Sing and Die

Par Tsubaki Hime

Bonjour à tous! Ici Tsubaki Himé qui est contente de voir sa fic se finir bientôt. « Hein ? Déjà ? » vous vous dites, non ? Eh bien oui, cette fic est plus courte que « Poupée de sang » car il y a moins d'actions, plus de sentiments etc… Pour répondre à Alo-Chan : oui, j'ai lu Alice 19th mais juste les deux premiers tomes. Je n'étais pas au courant pour ce choriste (qui s'appelle Samuel en plus, le surnaturel serait-il à nos portes ?). Donc, pur hasard que cette ressemblance (croyez-moi si vous voulez). Au passage, je remercie pour les reviews, ça m'a fait très plaisir. Vous aimez cette fic et j'en suis très heureuse… Bon, je vous laisse lire ce chapitre où j'explique un bon nombre de choses. J'espère qu'il vous plaira…

Blood Kiss,

Tsubaki Himé

Chapitre III

Since my love was forbidden...

"Bien le bonjour à vous tous!"

"Bonjour, Monsieur", répondirent trente garçons sérieux de la troisième classe, ne quittant pas des yeux leur nouveau professeur de chant.

Un si bel homme, ayant l'air si jeune, comment pouvait-il avoir trente-cinq ans? Fantaisie de la nature qui lui allait parfaitement, marchant sur l'estrade comme s'il faisait ça depuis sa naissance. Son regard d'améthystes bienveillant se posa tour à tour sur chacun des élèves, avec un petit sourire jovial tout à fait charmant. De son côté, son assistant, élégant jeune homme aux yeux d'émeraude cernés par une paire fine de lunettes, se montrait plutôt froid, presque distant avec le reste des garçons qui en fait avaient pratiquement tous son âge.

« Pff… Je commence à être fatigué… », songea-t-il avec une pointe d'énervement.

Le fait de contrôler ses barrières psychiques n'était pas une chose de tout repos, son esprit devait continuellement en renouveler les hauteurs suffisantes pour ne pas se retrouver trop submergé par les émotions de ces humains ici présents. Heureusement, son partenaire l'aidait en avalant une partie de ces sentiments, les faisant passer au-delà de ce bouclier intérieur que l'empathe formait. Cette petite attention, au simple souvenir, lui remonta un peu le moral et ce fut d'un regard très dur qu'il salua l'assemblée d'élèves assis à leur place. Un bref coup d'œil au jeune homme blond toujours assis près de la fenêtre à chaque cours lui affirma que ce dernier n'était pas le moins du monde intéressé par le cours. Son œil bleu affichait de l'ennui et son œil ambré de l'exaspération. Deux couleurs marquant bien ce qu'il pensait de ce qu'il se passait.

"Comme vous devez le savoir par votre professeur principal, je me nomme Asato Tsuzuki. Je serai votre professeur pour un temps indéterminé, et comme je viens juste d'arriver, je ne sais pas où vous vous êtes arrêtés dans le programme."

Les élèves répondirent sur un ton très las que leur ancien professeur était très souvent malade, qu'elle ne donnait pratiquement pas de chant et faisait recopier des lignes et des lignes sur des compositeurs méconnus du grand public. Tsuzuki dut reconnaître effectivement qu'il y avait mieux en matière d'enseignement pour divertir les jeunes. Il fallait dire qu'un modèle était près de lui, tout trouvé.

"Ha, je vois", fit-il dans un sourire. "Je vais donc vous passer le chant dont je viens de faire les photocopies. Euh… Voyons…"

"Monsieur, je peux distribuer?" Demanda un élève assis vers le deuxième rang, un garçon aux cheveux noirs aux reflets bleutés que l'empathe reconnut aussitôt pour avoir répondu à ses questions lors du début de cours de chimie.

"Bien entendu euh…"

"Katsuya Himoda", répondit le garçon du tac-au-tac.

Tsuzuki acquiesça et lui passa les feuilles que ce dernier commença à distribuer. Lorsqu'il alla près de Samuel, Hisoka sentit un très net changement dans ses geste et son regard. On aurait ressenti presque de la douceur et en même temps de la peur, comme s'il voulait éviter de le toucher. Le métis lui lança à peine un regard avant de prendre la feuille qu'il lut rapidement.

"De l'anglais?" Fit-il dans un souffle.

Le professeur eut un petit signe de tête. Il se figea lorsque son assistant se pencha vers lui.

"Qu'est-ce que tu essaies de faire? Et ce chant… ne me dis pas…"

"Si, si, c'est celui que tu as chanté à la bibliothèque."

Deux traces rouges se plaquèrent sur les joues du jeune homme aux yeux d'émeraude.

"Tu n'avais pas le droit!" Chuchota-t-il rageusement.

