Sing and Die
Par Tsubaki Hime
Bonjour à tout le monde! Voici donc le deuxième chapitre de « Sing and Die » (je sais que vous savez lire mais j'aime bien le dire, sorry). On voit donc Samuel, le beau Samuel Kinoshita (j'avais hâte de le présenter, si, si, j'adore mes persos originaux dans Yami no Matsuei, par exemple Kagura, vous l'avez bien aimé et cela me fait très plaisir). Désolée encore s'il n'apparaît pas dans cette histoire mais je crois que toutes mes fics parlant de Yami no Matsuei se suivront, même s'il n'y pas vraiment de liens ( à part les couples, je pense). Donc, il se pourrait donc qu'il y ait des histoires tranquilles mais qui peuvent être lues à part, même si ça fait partie de la saga (ça va, pas de mal de tête ?). En réponse pour Ten-shi, euh… Je crois pas que je pourrai faire des lemons (je ne suis pas encore assez douée et puis ça me tente pas pour le moment, sorry). Je tenterai de faire des lime et encore très soft… Bon, ben je vais aussi vous décevoir en vous disant que… ben il se passe pratiquement rien dans ce chapitre (j'ai l'impression que ça va être comme ça pendant toute l'histoire…) Je vous laisse lire la suite et sur ce,
Blood Kiss,
Tsubaki Himé
Chapitre II
L'Ange aux ailes brisées
BostonCollege, Fukuoka, Kyushu, secteur 2.
L'air était frais, chargé d'empreintes marines. La brise faisait mouvoir les grands arbres du parc, nobles et vigoureux, se tenant droits dans les diverses allées de pierres et de sable. Et, juste-derrière cet endroit couverte de verdures et de statues, se tenait une immense bâtisse de pierre, qui avait l'allure digne de la foi des gens s'y trouvant. Les vitraux de la Tour Centrale, faite de rouge et de bleue, formaient à la lumière du soleil des éclats multicolores par des fugitives lueurs. Réunis tout autour de cette église magnifique, on pouvait trouver d'autres bâtiments de même noblesse, construits il y avait quelques siècles de cela faits de pierre sombre. On avait presque l'impression de retourner dans le passé, même les élèves, habillés d'un uniforme fait d'un blazer noir, d'une chemise blanche, d'une cravate et d'un pantalon sombre, semblaient retourner à cette ancienne époque. Il n'y avait comme produit d'aujourd'hui les gadgets que les garçons cachaient lorsque les bonnes sœurs et les prêtres faisaient leur ronde pendant les pauses, dans la cour au sol de dalles grises: téléphone portable, jeux vidéos, appareils photos pour les plus hardis. Et, derrière les immenses grilles noires où se tenaient sur des colonnes de pierres deux griffons à l'air menaçant, deux hommes fixaient les élèves d'un œil observateur.
L'un n'avait apparemment que seize ans mais son regard vert émeraude encadré par une paire de lunettes fine et métallique, aux verres rectangulaires, était froid et très mature. Il portait un costume très sobre mais très digne à la fois, bleu marine qui mettait ses cheveux châtain clair et son maintien en valeur. D'un geste très élégant, il resserra la cravate noire, tenant de son autre main une masse assez importante de livres.
L'autre avait vingt-six ans, habillé d'un costume noir élégant, mettant en valeur ses cheveux d'améthystes et ses cheveux brun foncé. Il tenait en main une mallette assez grande. On aurait pu croire à un représentant de commerce mais non, il était en fait le remplaçant d'un professeur dans cet internat catholique. Quant au jeune homme qui l'accompagnait, il s'agissait de son assistant.
"On y va? "Fit-il au jeune homme aux yeux d'émeraude.
"Hum, allons-y."
Et lorsque les grilles grincèrent dans un bruit infernal, les deux hommes entrèrent dans ce lieu où dans très peu de temps, une âme allait disparaître.
"Aah… Mr Tsuzuki, je suis content de vous voir arriver aussi vite…"
"Merci, Mr Kusiguna."
Mr Kusiguna était un homme d'environ un peu moins de soixante ans mais qui avait dans les yeux cette étincelle de jeunesse éternelle. Petit de taille et courbé par le poids des années, il avait malgré cela gardé en lui une sorte de force intérieure qui imposait le respect. Et par cela, l'homme aux yeux d'améthystes ressentit ce sentiment dès que la main calleuse du directeur de l'internat serra la sienne.
