continue de vivre bien longtemps après la véritable de sa mort".

Le Shinigami aux yeux d'émeraude fronça les sourcils. Le secrétaire du chef du service s'en aperçut.

"Quelque chose te tracasse, Hisoka?"

"Un peu, malgré les problèmes administratifs, je n'arrive pas à comprendre qu'une âme puisse vivre… depuis combien de temps est-elle sur terre?"

Konoé retint un soupir de colère.

"Cet être humain aurait dû mourir il y a maintenant plus d'un an."

L'homme aux yeux d'améthystes ne put retenir un long sifflement, stupéfait d'une telle erreur de la part du bureau supérieur.

"Un an! Mais aucune âme n'a vécu aussi longtemps même après la date de sa mort! En clair, on doit repérer la bourde de l'administration en allant chercher l'âme de cet humain, c'est… Aïe!"

Il ne put finir sa phrase car l'adolescent à ses côtés lui marcha sur le pied.

"Tsuzuki, arrête un peu de dire n'importe quoi!" Aboya Konoé, les mains jointes sur son bureau, le visage impassible bien que sa voix fût glaciale. "Cette âme, il est vrai, est la seule à être restée aussi longtemps sur Terre après la date de sa mort. Mais c'est justement pour cela que le bureau nous a contactés. Si cet être humain continuait de vivre dans ce bas monde, alors tout le foyer des âmes serait chamboulé. Il y aurait un énorme désordre pour ceux qui attendent une réincarnation."

Hisoka croisa les bras sur son torse, songeur.

"Quelle est donc cette âme qui a parvenu à échapper à la mort?"

Konoé lança un regard à Tatsumi puis à Watari. Ce dernier soupira en passant une main dans ses cheveux blonds.

"Éternel esprit", répondit-il d'une voix profonde.

"Éternel esprit? "Répéta Tsuzuki, surpris." Cette âme serait donc…?"

Konoé acquiesça d'un vague mouvement de tête. Il regarda Hisoka qui le scrutait, interrogateur.

"Hisoka, il existe certaines âmes qui, plus d'une centaine de fois, se sont réincarnées sur Terre. Ces esprits d'être humain ont, au fil des siècles, réussi à connaître le cycle de leur vie jusqu'à exactement savoir quand ils allaient mourir. Ce sont des âmes très pures, une catégorie très rare ici à Meifu. La richesse de leur force spirituelle est une aubaine pour le Juo-Cho, ce qui fait qu'après un certains nombre de réincarnations, certaines âmes passeront de gré ou de force l'épreuve de sentiments pour devenir des Shinigami. Mais comme certaines savent qu'elles vont bientôt mourir, elles utilisent cette force pour brouiller leur présence dans la Chambre aux Chandelles et ainsi vivre plus longtemps. Concernant cet humain, non seulement c'est un éternel esprit mais en plus son désir de vivre a augmenté sa résistance physique."

Konoé regarda Tatsumi qui continua de lire son dossier.

"Il s'agit de Samuel Kinoshita, âgé de maintenant seize ans. Il y un an, il a été la victime d'une agression qui lui a coûté la voix. Ses agresseurs lui auraient fait avalé de l'acide et ainsi endommager ses cordes vocales. Normalement, il aurait dû mourir pendant son opération mais il a miraculeusement survécu et depuis, il est incapable de chanter. Il était en effet choriste dans le prestigieux internat catholique de Fukuoka, le BostonCollege, construit grâce à un grand compositeur de la région dont le nom a été égaré."

Tsuzuki réfléchit.

"Samuel… Kinoshita? Ce n'est pas un prénom très japonais."

"Sa mère vient d'Angleterre. C'était à l'époque une grande cantatrice qui était allée faire des tournées au Japon. Elle s'est mariée avec Hitoyoshi Kinoshita, un grand politicien du Kansai. Ils se sont suicidés il y a quelques années. Il était dit que Mme Kinoshita ne supportait plus la pression de plus en plus violente de ses admirateurs qui jaloux de son mariage et de son enfant s'étaient mis à démolir la réputation de son mari. Un membre proche de la famille travaillait au BostonCollege, il a pris Samuel en charge qui devait rester à l'internat jusqu'à sa majorité."