"A ce que je sache, personne n'est au courant de ça. Et puis, j'ai envie d'entendre encore ta magnifique voix."

Un regard tendre appuyé comme affirmation et de nouveau, Hisoka se sentit gêné. Il avait de plus en plus de mal à refuser quoi que ce soit à son partenaire et petit ami, ça devenait pratiquement un point faible… qu'il affectionnait plus que tout. Oui, aussi surprenant que cela pouvait l'être, observer ces deux regards améthystes remplis d'amour le rendait empli de bien-être.

« Imbécile… », se maudit l'empathe. « Je ne suis qu'un imbécile… »

"Comme je sors d'une laryngite gratinée, ma voix est encore trop fragile pour que je puisse chanter et vous donner l'air. Mais mon assistant ici peut faire ce travail à ma place (deux yeux émeraude le foudroyèrent du regard, lui rappelant bien qu'il avait de la chance d'être déjà mort). Hisoka, peux-tu commencer?"

Réfrénant l'envie de lui faire avaler la feuille, Hisoka se racla un peu la orge, relisant machinalement les lignes dans sa tête. Cet air était si triste mais en même temps si beau… Et puis cela ferait plaisir à Tsuzuki, d'une manière détournée bien entendu.

Samuel fit un signe de tête dans sa direction, désabusé. Ce regard si vague et ennuyé, l'empathe ne put le supporter davantage. Il ouvrit la bouche et commença à chanter, humilié et nerveux. Le chant retentissait de nouveau, empli de cette douceur amère qui faisait chavirer les cœurs. Les élèves, surpris d'une telle voix aussi cristalline et tendre, eurent un sursaut mais en aucun cas ne laissèrent paraître de l'ennui, bien au contraire. Ils demeuraient immobiles, rêveurs, se laissant entraîner par la mélodie et les paroles. Tsuzuki, plus qu'heureux d'entendre de nouveau le talent caché de son partenaire, eut un petit sourire et lui envoya des pensées encourageantes. L'empathe, rassuré d'une telle attention, mit plus de cœur sur le refrain.

Since my love was forbidden… I wanted to die…

A ces paroles, le visage de Samuel blêmit. Surpris, Tsuzuki le regarda avec attention.

Even if you're in your heaven… I wanted to cry …

Les yeux vairons s'écarquillèrent, pleins de terreur et de tristesse. Sa peau était devenue de neige et tout son corps, au fur et à mesure que le Shinigami aux yeux d'émeraude continuait à chanter, tremblait de plus en plus, en proie à des spasmes étranges. Ses mains se portèrent à sa tête, voulant stopper ce son qui le tourmentait.

« Tu ne veux pas de moi? Tu voudrais… que je m'en aille? Si tu veux que je partes alors je le ferai… Je ne veux pas te souiller… »

"Taisez-vous…", murmura-t-il, les pupilles dilatées. "Par pitié, taisez-vous…"

Since my love was forbidden… I wanted to die…

"Kinoshita?" Fit Tsuzuki.

La bouche de Samuel se tordit dans une plainte gémissante.

"Ne dites plus ces mots, ne dites plus ça…"

Son corps se mit à trembler si fort que ses mouvements devinrent incohérents. La simple mélodie le rendait complètement fou. Hisoka, abasourdi, cessa de chanter mais la machine avait été mise en route. La chanson restait gravée dans la mémoire du jeune homme blond, le terrassait comme un poison violent. Les élèves, autour de lui, commencèrent à le dévisager avec inquiétude. Des murmures s'élevèrent dans la classe.

"Kinoshita? Est-ce que…", commença le professeur.

BLAM!

Samuel se redressa si brusquement que sa chaise tomba sur le sol dans un grand fracas. Ses yeux mystérieux étaient complètement figés dans une terreur indicible. Il toisa les deux Shinigami avec toute la haine qu'il était capable de donner. Une aura de colère semblait l'envelopper et ce sentiment si noir fit chavirer le cœur d'Hisoka.

"TAISEZ-VOUS!" Hurla le métis, hors de lui. "NE DITES PLUS JAMAIS CES MOTS! JE NE VEUX PLUS JAMAIS LES ENTENDRE!"

Et sur ce cri transperçant, il bouscula son voisin de table et s'enfuit hors de la classe, laissant tous les élèves abasourdis.

"Samuel!" S'écria Hisoka, stupéfait.

Sans attendre l'autorisation de son partenaire, il se rua dehors, appelant l'élève perturbé. Tsuzuki, paniqué, fit volte-face et toisa les élèves avec fermeté.

"Himoda, surveille la classe!" Ordonna-t-il. "Je reviens!"

