Disclaimer : 'Harry Potter' appartient à JKR (Vive JKR qui a achevé l'écriture du 6 eme tome!!!). Seules Anna Jones est à moi (si seulement Severus Rogue aussi...)

Rating : G

RAR :

Merci encore et encore et encore et toujours à toi, Soft (ou Tfos, si tu préfères...), pour continuer de m'encourager et aussi de supporter tous mes petits bavardages. Comme tu le sais déjà (mais pas les autres), ce chapitre t'es dédié...

Elvisa Jedusor : merci pour ton petit commentaire, ça fait tjr plaisir... Et bravo tu es très perspicace !

BONNE LECTURE !!! Et Joyeux Noël (en retard : mieux vaut tard que jamais !)


Chapitre 5 : Désappointements pluriels.


Le jour suivant, tandis que dehors l'aube tardait à disparaître et que la pluie fouettait toujours violement les fenêtres du château, deux jeunes garçons vêtus aux couleurs de Gryffondor (l'un roux et l'autre brun) s'avançaient en direction des cachots.

- Pffff…, soupira Ron pour la énième fois depuis qu'ils étaient réveillés. Dire qu'on doit demander une faveur à cet espèce de… de… de gros bouffon de Servilius ! Il va bien se foutre de nous, tu vas voir…

Harry inclina la tête en guise de réponse. Oui, lui aussi redoutait le moment où il se retrouverait face à face avec le professeur Rogue. Cet homme qu'il rendait responsable de la mort de Sirius et qu'il aurait aimé voir souffrir comme lui-même souffrait depuis lors…

Malgré les trésors de persuasion et d'apaisement déployés par Ginny Weasley tout au long de leur correspondance estivale, Harry refusait catégoriquement de reconnaître que Rogue faisait un bouc émissaire bien pratique. L'accuser lui, le Mangemort (Mangemort un jour, Mangemort toujours !), revenait à minimiser sa propre part de culpabilité et rendait son chagrin plus supportable…

Au cours des semaines suivant la disparition de son parrain, c'était en partie grâce à ce raisonnement tronqué que Harry avait réussi à conserver un semblant d'équilibre mental et à ne pas sombrer dans un désespoir sans fond… Ce n'était peut-être qu'une illusion, une protection dérisoire et infantile, comme le lui avait très justement expliqué Ginny. N'empêche que Harry avait eût besoin de s'y rattacher…

Au final, sa haine à l'égard de Rogue n'avait fait que s'accroître au cours de l'été.

Et à présent, de retour à Poudlard, Harry craignait par-dessus tout de ne pouvoir contrôler ses actes si son professeur le cherchait. Ce qu'il ne manquerait sûrement pas de faire… C'est pourquoi, peu amène, Harry se réjouissait grandement que Ron n'ait obtenu que 'Effort Exceptionnel' en potions et qu'il doive également demander à Rogue la permission de suivre ses cours de sixième année. Au moins, si les choses dégénéraient entre Harry et Rogue, son ami serait là pour temporiser la situation et l'empêcher de faire quelque chose d'irréparable. Ou, dans le pire des cas, il serait là pour aller avertir quelqu'un…

Tandis qu'il marchait en ruminant ces noires pensées aux côtés d'un Ron lui aussi silencieux, Harry se fit la réflexion que jamais les couloirs des cachots ne lui avaient semblé aussi lugubres et sombres que ce matin… C'était peut-être lié à son exécrable état d'esprit, mais l'air même lui paraissait plus humide et oppressant qu'à l'accoutumée. De l'eau malodorante suintait le long des murs, couvrant les pierres de larges tâches verdâtres et moussues, puis gouttait sur le sol avec une régularité stressante. Harry, ressentant une brusque poussée de neurasthénie, s'obligea à respirer profondément par le nez.

Dieu qu'il détestait ce qu'il avait à faire ! Dieu qu'il haïssait Severus Rogue !!! Le monde entier (et lui-même en tête) se porterait tellement mieux sans cet homme !

- Harry, attends-moi !, le prévint Ron.

