Promenade avec un Loup-garou
Par Padfoot et Les Jumeaux Weasley
Chapitre 5 – On a souvent besoin d'un plus petit que soi
A travers les lourds rideaux de son lit, Lily sentait le soleil se lever. L'heure était matinale, et son réveil n'avait pas encore sonné. Aucune raison de se réveiller maintenant, elle ne serait pas en retard.
Elle se pelotonna dans la chaleur de ses draps. Malgré tout, dans l'état entre le sommeil et le réveil où elle se trouvait, quelque chose la titillait. Elle se laissa doucement glisser vers le réveil, cherchant à savoir ce qui la gênait. Elle se souvenait… de la lettre… - elle était une sorcière ! – de la visite au Chemin de Traverse… de l'arrivée à Poudlard. Cela ne faisait pas une semaine qu'elle était là, et elle avait l'impression qu'elle serait perpétuellement étonnée de se réveiller chaque matin dans une prestigieuse école de sorcellerie.
Mais ce n'était pas ça qui la tourmentait. Elle repassa dans sa tête la plupart des évènements des derniers jours… les repas, les cours, la poste-hibou… avait-elle oublié de finir un devoir pour un des cours de la journée ? Pas qu'elle se rappelle. Le devoir de Métamorphoses était fait, aucun doute là-dessus. Elle se retourna et enfonça la tête dans un oreiller. Le travail de recherche d'Histoire de la Magie… Remus ! Son esprit bondit immédiatement et elle se réveilla tout à fait, à moitié assise déjà. Remus qui avait dû refaire son travail et qui était parti à l'infirmerie ! J'espère qu'il est revenu. Jetant un rapide coup d'œil sur son réveil, elle se rendit compte qu'elle aurait pu paresser encore une bonne heure. Maudit soit le sommeil ! Il lui avait complètement fait oublier Remus !
Inquiète, elle s'habilla rapidement et sans bruit. Cathy dormait encore profondément – comme Lily, elle avait mis du temps à s'endormir la veille, probablement aussi rongée d'inquiétude que son amie.
Sur la pointe des pieds, elle descendit dans la salle commune. James et Sirius, les traits un peu tirés, étaient en train de discuter, debout près du feu.
- Bonjour ! Remus est revenu ?
Les deux garçons se tournèrent brusquement vers elle, et James se détendit un peu.
- Non. On se demandait justement si on devait vous attendre pour aller à l'infirmerie ou non.
- Cathy et Peter vont encore dormir un moment. Allons voir, et on les rejoindra après.
Sur ce, elle se tourna résolument vers la porte, les deux garçons abasourdis la suivant, bouche-bée.
- Ca, c'est expédié, Lily, dit James avec un petit rire.
Ils n'eurent pas trop de mal à trouver l'infirmerie, en particulier grâce au vieux mage d'un tableau qui, les voyant debout à une heure si matinale, les crut réellement malades.
Lily frappa quelques coups timides à l'imposante porte de bois, qui s'ouvrit presque immédiatement sur Mme Pomfresh.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle d'un air mi-furieux, mi-étonné.
- Nous aimerions voir Remus…
Le regard de l'infirmière s'adoucit un peu.
- Mes pauvres chéris, il… il dort encore. Je vous promets qu'il vous rejoindra au déjeuner.
- Mais, qu'est-ce que…
- S'il-vous-plait, ne vous occupez pas de ça…
- Mais c'est…
- Ca suffit ! Ce n'est pas votre affaire. Allez, ne vous attardez pas par ici, ou je vous donne une retenue.
Le changement de ton était tellement brusque, tellement choquant de la part de cette femme joviale que les trois amis partirent sans oser poser d'autres questions. Ils rencontrèrent Peter et Cathy sur le chemin de la salle commune, ou plutôt un Peter assez fatigué, et une Cathy en furie.
- Où étiez-vous ? demanda-t-elle en criant.
Sa colère était apparemment due à la compagnie de Peter plus qu'à l'absence de ses amis, et Lily s'empressa de raconter ce qui s'était passé, alors qu'ils se dirigeaient tous vers la Grande Salle. Il y avait encore peu de monde, mais le plafond magique était magnifique, encore rose des premiers rayons matinaux, virant doucement à un bleu tendre. Ils ne remarquèrent rien de tout cela et restèrent assis, moroses, touchant à peine à leur nourriture. Ayant renoncé à se poser des questions sur Remus, ils échangeaient une conversation mortellement banale du bout des lèvres, regardant furtivement vers la porte du Grand Hall.
Au moment où Lily regardait, pour la énième fois, la porte s'ouvrit pour laisser passer un garçon qu'elle ne reconnut pas au premier coup d'œil. Néanmoins, elle le suivit négligemment des yeux, écoutant distraitement Sirius expliquer de nouveau à Peter le pourquoi de l'introduction à la Métamorphose.
Le garçon inconnu avançait droit vers eux, d'un pas un peu hésitant, cependant. Lorsque Lily reconnut enfin le jeune visage, elle fit un geste pour saisir l'épaule de James à côté d'elle, renversant dans le même mouvement son verre et son assiette sur ses genoux.
- LILY ! Qu'est-ce que… ?
Mais la jeune fille n'y prêta pas attention. Elle avait douloureusement enfoncé ses doigts dans le bras du garçon et ne détachait pas son regard du nouvel arrivant. Remus – car c'était lui – était dans un état pitoyable. S'ils s'étaient habitués à le voir assez fatigué, des cernes sous les yeux et les épaules tombantes, ce n'était rien à côté. A ce moment-là, il leva la tête vers le regard horrifié des ses amis, et son pas se fit encore plus hésitant. Il s'arrêta, l'air de se demander s'il devait continuer.
Un douloureux coup de pied au mollet ramena Lily à ce qui se passait autour d'elle. Sirius, en face d'elle, lui jeta un léger regard choqué. Aussitôt, Lily se reprit, se leva et prit Remus par le bras avec un sourire réconfortant, et le fit asseoir à côté d'elle, sans un regard pour James qui essuyait autant que possible les dégâts sur sa robe.