Tsuzuki baissa les yeux.

« Pauvre gosse… »

Tatsumi donna le dossier à Konoé.

"Cette affaire doit se faire dans les plus brefs délais. Perdre du temps signifierait mettre plus en péril l'administration. N'hésitez pas pour cette mission a utiliser la force. Son âme doit revenir au Juo-Cho par n'importe quel moyen."

"Entendu", approuva Hisoka. "On se rend là-bas."

Ils s'apprêtèrent à partir lorsque la voix forte et claquante de leur patron les appela.

"Tsuzuki!"

N'essayant pas de sentir la sueur froide couler dans son dos, le dénommé se retourna lentement, tentant de sourire le plus poliment.

"Oui?"

"Puisque tu vas à Fukuoka, ramène-moi des beignets de riz, j'ai entendu dire qu'ils étaient moins chers là-bas."

Le sourire de Tsuzuki se tordit.

"Dois-je comprendre que c'est à moi de payer avec mon argent?"

Konoé lui rendit son sourire mais de nouveau, Hisoka crut voir un prédateur savourer le dernier instant avec de se jeter sur sa proie.

"Pour une fois, tu as tout compris, Tsuzuki."

"Et rapporte-moi des nouilles gluantes," fit Watari, ravi. "Avec de la bonne sauce!"

"Et pour moi, des raviolis aux crevettes", ajouta Tatsumi en s'amusant du rictus qui s'affichait de plus en plus sur le visage de son ancien partenaire.

« C'est pas vrai, on va encore devoir jouer aux livreurs… », songea Hisoka, médusé.


Il était encore trop tôt pour aller sur Terre. En effet, tous les effectifs n'avaient été préparés pour leur rôle, ce que le scientifique se dépêchait de finir tout en rappelant à son ami de bien lui ramener des nouilles gluantes. Tsuzuki, en y repensant, sentit ses doigts former un poing.

« Gr… M'énerve ce patron! Il peut pas utiliser le budget pour s'acheter ce qu'il veut manger? »

Inconsciemment, ses pas le portèrent jusqu'au couloir vide et lumineux menant à la bibliothèque. Dans un sourire, il se dit qu'il pouvait parier un million de yens que son partenaire se trouverait ici. C'était son refuge où, plongé dans le silence tranquillisant de la salle pleine de livres, il se sentait apaisé, loin de tous ces sentiments qui l'agressaient. Difficile d'être empathe dans un endroit tel que le Service des Assignations.

A son arrivée dans la première pièce qui menait aux rayons des livres, il fut bruyamment salué par deux petits esprits à la tête d'oiseau, leurs mains aux doigts griffus tenant avec précautions certains dossiers. L'un d'eux, habillé de rouge, fit claqueter son bec.

"Bonjour, Tsuzuki. Quelle surprise de vous voir ici!"

"Je sais, je sais, c'est exceptionnel", répondit Tsuzuki dans un sourire. "Dis-moi, Gushoshin, est-ce qu'Hisoka est là?"

Le Gushoshin bleu acquiesça de sa tête de volatile avant d'envoler vers une étagère pour ranger un livre.

"Il m'a dit de ne pas le déranger pendant deux heures. Comme vous partez bientôt en missions, je me suis dit qu'il était préférable de le laisser tranquille. Alors en attendant, on fait un peu de ménage dans les archives."

"Quel acharnement au travail", lança Tsuzuki.

"Non, non, c'est vous qui ne travaillez pas assez", répliquèrent les deux esprits du tac-au-tac.

« D'accord… A l'avenir, je me couperai la langue », songea le Shinigami en se retenant de ne pas jouer au base-ball en se servant des deux bibliothécaires comme batte et balle.

"Bon, je vais aller le voir."

"Je viens de vous dire qu'il ne devait pas être dérangé", rétorqua l'un des Gushoshin, agacé par son entêtement.

Tsuzuki lui adressa un sourire rayonnant.

"Je ne vais pas le déranger, je vais juste voir ce qu'il fait."

Et avant même que les Gushoshin puissent répliquer, la porte menant à la bibliothèque se ferma sur un Shinigami passablement énervant.