Kusiguna émit un petit rire chevrotant.
"Voilà ce qui m'a plu dans votre C.V, Mr Tsuzuki: la ponctualité".
« Heu… comment lui dire qu'un certain secrétaire s'est arrangé de nous éjecter du Service à coup de balais? », songe Tsuzuki, médusé.
Le directeur lança un œil attentif au jeune homme accompagnant le professeur, resté en retrait.
"Qui est donc ce jeune homme, Mr Tsuzuki?"
"Ah, il s'agit de mon assistant. Il compte bientôt faire une formation. Je l'ai choisi pour prendre ma place lorsque je cesserai ce travail."
La bouche plissée par les rides de Kusiguna eut une petite moue suspicieuse.
"Il est quand même très jeune pour un assistant."
L'assistant s'inclina respectueusement, le regard impassible.
"J'ai dix-huit ans, Mr le Directeur. Mr Tsuzuki a eu l'amabilité de me prendre comme assistant il n'y pas très longtemps. Comme vous avez pu le voir sur mon C.V, j'ai des notions de médecine et de chant très respectables."
"En effet, en effet", répliqua Kusiguna d'une voix évasive en parcourant les lignes de la feuilles qu'il tenait en main. "Vous vous nommez donc Hisoka Kurosaki, est-ce bien cela?"
"Tout à fait," approuva poliment Hisoka, remettant correctement ses lunettes sur son nez.
Le visage de Kusiguna s'éclaircit.
Bien, bien, je vois que vos compétences ne sont plus à démontrer. Si vous voulez bien me suivre, je vous conduirai à votre « patient ». Au fait, Mr Tsuzuki, puisque vous avez à ce que j'ai lu une ancienne carrière de chanteur à l'opéra, pourriez-vous donner des cours à la chorale?"
« Oups! »
Tsuzuki leva nerveusement les yeux au ciel, tentant de trouver une excuse.
"Je… hahaha… Je ressors d'une laryngite aggravée et mes cordes vocales sont encore assez fragilisées pour que je puisse de nouveau chanter. Par contre, mon assistant ( en entendant qu'on l'appelait, Hisoka fit volte-face, les yeux écarquillés ) est un excellent chanteur. Il pourrait peut-être me remplacer le temps que je puisse être totalement rétabli."
Tsuzuki tenta de fuir le regard noir de son partenaire qui, furieux, se retint de lui faire avaler les satanées lunettes qu'il était obligé de porter. Cet idiot de Shinigami pouvait ne serait-ce qu'une fois de sa vie à ne pas se reposer sur les « talents » de son petit ami pas le moins du monde officiel?
"Je suis persuadé que vous aurez un très grand succès auprès de la chorale", approuva Kusiguna, ne s'apercevant pas de la tension meurtrière qui était née entre les deux hommes. "Bon, suivez-moi."
Les couloirs étaient silencieux, montrant à l'évidence que la plupart des élèves étaient en cours. Leurs pas résonnaient sur le sol glacé, tandis que la lumière du soleil descendait en cascades aveuglantes grâce aux larges fenêtres situées vers le haut des murs. Au bout de quelques minutes de silence, Tsuzuki se risqua à poser cette question qui le tourmentait.
"Mr Kusiguna, il se trouve que… en tant que médecin, je suis parfaitement au courant de ce qui est arrivé à Samuel. Mais…"
Les épaules de Kusiguna, marchant tranquillement devant lui, tressautèrent dans un petit rire.
"Pourquoi est-ce que je tente de le refaire chanter, c'est cela? Eh bien… Vous n'avez jamais entendu Samuel chanter, Mr Tsuzuki. C'est une voix unique qui par de nombreuses fois a honoré notre internat. Magnifique, je ne peux dire que cela. Samuel était la fierté de l'établissement et de la chorale. Lors des représentations, des centaines de personnes, arrivant de tout Kyushu, venaient l'entendre chanter avec les autres choristes. Et tout le monde savait que Samuel allait faire une très grande carrière. Il aimait ça, de chanter. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Et puis…."
Les épaules de Kusiguna se voûtèrent et sa voix déjà faible se transforma en un pénible murmure.