Remus n'avait pas l'air rassuré. Bien que tous les regards n'étaient plus fixés sur lui, (Cathy se faisait un plaisir d'aider James et Peter regardait ailleurs, apparemment gêné) il semblait encore assez mal à l'aise. Ce qui n'était pas pour l'améliorer. Sa robe pendait comme une loque sur ses épaules affaissées, il avait des ombres dans les yeux et sur les joues, comme une personne hantée. Son visage était si pâle, elle craignait presque de le voir s'évanouir d'un moment à l'autre.
- Remus, balbutia-t-elle enfin. Tu as un air terrible !
Elle fut gratifiée d'un regard oblique de ses quatre autres compagnons. D'accord. Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire…
- Mais enfin… Que t'est-il arrivé ?
Remus haussa les épaules et Lily souffrit en compassion. Chaque mouvement semblait lui être une douleur.
- J'étais un peu malade, hier… mais ça va mieux maintenant, beaucoup mieux. Je vous assure, ajouta-t-il en voyant les regards incrédules des autres.
Lily passa un bras délicatement autour de son épaule, faisant attention de ne toucher aucun point qui pourrait être sensible ou douloureux et lui sourit.
- Ne fais pas cette tête, dit Sirius. On s'est inquiété, c'est tout !
- Et on s'inquiète encore, continua James. Lily avait raison, tu as l'air d'un mort-vivant… tu devrais te reposer, tu ne crois pas ? Mme Pomfresh t'a laissé sortir ?
- Bien sûr, répondit Remus un peu trop vite. Enfin… je suppose qu'elle m'aurait laissé sortir si elle avait su que j'en avais l'intention.
- Remus ! s'offusqua Lily.
- Je. Vais. Bien, articula le garçon entre ses dents serrées. Je… je ne voulais surtout pas rester plus longtemps que nécessaire à l'infirmerie. J'ai… les hôpitaux en horreur.
- Je peux comprendre ça, dit Peter avec une petite voix.
- Mais tu devrais aller te reposer, au moins. Dans ton lit, dans la tour Gryffondor, insista Sirius.
Mais Remus ne se laissa pas convaincre. Ils remontèrent chercher leurs affaires dans leurs chambres et descendirent se préparer pour le premier cours de la journée, celui de Métamorphoses.
McGonagall ne semblait plus vouloir prendre le risque de venir à son cours sous sa forme de chat, à la grande déception de Lily. Après avoir ramassé les devoirs, l'enseignante revint à son cours, encore théorique, néanmoins intéressant. Lily gardait tout de même un œil sur Remus, qui baillait à s'en décrocher la mâchoire à des intervalles réguliers.
- Bien sûr, il est plus facile de transformer un objet en un autre objet qui aurait une taille et un poids plus ou moins égals à ceux de l'objet initial.
Etait-ce une impression, ou le jeune Lupin avait eu un sursaut ? Commençait-il à s'endormir ?
- Transformer une allumette en un lit à baldaquins est certes possible, mais l'action va requérir bien plus d'efforts de la part de l'enchanteur.
Cette fois, ce n'était pas une impression : Lily l'avait bien vu fermer les yeux, sa tête tomber un peu en avant, et se redresser en un sursaut, les yeux grands ouverts et désespérés.
- Il y a aussi la question de la matière, mais c'est un sujet plus compliqué en théorie. Pas en pratique, en tout cas, et la première transformation que vous allez effectuer comprendra cette difficulté. Si on peut appeler ça une difficult
McGonagall arrêta son va et vient devant Remus et le regarda un instant. Lily, du coin de l'œil, vit Sirius et James, sur la défensive, prêt à excuser Remus… Le professeur ne dit pas un mot au garçon et continua son cours. La jeune fille était sûre d'avoir vu une lueur dans les yeux de McGonagall. De la pitié, peut-être ?
C'était sans doute un miracle que Remus ait réussi à rester réveillé durant tout le cours de Métamorphoses. Il s'échappa avant que le professeur ait eu le temps de lui parler, entraînant ses amis dans son sillage.
Le cours suivant était celui d'Histoire de la Magie, et ils s'installèrent avec très peu d'espoir. Certains des élèves regardaient encore avidement tous les murs en se demandant par lequel le professeur Binns arriverait. Quelques paris volèrent à travers la salle, sans grande conviction toutefois, et l'arrivée du professeur par le tableau (comme la fois d'avant), ne souleva que quelques frissons, avant qu'il ne commence son cours de sa voix monotone. Lily se battit pour ne pas laisser son attention glisser ailleurs, les yeux rivés sur son parchemin, à prendre des notes.
- Et alors que la 154ème réunion des sorcières d'Europe se tenait, exceptionnellement, à Azkaban, dans la relative insécurit
Azkaban ? Lily ne connaissait pas cet endroit… Comment cela s'écrivait-il ? Elle jeta un coup d'œil vers la copie de Remus, et eut un petit sourire. Le cours n'était pas commencé depuis plus d'une minute que Remus dormait déjà comme un bébé. Après tout, tant pis pour Azkaban… je doute que ce soit un endroit qui en vaille la peine, de toute façon
Elle déchira un petit bout de son parchemin et griffonna un mot rapide dessus après un coup d'œil à James et Sirius, assis juste devant eux.
"Si vous pouviez vous placer en sorte que Binns ne voit pas Remus…"Les deux garçons se retournèrent dès qu'ils eurent le message pour vérifier que Remus allait bien. Il avait un bras posé sur la table, la tête allongée dessus, l'autre main tenant toujours la plume qui avait tracé un grand trait sur le parchemin dans son sommeil. Les ombres sur son visage étaient moins profondes et menaçantes, et il avait perdu son air soucieux. La bouche entrouverte, et même légèrement souriante lui donnait un air enfantin qu'il n'avait pas dans son état d'éveil.
James et Sirius firent un grand sourire à Lily et, d'un commun accord, s'appuyèrent épaule contre épaule, se redressant de toute leur taille sur leur chaise, cachant Remus avec la nonchalance et l'expertise de deux espions rompus à tous les artifices.
A la fin du cours, Lily réussit à réveiller le garçon en douceur. Dans son état, elle s'attendait à ce qu'il sursaute à la moindre contrariété.
- Lily ? murmura-t-il en se ouvrant des yeux encore groggy. Mais… c'est le dortoir des…
Il sembla prendre soudain conscience de l'endroit où il était et sursauta violemment.
- J'ai… j'ai dormi en cours ?