Tout était silencieux, il n'y avait pour ainsi dire personne. Sauf le jeune homme que Tsuzuki cherchait. Il marcha à travers les rayons quelques minutes avant d'apercevoir son partenaire appuyé à une table, près de la fenêtre, parcourant des feuilles du regard. Ses lèvres remuaient silencieusement à chacun des mots qu'il lisait. Il semblait tellement concentré qu'il ne s'était même pas rendu compte de l'apparition de Tsuzuki, qui, ne sachant pas trop quoi faire, resta dans l'ombre d'un rayon, observant l'adolescent avec affection et tendresse. Un véritable ange, baigné dans la lumière d'un printemps perpétuel, son regard d'émeraude tellement sérieux. A cette simple vue, le Shinigami aux yeux d'améthystes sentit son cœur se serrer. Tant de sentiments pour son partenaire était à la fois intense et douloureux.

Hisoka se releva brusquement, prenant une feuille à la main. Surpris, Tsuzuki ne le quitta pas du regard. Son partenaire prit son inspiration et… sous les yeux écarquillés de Tsuzuki, …se mit à chanter. Mais quelle voix… A ce simple son doux et mélodieux, le Shinigami oublia vite son abasourdissement. Jamais Hisoka n'avait chanté et s'était bien gardé d'en parler. Et là, en une plainte si belle et si forte, il chantait, bien qu'à voix assez basse, le morceau qu'il lisait. Il ne butait même pas sur les mots, avait un rythme lent, tendre, sa voix de velours semblant faire ressentir tout ce que ce chant inspirait. A ce chant, Tsuzuki sentit son cœur fondre, et il se laissa emporter par l'émotion venue lui tirailler le cœur. Hisoka, son ange aux yeux d'émeraude, sous la lumière du soleil, debout, au regard mélancolique, semblait être illuminé de l'intérieur. Tsuzuki, l'âme comme apaisée, reposa sa tête contre l'étagère et avec toute la passion qu'il lui portait, écoutait ce divin morceau s'élever dans le silence de la bibliothèque. Plus que cette voix n'avait d'importance… Et lorsque le chant cessa dans une modulation magnifique, Tsuzuki, en véritable auditeur, s'entendit applaudir, interloqué d'une telle beauté.

Ce bruit de mains fit sursauter violemment Hisoka qui fit volte-face. En voyant son partenaire le dévisager de cette manière, il se traita mentalement de tous les noms, n'ayant même réussi avec son empathie à sentir la présence de Tsuzuki et, deux traces rouges s'appliquèrent sur ses joues. Il baissa la tête, pratiquement mortifié de honte.

"Qu'est-ce… Qu'est-ce… Qu'est-ce tu fais là, Tsuzuki?"

Son partenaire lui sourit en s'avançant.

"Te chercher. Savoir ce que tu faisais. Et la réponse est venue naturellement".

Hisoka continuait toujours à scruter le sol, préférant encore ça au regard plein d'affection de son partenaire.

"Je n'aurais jamais dû", souffla-t-il du bout des lèvres. "Vraiment…"

"Pourquoi? Tu as une voix magnifique. J'ignorais que tu savais chanter, en fait, personne ne le sait, n'est-ce pas?"

"Je ne sais pas chanter", répliqua Hisoka d'une voix tremblante." Je ne sais même pas lire une partition. Il s'avère que j'ai trouvé cette feuille où était inscrit ce chant. Comme je connais un peu l'air à force de l'entendre, je l'ai juste… C'est cette mission avec ce choriste, ça… ça m'a un peu rappeler quelques trucs…"

Il se mordit la lèvre, ses joues lui brûlant de plus en plus. Que dire à celui dont il était amoureux que c'était justement en chantant, dans le noir glacial, emprisonné il y a bien longtemps dans cette pièce pleine de tatamis, qu'il n'était pas devenu fou? Parler à voix haute, chantonner des comptines sans queue ni tête avait en fin de compte protéger sa santé mentale.

Il fut tiré de ses sombres pensées par le contact d'une main sur son visage, l'obligeant à relever la tête vers son partenaire. Ce dernier lui afficha un doux sourire.

