Sing and Die
Par Tsubaki Hime
Hello à tous! The dernier of dernier… Le tout dernier chapitre de Sing and Die, ah, ça m'a paru court… Mais tant pis, je pouvais m'étaler sur un sujet pareil, non mais ! J'étais très impatiente d'arriver à cette partie mais je reste sceptique concernant sa qualité. La quantité, ben, j'ai fait deux ou trois pages de plus qu'un chapitre normal mais je ne pense pas que ce soit très fameux, sorry. Lors d'un passage, Samuel chantera une chanson que les fans de l'anime Yami no Matsuei doivent connaître. Elle n'a rien à voir avec l'état d'esprit de Samuel, je trouve juste l'air joli. Alors, quel est le nom de cette chanson (vous devez tous le savoir de toute façon, na) ?Je vous laisse sur ce chapitre en espérant qu'il vous plaise.
Blood Kiss, Tsubaki Himé
Chapitre V
Chant Immortel d'un Paradis Perdu
Mon cœur souffre… Et ma gorge me fait mal…
Cette impression de vide en moi… Est-ce ainsi que je vais mourir ?
"Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te tordre le cou quand je te reverrais, Tsuzuki", fit la voix bourrue de Konoé, anormalement calme de menace." Une seule bonne raison de ne pas te priver de prime pour les dix prochains siècles à venir."
"Patron, mais c'est pas faute!" Gémit le Shinigami, se recevant un soupir blasé de son partenaire qui se demandait bien où pouvaient être les aspirines pour calmer ce mal de tête grandissant, causé par cet abruti de fonctionnaire. "Laissez-nous encore un petit de temps, s'il vous plaît!"
"…"
"Patron?"
Il fallait s'y attendre. Hisoka, bien qu'installé à plus de dix mètres du téléphone, entendit parfaitement toute l'injure monumentale de son chef. Ce fut si rapide et inattendu que Tsuzuki sursauta avant de s'écrouler sur le sol dans un grand bruit.
"JE VEUX PAS LE SAVOIR, IMBECILE! JE RISQUE DE PERDRE MON POSTE A CAUSE DE TES ÂNERIES ET ENCORE, JE RESTE POLI!"
"Patronnnn", geignit Tsuzuki, prenant sa voix la plus lamentable." Encore un jour à attendre, juste un petit, petit jour avant que l'âme de cet éternel esprit ne vienne à Meifu… Pa…"
"Un jour, un jour… On voit bien que ce n'est pas toi qui est harcelé par ces rabats-joie administratifs! C'est le dernier délai, Tsuzuki! Le dernier, tu entends? Cela fait trop longtemps que ce garçon est en vie. Enfin, grâce au Comte qui a pu passé au travers des ondes de cette âme, sa mort sera prévue pour demain soir, que tu le veuilles ou non!"
Tsuzuki se figea à cette phrase. Est-ce que son patron venait de comprendre qu'il faisait tout pour retarder le moment où Samuel mourrait? A cette simple pensée, son regard se fit plus sombre et une boule se forma au fond de sa gorge. La voix de Konoé, un peu plus calme, le ramena à la réalité.
"Écoute, Tsuzuki… Je sais bien que cela te rappelle de mauvais souvenirs, cette histoire mais…"
"Non, non, patron", l'interrompit le Shinigami d'une voix lourde de colère. "Vous ne pouvez pas savoir, vous ne pouvez pas comprendre. Et depuis ce « jour », vous n'avez plus rien à comprendre ou à savoir de moi. Au revoir."
"Tsu…"
Mais les dernières paroles du chef du Service se turent dans le raccrochement de téléphone de Tsuzuki qui, les yeux brûlants, pressa sa main contre le mur, tentant de chasser les pensées noires qui le tourmentaient.
"Tsuzuki, ça va?"
La voix de son partenaire le fit se retourner. Hisoka, bien qu'il eût le visage impassible, avait cette lueur d'inquiétude dans les yeux qu'il n'aimait pas voir. Pour le rassurer, son partenaire le caressa dans le cou mais rien n'y fit. L'étincelle ne voulait pas s'effacer de ce regard émeraude. Tsuzuki soupira, s'avouant vaincu. Il ne pouvait pas gagner à ce jeu. Hisoka était bien trop fort.
"Tsuzuki… Qu'est-ce que tu as?" Demanda l'empathe d'une voix qui se voulait sans réplique.
Le dénommé eut un pauvre sourire et pour ne pas répondre embrassa l'adolescent dans un baiser léger. Cédant à cette passion si douce, Hisoka répondit à cette tendresse en liant ses bras autour du cou de son partenaire. Mais bientôt, il décrocha ses lèvres de celles de Tsuzuki, plongeant son regard dans le sien.
"Tous les sentiments qui sont en toi en ce moment… Me font souffrir, Tsuzuki… S'il te plaît, ne me cache pas ça."
Tsuzuki serra davantage le corps mince de l'empathe contre lui, l'embrassant de plus en plus tendrement dans la nuque. Aux petits frissons qui le parcouraient, il sut qu'Hisoka ne résistait pas longtemps à ces caresses. Tout en posant ses lèvres sur cette peau soyeuse, Tsuzuki sourit de nouveau.
"Tant que tu seras prêt de moi, Hisoka, je serai incapable de souffrir", répondit-il doucement.
"Tsu…"
Deux lèvres sur les siennes, le réduisant au silence. Ne pouvant lutter contre cette délicieuse torture, Hisoka savoura ce baiser avant que Tsuzuki ne reprenne la parole.
"Je t'aime", déclara-t-il sur le même ton que ce jour de pluie, lors qu'ils s'étaient avoués leurs sentiments.