Tous ses gémissements et ses protestations n'atteignirent pas ses amis. James promit de lui passer ses notes, et Peter n'avait d'oreilles que pour son estomac, maintenant que l'heure du déjeuner avait sonné.
Lily avait l'impression de jouer les baby-sitter, à table. Cathy et elle vérifiaient qu'il se nourrissait convenablement et assez.
- Je ne veux rien entendre, disait Cathy d'un ton menaçant. Tu vas manger tout le contenu de ton assiette parce que tu en as besoin.
- Je n'ai pas faim, gémissait le garçon. Bon Dieu, toutes les deux, vous êtes pires que ma mère !
Et la suite ne s'arrangeait pas. A la fin du repas, James et Sirius le traînèrent de force au dortoir et le mirent sur son lit.
- Mais le double cours de Botanique ! Je ne peux pas…
- Ecoute-moi bien, articula James.
Peter, Cathy et Lily regardait la scène de la porte du dortoir. James, penché sur Remus, le tenait plaqué sur le lit d'une main – pas que Remus avait l'air de vouloir réellement bouger – et, penché sur lui, lui parlait d'une voix calme et colérique, un air dangereux sur un visage.
- Tu vas rester ici et dormir, avant qu'on ne te mette de force à l'infirmerie. Pas de discussion. Tu rattraperas tes cours quand tu te sentiras mieux.
Remus hocha lentement la tête après une longue minute de silence.
- Bien. La voix de James changea du tout au tout et devint taquine. Essaie de ne pas mettre le bordel en dormant, je dois déjà ranger derrière Sirius…
- QUOI ? cria Sirius, un air faussement offusqué. Tu veux dire que c'est MOI qui range derrière tout le monde, ici ! Tu as laissé traîner une serviette mouillée sur mon lit hier…
- C'était la tienne, idiot !
- Nous allons être en retard, interrompit Lily.
Ils jetèrent un regard à leur montre puis à Remus. Celui-ci, malgré la dispute, s'était déjà endormi là où James l'avait laissé.
L'après-midi entière passée en Botanique fut une vraie torture. En cette fin d'été, le soleil brillait encore de tous ses feux et, dans les serres, aucun vent ne venait adoucir sa chaleur. Même Lily se sentait légèrement somnolente. Ce fut un soulagement lorsqu'ils purent enfin retourner dans la fraîcheur du château et s'effondrer dans les fauteuils de leur Salle Commune en attendant le dîner. Il ne leur fallut pas longtemps pour être plongés dans leurs devoirs, pas tout à fait certains de savoir s'ils attendaient l'heure du repas ou que Remus descende enfin. Lily avait un peu de mal à se concentrer sur son devoir de Potions, et levait souvent les yeux de son parchemin. En l'absence de Remus, Sirius avait repris la lourde responsabilité d'aider Peter ; Cathy s'était assise de l'autre côté de Lily, partageant son attention entre son livre et Kérel, le capitaine de l'équipe de Quidditch et James semblait très concentré sur son propre travail. Rêveusement, Lily fixa ses yeux sur James en mâchonnant le bout de sa plume. Elle remarqua à peine Remus arriver, et ce fut la voix de Cathy qui la tira de sa transe.
- Ah ! Voilà notre grand malade ! Tu t'es bien reposé ?
Lily leva les yeux en catastrophe. Remus semblait beaucoup mieux, même s'il était toujours un peu pâle. Il souriait à Lily d'un air taquin. La jeune fille sentit ses joues devenir rouges, et elle jeta un rapide coup d'œil à ses compagnons, mais, apparemment, aucun autre ne l'avait vu fixer James.
- Oui, ça va mieux. Merci.
Sirius fit un petit ricanement.
- Merci de quoi ? On t'a traîné ici, forcé à t'allonger et à dormir ! Quelle torture, hein ? Nous ne sommes pas dignes d'être tes amis !!!
Remus se détendit un peu et eu un petit sourire.
- On va manger ? demanda Peter. J'ai faim !
- Tu as toujours faim, Paul, fit remarquer Cathy sans lever les yeux de son parchemin.
- Je m'appelle Peter !
- … et moi aussi, j'ai faim ! Remus interrompit la dispute naissante. Ce n'est pas l'heure du dîner, tout de même ? J'ai dormi aussi longtemps ?
- Il faut dire que tu étais épuisé… répondit Lily en levant un regard inquiet sur son ami. Qu'est-ce que tu as eu ? Une mauvaise grippe ?
- Euh… quelque chose comme ça. On y va ?
- D'accord, dit James en posant sa plume. De toute façon, je commençais à en avoir marre, des Potions. Alors, Monsieur le Devin, qu'y a-t-il à manger ce soir ?
Remus se contenta de hausser les épaules. Avec des soupirs de soulagement, ils se levèrent tous et se dirigèrent vers la porte. Lily garda Remus un peu en arrière du groupe, hors de portée de voix.
- Tu sais que, si tu as un problème, tu peux nous en parler ?
La voix de Lily était extraordinairement douce et compréhensive. Remus baissa des yeux surpris dans les deux grands yeux verts de la jeune fille.
- Je veux dire… on ne se connaît pas depuis longtemps, mais tu peux me faire confiance. Et je pense que tu peux nous faire confiance à nous tous.
Remus avait l'air totalement stupéfait, et Lily ne put s'empêcher de sourire légèrement et de lui prendre le bras en le conduisant à travers les couloirs. Remus rougit un peu, mais ne fit rien pour se dégager. Lily le sentit se détendre légèrement.
- Nous nous sommes inquiétés pour toi, hier soir.
- Je suis désolé.
Il y eut un silence un peu gêné.
- Alors, dit Remus avec un léger sourire. Tu étais très attentive à tes devoirs, tout à l'heure.
- Remus, cria Lily d'un ton indigné.
- Ne t'en fais pas, je ne dirais rien là-dessus. Je suis bouche cousue.
Lily avait viré à un teint rouge brique.
- Il n'empêche, je te croyais plus sérieuse que ça…
La jeune Evans donna un léger coup de poing à son ami, et éclata de rire. C'était bon au moins de voir qu'il avait retrouvé une certaine bonne humeur. Ils riaient encore quand ils s'assirent à table, et Lily rougit de plus belle sous le regard interrogateur de James.