"Il y a eu cette agression. Samuel, d'après certains de ces camarades, avait quitté la classe en pleine pause et n'était pas revenu. Ce n'est que le lendemain que, après des recherches minutieuses, on l'a retrouvé enfermé dans le cagibi. On l'avait forcé à boire de l'acide et ce dans le seul but de détruire ses cordes vocales. Je suis persuadé qu'il a vu ses agresseurs, qu'il les connaît personnellement mais il refuse de nous les dévoiler. Depuis son opération, il y a un an, il est devenu très renfermé sur lui-même. Il ne va pratiquement jamais en cours et là, je ne peux rien faire. Cet enfant est tellement gentil mais si triste… Je sais, cela pourrait être pris pour du favoritisme mais je sais qu'il pourra de nouveau chanter. Il y a bientôt une représentation devant un très grand jury. Ils prennent les meilleurs choristes et les inscrivent dans les plus prestigieuses écoles de musique. Samuel rêve d'aller à une de ces écoles et je ferai tout pour qu'il participe."
Hisoka, resté silencieux, releva la tête. Cet homme, bien que gentil, ne comprenait pas les sentiments de son élève. Samuel avait essayé depuis son agression à se dire qu'il ne pourrait plus chanter, dans le but de pouvoir vivre sans devenir fou. Mais qu'on s'acharne sur lui de cette manière, à lui refaire reprendre le chant… On aurait dit une torture.
La main de Tsuzuki effleura la sienne. L'empathe lui lança un regard et vit dans les yeux de son partenaire de l'inquiétude. Mais à ce regard, Hisoka répondit par un très mince sourire. Son partenaire ne devait pas avoir à s'inquiéter.
"Nous voilà arrivés", fit Kusiguna, coupant court leur manège. "Il s'agit d'une salle où certains choristes allaient chanter en attendant la représentation, seuls, pour se débarrasser de leur stress. J'ai demandé à Samuel de m'attendre ici, le temps que j'aille vous chercher."
Il ouvrit la porte en chêne vernie, laissant les deux hommes entrer avant qu'il ne la referme. La pièce était très belle, aux grandes baies vitrées laissant voir l'étendue du parc. Assis très droit à un bureau, un jeune homme leur jeta un petit regard de profil. Sa peau, très pâle, semblait briller de l'intérieur grâce au soleil printanier; ses cheveux étaient blonds comme de l'or, tombant en élégantes mèches sur son œil d'un bleu océan très profond. Il y avait un très grande finesse dans les traits de son visage ou de ce que Tsuzuki pouvait voir de son profil; une bouche effilée, un menton volontaire, des pommettes saillantes… Hisoka nota tout de même un étrange détail: il ne portait pas comme les autres élèves une chemise avec une cravate mais bien une veste à col Mao, lui couvrant presque entièrement le cou. A ses pieds était posée une cage en argent où demeurait un oiseau, immobile, fixant de son regard vif les visiteurs.
"Kinoshita, voici ton nouveau professeur de chant, Mr Tsuzuki. Il a aussi des notions de médecine très respectables. Et voici son assistant, Mr Kurosaki."
Samuel eut un léger sourire dédaigneux. Dans un soupir, il se tourna vers les nouveaux arrivés et ce que virent les Shinigami les troublèrent quelque peu. L'œil gauche du jeune homme, contrairement à celui de droite qui était d'un bleu captivant, était semblable à une ambrée dorée, la couleur de la sève d'un arbre. Saphir et Ambre, deux couleurs pour le même regard. Cela donnait encore plus une douce impression de mystérieux chez ce garçon.
"Mr Kusiguna, je vous ai déjà dit que c'était inutile, je ne pourrai plus chanter. Même si vous nourrissez de l'ambition pour mon avenir, je ne pourrai plus « jamais » chanter."
Le directeur eut un sourire nerveux.
"Je sais bien… que tu mens, Kinoshita. Mais il te faut encore le temps pour le comprendre."
Il se tourna vers les deux hommes qui étaient restés debout.
"Bien, je vais vous laisser faire connaissance. Sur ce, je retourne à mes occupations."