Harry fit volte-face. Baissant les yeux, il vit que Ron s'était agenouillé au beau milieu du couloir, afin de renouer son lacet défait…

'Argh !!! Non-mais-qu'est-ce-qui-traînasse-encore-sui-là ?!?'

Harry ne se sentait plus le courage de repousser encore l'inévitable affrontement, maintenant qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres seulement du bureau de Rogue.

Il allait souffler au rouquin de se dépêcher un peu, 'qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec cette affaire !', quand une porte claqua lourdement non loin d'eux, résonnant dans le silence des cachots comme un coup de tonnerre.

Ron, toujours accroupi, releva vivement la tête de sur ses chaussures, alors que Harry se figeait sur place. Même si elle leur était encore cachée par un dernier tournant alambiqué du couloir, ils savaient très bien tous les deux qu'il ne pouvait s'agir que d'une seule porte… Cette porte

La seconde d'après, des pas martelaient bruyamment le sol de pierre.

Clac Clac Clac Clac…

Quelqu'un courait à vive allure dans le couloir et semblait se diriger droit sur eux.

Soudain, sorte de fantôme incongru, une hideuse silhouette féminine surgit des ténèbres, juste devant Harry. Celui-ci eût à peine le temps de se reculer pour l'esquiver… Mais elle trébucha sur Ron, s'affalant de tout son poids sur le pauvre garçon.

- Aaahhhh…

- Ouille !!!

- Aïe ?!?

- Tu m'écrases, bon sang ! Lève-toi !!!, grogna la voix de Ron, étouffée sous le poids de la jeune fille et de ses lourdes robes d'hiver.

Harry aussi venait de reconnaître Anna Jones, la nouvelle élève aveugle, l'amie de Neville avec laquelle ils avaient discuté dans le train. La Serpentarde.

Pour le moment, Ron et elle offraient un spectacle des plus cocasse : sorte de ballet complexe de bras et des jambes emmêlés et gesticulants, le tout accompagné par les gémissements de frustration du rouquin. En effet, fort maladroitement, Anna cherchait vainement à se relever, prenant appui tant sur le mur à côté d'elle que sur Ron, qui se retrouvait à chaque nouvelle tentative de sa part plaqué au sol.

Venant à leur secours, Harry attrapa la main de la jeune fille dans la sienne et, sans ménagement, il la remit brusquement sur ses pieds.

Désorientée, Anna tourna la tête dans sa direction. Alors Harry su immédiatement pourquoi sa subite apparition dans le couloir l'avait troublé au point qu'il la confonde avec un fantôme. La jeune fille pleurait, et sur son visage rendu écarlate par l'effort et les larmes, les cicatrices qui la défiguraient n'en étaient que plus apparentes. Cruellement grotesques. Mais ses très beaux cheveux clairs brillaient dans la pénombre du cachot, comme doués de leur propre vie, d'une lueur presque surnaturelle.

Ce fût si fugitif que par la suite Harry se demanda s'il ne l'avait pas rêvé. L'espace d'un instant il pu lire, dans les prunelles fixes et vides de la jeune fille, toute sa tristesse – et une colère larvée – dans laquelle le jeune garçon reconnu ses propres sentiments. La même détresse qui lui rongeait le cœur depuis que… Puis, Anna se dégagea de son étreinte et le charme fût rompu.

- Anna ? Est-ce que ça va ?, interrogea-t-il, inquiet de ce que la jeune fille pleurait encore abondement – et de ce qu'elle sortait visiblement du bureau de Rogue.

Qu'est-ce que ce salaud avait-il bien pu lui faire pour la mettre dans un tel état ? Le jour où Harry avait fait sa connaissance – et en fait, la seule fois où il avait eût l'occasion de parler avec elle -, Anna ne lui n'avait pas semblé plus émotive qu'une autre.

- Et moi ? Tu me demandes pas comment ça va ?, pesta rageusement Ron.