Un mince sourire se dessina sur les lèvres effilées de l'adolescent qui se blottit dans les bras de son petit ami. En ce moment, plus rien ne comptait pour lui que cette sensation de protection absolue, le sentiment d'être aimé avec tant de tendresse. Dans une totale confiance, l'empathe baissa ses barrières psychiques pour ressentir les passions amoureuses de son partenaire. Apaisé, il se redressa pour effleurer les lèvres de Tsuzuki, murmurant contre sa peau, d'une voix tremblante.
"Moi aussi, je t'aime, Tsuzuki."
Et cette phrase, si pure, fit s'envoler les démons du Shinigami aux yeux d'améthystes pour un temps, une minuscule parcelle d'éternité. Ils allaient revenir et le hanter , encore et toujours, mais pour l'instant, juste lui importait cette petite âme qui avait une totale confiance en lui, et un amour si profond qu'il ne méritait pas. Et, cachant cette impression de culpabilité, il embrassa son petit ami, ne se privant plus de lui murmurer des mots tendres, caressant sa peau et autres choses encore qui les enfermèrent dans une bulle rien qu'à eux, le temps de partager un peu de bonheur.
"Professeur? "
Le silence. Rien que la brise frappant contre la vitre lui répondit. Surpris, le jeune homme regarda sa montre. Il était en avance, il aurait dû s'en douter. Mais la représentation était pour demain et pourtant, il n'avait toujours pas la moindre impression d'avoir réussi à chanter de nouveau. Il demeurait au même stade, lire des partitions sans hausser le ton, sans murmurer un doux refrain. Au fond, à quoi cela servait?
Il s'assit pesamment au bureau, regardant d'un œil vague les objets autour de lui. Il allait se relever et revenir un peu plus tard lorsque son attention se posa sur un épais dossier mis en évidence près de la commode. Il se leva et, debout devant le meuble, il hésita. Devait-il satisfaire sa curiosité ou bien attendre les deux hommes venus l'aider? Après quelques minutes de réflexion, il n'y tint plus et prit le dossier entre ses mains tremblantes. Une boule dans la gorge, il l'ouvrit à la première page.
Il écarquilla les yeux, abasourdi.
Il y avait une photo de lui, et des dizaines de descriptions à son égard. Ils étaient très renseignés sur lui. Beaucoup trop. Ne comprenant pas le moins du monde ce qui était sur ces lignes, il feuilleta le dossier jusqu'à tomber une page colorée différemment des autres. De plus en plus curieux, il s'y arrêta et la parcourut du regard.
Mais, peu à peu, ses mains se mirent à trembler, de plus en plus fort. Son visage se crispa et la colère, lentement, monta en lui. Ce qu'il lisait… Ce n'était pas possible… Son cœur se brisa comme du verre et ses yeux, brûlants, le forcèrent à détourner le regard.
"Les sales…"
"Kinoshita? Tu es en avance?"
La porte derrière le métis grinça dans un bruit passablement agaçant. Et cette voix, qu'il ne pouvait plus supporter… Il n'en pouvait plus… La fureur battait en lui comme un tambour de guerre…
"Kinoshita? Il y a quelque chose qui ne va pas?"
"LA FERME!"
SCHLING!
Ce qui passa fut si rapide que les deux Shinigami ne purent le prévoir. Dans un geste brusque, Samuel attrapa un vase près de lui et le balança sur Hisoka. Mais Tsuzuki, plus vif de ses mouvements, tendit le bras et l'objet éclata contre sa main, l'entaillant de part et d'autre dans un fracas sonore. Les débris tombèrent sur le sol en même temps que le sang, jaillissant de ses plaies où étaient incrustés des morceaux de vase. La douleur, bien que faible, ne put s'empêcher de lui tirailler la peau et il grimaça, plus de colère envers le jeune homme que pour la blessure en elle-même.
"Tsuzuki!" S'écria Hisoka, abasourdi par le geste de Samuel, qui le visage crispé par la haine, les tuait du regard.
Mais il était déjà trop tard pour masquer. La régénération débuta sur la chair de Tsuzuki qui se recousit très rapidement, ramenant les gouttes de sang éparses dans les veines. En même pas une minute, il ne restait pas une cicatrice de la blessure. Le visage grave, Tsuzuki releva la tête vers Samuel qui tenait le dossier dans ses mains crispées.
"Ne m'approchez pas, sales menteurs!" cracha le métis, fou de rage. "Depuis le début, depuis la première fois, vous m'avez joué la comédie!"
"Sa…", commença Hisoka, ne comprenant pas.
"Taisez-vous!" Cria Samuel. "Je ne veux plus vous écouter! Qui… Qui êtes-vous réellement…? Vous… Vous n'êtes pas humains, je le sais très bien! Sinon, comment cette blessure aurait-elle pu disparaître aussi vite? Sales menteurs, hypocrites! Tout ce que vous voulez, c'est ma vie! Vous êtes venus me tuer, en vous approchant de moi pour que je ne me méfie pas!"
Des larmes amères perlant à ses yeux vairons. Blessé, il considéra avec une rage froide les deux Shinigami silencieux, ne cherchant pas à se défendre. Mais, en voyant le regard sans angoisse de son partenaire, Hisoka comprit que ce dernier avait fait exprès de laisser traîner le dossier. C'était si simple qu'il demeura bouche bée de cette stupidité. Le métis, écœuré, leur jeta le dossier sur le sol dont les feuilles se dispersèrent dans un souffle dans divers endroits de la pièce.
"Je… Je vous avais fait confiance", s'exclama Samuel, profondément déçu et dépité. "Je pensais vraiment que vous alliez m'aider mais en fait… J'ai été stupide de vous croire! Je vous déteste!"
Tsuzuki encaissa toutes les insultes, ne laissant voir aucun de ses sentiments filtrer sur son visage. Lorsqu'il sentit que Samuel avait le cœur trop brisé pour continuer, il eut un soupir.
"En effet, je ne suis pas un professeur de chant", avoua-t-il d'une voix profonde. "Et Hisoka Kurosaki n'est pas mon assistant. Nous ne sommes pas humains, comme tu as pu le remarquer."