"Mais, professeur…"

Trop tard, la porte se referma sur l'homme aux yeux d'améthystes, plongeant les garçons dans une confusion trouble. Un brouhaha naquit dans la salle, sans se soucier de l'ordre du professeur. Au fond de la classe, un jeune homme eut un petit sourire mauvais qu'il décocha à Himoda. Ce dernier, très pâle tenta de détourner la tête mais la voix acerbe de Takatsuki bloqua son souffle au fond de lui.

"Comme eux, tu aimerais « le » rejoindre, n'est-ce pas, Himoda? Héhé…"

Personne à part le dénommé n'avait entendu cette remarque. Le jeune homme aux cheveux noirs crispa les poings, le regard fixé sur le bois de sa table.

Un secret était enfermé dans cet endroit… Et la douleur s'en résultant était la clé…

Since my love was forbidden… I wanted to die…
"Samuel!Samuel, reviens!"

Hisoka n'en pouvait plus. Samuel courait trop vite pour lui et son trajet vers le parc n'était pas des plus faciles à suivre. Heureusement, l'empathe parvenait à ressentir les sentiments du métis.

« Samuel, qu'est-ce qui s'est passé? »

Ce regard de terreur à l'entente des paroles de la chanson. Samuel était anglais par sa mère, il était donc naturel qu'il en connaisse la langue. Et le refrain, si triste, lui avait rappelé quelque chose qu'il tentait par tous les moyens d'oublier. Pour ce coup, Hisoka maudit son partenaire de l'avoir persuadé à chanter ça.

"Samuel! Samuel!"

Des traces de pas toutes récentes lui montrèrent que Samuel était allé hors du chemin de terre. Hisoka se faufila dans les buissons, essayant d'être discret. Cela était dur à cause des épines qui s'accrochaient à son pantalon. Il vit alors, appuyé contre le tronc d'un arbre, une silhouette qu'il connaissait. Une chevelure blonde ne lui laissa aucun doute sur la personne.

"Sa…"

Il se figea, s'apercevant que le jeune homme le fuirait encore s'il savait qu'on le suivait. Il demeura dans l'ombre des arbustes et des arbres alentours. Les épaules de Samuel tressautaient comme s'il était pris d'une quinte de toux mais les gémissements étouffés qui sortaient de sa bouche étaient la preuve qu'il pleurait, péniblement, tentant de ne pas se faire remarquer. Ses yeux vairons étaient brouillés par les larmes, son visage blanc contrastant avec son uniforme noir au col Mao. Ses mains, crispées contre l'arbre, l'aidaient à tenir debout car ses jambes montraient des sérieux signes de faiblesse.

"Pourquoi…?" Gémit-il, la voix lourde de tristesse. "Pourquoi faut-il que le destin me rappelle ton souvenir…? Takeshi… Pour… quoi? Argh!"

Soudain, Samuel fut plié en deux par la douleur, portant une main à sa gorge. Il se mit à trembler su fort qu'il s'écroula sur l'herbe qui fut couverte d'une tache rouge à l'odeur cuivrée que l'empathe reconnut aussitôt.

"Samuel!"

Le sang d'Hisoka ne fit qu'un tour. Sans réfléchir, il se précipita vers Samuel respirant avec difficulté, un sifflement qui n'avait rien de réconfortant. Ses pupilles étaient dilatées par la douleur et ses membres tremblaient. L'empathe porta sa main au front du métis. Il était brûlant de fièvre. De toute évidence, le choc émotionnel l'avait affaibli. Le jeune homme recracha de nouveau une giclée de sang, crispant une de ses mains sur sa gorge. Il gémit douloureusement.

"Ta… Takeshi…"

Hisoka commença à déboutonner la veste de Samuel.

« Il faut qu'il respire davantage… »

Il stoppa son geste, ses yeux écarquillés par l'horreur. Ce qu'il voyait était…

Une longue cicatrice était gravée sur la gorge du jeune homme blond, large comme le pouce, brillante et grossière. On pouvait encore voir la difficulté du chirurgien à recoudre la peau blanche de l'ancien choriste mais l'esquisse brutale, se séparant en plusieurs branches comme celles d'un arbre décharné laissait supposer à un carnage. On aurait presque dit que celui qui l'avait recousu n'était pas un médecin. Cela était tellement repoussant à voir, une disgrâce tellement cruelle pour cet ange aux ailes brisées.

"Samuel… Samuel, réveilles-toi!"

Le souffle du jeune homme était de plus en plus saccadé et sa bouche laissait perler du sang qui coulait en goutte rouge sur son menton et son cou saccagé. Hisoka sentit la panique le prendre. Avec difficulté, il hissa Samuel sur son dos, laissant le sang de ce dernier coula sur sa nuque.