Le sommeil de Peter fut désagréablement interrompu par une sonnerie aigrillarde. Une partie de son cerveau se secouait, lui rappelant vaguement qu'il avait des choses à faire, des cours à suivre… et l'autre partie insistait lourdement sur la chaleur de son lit, l'exhortant à replonger dans le sommeil, faisant tout son possible pour ignorer la sonnerie. Ce devait être cette dernière partie qui régissait ses mouvements, car il ne bougea pas. Il ne se rendit même pas compte que la sonnerie s'était mystérieusement arrêtée et replongea doucement dans l'inconscience. Du moins, jusqu'à ce que le monde s'écroule autour de lui.
Il se dressa dans son lit en poussant un cri. Le monde ne s'était pas écroulé, finalement. Sirius s'était contenté de sauter joyeusement sur son lit, avec l'enthousiasme d'un jeune chiot.
- Allez, debout, Peter !
Le dénommé Peter grogna et se rallongea en grimaçant. Ce n'était pas vraiment la meilleure façon d'être réveillé.
- Dépêche-toi, ou tu n'auras pas de petit-déjeuner !
Petit déjeuner. Voilà une bonne raison de se réveiller ! Il se leva, s'habilla en vitesse et remplit son sac de livres avec un soupir désespéré. Il n'était pas sûr qu'une matinée dans un cachot soit quelque chose de très plaisant, mais s'il avait au moins compris le devoir demandé… Sirius avait pourtant passé sa soirée à lui expliquer tout en détail. Il était vrai que Remus expliquait mieux, mais puisqu'il semblait si fatigu
Sirius et Remus. Et James. Ah, encore des bonnes raisons de se lever. C'était encore un étonnement qu'ils soient ses amis. Ses amis ! Et qu'ils l'aident à comprendre les cours. Et qu'ils ne le laissent pas se réveiller en retard. Et qu'ils l'attendent pour descendre petit-déjeuner.
Le repas le rasséréna un peu, mais il y avait toujours ce double cours de Potions en perspective. Heureusement que Daniel était un professeur indulgent.
Peter travaillait avec Cathy. Elle avait beaucoup moins de patience que Remus, ou même Sirius, et c'était encore un émerveillement pour le jeune garçon que ces deux-là ne l'ai pas encore laissé avec ses problèmes de compréhension. Cathy finissait toujours pas prendre en main la conception de la potion, révélant un certain don pour cela, laissant de petites tâches simples à Peter, comme la préparation des ingrédients. Cela n'était pas passé inaperçu à Rogue, assis de l'autre côté de la rangée, et il avait commencé, dès le premier cours, à siffler des commentaires déplaisants au jeune garçon.
Au bout d'une heure de cours, cependant, Rogue tourna son attention vers Sirius et James.
- Alors, les Gryffondor, je suppose que vous allez participer au concours ?
- De quoi tu parles ? grogna Sirius.
- Vous ne savez pas ? Ou vous n'êtes pas assez courageux pour y aller ?
- Dépêche-toi de lâcher la nouvelle et de partir, chéri, ton odeur m'incommode.
Severus décida d'ignorer Cathy et se pencha plus près d'eux. Cathy n'avait pas réellement tort, constata Peter. En fait, elle avait totalement raison, et il se pencha plus près du sang de dragon qu'il dosait, espérant qu'une odeur en masquerait une autre.
- Pour ceux qui l'oseront, il y aura un concours samedi matin. Pour voir qui sera capable de toucher le tronc du Saule Cogneur. Vous allez y aller ?
- On ne va pas rester faire la grasse matinée ! Bien sûr qu'on y sera.
Peter arriva à supprimer le gémissement qui lui vint. Pas de grasse matinée ? En tant qu'ami, il se devait bien de les accompagner là-bas, non ? Et de… tenter sa chance, lui aussi ? Il lui vint des sueurs froides. Il leva un regard implorant vers Sirius et James, et vit, plus loin devant, Remus qui s'était retourné avec une expression horrifiée.
- En attendant, dit Cathy avec force, si tu nous laissais ? Ta potion va bientôt bouillir, tu vas devoir rajouter le sang de dragon. Et, ajouta-t-elle alors qu'il s'éloignait, tu as déjà entendu parler de l'hygiène corporelle ?
- Tu n'as rien à me dire, Sang-de-Bourbe !
Remus, Sirius et James se tournèrent immédiatement vers Rogue, un air furieux sur leurs visages. Peter enfonça la tête dans les épaules et s'absorba dans le dosage du sang de dragon. Combien Cathy lui avait-elle demandé d'en mettre, déjà ? Il n'avait aucune mémoire !
Mais l'incident se termina rapidement. Cathy eut un rire léger et retourna à sa potion sans se formaliser, et Daniel passait justement pour vérifier les concoctions. C'était une chance, car Sirius avait déjà sa baguette à la main, et James avait la main à sa ceinture. Seul Remus n'avait pas bougé.
Néanmoins, il découvrirent vite que Rogue n'avait pas menti. Les conversations enthousiastes sur l'épreuve du samedi matin glissaient un peu partout, de préférence hors de portée des oreilles des préfets.
Les jours suivants passèrent étonnamment vite, trop vite au goût de Peter. Une image du Saule flottait constamment devant son regard, lui faisant perdre le peu de concentration qu'il avait. Même Remus perdait patience pour lui expliquer les éléments les plus simples des cours.
En un rien de temps, le vendredi soir arriva. C'était ordinairement le soir où Peter pouvait se détendre, repousser ses devoirs au samedi et au dimanche, et profiter pleinement du feu et des discussions de la Salle Commune. Mais évidemment, sa peur du lendemain l'empêchait de réfléchir raisonnablement. Il se réprimanda vertement : ce n'était certainement pas une attitude digne d'un Gryffondor. Il tenta de faire bonne figure et écouta la conversation que tenaient James et Sirius et à laquelle se joignait Remus à ce moment et qui concernait… le Saule Cogneur, évidemment.
- Quoi ? disait Remus. Tu étais sérieux, Sirius ? Tu comptes vraiment y aller ?
- Pourquoi pas ?