"Nous sommes des Shinigami", ajouta Hisoka d'un ton froid.
Samuel écarquilla les yeux.
"Des Shinigami?" Répéta-t-il, bouleversé.
"Il existe des âmes qui malgré un taux de réincarnations anormalement élevé, continuent à refaire surface sur Terre. Et, au fur et à mesure de leurs morts, le plus souvent violentes et brutales, elles connaissent exactement le moment où elles disparaîtront. Ce sont des cas exceptionnels, des éternels esprits car leur force spirituelle dépasse celle des autres âmes. Samuel, tu es un éternel esprit. Et malgré la date prévue de ta mort, ton âme a réussi à brouiller l'administration de l'Au-Delà, ce qui fait que tu es toujours en vie alors que tu aurais mourir il y a un an, lors de ton opération."
Hisoka ramassa la feuille d'identité de Samuel, désignant toutes les informations qu'ils avaient eu de la main.
"Notre travail consiste à ramener ce genre d'âmes à Meifu et les faire juger, ainsi que d'expliquer ce dysfonctionnement dans les durées de vie", fit-il d'une voix posée. "En clair, on tue des gens pour le maintien de l'administration du Juo-Cho."
Samuel était tétanisé. Ses yeux vairons fixaient les deux Shinigami en face de lui, brûlants d'incompréhension et de panique sourde.
"Mais… si vous deviez me tuer… Pourquoi ne l'avez-vous pas fait dès le début! Hein? C'est encore pire de se jouer des gens que vous devez ramener là-bas, que de les tuer aussitôt! Vous êtes vraiment des assassins!"
A cette insulte bien que parfaitement vraie, Tsuzuki eut un pauvre sourire et son regard d'améthystes s'assombrit de plusieurs tons. Il passa une main dans ses cheveux brun foncé, regardant d'un œil vague le rossignol qui s'agitait sans bruits dans la cage posée en hauteur. Lorsqu'il parla, sa voix fut plus douce que du velours, mais en même temps si triste qu'elle cisaillait le cœur du métis et de l'empathe près de lui.
"C'est vrai, nous aurions dû te ramener le plus tôt possible mais pourtant, nous ne l'avons pas fait, bien que nous allons être fortement réprimandés par nos supérieurs. Tu aurais dû mourir l'année dernière mais, la période suivant ta fausse mort, me semble bien douloureuse. Tu as vécu un an de peine et de souffrance et ce à cause de ton âme qui ne désirait pas mourir. Alors, quand je me suis aperçu que tu nous avais confié les derniers grammes de ton espoir, c'était déjà trop tard…"
Samuel tressaillit devant ces propos. Ses mains, crispées sur sa gorge, se mirent à trembler. Pourquoi son cœur se serrait-il autant? Il ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre. Silencieux, ses yeux devenus si chauds qu'il en souffrait, il ne put dire aucun mot, ne pouvant s'empêcher d'écouter cette voix qu'il avait voulu croire.
"Oui, tu nous as fait confiance pour que nous t'aidions à rechanter, même une seule fois… Et te voir redevenir si vivant me fait souffrir", continua Tsuzuki en s'approchant de la cage du rossignol, laissant son doigt entre les barreaux de la cage se faire picoter gentiment par l'oiseau à jamais muet. "Tu as eu le courage de vivre malgré tout ce qui t'était arrivé et nous, nous devons te tuer, tout cela parce que ça risque de causer un très grand chamboulement administratif du Juo-Cho. C'est pour cela… à cause d'une raison égoïste, que nous devons t'aider, Samuel… Tu chanteras de nouveau, je le sais, comme tu dois le savoir toi aussi…"
Le jeune homme blond se sentit suffocant. Ses yeux lui brûlaient si fort qu'il les ferma, son corps ne cessant plus de trembler. Son cœur… Sa gorge… Tout cela lui faisait tellement mal… Mais en même temps tellement de bien… Cette voix, qu'il avait cru, et que malgré lui il ne pouvait s'empêcher de croire encore…
"Pourquoi…? Pourquoi… faites-vous ça pour moi?" Murmura-t-il d'une respiration saccadée." Alors que je devrais mourir… Pourquoi m'aidez-vous?"
Les yeux d'émeraude d'Hisoka percèrent à travers ses paupières closes. Et un mince sourire qu'il ne vit pas se dessina sur les lèvres de l'empathe.
"Parce que nous ne sommes pas tes ennemis, Samuel…"
Des perles brillantes glissèrent des yeux du métis, lourdes d'un poids qu'il n'avait jamais pensé aussi gros. La vue brouillée par les larmes, il se laissa tomber à genoux sur le sol, le corps tout tremblant de frissons à la fois glacials et brûlants.
« Mon cœur… Ma gorge… Je n'ai plus mal… »
Il ouvrit la bouche, hésitant… Toute cette chaleur qui gonflait en lui, toute cette sérénité qui l'apaisait au fond de lui, opérait doucement jusqu'au plus profond de son être. Et cet écho qui résonnait dans sa tête, cette sensation qu'il avait perdu un an plus tôt, ressurgit, comme s'il s'agissait d'une clé refermant une porte lourde de secrets douloureux.
Since my love was forbidden… I wanted to die…Il ne s'entendait pas, ne voulait pas s'entendre… Honteux, se dévoilant entièrement, il reprit, d'une voix suffocante, ces paroles qui avaient pesé en lui. Encore et encore, le chant de la délivrance intérieure…
Even if you're in your heaven… I wanted to cry…"Samuel…", chuchota Tsuzuki, bouleversé.