« Samuel… Je sais… Je sais que tu n'aimerais pas mourir comme ça! Je le sais… Je peux comprendre ce qu'est de mourir dans la douleur la plus totale! »

FLASH!

Aah!

Une douleur acérée germa dans sa poitrine, si forte et si empoisonnée qu'il faillit s'écrouler. Le cœur battant, l'empathe tenta de se reprendre mais de nouveau, une vague de sentiments violents le reprit, l'attaqua sans aucune retenue.

FLASH!

Un baiser… Ici… Il ne voulait pas, c'était un amour interdit par Dieu…

« Il faut que tu partes, je… Je ne peux pas t'aimer! Il ne faut pas… »

FLASH!

Le corps et l'esprit de Samuel étaient trop près d'Hisoka pour qu'il puisse se protéger tout à fait. A chacune de ses émotions, l'empathe se sentit décliner. Sa vue se troubla et son corps partit en avant. Dans un sursaut de lucidité, il parvint à tomber sur un seul genou mais la présence de Samuel lui donnait envie de vomir. Tous ces sentiments… lui faisaient mal… Sa sensibilité spirituelle était trop forte, même ses barrières ne lui permettaient pas de lutter contre un éternel esprit, une âme s'étant réincarnée des centaines de fois.

FLASH!

Un corps, dans un lieu saint, s'était donné la mort… Ses poignets ouverts appelaient à la vie éternelle tandis qu'à la lumière du matin, brillait la lame qui avait eu raison de lui… Le sang, partout… La douleur, palpable à en mourir…

« Pourquoi…? Pourquoi es-tu mort? Je… Je ne voulais pas, pardonne-moi! C'est de ma faute! Je n'ai pas compris ton amour! Par pitié, pardonne-moi! »

FLASH!

La cruauté, la haine… Ils le tenaient, pouvaient en faire ce qu'ils voulaient… Dans cet endroit clos, gardé en secret, une âme avait chanté son requiem… Tandis que l'inconscience le prenait, le liquide de feu descendait jusque dans ses entrailles… Il n'était pas mort mais à quel prix avait-il eu la vie sauve?

« Je ne mourrai pas… Je ne mourrai pas car je sais que ton visage affichera à jamais cette haine de me savoir en vie… Rien que pour ça, je vivrai jusqu'à ce que tu meures par toi-même… »

FLASH!

Hisoka se sentit dérivé, le corps de Samuel sur son dos se faisant de plus en plus lourd. Lentement, le noir l'enveloppa et dans un murmure, il s'écroula sur l'herbe, ses yeux n'apercevant plus qu'une forme imprécise s'avançant vers lui. Deux taches vrillèrent son esprit et enfin le trou noir infini l'avala pour ne laisser de lui que ce corps inconscient.

« Ne meurs… pas… »


La chaleur, si présente… Une douceur qu'il comptait bien garder jusqu'à la fin. Quelque chose lui caressait les cheveux, un murmure incompréhensible le berçait. Voulant profiter de cet instant d'allégresse, il ne voulut en aucun cas ouvrir les yeux et se blottit contre ce corps qui l'enserrait avec attention. La douleur et les sentiments qu'il venait de ressentir avaient tout bonnement disparu, remplacés par cette chaleur spirituelle qu'il adorait.

"Hisoka… Hisoka…"

Cette voix… Lentement, sentant à travers ses paupières la lumière, le jeune homme tenta d'ouvrir ses yeux d'émeraude. Son regard encore un peu trouble tomba sur le seul visage qu'il avait envie de voir. Deux améthystes le fixaient avec inquiétude et attention.

"Hisoka… Est-ce que ça va…?"

"Tsu… Tsuzuki…"

Le Shinigami de presque un siècle soupira de soulagement. Il caressa de nouveau la tête de son partenaire reposant sur ses cuisses, lui-même assis sur le lit qu'ils partageaient dans cet étage abandonné. La lumière encore trop violente pour les yeux de l'empathe obligea se dernier à se blottir davantage dans les bras de Tsuzuki.

"Qu'est-ce… Qu'est-ce qui s'est passé?"

Tsuzuki le contempla avec douceur et s'offrit le privilège de l'embrasser sur le front avant de répondre.

"Je t'ai retrouvé hors du chemin du parc, Samuel sur ton dos. Tu étais évanoui alors j'ai appelé quelques personnes pour qu'ils puissent emmener Samuel à l'infirmerie. Quant à toi, je t'ai porté jusqu'ici pour que tu puisses te reposer le temps que tes barrières se reforment bien."

