Disclaimer : rien à moi (sauf l'intrigue de l'histoire), tout à Rowling, y compris l'argent ! A moi Salluste, Serena et Sénèque…sans oublier Missy ! Attention, je mords si on ne me demande pas avant de faire main basse dessus ! (Nicodemus et Aemilia, j'y tiens pas trop… On se demande pourquoi …)
Autrice : Mephie
Titre : Dernière berceuse
Genre : PG
Note : je me suis inspiré pour cette fic de l'âge des ténèbres, dont j'ai réutilisé quelques personnages, à savoir Salluste et Serena Snape, les grands-parents paternels de Severus Snape (selon moi !) ainsi que Sénèque, Nicodemus et Aemilia Snape. Il est utile de lire cette fic pour comprendre Dernière berceuse.
Résumé de ce one-shot : Après la mort de son second fils Nicodemus, Salluste, hanté par le souvenir de Sénèque, ne peut s'empêcher de remarquer des similitudes entre son fils aîné défunt et le jeune Severus. Petit hommage tout choupi…
Six avril 1968.
La nuit était tombée depuis bien longtemps maintenant, et les étoiles brillaient haut dans l'éther glacé.. Dans le laboratoire familial du manoir, Salluste Snape se résolut à abandonner ses recherches pour s'accorder une nuit de repos. Avec un soupir, il sécha à l'aide d'un peu de sable les derniers résultats qu'il avait inscrits – jamais il ne s'habituerai à écrire avec autre chose qu'une bonne vieille plume et de l'encre – et referma son cahier de travail. Ce n'était pas encore cette nuit qu'il trouverait le remède au Mal de l'âge.
D'un geste las, il invita la lampe à pétrole à le suivre et, après avoir jeté un dernier coup d'œil à la pièce pour vérifier si aucun ingrédient n'avait été oublié par mégarde sur l'une des deux tables de préparations, il franchit la porte de chêne massif qui gardait l'entrée du laboratoire. Celle-ci se referma aussitôt derrière lui, les sorts de verrouillage cliquetant avec un son mat dans la pénombre, tandis qu'il se dirigeait à pas lents vers le corps principal de la maison où l'attendait, à n'en pas douter, un jeune garçon aux yeux d'onyx trop sombres et aux traits trop austères.
Severus était un bon petit-fils, mais Salluste ne savait pas vraiment comment aborder la question de la mort de son père, surtout quand il était en présence de l'enfant. Donc, il n'avait pas encore abordé la question.
Cela faisait trois mois maintenant.
S'immobilisant près de l'entrée, Salluste soupira, agacé. Quel démon aussi avait possédé Nicodemus quand il avait été se promener dans l'Allée des Embrumes… Oh Salluste savait parfaitement que son fils avait voué son âme aux Malfoy, mais il avait toujours espéré voir Nicodemus hériter et perpétuer à son tour la bonne fortune qui avait semblé protéger les Snape ces dernières générations… du moins si l'on excepte le lourd tribut que Salluste lui-même avait pay
Il avait toujours voulu croire que Nicodemus serait un grand sorcier. Quand il sortit d'Hogwart, Salluste s'était fait une raison, pensant qu'à défaut de pouvoirs magiques extraordinaires, son fils pourrait se flatter d'un don peu commun pour les potions – après tout, cela courait dans sa famille. Mais non, il fut à nouveau déçu lorsque son fils lui annonça tout de go que les potions ne l'intéressaient pas plus que ça et qu'il était temps que leur famille soit renommée pour autre chose. Et s'était spécialisé dans les poisons.
Les poisons. La branche la plus malfamée que pouvait embrasser un mage, du moins dans le domaine des potions. Au début, Nicodemus n'avait fait que vivoter de maigres rémunérations de Ministère pour l'efficacité de ses poisons contre les Doxies ou les Gnomes de jardin. Puis Salluste avait eu la mauvaise idée de lui dire ce qu'il pensait de ses travaux :
« Belle invention en effet ! De la potion Repoussgnome ! Et quelle originalit ! Ton arrière-arrière-grand-père doit se retourner dans sa tombe pour voir sa descendance tombée si bas ! Lui qui a trouvé le remède à la Folie vélane ! Et je ne parle même pas de ton grand-père ! Tu es indigne d'eux ! Si tu avais eu ne serait-ce que l'ombre de leur courage, tu te serais penché sur les antidotes des potions des arts sombres ! Ton frère en aurait eu le courage s'il avait vécu ! »
Soyons clair, il n'avait jamais voulu complexer son fils cadet en lui parlant de son aîné. De toute façon, Sénèque était mort à l'âge de dix ans en 1915, huit ans avant la naissance de Nicodemus. Il ne pouvait donc pas voir en lui un idéal à atteindre ou à dépasser. Toujours est-il que son fils se lança, non pas dans la recherche d'antidote aux poisons violents, mais bien plutôt à la préparation des poisons violents eux-mêmes. Et de fil en aiguille, il se retrouva membre de la population quotidienne de l'Allée des Embrumes, et accessoirement fournisseur régulier des Malfoy.