Lorsque la porte se referma après le départ du directeur, Samuel relâcha un peu les épaules, soupirant de fatigue. Sans se préoccuper des deux hommes, il se pencha vers la cage qu'il avait laissé à ses pieds, ouvrit la petite trappe et fit entrer son doigt à l'intérieur. Aussitôt, l'oiseau y grimpa, sans battement d'ailes, sans émettre un petit cri. Samuel sentit le regard d'Hisoka sur lui car il désigna l'oiseau immobile sur son index.
"C'est un rossignol. Je l'ai recueilli le lendemain de mon opération. Il était sur le bord de ma fenêtre qu'on m'avait ouvert. Il est venu sur mon lit et ne m'a plus quitté."
Il caressa le ventre soyeux de l'oiseau qui le contemplait de son regard vif.
"Ses ailes ont été cassées et quelqu'un a tenté de l'étouffer. Il ne peut plus ni voler ni chanter. Sans doute de sales gamins qui voulaient s'amuser à ses dépens. C'est à se demander comment il a fait pour grimper jusqu'à ma chambre."
L'oiseau grimpa le long de son bras en sautillant et se posa tranquillement sur son épaule, comme s'agissait d'un perchoir. Samuel, de son côté, scruta de ses yeux vairons Tsuzuki et Hisoka.
"Vous comptez prendre racine en restant debout? "Railla-t-il sans vraiment trop de méchanceté." Je n'ai pas mis de pièges ici, vous n'avez pas à avoir peur de moi."
« Tu parles », songea Tsuzuki en repensant aux paroles de Watari lui rappelant que ce gamin avait même envoyé l'un de ses professeurs en maison de repos.
Toutefois, les deux Shinigami s'assirent devant le jeune homme qui les fixait toujours de ce regard mi-moqueur, mi-amusé. Tsuzuki décida de jouer son rôle de professeur dès le début, afin de ne pas éveiller les soupçons.
"Je voudrais savoir, Kinoshita, où en étais-tu avec tes précédents professeurs? Je ne veux être en retard sur…"
"Cessez donc de biaiser avec moi", l'interrompit Samuel d'une voix grondante. "Je commence à en avoir assez de tous ces petits profs comme vous, qui ne pensent même pas à ce que JE veux mais plutôt ce que le directeur a en tête. Vous vous en fichez de moi, vous n'avez que la paie en tête. Fichez-moi la paix, je ne vous ferai rien et comme ça, c'est réglé."
Tsuzuki ne répondit rien, le considérant d'un air grave. Hisoka remit ses fichues lunettes sur son nez, elles ne tenaient vraiment pas en place.
"Samuel, que veux-tu, en fin de compte?" Demanda l'empathe, ses yeux fixant le regard vairon de celui qui portait en lui un éternel esprit. "Nous ne sommes pas tes ennemis, ni des types qui ne feront rien d'autre que d'exécuter ce que veut Kusiguna. Nous savons ce qui s'est passé, lors de ton agression. Mais si tu ne veux pas dire ce que tu souhaites obtenir, comment veux-tu que nous t'aidions?"
« Hisoka… »
Le visage de Samuel se figea dans une colère sourde. Ses yeux fulminant de rage ne quittèrent pas les deux Shinigami.
"Si vous saviez que je veux…, vous ne pourriez pas l'obtenir…", souffla-t-il. "Jamais vous ne pourrez comprendre ce que je ressens, vous qui sont payés des sommes astronomiques pour que je me remette à chanter! Mais au fond, qu'est-ce que vous connaissez de moi, de ma douleur? Je n'ai pas envie un seul instant de vous parler, d'essayer vos stupides méthodes pour…"
Il se tut, son regard magnifique et mystérieux baissé vers la table où ses poings s'étaient serrés. Une telle candeur émanait de lui mais cette rage qui le consumait était si pénible à regarder.
"Pff… Je me demande pourquoi je parle avec vous, vous pouvez pas comprendre…"
"Peut-être", soupira Tsuzuki. "Mais n'oublie ce qu'a dit mon assistant: nous ne sommes pas tes ennemis. Nous voulons t'aider, comprendre ce que tu veux réellement. On va en rester là pour aujourd'hui, mais dès demain, je veux que nous nous retrouvions ici, à la même heure. Est-ce bien clair?"
Le jeune métis considéra l'homme aux yeux d'améthystes avec froideur. Puis, sans se soucier d'Hisoka, il fit volte-face en emportant la cage de son oiseau qui n'avait pas bougé de son épaule. Sur le seuil de la porte entrouverte, sa voix, tremblante d'amertume, se fit entendre par les deux Shinigami.