"Tu n'as pas à te sentir gêné. Et si tu veux, je m'excuse de t'avoir un peu espionner à ton insu pendant que tu chantais. Ne t'inquiètes pas, je ne le dirai à personne. Qui voudrait me croire de tout façon que ce garçon, vraie tête de mule, a une voix digne d'un ange?"

"C'est moi que tu traites de tête de mule?" Répliqua Hisoka, piqué au vif. "Mais qu'est-ce…"

Il fut réduit au silence par deux lèvres posées sur les siennes. Oubliant toute sa susceptibilité, il se blottit dans les bras de Tsuzuki, savourant ses lèvres où demeurait encore ce goût de tarte aux pommes. Cette étreinte ne fit qu'accentuer cette chaleur au fond du cœur de l'empathe qui remercia pour une fois ce don de ressentir les sentiments. Toute l'affection et l'amour de Tsuzuki perçait son esprit et son cœur de façon si douce, si apaisante que le jeune homme se demandait s'il ne devenait pas dépendant de cette impression délicieuse. Le souvenir de leur premier baiser, échangé sous la pluie glaciale lui revint en mémoire. Il avait eu si froid à ce moment-là mais les bras de son partenaire l'avaient réchauffé. Et cette soirée, buvant un bon chocolat chaud dans ce café accueillant, en face de celui qu'il dévorait des yeux. Ils avaient parlé de tout et de rien et ce dans une ambiance détendue.

Leur relation avait commencé depuis un mois et demi, sous le regard bienveillant d'un secrétaire et d'un scientifique. A part eux, personne n'était au courant de ce lien qui réunissait les deux Shinigami. Ils apprenaient, jour après jour, à se connaître un peu plus en détails. Ils n'étaient pas pressés, l'éternité leur ouvrait les bras. Tsuzuki était si patient et compréhensif avec Hisoka que ce dernier commençait, en premier temps pour faire plaisir à son petit ami, à voir un peu plus les autres. Ce premier pas, assez difficile à passer, avait été bénéfique. Cette transformation opérait lentement mais sûrement, permettant à l'empathe de se débarrasser de ses cauchemars.

Tsuzuki quitta ses lèvres avant de nouveau caresser son visage. A cette simple caresse, Hisoka retint un frisson. Il était particulièrement sensible à ces gestes d'affection. Mais le fait de se retrouver dans la bibliothèque lui revint en mémoire aussi tenta-t-il vainement de se séparer des bras de son partenaire.

"Arrêtes, on pourrait…"

Mais Tsuzuki le prit par la taille et avec douceur, posa ses lèvres dans le creux du cou d'Hisoka qui cette fois frissonna de plaisir et de bien-être. Il se sentait si bien dans les bras de celui qu'il aimait…

"Tu as toi-même demandé à ce que personne ne te dérange," chuchota la voix du Shinigami aux yeux d'améthystes à son oreille." On est tranquille pour un bon moment maintenant."

"Hum, j'avais oublié…"

Le rire de Tsuzuki, collé contre son dos, lui procura une douce sensation.

"Moi, quand il s'agit de toi, je ne risque pas d'oublier."

Hisoka profita que le visage de Tsuzuki soit près du sien pour tourner la tête et capturer ses lèvres dans un baiser passionné. Au début de leur relation, Hisoka s'était senti agressé par les baisers trop démonstratifs, trop pleins de sensations qui le mettaient mal à l'aise. Mais, petit à petit, il avait commencé à apprécier ce goût au fond de sa bouche, jusqu'à ne plus s'en passer. Désormais, et ce geste parfois le surprenait de sa propre audace, il demandait de lui-même un baiser enflammé qui à chaque fois, faisait frémir tout son corps.

Tsuzuki, amusé de ce comportement, lui répondit dans un sourire. Quel étrange garçon… C'était à se demander comment il avait pu en tomber amoureux. Mais aujourd'hui, la réponse était bien évidente. Le Shinigami de presque un siècle pouvait énumérer toutes les choses qu'il aimait chez son partenaire et petit ami pas le moins du monde officiel: sa beauté angélique, ses yeux d'émeraude, si froid en apparence, mais brillant de cette lueur si belle que Tsuzuki était le seul à voir, son caractère, et dix milles autres petites perles qui formaient ce qu'était l'empathe.