Salluste ne savait pas vraiment pourquoi il hésitait à se retrouver en compagnie de Severus. Peut-être était-ce la crainte de s'apercevoir que, tout comme son père, il ne serait qu'un incapable malgré le prénom qu'il portait, malgré le prénom du grand génie qu'avait ét le père de Salluste… malgré sa ressemblance flagrante avec Sénèque.
Sénèque… songea le vieux sorcier. Il avait été ma fierté de père, mon orgueil de maître. Alors qu'il n'avait que neuf ans, il pouvait déjà me réciter les ingrédients des remèdes basiques contre la fièvre ou les piqûres d'insectes communs. Il apprenait avec facilité, écoutait avec docilité et son esprit était simple, il était heureux de vivre, heureux d'apprendre. Bien différent de Nicodemus… Tout son contraire !
Et maintenant, il fallait faire face à Severus. Après tout, Salluste ne savait même pas quel genre d'enfant il était. Il avait toujours été dans les jupes de sa mère.
Le vieil homme se leva, exaspéré. Et quelle mère ! Ganymède lui avait joué un beau tour lorsqu'il lui avait proposé la jeune Aemilia comme future belle-fille. Oh oui, elle avait de suite plu à Nicodemus, il n'y avait qu'à le voir baver sur sa peau d'albâtre et ses traits délicats à la fois encore enfantins et si sensuels. La jeune fille en elle-même n'aurait pas été désagréable si elle n'avait pas été si sotte et insouciante. Elle ne comprenait rien aux potions sinon que son mari était passionné par elles.
Mais elle ne devint jamais une vraie Snape, même après son mariage ou la naissance de Severus. Elle restait la française Aemilia D'Eon qui avait séduit mon fils, soucieuse uniquement des bals et des tenues qu'elle y portait, ainsi que celles de son fils qu'elle entraîna dans son sillage dès qu'il sut marcher. N'eussent été les rentes de la familles, jamais Nicodemus n'aurait pu pourvoir à ses exigences de toilettes onéreuses et de maquillages toujours parmi les plus récents et donc les plus chers. Après tout, n'avait-elle pas houspillé son mari pendant plus d'un an avant d'abandonner l'idée d'en faire un Maître en Maquillage ? Et elle ne cessait de rendre visite à sa famille, revenant de France la plupart du temps mécontente parce qu'elle n'avait épousé qu'un Snape tandis qu'une de ses cousines se vautrait dans le luxe auquel seul les Malfoy pouvaient prétendre.
Salluste n'avait pas été surpris de la voir repartir chez ses parents sitôt l'enterrement célébré, il l'avait même prévu. Et c'est pour cette raison que la première chose qu'il fit après s'être remis du choc de la nouvelle de la mort de son fils fut de consulter un homme de loi sur la possibilité d'obtenir la garde du jeune Severus.
Cette petite idiote avait cru qu'il la laissera l'emmener au loin et le noyer sous des chemises de lin… Et encore maintenant, elle contestait, sur l'avis de son père, la garde du garçon à Salluste. Mais il avait la loi pour lui ; pour sauver les Snape de l'extinction de leur nom et pour garder à l'Angleterre un Maître des Potions digne de ce nom.
Oui, la décision de Salluste était prise : il ferait de l'enfant l'égal du grand Severus Snape Senior et grâce à lui serait effacé l'incompétence de Nicodemus. Après tout, le jeune Severus ressemblait tellement physiquement à Sénèque qu'il ne pourrait que lui ressembler psychologiquement. Et Salluste se retrouverait donc un fils en la personne de son petit-fils.
