Episode 1

« Fils. Frère. Criminel. Ce sont mes masques. Les ai-je vraiment choisis ? Pour le meilleur et pour le pire. Et puis tu es arrivée … tu m'as exposé … »

Chapitre I : La rencontre

Six heures sonnèrent dans l'appartement de Benjamin Greene. La chambre était plongée dans le noir et le resterait car le jeune homme ne voulait plus voir dans quoi il vivait... Cet endroit n'était pas le pire où il avait vécu et puis si les factures continuaient à s'accumuler, il n'y resterait plus très longtemps ! Benjamin se sentait couler et il se laissait faire ! Il ne pouvait vivre qu'un jour après l'autre. C'était donc encore un jour de plus de cette vie… cette vie qu'il avait, pourtant, créée et qui aujourd'hui le faisait souffrir…. Comme la précédente. Quand avait-il vraiment été heureux d'ailleurs ? Peut-être pourrait-il éviter le bureau et peut-être oublier ... oublier quoi ? Tout ou juste l'année écoulée ?! Sa rupture avec Ally le narguait trop souvent malgré le temps depuis ce non fatidique… Et le reste de son passé s'ajoutait et ça n'arrangeait rien. Tout le monde pensait qu'un bel homme comme lui avait la belle vie ! Les apparences encore et toujours. On avait passé sa vie à le juger. Benjamin en avait assez.

Benjamin passa rapidement sous la douche, enfila ses vêtements, zappa le déjeuner vu ce qu'il y avait dans son frigo et se rendit tout de même au bureau par respect pour Zac, son patron et ami, afin de faire le point. Il prendrait son après-midi pour éviter de perdre toute une journée de salaire.

Zac ne retint pas Benjamin au bureau car il savait que même de chez lui, Benjamin serait toujours à jour dans ses dossiers. C'était un de ses meilleurs rédacteurs. Et de toute manière, Zac devait rester au bureau pour s'occuper du dossier « Shenbrook ». Il fallait bichonner la Lady s'il voulait la garder comme cliente. Zac avait vu comment elle regardait Benjamin mais il ne voulait pas encore sortir cette carte de son chapeau, il utiliserait Benji en temps et en heure. Zac avait cru à un rendez-vous galant mais Benjamin lui avait répondu qu'il ne voulait que se changer les idées, prendre l'air. Bianca, la secrétaire et petite amie de Zac, avait aidé Benjamin à obtenir son après-midi. Elle comprenait qu'il souffrait toujours de sa rupture. Elle appréciait Benjamin, il était un des rares hommes à ne pas l'avoir draguée et à respecter son travail.

Benjamin la remercia et s'éclipsa de l'agence. Il savait où aller, son musée préféré l'attendait, il y allait souvent ces derniers temps. Il aurait voulu avoir du temps pour approfondir ses connaissances en Histoire mais c'était peine perdue alors il allait au musée national. Etrange d'aimer autant l'Histoire tout en détestant la sienne ! Il découvrait celle de ces autres qui avaient vécus il y a si longtemps. Et se dire qu'ils avaient continué à vivre malgré les épreuves, lui permettait d'y croire encore pour lui. L'espoir était la meilleure et la pire chose au monde, n'est-ce pas ?

Benjamin Greene s'arrêta devant une vitrine remplie de statuettes anciennes. Elles avaient survécu jusqu'ici et elles racontaient chacune une histoire. Enfant aussi, il écrivait des histoires et les autres autour de lui se moquaient. A l'époque, il voulait tant être ailleurs. Apprendre le plus possible et quitter cette minuscule ville mais quelque part, le petit garçon, qu'il était alors, y était encore coincé.

Benjamin venait de remarquer une pancarte dans la vitrine indiquant qu'une œuvre avait été enlevée. Il remarqua aussi que la femme qui venait d'arriver à ses côtés avait l'air très déçue de ce manque. Comme si elle était venue exprès pour la voir.

- Je me demande ce qu'on loupe, dit-il, à voix haute.

- Une guerrière de 520 ans avant JC. Pas plus grande que mon index, mais qui dit tout de cette femme : sa force, son habilité, ce qu'elle devait endurer.

Ils avaient continué à échanger car Benjamin la trouvait énigmatique. Elle avait travaillé dans ce musée !? Ça devait être incroyable. Elle avait l'air forte et en même temps fragile. Même s'il n'en revenait pas lui-même, Benjamin se présenta à elle et l'invita à prendre un verre. Et elle avait dit oui, Julia avait dit oui ! Comme si l'un comme l'autre, ils avaient besoin de se sentir moins seuls. Et avec elle, il ne l'était plus en effet, plus du tout même. Il n'y avait qu'elle qui comptait. On aurait pu même dire qu'il avait envie de la protéger alors qu'ils venaient à peine de se rencontrer. Elle était aussi seule que lui et elle faisait tout pour contenir cette solitude.