Sirius avait apparemment fait la mauvaise réponse. Remus fronça les sourcils et, d'après son air, il n'allait pas laisser passer ça. Peter eut à la fois un mouvement d'espoir et d'admiration. S'il avait un peu plus de courage, il aurait bien tenu bien tête à James et Sirius, lui aussi. Ca lui assurerait au moins une grasse matinée.
- Tu es complètement dingue ! Il n'est pas question que tu y ailles !
Sirius avait l'air d'un tout petit enfant privé de son plus beau jouet, et, quand il se remit à parler, c'était sur un ton implorant.
- Mais pourquoi ? On va me prendre pour un dégonflé ! Tout le monde va essayer, demain !
- Ah oui ? Et si tout le monde décidait de monter sur la tour d'Astronomie et de se jeter en bas, tu le ferais ?
- Et pourquoi pas ? Enfin, James, aide-moi !
- Ben, oui, Remus. Le Saule est peut-être dangereux, mais si on fait attention… c'est une histoire d'esquive…
Remus se tourna vers James d'un mouvement vif.
- C'est pas vrai… toi aussi ? Vous êtes fous ! Vous allez risquer votre vie !
- Mais on ne va pas risquer notre vie ! C'est pas si dangereux que ça, un Saule Cogneur ! Pourquoi ne viens-tu pas essayer ? Tu n'en as pas l'air, mais tu es sacrément sportif ! Je t'ai vu courir !
Sirius semblait accumuler les mauvais points. Peter se prit à espérer que Remus arriverait à mettre un peu de plomb dans la cervelle des deux autres. Si cela continuait ainsi, il se retrouverait cependant au milieu d'une bataille, chose qu'il détestait par-dessus tout.
- Moi, je vais éviter cet arbre autant que possible. Vous faites ce que vous voulez, mais j'ai une chose à vous dire : c'est de la folie et plus que dangereux.
Apparemment, Remus était parvenu à quelque chose : Sirius et James avaient des expressions tout d'un coup sérieusement dubitatives.
- Mais… bégaya Sirius… tu… tu as déjà rencontré ce genre de Saule avant ? Je croyais que c'était une espèce rare.
Remus, au grand déplaisir de Peter, sembla abandonner la partie à ce moment-là. Il garda les lèvres pincées, regardant tour à tour Sirius et James, et finit par monter au dortoir avec un haussement d'épaules. Au moins, il avait réussi à semer le doute. Peut-être Peter pouvait-il achever de les convaincre.
Au moment où il rassemblait son courage pour ouvrir la bouche, Lily et Cathy entraient dans la salle commune. Elles se dirigèrent droit vers les garçons.
- Vous y allez, demain ? demanda Cathy d'un ton brusque et excité. Moi, oui. Le Saule Cogneur n'a qu'à bien se tenir !
Lily se contenta de hausser les épaules et de monter, elle aussi, au dortoir. Peter jura tout bas. L'enthousiasme de Cathy avait réveillé celui des garçons.
Il ne mit pas longtemps à aller se coucher, fatigué des conversations sur les différents moyens d'éviter les branches du Saule, et dormit mal.
Le lendemain matin, Peter fut à nouveau réveillé par le bondissant Sirius, mais en silence, cette fois. Il s'habillèrent et sortirent sans un bruit pour ne pas réveiller Remus. Cathy était déjà à la table du déjeuner, rayonnante et fraîche comme une rose. Il n'y avait que quelques téméraires pour se lever aussi tôt – Peter gémit en voyant que le plafond magique était encore noir.
Il n'y avait que quelques lève-tôt autour du Saule Cogneur quand ils y parvinrent. Au début, un peu gênés, ils se regroupèrent à une certaine distance du Saule et discutèrent sans grande conviction. Un cinquième année de Serpentard, cependant, fit un premier essai. Il s'avança vers le Saule d'un pas qui se voulait sûr.
Une branche arriva de nulle part, semblait-il, envoyée avec une force incroyable. Il l'évita juste à temps. Il feinta d'un côté et plongea de l'autre, mais l'arbre semblait trop intelligent pour ça. Le Serpentard reçut deux coups, et finit par reculer hors de portée.
Quelqu'un d'autre tenta sa chance, avec autant de succès. Bientôt, essais après essais, les concurrents s'enhardirent et cela devint vite un tournoi résonnant de rires et de cris d'encouragement. D'autres personnes les rejoignaient à mesure que le soleil se levait. Cathy, Sirius et James ne faisaient encore rien, observant avec attention, et discutant entre eux à voix basse.
- Alors, on se contente de regarder ? lança une voix déplaisante. Vous n'avez pas les tripes d'essayer, hein ?
Les quatre amis se retournèrent d'un bloc. Avec quelques camarades de Serpentard, Severus venait d'arriver, aussi déplaisant qu'à l'ordinaire.
Lily venait d'arriver, également, et regardait ses amis et Rogue avec une certaine appréhension.
- On prend notre temps, Rogue, répondit James d'un ton froid. On ne se jette pas inconsciemment dans la mêlée.
Sirius, d'un autre côté, semblait en avoir assez vu. Il se dirigeait d'un pas résolu vers le Saule Cogneur. James soupira et le suivit avec Cathy, et Peter fit de même, bien plus tremblant. Lily fit bien un mouvement pour les arrêter, mais, devant Rogue, elle aurait purement et simplement attiser la colère et la volonté de Sirius, et elle finit par laisser faire, une expression découragée dans ses jolis yeux verts.
- Pettigrew ! Ne me dis pas que tu vas tenter ta chance ?
Peter ne se retourna pas et marcha d'un pas plus résolu, étonné d'en être capable. Ses trois amis étaient déjà à portée du Saule, esquivant les branches, vifs comme des éclairs. Ils essayaient apparemment de rattraper le Poufsouffle de cinquième année, Dave Goujon qui était déjà à mi-chemin du tronc. Peter ne mit pas longtemps à se rendre compte que, malgré tous leurs efforts, ils ne parvenaient pas vraiment à passer les premières branches. Au moins évitaient-ils celles-ci avec une redoutable agilité.
Peter arriva à son tour à portée des branches. Maladroitement, il en évita une, et voyait la seconde se diriger inexorablement vers son visage quand il se sentit tiré en arrière par le col de sa robe et projeté au sol.