Celui-ci venait à son tour de se relever. Harry remarqua qu'il frottait avec insistance une certaine partie de son anatomie qui était entrée lourdement en contact avec le sol dur des cachots. Visiblement Ron ne semblait pas particulièrement ému de voir Anna en larmes. Percevant probablement les regards accusateurs qu'il lui lançait, la jeune fille s'éloigna imperceptiblement d'eux. D'un pas d'abord. Puis un autre. Et encore un autre, un peu plus grand cette fois ci.

- Attends Anna ! Pourquoi est-ce que tu pleures ?

Harry regretta instantanément sa question. D'abord, elle était totalement indiscrète. Si la jeune fille lui répondait qu'ils n'avaient pas élevé les cochons ensembles, il l'aurait bien mérité ! Ensuite, il eût la pensée fulgurante – et néanmoins horrifiante – qu'Anna puisse se mettre à sangloter dans ses bras. Auquel cas, Harry n'avait pas la moindre idée de quoi faire. Déjà avec Cho… Et encore, avec la jeune Serdaigle, il savait quel était le problème… Enfin, façon de parler…

Mais la réponse d'Anna fût tout autre, faute d'être réellement satisfaisante :

- Allez au diable !, leur cria-t-elle, sa voix tendue par la colère.

Et sans rien ajouter de plus, ni 'merci' ni 'au revoir', s'enfuyant loin d'eux au risque de se rompre le cou, elle disparu de leur vue.

- Vraiment charmante cette fille !, commenta Ron avec mépris. C'est bien une serpentarde : tu veux l'aider et elle t'insulte !

- Allez vient, Ron ! On a autre chose à faire…, lui répondit Harry, qui avait cependant l'intuition que la colère de Anna n'était pas vraiment dirigée vers eux.

Puis, il entraîna Ron (le poussant presque) vers la porte du bureau du professeur Rogue. Prenant une grande inspiration, Harry frappa trois coups distincts et entra sans attendre de réponse.

L'habituelle odeur épicée qui accompagnait Rogue dans chacun de ses mouvements, lui sauta au nez. Le bureau du professeur, pour être bien plus haut de plafond, n'était guère différent des couloirs du cachot : sombres, d'un froid pénétrant et humides. À l'image de leur propriétaire…

- Tiens, tiens, Monsieur Potter…, susurra Rogue de sa voix basse et doucereuse. Ah !, ajouta-t-il en apercevant Ron qui venait d'entrer derrière Harry. Et Monsieur Weasley. Bien sûr…

Il était assis derrière son bureau, sorte de grande table en bois - somme toute assez rustique – déjà encombrée par de nombreuses piles de parchemins. Harry en gardait le souvenir assez désagréable de s'y être violement heurté le crâne lors d'un d'une séance d'occlumencie.

- Par Merlin, qu'ai-je donc fais pour recevoir la visite de tous les pires éléments de Poudlard, ce matin ?

'Hum…Vous êtes un Mangemort et un homme sans coeur je dirais, Monsieur !', pensa Harry, à qui l'allusion à la pauvre Anna Jones n'avait pas échappé.

- Monsieur, commença-t-il d'une voix qu'il voulait polie mais pas déférente. Nous sommes venus vous demander l'autorisation de suivre vos cours de potions, cette année encore.

C'était un jeu. Aucun d'eux n'avait l'intension de lâcher du terrain face à l'autre. Et en venir aux mains ou aux baguettes aurait été la preuve flagrante qu'ils ne se contrôlaient pas. Finalement ça serait peut-être plus facile que Harry l'avait imaginé, sa haine pour l'homme lovée chaudement autour de son cœur, protectrice.

- Vraiment ? répondit Rogue, narquois. J'aurai pensé que vous seriez satisfait de ne plus me voir… étant donné les mots que nous avons échangés l'année précédente,

Monsieur Potter.

'Et bien vous pensez mal !'

- Est-ce encore cette idée absurde de devenir Auror qui motive votre démarche ?, continua-t-il.

- En effet, Monsieur, dit Harry sur le même ton froid et calme que son professeur.