"Ah…"

Il se souvenait maintenant. La force spirituelle de Samuel avait été trop forte et trop proche de lui pour que son bouclier psychique puisse se mettre en place et le protéger des émotions du métis. Tout ce qu'il avait ressenti était d'une douleur incroyable, une mélancolie gardée depuis plus d'un an. Les sentiment douloureux n'étaient pas agréables à ressentir mais les plus anciens étaient certainement les pires. Car on remâchait ces émotions, on les éprouvait sans cesse, jusqu'à ce qu'elles deviennent si noire que les sentir devenait un réel supplice.

"Tu te sens mieux?" Fit Tsuzuki, une lueur d'inquiétude dans ses prunelles magnifiques.

"Oui, je crois…"

Mais au lieu de se redresser, Hisoka resta contre son partenaire. Les images qu'il avait vu dans le cœur de Samuel étaient certainement les causes de son agression. Une piste qu'ils devaient poursuivre. De son côté, Tsuzuki dut se résoudre à se lever, au grand dam de son partenaire qui dans un grognement fit de même. Il avait encore mal au cœur mais sa nausée était passée. Tsuzuki, encore un peu inquiet, lui proposa un verre d'eau qu'il but d'une traite avant de se rallonger sur le lit, occupant toute la place libre. Il profita tout de même de l'espace chaud qu'avait laissé Tsuzuki.

Le Shinigami aux yeux d'améthystes eut un pauvre sourire. Hisoka semblait si fatigué… Mais leur mission n'était pas le moins du monde terminée.

"Hisoka?"

"Hum?"

Une main tendue pour l'aider à se relever, et un regard des plus tendres qu'il pouvait espérer.

"On y va?"

Sourire auquel il répondit, l'ombre de son cœur ayant disparu par ce sentiment qu'il avait appris à connaître et à aimer.

"Oui. Allons voir cet éternel esprit…"


"Alors, t'es content d'être chouchouté par le nouveau prof?"

Stupéfait, Tsuzuki suspendit son geste d'ouvrir la porte de l'infirmerie. Hisoka, à ses côtés, écoutait cette voix qu'il n'avait pas aimé dès la première fois qu'il l'avait entendue. Le Shinigami aux yeux d'améthystes entrouvrit légèrement la porte, sans bruit.

Debout, les mains dans les poches, Mitsuru Takatsuki toisait Samuel avec une sournoiserie à peine voilée. Le jeune homme blond, allongé dans les draps blancs qui ne faisaient que ressortir la blancheur de sa peau, le regardait avec cette façade de haine qu'il avait montré en classe. Mais il ne disait pas un mot, ses yeux vairons fixes et durs. Un duel sans fin.

Takatsuki eut un reniflement dédaigneux.

"Tu te la joues, Kinoshita… Même après ce qui s'est passé, tu te la joues comme si t'étais le maître du monde. Non mais tu crois quoi? Qu'on va se plier en quatre pour toi?"

"Je n'ai jamais voulu ça, Takatsuki", répondit Samuel d'une voix tremblante de rage. "Je n'ai jamais voulu jouer les mecs supérieurs. Si t'as quelque chose à me reprocher, viens me le dire lorsque je suis en pleine possession de mes moyens, pas maintenant."

"Tiens donc, t'aurais la frousse?" Railla l'élève méprisant. "T'es un mec faible que quand ça t'arrange, mais au fond, t'es rien qu'un minable comme les autres."

"Comme toi", souffla le métis, impassible.

Le visage de Takatsuki se tordit dans un rictus de colère. Ses poings se serrèrent si fort que ses articulations blanchirent..

"Ferme-la! T'as rien à dire après ce que t'as osé faire à Takeshi!"

Samuel tressaillit. Il déglutit sa salive difficilement, comme si c'était une chose pratiquement impossible à faire.

"Qu'est-ce que…"

"Tu sais très bien de ce que je veux parler!" Aboya Takatsuki. "Jamais… Jamais je n'oublierai le jour où on a retrouvé le corps de Takeshi dans l'église, baignant dans son sang! Tu le sais, tu sais que c'est à cause de toi!"

Il pointa un doigt accusateur sur Samuel qui blêmit.

"C'est à cause de toi si Takeshi s'est suicidé! Tu es l'unique responsable de sa mort!"

"Takatsuki, ça suffit!"

Tsuzuki en avait plus que entendu et, furieux d'une telle accusation, ouvrit brutalement la porte, les yeux fulminants de colère. A ses côtés, Hisoka toisait Takatsuki avec la même froideur, le même regard dédaigneux et distant. Samuel, surpris, se redressa brusquement, fixant les deux hommes avec intensité.

Takatsuki émit un petit rire supérieur.

"Professeur, vous êtes venus vous aussi."

"Retourne voir les autres", ordonna Tsuzuki d'une voix ferme mais furieuse. "Je ne veux plus qu'on vienne ainsi sans ma permission."