Il se releva sur les coudes pour voir qui l'avait repoussé comme ça. C'était Remus. Le jeune garçon avait un air tellement furieux que personne n'osait l'arrêter ni l'interpeler. Il récupéra James, Cathy et Sirius, qui n'étaient pas allés très loin, et les entraîna à côté de Peter.
- Mais à quoi vous pensez ? cria-t-il à tue-tête. Vous voulez vraiment vous faire tuer ?
James ouvrit la bouche pour essayer de calmer Remus, mais la referma aussitôt. Un horrible cri avait retenti. Peter vit Remus devenir plus pâle qu'un linge alors qu'il se tournait vers le Saule. Dave, tout près du tronc, avait essuyé le coup d'une branche particulièrement épaisse et vicieuse. Pelotonné sur le sol, il tentait d'échapper aux coups de l'arbre, sans grand résultat. Toutes les branches maintenant se déchaînaient sur lui, faute d'une autre victime.
Quelques filles poussèrent des cris, et un élève partit en courant vers le château pour chercher un professeur mais, dans l'ensemble, la foule resta figé d'horreur.
Sans que Peter l'ait vu vraiment s'y glisser, Remus apparut tout d'un coup entre les branches du Saule, louvoyant entre elles avec une grande habileté. Les branches qu'il ne pouvait esquiver retombaient sur ses bras levés au-dessus de sa tête sans paraître faire de grands dégâts, ni même le ralentir.
A mi-chemin, une branche se prit dans sa cape, le retenant un peu. Il dégagea sa cape d'un geste sec et continua. Mais d'autres branches, celles qui ne pouvaient plus l'atteindre, s'agrippaient à sa cape comme si leurs vies en dépendaient. Remus finit par défaire l'attache de sa cape et la laissa en pâture à l'arbre.
Le Saule, incapable de repousser ce nouvel envahisseur, plus rapide que les autres, sembla prendre un moment de réflexion, et ses attaques se firent moins violentes et moins denses.
Remus arriva très vite aux côtés de Dave et se pencha sur lui. Peter, pour la première fois, regarda vraiment le Poufsouffle tandis que Remus, avec douceur, soulevait les mains qu'il tenait plaquées contre son visage. Elles étaient en sang, ainsi que son front, sa tempe et son œil droit.
Cathy et Lily poussèrent un cri d'avertissement. Une branche se dirigeait en une attaque vicieuse vers le dos de Remus. Mais il devait déjà l'avoir senti, car, à la dernière seconde, la branche était fermement immobilisée dans sa main à l'apparence fragile et un craquement sinistre indiqua que la branche avait cassé. Celle-ci, dans un sursaut de douleur, tenta de se dégager, et Remus, un peu déstabilisé, dut s'appuyer au tronc pour conserver son équilibre.
L'arbre redevint ivre de fureur, et il fut plus difficile à Remus de revenir, en soutenant Dave. Mais il y parvint tout de même assez rapidement, et des applaudissements retentirent autour de lui, brisant enfin le lourd silence. Il ne sembla pas s'en apercevoir. Son visage était encore un masque de colère plutôt terrifiant et, involontairement, Peter recula un peu en le voyant approcher.
Sirius articula quelque chose qui ressemblait à un "wow", ne gagnant qu'un regard de travers de son ami. Lily était penchée sur Dave, et elle essuyait le sang avec un pan de sa robe, l'air aussi furieux que Remus.
McGonagall arriva presque immédiatement, et son apparition fit taire immédiatement tous les élèves. Les claques cessèrent de tomber sur le dos de Remus, et un silence s'installa, troublé uniquement par les gémissements de Dave et les paroles de réconfort des élèves penchés sur lui. Pour le peu de temps qu'il la connaissait, Peter pouvait dire qu'il ne reverrait son professeur de Métamorphoses que rarement – si ce n'était pas du tout – dans cet état. Elle semblait soit sur le point de hurler sur tous les élèves présents, soit de fondre en larmes.
Elle finit par desserrer ses mâchoires et murmura quelque chose que personne n'entendit. Une civière apparut à côté du garçon blessé, et elle était en train de l'y attacher solidement lorsque Dumbledore arriva, l'air grave. Il mit la main sur le bras de McGonagall.
- Je vais l'emmener à l'infirmerie, Minerva. Assurez-vous que les autres élèves rejoignent leurs salles communes respectives.
- Bien, M. le Directeur.
Les élèves reculèrent un peu lorsque la sorcière à l'air sévère se retourna vers eux. Peter en vit plus d'un jeter un regard désespéré sur Dumbledore. Le directeur aurait sûrement été plus calme, moins furieux. A leur grand soulagement, elle n'explosa pas de colère, mais, quand elle parla, sa voix tremblait.
- Dites-moi seulement, au nom du ciel, comment vous avez fait pour le sortir de là. Avant que je n'arrive ici, on m'a dit qu'il était hors d'atteinte sous les branches du Saule Cogneur.
Personne ne répondit rien, mais les regards se tournèrent vers Remus, qui avait maintenant l'air plus misérable que furieux. Lily, toujours hors d'elle, lui tenait le bras dans une main en essayant de ne pas regarder les autres élèves.
- Vous avez entendu le directeur ? Je veux tout le monde dans les salles communes, et maintenant ! J'aimerais cependant avoir un mot avec vous, M. Lupin. Seul, si possible. Vos amis peuvent retourner à la tour Gryffondor.
- On peut peut-être… l'attendre un peu plus loin ? tenta Lily.
McGonagall regarda Lily avec un regard indéfinissable, mais son expression se radoucit un peu.
- Si vous insistez… je ne serais pas longue. M. Lupin ?
Peter et les autres s'éloignèrent un peu, et attendirent dans un silence gêné que Remus les rejoignent.
La tête enfoncée dans les épaules, Remus attendait que McGonagall prenne la parole. Il n'osait pas lever les yeux vers elle. Il avait l'impression que la respiration saccadée du professeur allait lui déchirer les tympans.
- Vous ne faisiez tout de même pas partie de cet horrible tournoi ? demanda-t-elle sur un ton qui montrait qu'elle était déjà convaincue de la réponse.
Remus leva vivement la tête et la fixa avec des grands yeux ronds. Elle posait vraiment la question ? McGonagall sourit faiblement.