La voix d'Hisoka sur ses lèvres le tira de sa contemplation. Il fallait qu'il arrête de le fixer comme ça.

"Dis, Tsuzuki…"

"Oui?"

"Tu as dit que j'avais une belle voix, même si je n'y crois pas."

"Et…?"

Hisoka cala sa tête contre le torse de son partenaire dans un soupir.

"Et alors… Tu crois que ce serait un avantage pour notre affaire?"

"Je ne crois pas, j'en suis sûr", répondit Tsuzuki d'une voix ponctuée par l'évidence. "Mais si on oubliait l'affaire pour un moment, hum? Ca fait longtemps que tu n'es pas venu chez moi, mon appartement est bien vide tout d'un coup."

Hisoka eut un faible sourire.

"Idiot", murmura-t-il. "Tu n'es vraiment qu'un idiot."

"Un idiot complètement fou d'un gamin qui n'écoute jamais ce qu'on lui dit", répliqua gentiment Tsuzuki en passant sa main dans les cheveux châtain clair de l'adolescent.

Le soir où ils s'étaient avoués leurs sentiments, Tsuzuki avait proposé à Hisoka de venir prendre un café chez lui, le temps de se réchauffer à cause de ses vêtements trempés. Et dans cet appartement grand, spacieux et accueillant, Hisoka s'était senti pratiquement en sécurité. Mais jamais Tsuzuki ne l'avait poussé à aller plus loin qu'il ne le désirait. De temps en temps, ils dormaient ensemble dans le même lit, l'un dans les bras l'autre, échangeant quelques baisers et caresses fugitives mais ça s'arrêtait là. Et Hisoka, tranquillisé par la patience de Tsuzuki à son égard, était allé de plus en plus souvent chez lui, n'allant pas à son propre studio situé non loin de l'Enma-Cho pendant des fois quatre soirs d'affilés.

Ils s'embrassèrent une nouvelle fois, avec douceur. Puis, lentement, Hisoka se dégagea des bras de Tsuzuki bien qu'à contre-cœur. Il avait beau être amoureux, son sens du travail bien fait et vite réglé reprenait le dessus. Il se pencha vers les feuilles qu'il avait pris en même temps que le chant qu'il montra à Tsuzuki, déçu de voir son partenaire et petit ami se remettre aussi vite à la tâche.

"Tu as donc trouvé quelque chose d'intéressant?"

"Hum, peut-être… J'ai découvert que l'âme de Samuel, d'après les archives, s'était réincarnée plus de deux cent fois. Et, en tant qu'éternel esprit, le nombre de réincarnations maximal est élevé à seulement cent fois. Cette âme a donc le double de réincarnations à son actif. Elle dépasse les critères administratifs réglementaires."

Tsuzuki regarda par-dessus l'épaule de son partenaire le dossier concernant cette âme. Quelque chose clochait.

"Tu as vu? "Fit-il en désignant du doigt la raison de la mort. "A chaque fois, dans toutes ses vies antérieures, cette âme est morte très jeune et dans des raisons mystérieuses. Suicide, mais la plupart du temps meurtre, mort suite à une agression… Eh bien, cet éternel esprit n'a pas été gâté par le destin."

"Je dois reconnaître… Peut-être que cette âme, a force de mourir de façon dramatique, à un âge très jeune, a fini par connaître le moment exact dans cette vie où elle allait disparaître. Et, pour ne pas mourir aussi tôt, elle a utilisé son pouvoir de force spirituelle pour brouiller la magie de la destinée de la Chambres aux Chandelles ainsi que le désir de vivre de sa vie actuelle. En brouillant la Chambre aux Chandelles pendant un temps assez indéterminé, il lui a été facile de faire croire qu'elle était morte tout en continuant de vivre. Et c'est pour ça qu'on ne remarque que un an plus tard que ce Samuel est toujours en vie."

"Remarquable illusion de sa part", approuva Tsuzuki. "Konoé avait raison sur ce coup-là. Si jamais cette âme ne gagne pas très vite le Juo-Cho, ça risque de mettre la pagaille. Je comprends mieux pourquoi il faut la chercher très vite."

"Tsuzuki! Hisoka! "Fit une voix familière s'approchant d'eux à vitesse folle.