Takatsuki haussa les épaules, désinvolte.

"J'étais simplement venu lui dire « bonjour ». Entre camarades de classe, vous devez comprendre, professeur."

Samuel, dans un geste discret, crispa ses mains sur les draps blancs, baissant ses yeux vairons vers le sol.

"Sors d'ici", fit Tsuzuki, implacable. "Je m'occupe de Samuel."

"Très bien, professeur…"

Takatsuki eut de nouveau ce petit rire hautain avant de reprendre ses affaires et de s'apprêter à partir. Lorsqu'il passa devant Hisoka, ce dernier, à la grande surprise du garçon, lui prit le poignet, le fixant droit dans les yeux.

FLASH!

L'empathe analysa le sentiment qu'il venait de ressentir par le contact de Takatsuki. Cette vague émotionnelle… Il s'en doutait depuis un bout de temps mais là, il avait la preuve qu'il cherchait.

« Je vois… Je comprends mieux à présent… »

Dans un grognement, Takatsuki se dégagea de la pression d'Hisoka, lui lançant au passage un regard noir avant de sortir de l'infirmerie d'un pas lourd et pressé. La pièce fut de nouveau plongée dans un silence tendu, pesant. Tsuzuki s'assit sur le lit, près de Samuel qui instinctivement se recula, le fixant avec un air effrayé. Hisoka, quant à lui, s'assit sur une chaise près de son partenaire. Le jeune homme blond eut un soupir.

"Qu'est-ce que vous voulez? Je suis fatigué, je n'ai pas envie de répondre à vos questions."

"Il va bien falloir, n'est-ce pas?" Rétorqua Tsuzuki dans un ton aimable." Samuel, ce qui s'est passé en classe n'est pas ce qu'on peut appeler une « réaction normale » en entendant le chant sur lequel nous devions travailler. Ce sont les paroles qui t'ont rendu aussi nerveux, je me trompe?"

Samuel baissa la tête, refusant obstinément de croiser son regard dans les yeux améthystes de son professeur. Son œil ambré, de profil, eut une lueur étrange.

"Les mots… Les mots que vous chantiez… Me faisaient trop mal à entendre", répondit l'ancien choriste d'une voix lourde." Ils ne faisaient que rappeler l'atrocité de mon acte, ma lâcheté… Oui, j'ai été lâche, j'ai fui et… à cause de moi…"

Tsuzuki, discrètement, se rapprocha de Samuel, comme pour lui donner une raison de ne pas se méfier de lui.

"Est-ce que cela a un rapport avec ce Takeshi Shiroku qui s'est suicidé l'année dernière?"

Samuel tressaillit, ses yeux s'écarquillèrent. Ses mains se mirent à trembler, tout comme ses lèvres prêtes à délier la vérité qui avait pesé en lui depuis un an. Il jeta un regard aux deux Shinigami qui le fixaient avec une sincérité désarmante.

"Nous ne sommes pas tes ennemis", fit Hisoka. "En aucun cas, nous ne sommes là pour rapporter tes faits et gestes au directeur ou à n'importe qui d'autre."

Samuel regarda tour à tour Hisoka puis Tsuzuki qui hocha la tête, confiant. Puis, il se mordit la lèvre, les yeux de nouveau baissés sur la blancheur de ses draps, en parfaite harmonie avec sa peau pâle et le bandage qu'il portait à la gorge.

"Je… Je connaissais bien Takeshi", commença-t-il d'une petite voix. "Il avait beau être dans la bande de Takatsuki, il passait beaucoup de temps avec moi en dehors des cours. Bien qu'il n'était pas attiré pour le chant, il venait me voir pendant toutes les répétitions, m'attendait à chaque fois que je devais m'entraîner. Il était tellement sympa, je l'adorais. Il était vraiment le seul ami qui comptait réellement pour moi. Et puis, un jour, je me suis rendu compte… qu'il ne me regardait plus comme d'habitude. Il changeait d'attitude à mon égard… Ses yeux me fixaient… Je comprenais ce regard, que j'avais à la fois voulu et redouté. Mais j'avais peur, peur de ce changement en nous… Je voulais l'éviter, j'avais peur. J'étais si lâche, un vrai fuyard… Et puis…"

Il s'arrêta, et machinalement, porta une main à ses lèvres, ses joues pâles se colorant de gêne. Il hésita un court hésitant et reprit alors, le moment le plus vivace dans son esprit.


"Samuel? "

Le jeune garçon, curieusement, sentit son cœur battre à vive allure. C'était lui, il le reconnaissait. Faisant mine de remettre son cahier correctement dans son sac, il essaya de ne pas faire attention à la présence de son ami.

"Samuel, il faut que je te parles."