A l'intérieur de la maison, un jeune garçon observait patiemment le vieux sorcier débattre avec lui-même. Ce n'était pas la première fois que Severus agissait ainsi : il en avait pris l'habitude depuis le départ de sa mère, depuis ce jour où une véritable tornade avait fait l'inventaire de la maison, du grenier à la cave et avait bouclé dans d'énormes malles tout ce à quoi pouvait légalement prétendre Aemilia d'Eon Snape redevenue Aemilia d'Eon depuis l'enterrement de son père. Cette tornade, il l'avait autrefois appelée Mère. Et elle était partie.
Severus n'avait pas bien compris pourquoi sa mère l'avait abandonné au Manoir. Après tout, elle n'avait plus à craindre les violentes colères de Père, même si Grand-père était toujours là pour la réprimander sur ses dépenses en vêtements. Mais après tout, Mère ne s'occupait de lui que lorsqu'il était question de participer à une soirée où elle aurait le bonheur de lui présenter quelques membres éloignés de la famille maternelle, c'est à dire à peu près toutes les semaines.
L'enfant était intrigué par le comportement de son grand-père. Il savait, pour avoir espionné une conversation houleuse entre lui et Mère – au grand désespoir de l'elfe de maison chargé ce soir-là de le mettre au lit – que chacun des deux voulait « avoir sa garde ». Severus n'était pas idiot, et il savait très bien qu'il ne possédait aucune « garde personnelle » attachée à sa protection, expression qu'il avait trouvé dans les livres d'enfants que sa mère lui achetait parfois.
Donc, Mère et Grand-père voulaient chacun l'avait pour eux seuls. Et comme le Manoir s'appelait Snape, Severus, s'était douté que Grand-père n'avait certainement pas l'intention de partir, donc c'était Mère qui allait s'éloigner, réflexion qui était confirmée par le passage de la tornade.
Mais il n'eut pas le loisir d'approfondir sa réflexion que Grand-père se décidait enfin à rentrer. Vivement, Severus se recula de la fenêtre à laquelle il avait collé son nez pour observer le vieil homme, et courut à sa chambre. S'assurant au passage que l'elfe de maison était toujours profondément endormi sur la chaise près du lit où il avait pris place pour lui lire une histoire dans l'espoir qu'il s'endorme, l'enfant sauta sous la tonne de couvertures et les rabattit précipitamment sur lui.
Quelques minutes plus tard, Salluste Snape entrait dans la pièce. Fronçant les sourcils, il secoua l'elfe de maison toujours assoupi qui déguerpit dans les cuisines sans demander son reste afin officiellement de se coincer les oreilles dans le four, et officieusement pour préparer le dîner de son maître.
S'assurant qu'il faisait le moins de bruit possible, le vieux sorcier prit la place de l'elfe et observa la couverture du livre que la petite créature avait laissé tomber dans sa hâte. The apprentice-brewer. Un sourire rempli de tristesse fleurit sur le visage fané du vieil homme. Ce livre avait été écrit par sa propre mère pour occuper le jeune Salluste qui ne cessait de la harceler pour lui extirper l'autorisation d'aller au laboratoire avec son père. Il s'agissait d'une histoire pour enfants mise en musique. Il entendait encore la douce voix d'alto de la belle Serena… Severus avait sans doute du le trouver parmi les vieilles affaires de Sénèque dont Salluste n'avait jamais eu le courage de se séparer. Une ombre passa dans son regard : il avait pourtant interdit aux elfes de maison de laisser son petit-fils fureter dans le grenier où beaucoup trop de choses dangereuses avaient pu être entreposées par Nicodemus. Il y mettrait bon ordre dès le lendemain.
Il reporta ses yeux sur l'enfant endormi, et sentit son cœur battre à toute allure. Il lui ressemblait tellement. Ces deux derniers mois, il avait pris l'habitude de s'arrêter un moment dans la chambre d'enfant et de s'assurer de son occupant. Et à chaque fois, une poigne glacée lui enserrait le cœur douloureusement : Severus ressemblait bien trop à Sénèque pour le bien de la santé mentale du vieil homme. Mais il ne pouvait s'empêcher de revenir.