"Ceux qui m'ont fait ça… ont dit eux aussi qu'ils n'étaient pas mes ennemis… Alors maintenant, en qui puis-je croire?"
Et sur ces mots douloureux, le garçon sortit, laissant deux êtres immortels songeurs et graves.
"Je pense qu'on devrait le ramener par la force. "
Surpris, Tsuzuki reposa la théière qu'il tenait en main. Après cette courte entrevue avec Samuel, ils avaient demandé à ce qu'on leur montre leurs chambres. L'un des étages d'un bâtiment, au fil des ans, s'était vu abandonné peu à peu par des élèves partis dans de grandes écoles. Désormais, les deux Shinigami avaient pu avoir deux chambres coupées par une petite pièce aménagée par les soins du directeur en un salon où ils pouvaient se retrouver pour parler de l'affaire. Il avaient rangé leur matériel et Tsuzuki était en train de préparer du thé quand l'empathe, lisant machinalement un livre, avait dit cette phrase, les yeux rivés sur les lignes.
"Qu'est-ce qui te fait penser ça?" Demanda Tsuzuki en ajoutant un sucre à la tasse de son partenaire.
"… Les sentiments de Samuel… Je n'ai pas tout ressenti, je m'étais protégé en arrivant à cause du monde qu'il y avait, mais il y avait beaucoup de ressentiment, de colère, de tristesse en lui. Il vaudrait mieux le ramener par la force ou bien ses émotions trop néfastes pourront chambouler bon nombre de choses, je le sens."
Tsuzuki eut un bref soupir, donnant la tasse à l'empathe qui l'accepta d'un signe de tête. Machinalement, il fit tourner sa cuillère en argent dans le liquide fumant et parfumé, créant un tourbillon élégant dont la couleur, malgré elle, faisait penser à l'œil gauche de l'ancien choriste. Le Shinigami s'assit dans un fauteuil en face d'Hisoka, songeur.
"Tu as peut-être raison", approuva-t-il. "Toutefois, je pense qu'il existe une façon pour qu'il meure de lui-même, en paix."
"En faisant arrêter ses agresseurs? Je ne crois pas que cela puisse marcher."
Tsuzuki secoua négativement la tête.
"Non, non, pas de cette manière-là. Bien que je ne possède pas l'empathie, comme toi, j'ai bien compris qu'il regrettait plus que tout ne plus pouvoir chanter. Si on pouvait, ne serait-ce que l'aider à retrouver le chemin de la guérison, alors peut-être qu'on pourrait le ramener à Meifu après."
Hisoka souffla sur sa tasse, se retenant de ne pas lever les yeux au ciel.
"Tu es vraiment trop gentil avec les autres. Enfin bon ce n'est qu'un conseil que je donne. On a pas beaucoup de temps, et si tu continue à jouer ton bon samaritain avec tout le monde, on est pas près d'en finir."
"Je dois le prendre comment?" Fit Tsuzuki dans un sourire.
Hisoka se leva en reposant sa tasse de thé presque pleine sur le plateau. Puis, avec ce mince sourire qui ne laissait aucun doute sur ses intentions, il se pencha vers Tsuzuki toujours assis, ses bras tendus sur le dossier du fauteuil, comme pour l'empêcher de fuir. Le Shinigami de presque un siècle voyait bien que depuis maintenant quelques temps, Hisoka cherchait de lui-même le contact physique, comme pour se débarrasser de cette horrible peur d'être englué dans ses cauchemars et son pouvoir d'empathie. Tsuzuki posa une main sur la joue de son partenaire dans une caresse. Leurs lèvres se scellèrent pour un doux baiser plein d'affection. Hisoka plaça ses genoux entre les jambes de son partenaire pour mieux s'installer de tout son poids sur lui. Il se laissait envahir par les sentiments amoureux de Tsuzuki lorsque…
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!
« Fichu téléphone », pensa Hisoka en se resserrant au cou de son partenaire., profitant de sa chaleur.
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!
"Faut vraiment décrocher?" Marmonna l'empathe sur les lèvres de Tsuzuki, presque boudeur.
"Hum, je crois… Le patron avait dit qu'il appellerait lorsqu'on serait arrivé…"
Hisoka se boudina dans les bras de son partenaire.