Le dénommé se retourna. Un jeune homme d'environ dix-sept ans se tenait face à lui, le fixant de ce regard sombre et envoûtant qui avait fait craqué un nombre incroyable de filles; ses cheveux en bataille tombant en mèches désordonnés devant ses yeux. Son visage avait la finesse de celui d'un ange tombé.

"Takeshi? Mais…"

"Je dois te parler, c'est important…"

Et Samuel le suivit, hors du bâtiment, hors du chemin du parc. La peur et l'anxiété s'entrechoquaient en lui, comme des bouts de verre brûlants. Le métis se retrouva devant son ami, appuyé contre un arbre. Le temps se couvrait, le vent se faisait glacial. Samuel frissonna.

"Qu'est-ce que tu voulais me dire, Takeshi?"

"Pourquoi tu m'évites?" Fit ce dernier d'une voix lourde.

Les joues de Samuel s'empourprèrent.

"Non, non, je ne t'évites pas… Mais enfin qu'est-ce que tu racontes?"

"Arrêtes un peu de nier. Ca fait deux semaines qui tu finis en avance, pour ne pas me croiser dans les couloirs. Tu répètes à part maintenant. Tu es devenu distant, Samuel. Tu peux pas dire le contraire."

Honteux, le jeune homme blond baissa la tête. La brise dessinait des esquisses gracieuses sur l'herbe à ses pieds. Takeshi s'approcha de lui, si près qu'il en fut troublé.

"Tu as peur de moi?"

"Non… Je n'ai pas peur…"

"Alors, pourquoi tu trembles?"

De nouveau, Samuel détourna le regard mais une main le prit par le menton et le força à regarder les yeux ténébreux de Takeshi. Le cœur du métis se remit à battre frénétiquement, une mélodie incessante et insupportable.

"Je ne veux pas que tu m'évites", chuchota Takeshi. "Je veux que tu restes près de moi, c'est tout… S'il te plaît, ne t'éloignes pas de moi…"

"Ta… Take…"

Il fut réduit au silence par deux lèvres douces se posant sur les siennes, lui donnant ainsi son premier baiser. Une foule de sensations naquit dans le cœur de Samuel qui faillit s'effondrer sous le choc. Ses yeux écarquillés se refermèrent et la douce torture dont il était l'objet continua avec toujours autant de douceur. Il se laissa bercer par cette chaleur, ces mains posées sur ses joues, cette bouche sur la sienne.

Puis soudain, la terreur, angoissante, reprit le dessus. Un bruit dans les buissons lui rappela avec horreur que ce n'était pas un lieu où cette tendresse pouvait être montrée.

PAF!

"Arrêtes ça!"

Samuel se dégagea de l'étreinte amoureuse de son ami qui surpris, n'eut pas le temps de répliquer. Le cœur battant à tout l'allure, le métis recula, blême.

"Je… Je ne peux t'aimer! C'est un… C'est un amour interdit! Il ne faut pas…"

"Samuel… Je… Je t'aime"…

Le jeune choriste se figea à cette déclaration. Le jeune homme devant lui, le regard empli de douceur et de sincérité, venait de lui avouer son amour. Son ami, celui qui comptait le plus pour lui… Etait amoureux de lui…

"Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi", continua Takeshi d'une voix tremblante d'émotion. "Mais je t'aime… Et ce depuis longtemps… Je tiens tellement à toi, je serai capable de tout pour toi. Tu es ma vie, Samuel…"

"Takeshi…"

Une goutte d'eau tomba sur la joue de Samuel. Puis une autre et encore une autre. Une cascade d'eau se mit à être recrachée par le ciel, semblable à des larmes amères qui ne demandaient qu'à être présentes dans le cœur des gens. Les nuages, peu à peu, se noircirent, comme injectés d'encre. Samuel fixa son ami avec terreur.

"Non, non, Takeshi! Je… Je ne peux pas t'aimer! Je ne peux pas aimer un homme! Il faut que tu… Il faut que tu t'en ailles! Que tu partes!"

Le visage de Takeshi se décomposa sous le choc. La pluie, de plus en plus violente et froide, se mêlait à ses larmes acides de tristesse. Un pauvre sourire, sombre comme le ciel et ses yeux, naquit sur ses lèvres qui avaient touché celles du métis.

"Tu ne veux pas de moi? Tu veux… que je m'en aille? S'il le faut, je partirai… Je ne veux pas te souiller, tu m'es trop précieux pour que je puisse poser mes mains impures sur ta personne. Mais je te le répète une dernière fois, Samuel: je t'aime…"

Et sur ces mots, il fit volte-face et s'enfuit sous l'averse, laissant un jeune homme blond en proie à ses peurs. Son œil bleu eut le reflet de la mélancolie éternelle et son œil ambré la lueur immortelle de la tristesse. Et, dans un gémissement, il tomba à genoux sur la terre humide, ses larmes, telle la pluie, tombant sur ses joues pâles et sa bouche qui avait été caressé par l'être qu'il avait rejeté malgré ses sentiments.