Ce n'était plus la voix qu'il connaissait du jeune homme, ce n'était pas cette résonance auquel il était habitué. Ce qu'il entendait dépassait tout ce qu'il avait pu imaginé… Ce n'était même plus du chant, mais du cristal à l'état pur, le cantique d'une âme libérée. Une telle mélodie, vibrante, douloureuse, qui vous prenait au cœur, vous faisait oublier toutes les pensées qui occupaient inutilement votre esprit. L'impression de ne plus être présent en ce lieu, de n'exister qu'à travers cette voix de verre, cette modulation d'ange… Et Samuel continuait, continuait encore, pleurant en même temps, répétant ces mots qui par sa voix prenaient tout leur sens…
Le cœur lourd, l'esprit vacillant, Tsuzuki, dans un murmure à peine audible, s'agenouilla près du jeune garçon qui les yeux étincelants de mille larmes, chantait pour lui, pour ces hommes, et pour cet amour déchirant. Et, l'âme dévorée par toutes ses émotions apparues grâce à ce diamant, il le prit dans ses bras, le serrant jusqu'à l'en étouffer. Le jeune homme, les perles ne cessant de couler sur son visage pâle, répondit à son étreinte désespérée, et sa voix, telle une supplique, ne cessa de répéter ces mots, ce chant qui remerciait de tout son cœur les Shinigami qui avaient cru en lui. Une pression contre lui et il sut que l'empathe venait de le prendre par la nuque, posant son front contre le sien, comme ça, tout simplement.
« Rossignol, ton cou est brisé, tes ailes arrachées… »
« Non, je ne suis plus cela… »
La musique envoûtante et pleine de tristesse emplit son âme et il se laissa dériver, n'entendant pas les mots sortir de sa bouche.
« Un rossignol… qui par l'aide de ceux qui tiennent les ficelles de ce monde… a su comprendre le véritable sens de vivre… »
"Samuel, tu dois te dépêcher! La représentation va bientôt commencer!"
La voix de son professeur derrière la porte intima le jeune blond à se dépêcher de mettre sa veste à col Mao, d'une blancheur immaculée. Il mit les derniers boutons nacrés jusqu'en haut, s'inspectant du regard. Un bruit sourd le fit retourner et il vit son oiseau passablement excité, sautillant contre les barreaux de sa cage.
"Toi aussi, tu veux que je réussisses, n'est-ce pas?" Fit Samuel dans un sourire. "Mais j'ai si peur… Je me sens si faible…"
Tout avait passé si vite… Sa voix, encore irréelle, était présente en lui, dormant encore, mais ce soir, devant ce jury très attendu, elle se réveillerait, il le savait. Ces hommes, venus pour le tuer, avaient réussi à la faire revenir en lui. Il lui avait suffi de leur faire confiance et que ces derniers, avec simplement des mots réconfortants, le parviennent à dompter sa peur. Si rapide… Mais si bénéfique…
"Samuel!"
"Oui, oui, j'arrive!"
Il sortit du vestiaire, tenant en main la cage de son oiseau qui tentait tant bien que mal d'essayer de battre ses ailes brisées. Son professeur lui sourit, faisant briller ses yeux d'améthystes.
"Ah, enfin tu es prêt", remarqua-t-il d'une voix douce. "Dépêches-toi, le rideau va bientôt se lever…"
Un brouhaha naissait dans les coulisses, symbole d'excitation et de nervosité. Les chanteurs répétaient le chant libre qu'ils avaient préparés et les musiciens jouaient encore une fois les partitions qu'ils avaient amenés. Les autres professeurs donnaient des conseils pour se relaxer, et conseillaient aux choristes de boire un peu d'eau mais surtout pas de boisson gazeuse, ce qui les gênerait pour chanter ensuite.
"Professeur…"
"Oui, Samuel?"
Deux yeux vairons magnifiques se fixèrent sur lui, pleins d'espoir et de confiance. Et un sourire, rayonnant, s'épanouit sur les lèvres pâles du métis.
"Merci, merci encore… Pour moi, vous resterez le seul professeur qui ait cru en moi et rien que pour cela… je ne sais comment vous remercier…"
Une main habile se posa sur sa bouche, le forçant à se taire. Tsuzuki, heureux, lui dédia un sourire rassurant.
"Alors, en guise de récompense, je veux que tu chantes comme si ta vie en dépendait… Chante de tout ton cœur, de toute son âme et à ce moment, je ne répondrais plus de rien", répondit le Shinigami avec douceur.
Cette chaleur si douce… Samuel, radieux, sentit ses joues s'empourprer de gêne et de confiance. Et il acquiesça d'un léger signe de tête, sa brillance intérieure plus éclatante que tout.
Un ange était prêt à entamer ce chant qui lui tenait à cœur… Pour le meilleur et pour le pire…
"Merde, qu'est-ce qu'il fout? "
Furieux, Takatsuki rejeta la tête en arrière, les mains dans les poches du costume que son père lui avait acheté pour l'occasion. Cela avait coûté très cher mais Mr Takatsuki savait se débrouiller pour obtenir ce qu'il voulait. Il n'était pas surnommé « le bourreau des hommes d'affaires » pour rien.
Que faisait Yun? Cela faisait vingt minutes qu'il était parti, faisant comme Takatsuki lui avait demandé. Mais il n'était pas revenu et cela inquiétait le jeune homme. Il s'appuya négligemment contre une caisse où était disposé du matériel. Loin de lui, des choristes répétaient leur morceau, angoissés, très pâles. Lui s'en fichait. Il allait chanter en second, ce qui pour lui n'était pas une place excellente. Dire que Samuel avait eu le droit de chanter en solo le chant qu'il avait voulu, il en était vexé.
"Eh, Takatsuki!"
S'attendant à voir Yun, le visage du dénommé se releva mais il fut cruellement déçu. Un jeune homme le toisait d'un regard d'émeraude encadré par une paire de lunettes métallique, ses cheveux châtain brillant d'une lueur dorée par les lumières trop fortes des projecteurs. Il tenait à la main une canette de soda ouverte, qu'il portait à sa bouche sans pour autant en boire.