"Pas envie", ronchonna-t-il.
Tsuzuki eut un petit rire.
"Où est donc passé le Shinigami le plus sérieux que je connais?"
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!
Bon gré mal gré (surtout mal gré), Hisoka se dégagea de l'étreinte affectueuse du Shinigami aux yeux d'améthystes qui alla décrocher. L'empathe se glissa dans le fauteuil qu'avait occupé Tsuzuki, reprenant en main sa tasse de thé.
"Allô, ici Tsuzuki à l'appareil…"
"C'est Konoé. Alors, vous êtes bien arrivés? Est-ce que vous avez rencontré l'âme en question?"
"Oui, Samuel Kinoshita. Nous l'avons croisé cette après-midi à notre arrivée. Patron, il me faudrait des renseignements un peu plus précis sur cet être humain. Quelque chose me dit que cette envie de rester sur Terre est un peu plus complexe que cela."
"Je vais voir ce que je peux faire avec les Gushoshin", fit la voix bourrue de Konoé à l'autre bout du fil. "Il doit rester quelque chose dans les archives. A part ça, quand allez-vous le ramener?"
"Je l'ignore", répondit Tsuzuki plus sèchement qu'il aurait voulu. "Mais nous essaierons de le faire le plus rapidement possible."
"Bien, je vous contacterai une autre fois."
"Compris, patron."
Lorsqu'il raccrocha, il ne put ignorer le regard réprobateur d'Hisoka.
"Tu n'as pas l'air très content de ramener cette âme", fit-il remarquer.
Tsuzuki eut un pauvre sourire puis il lui tourna le dos, observant d'un regard mélancolique le soleil qui se couchait par sa fenêtre. Un magnifique éclat de sang qui ne faisait rappeler au Shinigami sa véritable nature. Son reflet apparut à l'empathe, visage tourmenté par ses démons intérieurs. L'adolescent sentit son cœur se serrer à cette image.
"Je me demande vraiment pourquoi je fais ce job…", murmura-t-il comme pour lui-même, d'une voix acide qu'Hisoka n'aimait pas du tout." Je n'ai jamais supporté le fait de ramener des âmes de ce genre. La plupart n'avaient des fois que deux jours en trop sur leur vie et même si ça me faisait mal, je me disais que c'était mon travail, que ces âmes n'étaient pas en trop grand décalage avec la date véritable de leur mort…. Mais celles qui existaient plus longtemps, comme un mois, deux mois, ça me dégoûtait. Car ces personnes, heureuses et insouciantes, pensant avoir échapper à leur pire cauchemar, n'en étaient que plus horrifiés en voyant qu'elles s'étaient trompées. Shinigami, assassin… ça revient au même… Mais je veux donner une chance à Samuel, je le veux sincèrement. Lui, bien qu'il soit vivant après la date officiel de son trépas, a vécu cette période dans la tristesse. Je veux lui faire retrouver le sourire, juste avant de le ramener…C'est tout… ce que je désire…"
"Je sais, je le sais depuis toujours…"
Deux bras minces l'enserrèrent par la taille, un corps se serra contre son dos, tremblant.