Bien sûr, il savait pertinemment que l'enfant n'était pas endormi ; il ne maîtrisait pas la Légilimencie pour rien. Bien qu'il se soit toujours interdit de vraiment l'utiliser sur ses enfants et petit-enfant. Simplement, il sentait, sans avoir le moindre effort à fournir, discernait les émotions des personnes qui se trouvaient à proximité de lui. Peut-être était-ce d'ailleurs la présence des elfes de maison qui avait entretenu si vivace le sentiment de culpabilité qu'il ressentait envers la mort de Sénèque. Mais Salluste refusait de penser à cela en présence du garçonnet.
Au début de ses visites, il avait ressenti l'appréhension du gamin, comme s'il représentait une quelconque menace. Il avait déjà senti cette crainte, mais dans un elfe de maison alors que son fils était rentré ivre, tard le soir. Cela l'irritait d'autant plus que jamais Salluste n'aurait accepté que l'on traitât si mal un enfant de sa famille, s'il l'avait su. S'il avait su.
Mais très vite, Severus s'était rendu à l'évidence : son Grand-père ne lui ferait pas de mal, et il s'était mis à apprécier ces courtes visites. Il restait simplement assis quelques minutes, soupirait, puis repartait d'où il était venu. Sans jamais lui parler. Oui, c'est vrai, il faisait toujours semblant d'être endormi, mais quand même.
Cette fois-ci cependant serait différente, décida Salluste. Il caressa doucement la chevelure sombre étalée sur l'oreiller, maladroitement. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas été dans cette situation, celle d'un père réconfortant son fils. Il était temps qu'il fasse comprendre à son petit-fils qu'il était décidé à tenir ce rôle.
« Je sais que tu ne dors pas, jeune homme. »
Malgré tout ses dons de comédien durement travaillé toutes ces années où Mère venait dans sa chambre pour s'essayer à son rôle de mère – dans lequel, il fallait l'avouer, elle ne mettait aucune conviction, Severus ne put s'empêcher de sursauter. Il ouvrit les yeux et se redressa vivement, la mine contrite.
« Missy a-t-elle réussi à terminer la lecture de ce livre ?
Lentement, ne sachant que penser, l'enfant fit non de la tête.
« Bien, dans ce cas, il me semble devoir finir son travail, puisque je l'ai envoyée aux cuisines me préparer un dîner, conclut sobrement Salluste en s'installant plus confortablement sur la chaise. Oh, et à l'avenir, nous prendrons nos repas ensemble, et je tiens également à vérifier tes progrès de lecture et d'écriture, je crois savoir que ce sont les elfes de maison qui t'ont appris ?
Interloqué devant ce flot de nouvelles, Severus acquiesça.
« Bien, je laisserai des consignes à Missy. Recouche-toi et remonte les couvertures sous ton menton, il ne faut pas que tu attrapes froid pendant la nuit… Il était une fois un petit sorcier nommé Septimus, parce qu'il était le dernier-né d'une famille de sept enfants. Tous ses frères et sœurs travaillaient comme leurs parents à ramasser des simples dans la forêt pour fournir les boutiques d'apothicaire des villes, mais Septimus, lui, avait un tout autre rêve : il voulait devenir Maître des Potions… entonna-t-il à mi-voix.
Severus, tout d'abord ne sachant comment réagir, finit par se décontracter et se nicher confortablement dans le nid douillet qu'était son lit.
Une demie-heure plus tard, la lecture du vieil homme touchait à sa fin. Il referma délicatement le livre et le posa sur la commode près de lui. Avec un sourire hésitant, il balaya du visage de l'enfant enfin endormi quelques mèches indisciplinées.
Aussi frêle que sa mère dont il a hérité le teint de lys, la noire tignasse des Snape, et la même passion pour les potions, semble-t-il, pensa-t-il avec satisfaction et une pointe de fierté. Sénèque était comme lui, à la fois innocent et curieux, désireux de plaire… Sénèque s'était lui aussi blotti dans son lit quand son père lui avait chanté cette petite histoire, cette berceuse qu'il adorait, la veille de ce terrible jour d'avril 1915…
Les yeux du vieillard tournés vers le mur blanc où s'amoncelaient les arabesques d'ombres projetées par la lueur des bougies s'emplirent de larmes tandis que des souvenirs de son fils affluaient en sa mémoire.
Petite flamme de bougie trop vite soufflée…
Secouant la tête, il se leva et observa une dernière fois la petite forme perdue au milieu des draps et des couvertures.
Petit veilleur dans la nuit de mon âge, espoir de notre famille, porte ton nom avec dignité, que tes ancêtres soient fiers de ta destinée.
FIN