"Qu'est-ce que tu veux, toi?" Cracha Takatsuki, hargneux. "T'en as eu assez de traîner avec ton prof ringard?"
Hisoka haussa les épaules, s'apprêtant à boire une gorgée de son soda. Takatsuki, furieux d'être ainsi ignoré, le lui arracha des mains.
Si j'étais toi, je n'en boirais pas", conseilla le Shinigami d'une voix froide. "Ce ne sera pas bon pour toi, surtout si tu t'apprêtes à chanter. Il te faudrait mieux de l'eau."
"Ferme-la, je fais ce que je veux!"
Et, satisfait de l'exaspération qui se peignait sur le visage de l'empathe, il avala tout le soda qui était dans la canette, se délectant de cette fraîcheur. Il en avait eu vraiment besoin, il mourrait de soif. Il froissa l'emballage entre ses mains et le balança par terre avant de remettre ses mains dans ses poches.
"A part ça, qu'est-ce que tu me veux?"
"Te parler quelques instants. J'ai en effet deux ou trois trucs à éclaircir."
Hisoka s'adossa contre le mur faisant face à Takatsuki et le dévisagea quelques secondes, ses yeux d'émeraude insondables. Il eut un léger sourire glacial.
"C'est toi qui as fait boire l'acide à Samuel, n'est-ce pas, Mitsuru Takatsuki?"
Le visage de ce dernier blêmit légèrement mais il savait contenir ces émotions. Il eut un ricanement railleur.
"T'as des preuves de ce que t'avances, petit merdeux? C'est pas en te la jouant que tu vas me tirer les vers du nez."
Hisoka le dévisagea avec tellement de froideur que Takatsuki ne put s'empêcher de tressaillir.
"J'ai le don de lire dans les sentiments des autres, un empathe pour tout dire… Lorsque je t'ai attrapé par le poignet il y a une semaine, j'ai perçu quelques restes de tes sentiments et autres pensées pleines de rancœur : « Samuel est l'assassin de Takeshi, il m'a pris l'être que j'aimais… », « Il ne mérite pas de vivre après ce qu'il a fait… ». Ce ne sont que quelques exemples parmi tous les fragments que j'ai perçu, mais la haine et la colère étaient très présentes…"
Takatsuki serra les poings au point que ses jointures blanchirent. Ses lèvres, pincées, se retenaient de balancer des insultes cinglantes à ce visage impassible qui le dénonçait ouvertement de l'agression. Hisoka, imperturbable, continua sur sa lancée, d'une voix plus coupante qu'une lame de rasoir.
"Tu étais amoureux de Takeshi depuis bien longtemps, bien avant que ce dernier ne s'intéresse à Samuel. Tu étais de plus en plus jaloux de ce garçon, tu le haïssais comme tu le hais aujourd'hui. Et après le suicide de Takeshi, tu as reporté toute ta rancœur sur Samuel, et tu as décidé de le tuer. Il t'a suffi de convaincre Himoda qu'il t'obtienne de l'acide et persuader Samuel de t'accompagner en ce lieu où tu l'as détruit. J'ignore comment mais peut-être que tu lui as parlé de Takeshi, j'en sais rien du tout. Mais il a survécu et cela te dérange au point de vouloir recommencer."
Encaissant chaque phrase, chaque réplique, Takatsuki sentit ses joues s'empourprer de colère. Il grinça des dents, les membres tremblants de fureur. Ses yeux plissés par la rage ne quittèrent pas le regard d'émeraude de l'empathe.
"Dis toujours, petit con", railla-t-il, menaçant. Accuses-moi autant que tu veux mais ça ne changera rien. Sans preuves, t'es fini devant moi. C'est ta parole contre la mienne…"
Il eut cependant un petit sourire malfaisant et se pencha vers l'adolescent, une étincelle sournoise dans les yeux.
"Mais puisqu'on y est: oui, c'est moi qui ai fait ça", ajouta-t-il dans un murmure, pour ne se faire entendre des autres personnes à une dizaine de mètres de lui. "Et crois-moi, j'en suis plutôt content."
"Hisoka tressaillit."
"Tu oses dire… que tu as aimé faire un geste pareil!"
"Ben tiens! Ce salaud de Samuel… C'est à cause de lui si Takeshi est mort! Si seulement Takeshi s'était tourné vers moi au lieu de Samuel, il serait toujours en vie à l'heure qu'il est! Et ça, je ne peux pas le pardonner à ce salaud de métis! Pendant un an, je l'ai vu, la mort dans l'âme, avec cette superbe cicatrice sur la gorge! Et ça m'a fait plaisir, oui, plaisir, de le voir souffrir autant que moi j'avais souffert!"
PAF!
De toutes ses forces, Hisoka frappa Takatsuki qui s'écroula sous le choc, abasourdi. L'adolescent, fou de rage, avait bondi sur lui si vite qu'il n'avait rien vu venir. Le coup avait été si brutal et précis que même un pro tel que Takatsuki n'aurait pu y répondre aussitôt. Abasourdi, il essuya d'une main vague le sang qui perlait au coin de ses lèvres, ne quittant pas d'un regard paniqué le Shinigami qui se frottait le poing.
"Ordure", siffla Hisoka, se noyant dans une fureur blanche. "Après tout ce qu'a enduré Samuel, tu oses rétorquer que ta souffrance dépasse la sienne. Tu ne pourras jamais comprendre tout ce qu'il a enduré. T'es qu'un enfoiré, un salopard qui se lamente sur son sort et se dit que c'est toujours la faute des autres. Tu me dégoûtes…"
"Quoi! Qu'est-ce que…", commença à répliquer Takatsuki, furieux.