Dans ce pub bondé et une fois assis, ils avaient abordé différents sujets. Il était clair que son ex-mari l'avait blessée tout comme sa meilleure amie. Ensuite, il lui avait demandé qu'elle était la pire chose qu'elle ait faite :

- J'ai toujours redouté d'avoir des ennuis. Faire ce qu'il faut, une règle de vie ennuyeuse à mourir mais je m'y plie. Pour être tout à fait honnête, j'ai choisi d'être comme ça. Autrement si je relâchais la bride, je ne sais pas où ça me mènerait. De quoi je serais capable, comme tout le monde.

Benjamin avait voulu la toucher, un effleurement, un rien qui pourrait devenir un tout, non ?

Julia l'impressionnait car elle ne savait pas combien elle était fascinante. Elle venait de lui parler comme elle ne l'avait surement jamais fait avec ses proches. Bien sûr, son geste la troubla mais elle reprit pied et lui retourna sa question. Là il aurait pu éluder, inventer ou ne pas être aussi sincère mais il avait eu envie d'être honnête.

- J'ai dit des choses à mon père, des horreurs. Et ce sont aussi les dernières que je lui ai dites. Désolé, ce n'est pas joyeux pour un premier rendez-vous.

Tout comme Julia, Benjamin comprit que le vin le faisait parler sans barrière mais c'était la vérité. Quand Julia voulut rentrer à l'hôtel, il insista pour la raccompagner et plus ils approchaient, moins Benjamin avait envie de la quitter. Elle avait un si beau sourire et elle le regardait vraiment, pas comme une pièce de viande mais comme quelqu'un de bien et digne d'intérêt. Alors dans le hall, il lui dit :

- Je m'en voudrais toute la vie s'il t'arrivait quoi que ce soit…, Une marche après l'autre, une rampe entre eux, une autre marche, un peu comme une danse et Benjamin avait tellement envie de la toucher et de l'embrasser aussi. Incroyable ! Pourquoi elle ? Pourquoi aujourd'hui ? Et heureusement, Julia accepta de le laisser l'accompagner dans sa chambre.

Dans l'ascenseur, Benjamin avait encore plus envie de la toucher mais peut-être le prendrait-elle mal ! Elle était nerveuse, ce qui était compréhensible. Alors il lui avait juste souris et elle aussi. Il ne voulait pas que cette belle journée s'arrête…

Julia lui ouvrit la porte et le laissa entrer :

- Quelle belle chambre ?

- Une suite ... C'est une suite, il y a une terrasse.

- Ah oui, bien sûr. Je…

- Je ne voulais pas te reprendre.

- Non ce n'est rien… Les mots sont importants, tu as raison.

Benjamin voulut lui prendre la main mais il hésita alors il combla le silence en disant :

- Je peux commander une bouteille de vin blanc au room service ? J'ai toujours voulu faire ça…, lui demanda-t-il.

Julia accepta, il prit le combiné et lui sourit comme un enfant. Une fois raccroché :

- Comment je m'en suis sorti ?

- Comme si tu avais fait ça toute ta vie, lui répondit Julia, en souriant à son tour.

- Ah enfin un sourire, j'ai réussi. Je m'occupe de réceptionner la bouteille, je te rejoins sur la terrasse, si tu veux ?

Quelques minutes plus tard, il la rejoignit avec leurs deux verres. Sa main trembla un peu, comme souvent. Ce n'était qu'une séquelle de son passé. Une de ces choses impossibles à contrôler. Mais quand Julia se tourna vers lui sa main s'arrêta de trembler et Benjamin se dirigea vers elle en souriant. Les notes d'une chanson leur parvenaient de l'extérieure « Slow Slow Disco » de St Vincent.

Slip my hand from your hand
Leave you dancin' with a ghost
Slip my hand from your hand
Leave you dancin' with a ghost

There's blood in my ears
And a fool in the mirror
And the pain of mistakes couldn't get any clearer

Am I thinking what everybody's thinkin'?
I'm so glad I came, but I can't wait to leave

Comme il la regardait au lieu d'admirer la vue, Julia lui dit :

- Pas terrible la vue…

- Je ne suis pas d'accord.

- C'était une tentative d'humour. Infructueuse.

Le regard de Benjamin montrait clairement qu'il la trouvait belle, qu'il était attiré par elle. Benjamin eut une idée.

- Ne sois pas ridicule.

- Au risque que tu te moques de moi à nouveau… Voudrais-tu danser avec moi ?

Benjamin ne comprit pas sa réaction et s'excusa d'une telle demande mais elle lui répondit :

- Non, ça n'est pas ça. C'est juste que je ne me rappelle pas la dernière fois où on me l'a demandé.

Benjamin fut touché par cette confidence. Comment pouvait-on oublier une femme aussi exceptionnelle dans un coin. Alors il lui tendit la main, sans trembler, et elle l'accepta. Il sentit la main de Julia glisser dans la sienne et son autre main se poser sur son bras. Il y avait une telle douceur chez elle. Benjamin voulait vraiment qu'elle soit bien dans ses bras, qu'elle sourit. Il voulait la protéger… prendre soin d'elle. Tout ce qui comptait c'était la tenir dans ses bras.

Alors avec le trop plein de vin, le manque de nourriture et beaucoup de fatigue accumulée, ce fut la dernière pensée qui traversa l'esprit de Benjamin avant que tout devienne flou.