"Hi…"
"Idiot… Quel idiot tu fais… Je sais parfaitement que c'est tout ce que tu veux…"
Tsuzuki se retourna pour voir le regard de son ange, son cher Hisoka briller de cette lueur qu'il n'aimait pas voir. Il tenta de chasser cet éclat par une caresse sur son visage pâle, lui faire comprendre que même si à cet instant le cœur du Shinigami de presque un siècle était rongé par ce désastreux passé, qu'il serait toujours là pour lui. L'empathe, encouragé par cette caresse, se blottit dans ses bras, son cœur contre le sien, sa peau contre la sienne, et respirer cette odeur qu'il adorait. Tsuzuki l'entoura de ses bras avec douceur, l'embrassant dans ses cheveux châtain clair. Rester comme ça, dans les bras de l'être aimé était tellement réconfortant que l'adolescent se sentit dérivé dans la somnolence et le bien-être intérieur, porté par toutes les sensations que son partenaire éprouvait à son contact. Il ne pouvait cependant pas oublier ce tumulte au fond de lui, ces sentiments plus enfouis mais plus sombres qui le faisaient frissonner. Si seulement Tsuzuki pouvait oublier ce passé noir… Mais comment oublier une chose pareille? A cette simple pensée, le corps de l'empathe éprouva un petit frisson, se rappelant de sa propre tragédie, allongé à jamais sous ce cerisier en fleurs qui avait goûté à son sang. A cause de cet homme…
A force de se laisser aller, Hisoka laissa ouvertes les portes de son cœur à Tsuzuki qui, envahi par une désagréable sensation d'angoisse, se demanda ce qui lui arrivait. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'à force d'être bercé dans ses bras, l'empathe s'était endormi en oubliant de refaire les barrières autour de son cœur qui le protégeraient de tous les sentiments autour de lui à part ceux de son petit ami. Mais alors, cette peur inexplicable qui nouait les entrailles de Tsuzuki… était-ce celle d'Hisoka? Se rendant compte que son ange s'était renfermé dans cet affreux souvenir concernant cet homme aux yeux d'argentés, le Shinigami aux yeux d'améthystes prit délicatement le corps endormi dans ses bras pour le transporter dans la chambre prévue à cet effet. Il recouvrit le jeune homme des draps propres et frais, lui retirant au passage quelques mèches châtain clair qui lui étaient tombées devant ses paupières closes.
Assis près de lui, Tsuzuki contempla le visage paisible de celui qu'il aimait. Un visage qu'il ne pouvait s'empêcher de fixer sur un autre, au regard mi-bleu, mi-ambré.
« Ceux qui m'ont fait ça… ont dit eux aussi qu'ils n'étaient pas mes ennemis… Alors maintenant, en qui puis-je croire? »
« Samuel… »
Les cloches sonnèrent, marquant d'un temps sonore, profond et régulier le début des cours de la matinée. Les élèves de la troisième classe, dans un brouhaha incessant, entrèrent en classe de chimie par groupes, bavardant et discutant gaiement. Certains n'avaient plus que le nom du nouveau professeur, un dénommé Tsuzuki dont le visage aux traits réguliers avait charmé bon nombre de garçons. Quant à l'assistant, inutile de ne pas le rappeler. Il y avait dans ce regard surmonté de lunettes ce petit côté froid et distant qui ne donnait qu'une envie: l'aborder même au risque de se faire remballer. Et justement, le jeune homme était là, dans le couloir, scrutant par la fenêtre un autre garçon assis près de la baie donnée sur le parc, son regard vairon rêveur et mélancolique. Il se dégageait une telle brillance de ce garçon que cela mal à regarder. Un ange aux ailes arrachées, c'était tellement triste… Et Hisoka, malgré ses barrières psychiques, ne put s'empêcher de sentir son cœur se tirailler.
"Eh, salut, t'es qui?"
Surpris d'être ni plus ni moins pris en flagrant délit d'espionnage, l'empathe sursauta et se retourna brusquement pour voir un jeune homme à la carrure solide lui sourire avec chaleur. Il devait avoir un peu plus de dix-huit ans, ses cheveux noirs prenant un bel éclat bleuté à la lumière. Ses yeux pétillèrent de curiosité.
"Ben alors, tu rentres pas ne cours?"
"Euh, non, je ne suis pas un élève", répondit Hisoka d'une voix à sa grande surprise gênée. "Je suis en fait…"
"L'assistant du nouveau prof", compléta le garçon sur un ton entendu. "T'as l'air un peu jeune quand même, non?"
Hisoka était fatigué de répéter qu'il avait dix-huit ans même si ce n'était qu'un faux chiffre. Et dire que son corps d'adolescent ne grandirait jamais…
"Je fais moins que mon âge", avoua-t-il dans une pointe d'exaspération.
"Bah, t'en fais pas va", le tranquillisa son interlocuteur. "Moi, j'ai redoublé plusieurs fois dont je peux comprendre ce que ça fait d'être dévisagé d'une drôle de manière. Mais comme mon père a été un prestigieux élève de cet établissement, on me laisse faire ce que je veux. Un bon fils à papa comme de nombreux gars d'ici."
"Hum… Est-ce que tu connais bien Samuel Kinoshita?"