Il se figea, les pupilles dilatées par l'horreur. Sa voix, soudain, s'était tue et malgré ses efforts, il ne parvenait pas à articuler un mot. Impossible, il n'avait pu perdu la voix d'un seul coup, un engourdissement naissait au fond de sa gorge, le bloquait complètement. Ne comprenant absolument pas ce qui lui arrivait, il fixa Hisoka, paniqué. L'empathe le regarda avec un amusement feint, reprenant en main la canette que Takatsuki avait jeté au sol. Un pâle sourire se dessina sur ses lèvres.
"Je suppose que tu dois savoir ce qu'il s'agissait, n'est-ce pas? C'est un anesthésiant que l'on doit faire avaler lors des interventions médicales. Tes cordes vocales sont devenues insensibles et vu la dose, je pense que tu ne pourras parler avant deux trois jours."
Son regard se fit plus froid, ne se préoccupant pas des gens qui s'étaient réunis autour de lui.
"Mais au fond, tu étais au courant… Puisqu'il s'agissait ce que tu voulais faire boire à Samuel. Ton pote Yun m'a « gentiment » donné l'échantillon, je me suis un peu servi. Alors, cela te fait quel effet de ne plus rien dire, comme cela a été le cas de Samuel?"
Takatsuki, ses gestes devenus incohérents, crispa ses mains autour de sa gorge endormie, la bouche grande ouverte comme si des mots allaient en ressortir. Mais rien n'y faisait. L'anesthésiant, très puissant, avait complément insensibilisé ses cordes vocales. Ses lèvres mimèrent « Pourquoi? ». A cette question purement idiote, Hisoka fit volte-face, s'apprêtant à retrouver son partenaire. Arrivé sur le seuil de la porte, il étira de nouveau un sourire glacial.
"Ce soir sera uniquement pour Samuel, car il va bientôt mourir… Je ne lui parlerai pas de tout ça, je ne tiens pas à le faire souffrir davantage. Par contre, quand ton heure viendra, je me montrerai sans pitié…"
Ces dernières paroles, sourdes de menace prochaine, plongea les coulisses dans un silence lourd. Personne en ce lieu ne savait que dans quelques heures…
Une âme allait disparaître…
"Hisoka, viens vite! C'est très urgent!"
Ne comprenant pas ce qui se passait, Hisoka s'approcha de son partenaire qui tenait Samuel par les épaules. Ce dernier avait l'air très mal au point. Sa peau était si blanche que son habit de neige paraissait être d'un gris douteux. Ses yeux, brillants de fièvres, les regardaient avec incompréhension. Il fut plié en deux par une quinte de toux et quand il se redressa, il demeura interdit comme les Shinigami autour de lui. Ses mains étaient tachées de sang, tremblantes et vagues. Ils s'étaient mis dans le vestiaire à l'écart tandis que Tsuzuki faisait boire de l'eau à son faux élève qui s'exécutait sans rien dire, si faible à cet instant que sa vie, telle une bougie, se faisait chétive, si fugitive que cela faisait mal à regarder.
"Son corps est arrivé au point critique", fit Tsuzuki, anxieux. "Le patron nous avait bien prévenu, le Comte a fait en sorte qu'il meure ce soir. Comment on va faire? La représentation va commencer…"
Samuel se releva péniblement, soutenu par Hisoka qui le tenait par les bras. Il n'en pouvait vraiment plus.
"Je… Je dois chanter", haleta-t-il, à bout de souffle. "Il faut que j'y arrive… Même si je dois mourir après, cela m'est égal… Je dois… chanter…"
"Samuel…", souffla Tsuzuki, hésitant.
Le sourire que lui adressa le choriste lui serra le cœur. Un sourire qui y croyait encore, toujours, si pitoyable que cela en était douloureux.
"Je veux vous remercier… Et pour cela, je vais chanter… Pour vous deux, pour moi… Pour tous ceux qui me sont chers…"
Hisoka l'obligea à le regarder dans les yeux, ferme et décidé.
"On est près de toi, Samuel… Si jamais il se passe quelque chose, on sera là pour toi…"
Chanter et ne plus penser à rien, juste à ceux qui comblaient son cœur…
"Je le sais, Hisoka… Je le sais…"
Le silence de la salle… Palpable de tension, il attendait ce jeune homme qui avait tout perdu un an plus tôt. Les spectateurs, nerveux, retinrent leur siffle lorsque le rideau se leva et dévoila le garçon aux cheveux blonds comme de l'or, ses yeux de saphir et d'ambre étincelants de mille feux. Au-dessous, les instruments, concentrés sur leur partition, attendirent son accord qui se fit dans un signe de tête. Douce mélodie… réconfortante, pleine de courage…
« Chanter pour ceux qui me sont chers… »
Samuel releva la tête, fixant l'étendue noire, implacable, telles les ténèbres, la musique de cette chanson qu'il avait demandé au jury résonnant dans sa tête et, priant pour le salut de son âme, il ouvrit la bouche, déversant de cette voix qu'il réapprenait à connaître les mots qu'il aimait.
I held a Jewel in my fingers
And went to sleep
The day was warm…
La foule demeura bouche bée. Dans les coulisses, les autres chanteurs considéraient avec admiration le jeune homme qui chantait d'une voix cristalline l'une des chansons les plus belles de Hong Kong, Sans nul doute que cet écho enchanteur charmait les cœurs, les âmes paisibles. De nouveau l'impression de ne vivre que pour ce chant revint prendre place chez les deux hommes silencieux, fixant avec douceur le choriste derrière un pan du rideau rouge.
Ah winds, winds were prosy
I said, I said « Twill keep »…
Voix de verre au timbre unique, modulation résonnante comme un écho douloureux doux-amer… Tsuzuki se sentit dériver vers les affres de la plénitude lorsque son attention tomba sur la gorge de Samuel.
« Oh non, ne me dites pas que… »
I held a Jewel in my fingers…Sous son regard abasourdi, du sang se mit à souiller le col blanc de la tunique du jeune garçon, recraché par la cicatrice qui se rouvrait peu à peu. Samuel lui-même pâlissait de plus en plus et sa voix, bien que forte, commençait à faiblir. La foule retenait son souffle, ne sachant s'il fallait prévenir les médecins, voyant ce liquide rouge souiller cette peau nacrée.