- Hum… Dois-je vous rappelez que l'Académie des Auror a été détruite la semaine dernière ?

- Le Ministère en construira une autre. Clandestine, cette fois ci. Et ni Voldemort ni ses Mangemorts n'y pourront rien.

Harry avait volontairement appuyé sur le nom de Voldemort. Néanmoins, il n'eût pas la satisfaction de voir Rogue trahir une quelconque réaction. Son visage était demeuré de marbre. Seul le petit hoquet étouffé de Ron avait rappelé sa présence aux deux autres.

- J'en doute… Toutefois, si vous vous entêtez, fort bien !, éructa Rogue d'une voix devenue dangereusement venimeuse. Avec votre pugnacité pointilleuse, votre droiture (le professeur cracha presque ce mot, comme si il lui brûlait la langue), votre vision manichéenne du Bien et du Mal héritée de votre père… Vous serez parfait comme Auror, croyez-moi.

Rogue s'aventurait sur un terrain délicat, il en était tout à fait conscient. Son allusion à James Potter n'était pas anodine, loin de là. Mais cet imbécile de Potter commençait sérieusement à l'insupporter avec cette confiance en lui démesurée et son air de ne pas y toucher.

- Alors vous nous acceptez dans votre cours ? demanda Ron à la place de Harry, sentant lui aussi venir l'orage.

- Ai-je dis une telle chose, Monsieur Weasley ? Et qu'est-ce qui vous fait croire que vous parviendrez à suivre avec vos notes habituelles ?

Alors que Ron ouvrait déjà la bouche pour répondre quelque chose, Rogue reprit la parole :

- Toutefois, le directeur Dumbledore m'a prié de bien vouloir accepter les étudiants ayant obtenus 'Effort Exceptionnel' à leur Buse et qui souhaiteraient éventuellement continuer les cours de potions en sixième année… Donc, il semblerait que cela s'applique à vous…

- Merci Monsieur, répondit vivement Ron, comme s'il craignait de voir Rogue revenir sur sa décision.

Puis, ce fût au rouquin de pousser discrètement Harry vers la porte du bureau. Maintenant qu'ils avaient obtenu ce qu'ils étaient venus chercher, Ron ne voyait aucune, mais vraiment aucune raison de s'attarder ici. Pourtant, Harry ne bougeait pas d'un pouce, son regard toujours rivé au regard sombre du professeur de potions. Ron prit son inspiration, avec la ferme intention de rappeler son ami à la réalité, quand encore une fois Rogue le précéda :

- Cependant…, dit-il, laissant sa phrase en suspens planer dans l'air confiné de la pièce comme une menace.

- Cependant, reprit-il, savourant son effet d'annonce, Monsieur Potter, sachez qu'il existe une condition sine qua none à votre intégration dans ma classe. Une condition que vous devrez accepter et ne plus jamais discuter si vous l'agréez aujourd'hui.

'Nous y voilà', songea Harry. Tout avait été bien trop facile, jusqu'ici.

- Vous devrez me remettre votre baguette à chaque début de cours.

- Quoi !?!

Harry s'était attendu à quelque chose de profondément tordu, digne d'un serpentard de la pire espèce, mais certainement pas à cela !

- Mais… mais pourquoi ?, bégaya Ron, tout aussi surpris que son ami.

- Comment, Potter ? Cela vous étonne ?

Visiblement, Rogue était résolu à ignorer Ron et s'adressa à nouveau directement à Harry :

- Croyez-vous que je serai assez fou pour prendre un tel risque ? Vous donner un cours alors que vous êtes en possession de votre baguette magique reviendrait à m'exposer à recevoir un sort de votre part, en plein dos !, s'emporta Rogue. Croyez-vous que j'ignore que vous me tenez responsable de la mort de cet abruti de Sirius Black ?

Pendant cette tirade quelque peu enflammée, Harry avait littéralement changé de couleur, passant du très rouge à une pâleur presque mortelle. Il ne savait même pas ce qui était le plus blessant : que Rogue insinue que lui, un gryffondor, puisse jeter à quiconque un sort par derrière, comme un lâche, ou bien ce que le professeur avait dit de Sirius.