- C'est bien ce que je pensais. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Remus ouvrit la bouche pour répondre mais la referma aussitôt. Il ne pouvait tout de même pas dire ouvertement que James, Sirius, Peter et Cathy avaient essayé d'affronter le saule. Pour le moment, le professeur ne pouvait savoir qui étaient là en spectateur et qui avaient tenté le coup. Il n'allait tout de même pas mettre ses nouveaux amis dans le pétrin !
- M. Lupin… Qu'est-ce qu'il s'est passé ? répéta le professeur McGonagall.
- Euh… Je suis venu pour voir ce qui se passait et comme j'arrivais, Dave s'est fait assommer par une branche. Je suis allé le chercher.
À l'expression du professeur, Remus sut qu'elle se doutait fort bien de la raison exacte de sa présence auprès du saule mais elle ne fit aucun commentaire à ce sujet.
- Je présume que vous étiez contre la pratique de ce concours ? Alors pourquoi avez-vous tenté d'aller chercher M. Goujon au lieu d'attendre qu'un professeur arrive sur place ?
- Et bien… C'est qu'il aurait eu le temps de se faire blesser plus gravement si personne n'était allé le chercher, répondit Remus.
- Mais ce n'était pas à vous de le faire.
Remus fixa le sol d'un air triste.
- Il ne se serait pas fait blesser s'il n'y avait pas eu de concours et il n'y aurait pas eu de concours s'il n'y avait pas eu de saule et… et…
- Ce n'est pas votre faute, voyons ! s'indigna le professeur.
- Mais si, répliqua Remus à voix basse.
- Ce n'est la faute de personne d'autre que ceux qui ont eut la bêtise de vouloir affronter cet arbre. Soyez certain que des mesures seront prises pour que ceux qui n'auraient pas compris la stupidité de telles actions ne recommencent jamais.
Remus ne répondit rien.
- Mais, dites-moi, pourquoi n'avez-vous pas simplement arrêté l'arbre ? Vous étiez pourtant du bon côté pour appuyer sur le nœud, demanda McGonagall.
- Oui… je l'étais.
- Mais alors… Pourquoi ?
- Je… j'ai cru qu'il serait préférable que personne d'autre ne sache comment immobiliser le Saule, répondit Remus d'une voix rauque en fixant le sol.
Il entendit le professeur pousser un curieux soupir. Il leva la tête vers elle et vit qu'elle le regardait avec les yeux brillants de larmes. Le sang monta au visage de Remus et il détourna rapidement le regard.
- Vous en prenez beaucoup sur vos épaules pour quelqu'un de votre âge. Oh, je sais que vous pouvez en porter plus qu'il n'en paraît mais vous êtes encore jeune. Ne l'oubliez pas, dit le professeur d'une voix émotive.
Remus fonça les sourcils. Il savait qu'il était jeune. Pourquoi est-ce qu'elle lui disait de ne pas l'oublier ?
- Je vous laisse rejoindre vos amis. Profitez-en donc, dit-elle avant de tourner les talons et de se diriger vers le château.
Remus la regarda un moment puis s'en alla rejoindre les autres en essayant de comprendre ce que le professeur venait de lui dire.
- Oh, Monsieur Lupin !
Remus s'arrêta et se tourna vers le professeur McGonagall.
- Je vous félicite pour ce que vous venez de faire.
Remus leva un sourcil.
- Je parle de Monsieur Goujon, bien sûr. 10 points pour Gryffondor.
- Mais professeur… !
Le professeur ne porta pas attention à ses protestations et reprit sa route. Remus la regarda partir en soupirant. Il ne méritait pas de points. Il avait simplement fait ce qu'il avait à faire. C'était de sa faute. Le saule cogneur avait été planté là à cause de lui. Remus ne pouvait s'empêcher de penser à l'horreur qu'il aurait éprouvée si Dave avait été un de ses amis. Jamais il ne pourrait supporter que quelqu'un souffre à cause de lui. Il était dangereux. Très dangereux. Il avait été égoïste d'accepter de venir à Poudlard. Mais il n'avait jamais cru qu'il aurait des amis. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas en avoir…
Lily regardait Remus parler au professeur McGonagall avec un sentiment d'anxiété mêlé de fureur. Furieuse que ses amis aient eu la stupidité de participer à ce concours grotesque, et furieuse contre elle-même pour ne pas avoir essayé de les dissuader. Elle frissonnait à la simple pensée de ce qui aurait pu arriver à James, Sirius, Cathy, ou au fragile Peter. Et Remus ! Quels risques il avait pris pour aller chercher un garçon qu'il ne connaissait pas ! Lily avait bien failli rendre son déjeuner tant la terreur qui s'était emparé de son estomac à ce moment était grande.
Ses quatre compagnons, à quelques pas d'elle, lui jetaient des regards timides quand ils ne regardaient pas Remus et McGonagall, en ayant la bonne grâce de paraître désolés. Mais elle ne leur porta pas la moindre miette d'attention. Remus avait l'air de plus en plus misérable, et moins furieux. McGonagall ne pouvait pas le réprimander pour ce qu'il avait fait, si ?
Leur professeur de Métamorphoses finit par partir en laissant derrière elle un Remus plutôt secoué, passant sans un regard à côté de Lily. Remus resta planté un moment où il était, le regard dans le vide. Il finit cependant par se secouer, et suivit les traces de McGonagall sans un regard pour personne. Le petit groupe se mit en branle à quelques pas derrière lui, sans oser l'aborder. Lily haussa les épaules d'un air rageur et allongea son pas pour se retrouver à côté de lui. La lueur de fureur qui illuminait les yeux du jeune Lupin s'éteignit aussitôt qu'il reconnut la personne à côté de lui, mais il ne dit rien, et laissa Lily lui prendre le bras sur le retour vers la salle commune.
La jeune fille sentit Remus se détendre, mais, à sa surprise, la fureur ne reculait que pour laisser place à une culpabilité teintée de terreur. De quoi pouvait-il donc se sentir responsable ? Rien de ce qui était arrivé n'était de sa faute.
- C'était fantastique, ce que tu as fait. Enfin, je veux dire… c'était très courageux de ta part, d'aller chercher ce garçon et très stupide de leur part à tous d'avoir fait ça, ajouta-t-elle sous un regard méfiant de Remus.
A nouveau, le garçon se détendit, et haussa les épaules.