And went to sleep
The day was warm…
« Son corps ne tient plus le coup », songea Tsuzuki, paniqué. « Comment faire…? »
« Ma tête… Ca me tourne… Ma gorge… »
La vue de Samuel vacillait… Les lumières des projecteurs brûlaient les yeux… Chancelant, les membres tremblants, il porta sa main à son cou écarlate de sang. L'odeur, si forte… Des taches noires passèrent devant ses yeux. La foule eut un murmure de peur, le voyant se recroqueviller, murmurant d'une voix cristalline les paroles de ce chant…
I said, I said « Twill keep »…« Je me sens si mal… Mon corps est lourd… »
Une main sur la sienne… Surpris, Samuel redressa la tête et demeura interdit. Un jeune homme aux yeux d'émeraude venait d'entrer en scène, et chantait, chantait avec lui d'une voix si douce…
I woke and child my fingers
The Gem was gone in my hands…
« On sera près de toi, Samuel… »
« Hisoka… »
Il y eut un frémissement parmi le jury. L'un des juges, furieux, voulut noter quelque chose sur sa feuille mais une main ridée se posa sur son stylo.
"Mr Kusiguna!" S'offusqua-t-il
"Par pitié, ne marquez rien", chuchota le directeur et dans la pénombre, deux perles glissèrent sur sa peau plissée par les années. "Ne faites rien, et laissez cet ange dire de sa voix tout ce que son cœur a gardé au fond de lui."
Il avait raison, la représentation ne comptait plus. Tout ce qu'il avait de sérieux n'avait plus la moindre importance. Le juge fixa quelques instants le directeur qui pleurait silencieusement puis dans un sourire, prit sa feuille entre ses doigts et la déchira, lentement, pour ne pas déranger les deux choristes. Derrière lui, un jeune homme laissait les larmes brouiller son regard, sa main valide crispée sur son plâtre. Le cœur brisé mais en même temps si mélancolique, il considéra le garçon qu'il avait éperdument aimé, se promettant à jamais ne plus jamais le faire souffrir de la sorte.
Chanter, peu importait la souffrance, peu importait les larmes et la douleur, peu importait cette souffrance qui lui broyait le cœur. Il saignait toujours, mais son âme était purifiée de ce démon qui l'avait rongé pendant un an. Il sourit, ses yeux vairons étincelants à la violente lumière des projecteurs. Et reprit, en duo, de sa modulation vibrante d'émotions, cette chanson.
And now,
An Amethyst Remembrance
Is all I own…
Leurs mains jointes, fixant ces ténèbres silencieuses, ils clamèrent leurs sentiments, tout ce qu'ils éprouvaient, baignant dans la clarté de cette gloire perdue. Et dans les coulisses, un homme aux yeux d'améthystes les regardaient avec tendresse, le cœur déchiré par l'émotion. Deux anges, à la brillance si profonde, descendant des portes d'un Paradis plus dur qu'on ne pouvait le penser.
« Takeshi… Tu m'entends, je le sais, Takeshi… »
Go from me!
Yet I fell that I shall stand…
« De là où tu trouves, tu peux entendre cette voix que tu aimais… Si seulement mes ailes pouvaient me mener à toi… »
Henceforward in thy shadow,
Go from me!« Tout ce que j'ai voulu te dire, je ne peux que te le transmettre par le biais de cette chanson, Takeshi… Mais sois-en sûr, je t'aime, je t'aime si fort que mon cœur en est meurtri… J'avais si peur de mes sentiments, que je n'étais pas en mesure de comprendre les tiens… »
Go from me!
Yet i fell that I shall stand…
« Pardon, Takeshi… Pardon de tout cela… Mais je t'aime, je t'aime… Je sais que tu m'entends, Takeshi… »
Ses yeux, à travers un rideau de larmes, distingua la présence d'Hisoka qui avait resserré sa main dans la sienne, répétant à pleins poumons ce couplet si triste et mélancolique. Ce chant immortel d'un Paradis Perdu entamait la lente fin d'un ange déchu, un éternel esprit dont les ailes, bien que arrachées, avaient réussi à le mener jusqu'aux portes de la plénitude parfaite.
Henceforward in thy shadow,
Go from me!
« Vous tous, je vous aime… Vous qui comblez mon cœur, ce chant vous est destiné… A jamais… »
Fatigue… Froid… Chaud…
"Hi… Hisoka…?"
« Je me sens tout vide… Tout vide… »
Sa vue se brouillait peu à peu, il ne percevait plus vraiment ce qu'il y avait autour de lui. Mais les bras du Shinigami entourèrent sa taille, l'obligeant à s'allonger. Le contact des draps frais, le moelleux de l'oreiller, le blanc présent dans chaque endroit.
« Si vide… »
Il rouvrit péniblement ses yeux vairons, voyant à son chevet son partenaire de chant. Tant de gentillesse était présente chez l'empathe mais il s'efforçait de la cacher, à chaque fois, sous un masque de froideur et de maturité. Il tendit la main, tremblante, vers lui que ce dernier prit entre ses doigts. Le jeune garçon était glacial et ses lèvres, toutes pâles, n'arrivaient pratiquement plus à faire émettre le moindre son. Il était arrivé la dernière limite, la dernière barrière qui le reliait à la vie. Sa gorge, dénudée, laissait voir sa longue cicatrice rougie par du sang. Ses cheveux blonds comme de l'or, telle une couronne retombaient en mèches élégantes sur son front. Sa brillance était si faible, si pénible à regarder.
"Hi… Hisoka…"
"Samuel, ça va?"
"Où sommes…"
"A l'infirmerie", répondit le Shinigami d'une voix égale. "Tu t'es évanoui à la fin du chant, je t'ai transporté ici."