- Non, je refuse !, fût la seule chose que Harry trouva à dire. Et nous verrons bien ce que dira le professeur Dumbledore de votre tentative d'intimidation sur un élève !

- Vous, intimidé ?, se gaussa Rogue. De toute façon, c'est le directeur Dumbledore en personne qui m'a conseillé cette solution lorsque je lui ai fait part de mes craintes concernant votre… votre attitude hostile à mon égard et de votre propension à vous échauffer…

Harry ne su jamais comment il était sorti du bureau de Rogue. Probablement que Ron y était pour quelque chose… Heureusement qu'il avait été présent !

Le jeune garçon se souvenait seulement avoir été brusquement submergé par sa haine pour cet homme. Son regard s'était voilé de rouge et à ses oreilles, son sang battait rageusement, lui intimant de prendre sa baguette. Pourtant, il n'avait rien fait… Il avait laissé Rogue injurier Sirius sans le défendre…

Le soir même, une fois dans son lit, Harry réalisa avec amertume que Rogue avait triomphé de lui. Pour cette fois, en tout cas. Mais ce qui lui déchirait le cœur et le prenait aux tripes était tout autre. C'était la constatation que le seul homme en qui il avait toujours eût totalement confiance, venait de le trahir. Et cet homme, c'était le professeur Dumbledore… Il avait donné raison à Rogue, à son propre détriment à lui, Harry.


- Harry, est-ce que ça va ? demanda Ron en prenant place à côté de son ami.

Au dessus de leurs têtes, le plafond magique de la Grande Salle baignait la pièce d'une lumière rose et comme veloutée, profondément apaisante. Étrangeté suspecte selon Harry, puisqu'au dehors l'après-midi s'achevait dans la même atmosphère lugubre que les jours précédents.

Voilà 2 semaines qu'ils étaient rentrés à Poudlard. Deux longues semaines durant lesquelles pas une seule minute, pas une seule seconde, il n'avait cessé de pleuvoir sur le château. Le terrain de Quidditch, noyé sous des tonnes d'eau boueuse, était devenu impraticable. Le lac débordait affreusement dans le parc, révélant sa grouillante population aquatique aux yeux ébahis des élèves. D'aucuns y voyait déjà un mauvais présage, un présage d'apocalypse…

Aussi, cette lumineuse voûte céleste en plein déluge automnal, était la confirmation de ce que les élèves soupçonnaient depuis longtemps, à savoir que le directeur ensorcelait régulièrement le plafond magique afin qu'il prisse l'apparence souhaitée par lui… 'Encore une manipulation de la part de Dumbledore…' avait alors pensé Harry avec amertume, se retenant difficilement d'ajouter 'ce vieux fou'.

En effet, depuis sa confrontation avec le professeur Rogue, l'humeur générale du jeune gryffondor n'était guère meilleure que les conditions météorologiques…

Un sombre sentiment de révolte mêlé d'injustice frémissait en lui, menaçant d'exploser à chaque instant. 'Quelle bande d'ingrats ! Voilà ce qu'ils sont tous !' se répétait-il inlassablement en son fort intérieur. Une bande d'ingrats pour laquelle il allait devoir tuer et peut-être même mourir. Et que récoltait-il en échange ? Cet abrutit de Rogue assurait tous ses cours de sixième année avec la baguette magique de Harry posée bien en évidence sur son bureau, à la vue de tous. Le professeur Dumbledore doutait toujours de son intégrité. Et surtout, les membres de l'Ordre du Phénix continuaient à se réunir sans qu'il ne lui en soit absolument jamais rien dit. Comme s'il n'était pas concerné !!!