Tsuzuki eut un flash. Si ça trouvait… Hisoka avait dû sentir la présence du scientifique à des kilomètres et c'était pour ça qu'il avait arrêté ses caresses et baisers. Connaissant l'empathie du Shinigami aux yeux d'émeraude, il en aurait été capable. Hisoka aperçut le regard songeur de son partenaire et eut un mince sourire.

"J'ai eu raison, n'est-ce pas?" Demanda-t-il du bout des lèvres.

« Ce gamin, j'vous jure… »

Watari apparut en fracas, suivi d'un hululement saccadé de la petite chouette le suivant partout. 003 ressemblait vraiment à son maître, pétillant d'énergie, une vraie pile électrique. Le scientifique aux cheveux blonds tenait dans les mains des feuilles plastifiées. Un sourire satisfait étirait ses lèvres.

"Ah vous voilà, je vous ai cherché partout!"

Hisoka, malgré le fait que son collègue ne l'était pas vu en plein moment intime, remit en place discrètement sa veste en jean sur ses épaules, le vêtement ayant glissé au moment où Tsuzuki l'avait pris par la taille. Mais Watari, ne se préoccupant de la vie privée de ses amis, désigna les feuilles.

"Pour la mission, j'ai fait votre C.V. Hisoka, j'ai cru comprendre que tu en avais assez d'être sous l'identité d'un élève. Voici donc ton job, tu seras l'assistant d'un professeur-médecin."

"Professeur-médecin?" Fit Hisoka, haussant un sourcil interrogatif. "J'ignorais que ça existait."

Il regarda sa feuille de C.V. d'un œil critique.

"Watari, tu as mis que j'ai dix-huit ans."

"Mais c'est bien normal, tu dois être majeur pour être assistant. Tsuzuki, te voici Professeur-médecin au sein du BostonCollege. Ils cherchaient justement quelqu'un pour Samuel, un homme professeur de chant et ayant aussi des notions importantes de médecine. Tu dois être le troisième qu'ils demandent depuis le début de l'année. Samuel les a tous fait fuir. Y en a même un d'après mes infos qui est maintenant dans une maison de repos."

Tsuzuki blêmit.

"C'est un vrai démon, ce garçon !"

"Et alors ? On est mort, je te rappelle", répliqua Hisoka d'une voix traînante. "Il risque pas de nous faire grand-chose. Mais pourquoi ce garçon a-t-il besoin d'un professeur particulier?"

Watari haussa les épaules, faisant tomber sa chouette qui s'était posée sur lui.

"Aucune idée. Mais le tout est que vous alliez là-bas dans une heure. On essaiera de vous joindre à l'internat le soir de votre arrivée."

"Euh… Watari…", commença Tsuzuki, fixant son C.V comme s'il s'agissait d'une tarentule.

"Oui, Tsuzuki? Un problème?"

Le scientifique reçut la feuille en pleine face, tenue par la main rageuse de son ami.

"Pourquoi j'ai trente-cinq ans! Je suis pas assez vieux pour ce poste?"

« Oups, j'avais oublié… Tsuzuki n'aime pas qu'on le vieillisse autant… »

"Mais… dis-toi que tu t'en fiches…", fit Watari en tentant de fuir le regard noir de Tsuzuki. "Plus que tu as plus de trente-cinq ans."

"Tu en as même le double", renchérit Hisoka, riant intérieurement du rictus qui tordait les lèvres de son partenaire.

Le ciel aurait pu tomber sur Meifu que Tsuzuki n'aurait même pas changé de regard, à la fois déprimé et furieux.

"Deux contre moi…, c'est la triche…," gémit-il comme un gamin.

Hisoka esquissa un mince sourire avant de se tourner vers la feuille concernant l'âme de Samuel Kinoshita. Un éternel esprit… Une âme qui au fil des siècles ne désirait plus mourir… Pourquoi ce désir de vivre sur cette terre où il n'existait que la souffrance pour elle, la douleur de ne plus avoir sa voix… Le cou brisé, à jamais seul, cet esprit continuait d'exister, donner un sens à sa vie d'aujourd'hui…

« Kinoshita… qu'est-ce qui te retiens ici? »

A suivre…