« Tout… vide… »
Le jeune garçon eut un étrange soupir où se mêlaient soulagement et résignation. Il pressa davantage ses doigts contre ceux de l'empathe, qui ressentait à cet instant tous ses sentiments. Mais il n'y avait aucune peur, aucune angoisse. Juste de l'apaisement, de la sérénité un peu comme quelqu'un qui après une dure journée de travail désire aller se coucher. Aussi simple que cela. Si pâle, si faible…
« Vide… »
"Je me sens… vide…", avoua Samuel d'une petite voix. "C'est bizarre mais… ça me fait du bien…"
Être aussi paisible au moment de sa mort… Hisoka jalousait cette sensation lui qui s'était éteint dans un cri de souffrance, les poumons brûlants, les os brisés. Mais le choriste méritait un passage entre les deux mondes des plus doux, après tant de souffrances passées. Pour ce faire, Hisoka commença lentement, très lentement, à ouvrir dans l'esprit du garçon une brèche de plénitude absolue, désignant le chemin à prendre. Tout doucement, tout doucement, sans le brusquer ou l'effrayer…
"Sommeil…", souffla Samuel.
"Repose-toi, Samuel", conseilla Hisoka d'une voix calme." Ne pense plus à rien, reste tranquille…"
"Hisoka…"
Pression plus forte entre ses doigts… Hisoka interrompit l'ouverture du passage spirituel et considéra avec attention cette âme chétive.
"Ne doute jamais de tes sentiments", chuchota Samuel, son souffle plus faible que le murmure du vent. "Ne doute jamais… Jamais… de tes sentiments… par égard à celui que tu aimes…"
"Samuel…"
Il lui serra la main si fort qu'il retint une grimace. Un paisible sourire se dessina sur les lèvres effilées du métis.
« Fatigue… Si vide… tout vide… Le noir… »
"Tu sais… Hisoka…"
"Hum?"
"Je… Je n'ai plus mal… à la gorge…"
Sourire si intense de sentiments… Yeux de saphir et d'ambre étincelants de la dernière flamme… Peau nacrée brillante de lueur intérieure… Les doigts de Samuel, accrochés à ceux du Shinigami se firent plus faibles et lentement, retombèrent dans un bruit inaudible sur le tissu blanc; son regard, apaisé, se fit mi-clos avant de s'éteindre complètement. Sa tête s'inclina légèrement sur le côté et dans un murmure, il se tut, s'endormant pour un sommeil éternel.
« Vi…de… »
Le rythme de son cœur, dans une dernière onde, cessa de battre et son souffle, dans un écho mélancolique, mourut au fond de sa gorge meurtrie. Il n'y avait plus rien à dire, ou à observer. Ce n'était plus Samuel qui se tenait dans ces draps. Ce n'était plus une âme brisée par la douleur. Ce n'était que l'enveloppe charnelle d'un éternel esprit parti une dernière fois dans l'Autre Monde. Un simple corps sans vie. Rien d'autre.
Hisoka, dans un faible soupir, retira sa main des doigts glacés du jeune homme avant de les reposer sur son torse. Il semblait si apaisé, un dernier sourire était resté gravé sur ses lèvres fraîches et pâles, prouvant que son repos allait enfin être exaucé.
« Repose-toi, Samuel… Tu as fait tellement d'efforts, qu'il faudrait que tu te reposes… »
"Hisoka?"
La porte de l'infirmerie s'ouvrit sans bruits, puis la présence de l'être qu'Hisoka aimait se fit plus proche de lui. Le Shinigami aux yeux d'améthystes, le regard sombre, tenait la cage du rossignol. Reposant sans vie au fond de cette prison d'acier, l'oiseau gisait, les ailes ouvertes en croix, les pattes recroquevillées sur son petit corps. Il était mort en même que son maître, sans souffrir. Un sommeil éternel.
"Tsuzuki…"
Une main se posa sur son épaule.
"C'est fini?"
"C'est fini."
Hisoka se retourna vers son partenaire et sans le prévenir, l'embrassa doucement sur les lèvres. Surpris, Tsuzuki mit plusieurs secondes avant de répondre au baiser.
"Hisoka…"
L'empathe se serra contre lui, silencieux. Sa voix était étrange, glacée et tremblante. Tsuzuki reposa la cage de l'oiseau mort, et le prit dans ses bras, avec tendresse et douceur.
"Je ne dois jamais douter…", souffla ce dernier, enfouissant son visage dans la chemise blanche de Tsuzuki. "Je ne dois jamais douter… de mes sentiments… Jamais…"
"Hisoka…"
Tsuzuki posa ses lèvres sur les siennes, le réconfortant de sa chaleur si douce. Hisoka lia ses bras autour de son cou, voulant faire taire cette voix affaiblie au fond de lui. Mélancolie, nostalgie, tristesse douce-amère… Toutes ces émotions avaient été celles de ce garçon, qui, à cause de la jalousie des autres, avait eu les ailes brisées et la gorge arrachées. Une brillance infinie ternie par les bassesses de ses agresseurs. Une litanie cristalline enfouie en lui, secrète et douce, l'ayant conduit au repos de l'éternité.
La voix d'ange déchu qui, pour l'amour d'un être, avait clamé le Chant Immortel d'un Paradis Perdu…
Doux rossignol, tu es blessé laisse-moi te soigner… Tes ailes sont arrachées, ton cou est brisé…Veux-tu vraiment souffrir? Désires-tu mourir? Tu ne crois plus en rien, surtout pas au destin alors doux rossignol… Qu'espères-tu, toi qui as perdu ton âme?
A suivre…
L'épilogue n'est pas très important, donc si vous le voulez, vous pouvez vous arrêter à ce chapitre et vous dire « Ouf, fini de lire ce truc complètement nul ! » Donc voilà !