- Je suppose que n'importe qui l'aurait fait, s'ils avaient pu… McGonagall a accordé 10 points à Gryffondor pour ça.
- Tu n'en as pas l'air heureux…
- Je n'aurais pas dû les laisser faire… c'est entièrement ma faute.
Lily donna une petite pression rassurante dans le bras de Remus, mais regarda au ciel avec un rire moqueur.
- Tu racontes n'importe quoi ! Tu pensais pouvoir empêcher toute l'école de profiter du nouveau joujou de Poudlard ? Ce Saule Cogneur est trop dangereux, ils devraient tout simplement le retirer…
- Non !
Surprise par le ton brusque, Lily s'arrêta net, tournant vers elle un Remus rougissant qui regardait de tous côtés.
- Je veux dire… il doit y avoir une bonne raison pour qu'ils l'aient placé ici, non ? Peut-être qu'on l'étudie en cinquième ou sixième année ? Et puis, ajouta-t-il dans un murmure, j'aime bien les Saules Cogneurs.
Il n'y avait rien de convaincant dans ce que venait de dire Remus, mais la jeune fille fit semblant d'y croire, et repartit en direction de leur Salle Commune avant que les autres n'aient le temps de les rattraper.
Le portrait de la grosse dame s'ouvrit sur une véritable tempête d'acclamations. A peine fut-il entré que la moitié des étudiants de Gryffondor s'en emparèrent et le portèrent littéralement en triomphe. Ce fut une chance pour eux, pensa Lily, que Marcial, l'air sinistre, vienne secourir le jeune héros, car celui-ci semblait prêt à exploser de colère à nouveau. Ils finirent par arriver tous les deux dans le dortoir des garçons, en sécurité, hors de portée de la demie-fête qui se déroulait en bas.
- Je pense que les autres vont participer aux festivités…
Mais elle se trompait lourdement : la porte s'ouvrit aussitôt, laissant passer leur quatre amis à la mine déconfite. Un silence gêné s'installa, et Remus restait debout, à les regarder d'un air appréhensif et encore légèrement fâché.
James fut le premier à prendre la parole.
- On est… désolés, Remus, tu avais raison. On aurait tous pu se faire tuer.
- C'est maintenant que vous vous en rendez compte ? explosa Lily. Vous êtes plus stupides encore que je ne pensais !
Ils furent tous surpris de la réaction de Lily. Même Remus oublia un instant sa colère et sa culpabilité et la regarda avec des yeux ronds.
- Mais Lily…
- J'étais morte de peur, cria Lily à James. Vous auriez pu vous faire tuer, Remus aurait pu se faire tuer, Dave aurait pu se faire tuer, mais vous n'y aviez pensé, hein ? Vous n'avez pas réfléchi !
James, Sirius, Cathy et Peter regardaient à nouveau la pointe de leurs chaussures très attentivement, et la voix de Lily montait au fur et à mesure qu'elle progressait dans son sermon. Remus, toujours plus étonné que fâché, vint finalement mettre la main sur l'épaule de Lily pour la calmer.
- Lily, vraiment, ce n'est pas si grave. Et je suis plus à blâm…
- Remus, le coupa-t-elle d'un ton glacial, ne va pas prendre leur défense maintenant, et je t'interdis, tu m'entends, je t'interdis de penser que tu as quelque chose à voir là-dedans. S'il y a quelqu'un qui doit se sentir coupable, ce n'est certainement pas toi.
- Lily a raison, intervint James d'une petite voix. Vraiment, ça n'a rien à voir avec toi…
Ils se tinrent tous silencieux pendant une petite minute. Sirius finit par prendre la parole, doucement.
- Alors, est-ce que… ?
- Je ne vais pas vous pardonner si facilement, coupa Lily à nouveau. Ce n'est pas parce que vous avez compris la leçon que je vais laisser passer aussi facilement.
Elle sortit du dortoir en coup de vent, et le silence se réinstalla.
- Ca alors, murmura finalement Sirius en fixant la porte par où Lily était sortie. Comment a-t-elle su ce que j'allais dire ? Elle est un peu… secouée, non ?
- Elle a eu drôlement peur, confirma James avec un hochement de tête. Peut-être qu'elle nous pardonnera quand elle sera calmée. Mais elle avait raison, continua James avec un coup d'œil à Remus.
Celui-ci se contenta de hocher la tête sans rien dire.
- C'est bientôt l'heure du repas, non ? couina Peter.
- Moi aussi, j'ai faim, dit Sirius avec un léger sourire. On va manger ?
Remus eut un léger rire mais les suivit sans protester jusqu'à la Grande Salle, où ils évitèrent comme ils purent les membres de leur maison qui avaient encore l'esprit à la fête.
Comme l'avait prévu James, il ne fallut pas longtemps à Lily pour leur pardonner. Elle vint se rasseoir avec eux dans la salle commune le lendemain soir, sous le rire de Cathy.
- J'ai essayé comme j'ai pu de rester avec nos très chères camarades de chambre, dit Lily avec un sourire coupable, mais c'était vraiment trop dur. Je suis désolée de vous avoir crié dessus…
Cathy lui passa un bras sur l'épaule en riant.
- T'en fais pas, Lily-jolie. On l'avait mérité. Merci à toi pour nous avoir si joliment fait la morale.
James ne semblait pas tout à fait en désaccord avec Cathy, mais ne le laissa pas paraître, occupé comme il l'était derrière un énorme morceau de parchemin.
Ils furent interrompus par une note qui apparut sur le tableau d'affichage de leur salle commune avec une petite détonation et un nuage de fumée dorée. Sirius bondit aussitôt pour aller la lire avant que tous les Gryffondor ne soient regroupés devant.
Il revint avec une expression à mi-chemin entre le ravissement et la colère.
- Sélections de Quidditch et premiers cours de vol sur balais pour les premières années cette semaine, annonça-t-il à ses amis.
- Alors pourquoi tu fais cette tête ?
- On a ce cours en commun avec les Serpentard.
Un grognement général répondit à ça. James jura et prit sa baguette pour effacer la tâche d'encre qu'il venait de faire sur son parchemin.
- Rogue me porte déjà sur les nerfs en potions, s'écria Cathy. Monsieur Je sais tout… Je ne vais pas devoir le supporter aussi dans mon loisir favori ?