"Samuel?" Répéta le gars dans un froncement de sourcil. "Oui, enfin de vue. C'était un garçon très apprécié avant son agression. Il était très ouvert, très joyeux. Et surtout une voix magnifique. Je ne compte plus le nombre de fois où ma mère a pleuré en venant l'écouter lors des représentations de la chorale. Mais maintenant, c'est un vrai mur…"
"J'avais remarqué", fit Hisoka en pendant aux dernières paroles du garçon, pleines de douleur et de ressentiment.
"Eh, bougez!" Déclara une voix grondante derrière eux.
Les deux garçons firent volte-face et aperçurent un groupe de garçons, tous les toisant avec dédain. Ils portaient pratiquement tous une montre en or ainsi que des chaînes apparemment très chères. Celui qui avait parlé devait être le chef car sa stature imposait tout de suite le respect. Il n'était pas très large d'épaules mais son regard sombre flamboyait de cette lueur de supériorité qui le déclarait plus haut que les autres; ses cheveux châtain foncé étaient un peu trop longs concernant la longueur réglementaire, lui donnant une allure marginale qui s'assumait. Son visage était bien sculpté, il donnait envie qu'on le regarde de plus près.
Sa bouche se tordit en un rictus.
"Vous vous bougez du passage ou bien je vous le fais comprendre?"
Sans un mot, Hisoka se décala légèrement, le laissant passer avec sa bande.
« Quel sale type… », songea-t-il de mauvaise humeur.
"C'est qui? "Souffla-t-il au garçon resté près de lui.
"C'est Mitsuru Takatsuki, le fils du célèbre P.D.G Fuji Takatsuki. Son comportement de rebelle n'est pas très accepté au sein de l'établissement mais comme son père fait de nombreux dons pour les causes caritatives de l'église, on ferme les yeux sur les faits qui se produisent à cause de lui. Mais bon, il a de bons résultats scolaires et il fait partie de la chorale. Il se donne un genre, quoi. Autrefois, celui qui menait la bande s'appelait Takeshi Shiroku. C'était le meilleur ami de Takatsuki jusqu'à ce que Shiroku se suicide il y a un an."
Hisoka ouvrit de grands yeux.
"Un suicide?"
"Oui, des gars ont dit qu'il avait l'air très déprimé les derniers jours avant sa mort. Quand on lui demandait la raison, il disait qu'il fallait qu'il parte mais rien de plus. On a découvert son corps dans l'église le jour de la messe. Il s'était ouvert les veines. Je crois que Takatsuki est encore perturbé par sa mort."
"Hum…"
L'empathe, satisfait de ses réponses, reporta son attention sur la classe. Et il nota un changement d'atmosphère. A la vue de Samuel, le visage de Takatsuki s'était crispé, affichant un regard qu'Hisoka ne parvenait pas à expliquer. Le jeune homme aux yeux vairons, de son côté, était toujours assis à sa place mais il ne quittait plus l'élève entouré de sa bande du regard. On ressentait une ambiance lourde, tendue. Les deux garçons se toisèrent ainsi pendant plusieurs secondes qui parurent une éternité jusqu'à ce que Takatsuki passe sans un mot devant Samuel, entraînant ses amis dans le fond de la classe. Le métis baissa la tête vers ses mains posées sur la table. Et, sous les yeux de l'empathe, il les serra si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau au point de faire couler du sang. Le liquide rouge perla le bois de la table en trois gouttes significatives.
Le Shinigami contempla le jeune homme, le visage grave. Ce qu'il avait ressenti à cet instant dépassait ce qu'il avait connu. Un tel mélange de sentiments était rarissime et là, cette scène…
« Samuel… Il faudra que tu m'expliques… Ce cœur cisaillé par une telle peine, laisse-moi le lire… »
Ange aux ailes arrachées et au cou brisé, transportant dans ses yeux mi-bleus mi-ambrés toute la mélancolie du monde… Ce qui s'était passé ressemblait à une tragédie grecque mais pourtant, tous ces sentiments enfouis au plus profond d'eux était finalement une douloureuse réalité qu'ils se devaient d'accepter…
A suivre…
Petit détail qui ne regarde moi: ça vous dit Hisoka avec des lunettes? Moi, je l'ai imaginé comme ça et je trouve que ça lui donnerait encore plus de charme (quoique ce garçon a du charmeà en revendre, hum, hum...). J'avais pensé à en mettre qu'à Tsuzuki mais bon, j'avais envie de changer un peu (personne ne lit? Ah bon, tant pis...)