Une goutte d'eau tomba sur la main du jeune homme, suivie d'une autre et encore une autre. Son regard fut brouillé par les perles salées et dans un gémissement, il laissa déverser toutes les larmes qu'il avait gardées en lui depuis un an.

"J… J'avais si peur", hoqueta-t-il dans un sanglot. "J'avais si peur de mes sentiments à son égard. Peur que l'on soit au courant. Il m'avait offert son amour et moi, je le repoussais alors que j'éprouvais la même chose pour lui… J'ai été lâche, j'ai pensé au « qu'en dira-t-on » et je ne me suis pas soucié de ce Takeshi ressentait… Un égoïste, un sale égoïste…"

Il se tut, sa respiration saccadée par les larmes et la douleur de dévoiler cette épine enfoncée profondément dans son cœur.

"Et quelques jours plus tard, il est « parti »", reprit Samuel, pleurant de plus en plus. "Il a fait comme je l'avais voulu, il s'en est allé dans un endroit où je ne pouvais le rejoindre… Ce matin-là, quand je l'ai vu, allongé sur l'estrade, baignant dans son sang, son couteau à la main, j'ai tout compris de son geste… J'ai tout compris… trop tard… C'était à cause de moi s'il s'était suicidé. Mais… je l'aimais… Je me suis rendu compte trop longtemps après que je l'aimais vraiment, de tout mon cœur… Je… Je l'ai donc tué…"

Il ne put finir sa phrase car deux bras l'enserrèrent avec douceur. Ébahi, Samuel se rendit compte que son professeur venait de le prendre dans ses bras, le berçant comme une tout petit enfant. Tsuzuki le regarda avec compassion.

"Tu as souffert de tout cela, Samuel… Nous ne sommes pas tes ennemis, nous sommes là pour t'aider… Et nous parviendrons à te refaire chanter, pour que ta voix se fasse entendre de Takeshi…"

"Pro… Professeur…"

Les yeux vairons de l'ancien choriste croisèrent le regard émeraude d'Hisoka qui lui fit un signe de la tête. A ce geste, Samuel sentit son cœur se déchirer et ses yeux de nouveau, furent brouillés par de nouvelles larmes. Mais cette fois, cette eau ne lui était pas douloureuse. Une douceur se mit à naître en lui, le soulagement d'un poids qu'on lui extirpait de l'âme. Il se reposa contre son professeur et ses lèvres étirèrent alors le sourire le plus rayonnant que les deux Shinigami lui avaient vu.

"Professeur… Quand commencent les répétitions?"


Le jeune homme marchait d'un pas vif dans le couloir vide. La colère battait un tambour frénétique dans sa tête et ses yeux, troublés par la rage, ne revoyaient que cette scène dont il avait été l'objet. Dire qu'il y avait un an, cette autre image avait été restée encrée en lui, un tampon indélébile gravé dans sa rétine.

"Alors, Himoda? On fait les cœurs solitaires?"

Le jeune homme se figea. Puis, furieux, il fit volte-face pour voir son camarade de classe, les mains dans les poches, désinvolte et charmeur. Un véritable serpent.

"Qu'est-ce que tu me veux, Takatsuki?"

"Oh, pas grand-chose. Je suis venu m'assurer que tu étais bien allé « le » voir à l'infirmerie. Tu devais être terriblement inquiet, non? C'est étrange de ta part, après ce que tu lui as fait."

Himoda devint très pâle. Ses lèvres se serrèrent, décidé à ne pas laisser jaillir des insultes cinglantes.

"Ce n'est pas moi", siffla-t-il, furieux." Ce n'est pas moi… qui aies mis la gorge de Kinoshita dans cet état!"

"Ah bon?" Répondit Takatsuki, un mince sourire hautain aux lèvres." Dois-je te rappeler ce que tu as fait? Tu sais bien… Allons…"

Himoda détourna le regard, les poings serrés. Takatsuki passa près de lui et lorsqu'ils se croisèrent, sa bouche murmura à l'oreille de son camarade.

"Je dois donc te remercier une nouvelle fois, n'est-ce pas?"

Himoda tressaillit mais lorsqu'il résolut enfin à se retourner, Takatsuki était déjà bien loin dans le couloir, son rire méprisant résonnant encore comme une malédiction. Le jeune homme, dans la pénombre du crépuscule, sentit de nouveau ce sentiment lui serrer le cœur.

Cette même émotion qui par deux fois… avait mené une âme à la détresse…

A suivre…