Harry avait beau dissimuler sa rancœur et sa colère sous une apparence enjouée, il éprouvait de plus en plus de difficultés à garder son calme dans certaines situations. Grâce à Draco Malfoy et à sa clique de serpentards, Pansy Parkinson et son affreuse cousine Pénélope en tête, l'histoire de la baguette magique confisquée par Rogue à chaque début de cours avait rapidement fait le tour de l'école. Inutile de préciser que les serpentards l'avaient arrangés à leur manière… sous entendant moult détails indiquant que le jeune gryffondor avait perdu la raison. Maintenant les autres élèves observaient Harry, guettant ses réactions comme s'ils craignaient qu'il se mettre tout d'un coup à faire pleuvoir des sorts sur eux. Bref, encore une fois, il passait pour fou et dangereux aux yeux de toute l'école. Heureusement qu'il avait ses amis… Cependant, même avec eux, il lui arrivait de se montrer irritable.

Plus que la colère, c'était un sentiment de honte qui empoisonnait le cœur et l'esprit de Harry. Comment expliquer à Ron, à Hermione, ou encore à la gentille Ginny combien il se sentait coupable de n'avoir pas su défendre Sirius des insinuations venimeuses de Rogue ? Que si c'était à refaire, il referait tout autrement ? Si seulement, à ce moment là, il avait sorti sa baguette magique ! Si seulement il avait essayé de lancer un sort quelconque à son professeur ! Il se sentirait bien mieux maintenant, dut-il être puni pendant tout le trimestre. Mais, non. Harry s'était juste effondré. Comme une victime… Comme un enfant… Une honte cuisante lui faisait monter le rouge aux joues chaque fois qu'il y repensait.

Certes, ses amis (à qui Ron s'était empressé de relater l'événement), probablement pour le ménager, ne lui en avaient plus reparlé après. Mais comment auraient-ils pu ne pas voir la lâcheté dont Harry avait fait preuve ?

Les jeunes gryffondors pressentaient bien que quelque chose n'allait pas chez lui. Que son attitude maussade n'était pas causée uniquement par les sarcasmes de Draco (ça Harry en avait l'habitude et il savait s'en défendre) ou de Rogue. Et, au grand dam de Harry, ils s'en inquiétaient. Ginny et Hermione le couvaient d'un petit air maternel, attentives à ce qu'il se nourrisse bien et à ce qu'il dorme assez. À côté, Ron et leurs compagnons de dortoir proposaient toutes sortes de distractions amusantes à Harry afin qu'il se sente soutenu par eux… Mais Harry savait bien ne pas mériter leur sollicitude comme il ne méritait plus d'être reçu chez les Weasley …

Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore que lui-même ne s'avouait pas, Harry recherchait régulièrement la solitude. C'était bien pour être seul qu'il s'était réfugié dans la Grande Salle. Cela lui avait semblé jouable puisqu'il restait encore une heure avant le repas du soir et que les elfes de maison qui dressaient les tables savaient se montrer étonnement discrets.

'Raté !' se railla-t-il intérieurement alors qu'à sa droite Ron s'agitait nerveusement sur le banc de bois, visiblement très embarrassé.

- Hum… Harry…, dit-il finalement tout en s'éclaircissant la voix. Est-ce… est-ce que je peux te parler ? Ou peut-être que je te dérange ?

'Non. Oui.' 'Je vous en prie Merlin, pas encore le même refrain : on se fait du souci pour toi Harry. Dis-moi ce qui ne va pas Harry. Harry. Harry. Harry…'

Malheureusement, Ron prit le mutisme de son ami pour un acquiescement.

- Je voudrais ton avis à propos d'Hermione, continua-t-il.

'Merci Merlin' rendit grâce Harry avec ferveur, tout en restant le nez plongé dans sa pile de manuscrits. Après tout, Ron l'interrompait en plein travail uniquement pour lui parler d'Hermione, qui de l'avis de Harry se portait comme un charme, encore toute émoustillée par la reprise des cours et sa préparation précoce des ASPICs.

- Oui Ron ?

- Hum…

'Une petite pastille pour la gorge, Ron ?'

- Harry… Je crois… Il se passe… Il se passe des-choses-vraiment-bizarres entre Hermione et moi, bégaya Ron dans un souffle, le visage en feu et le regard obstinément fixé sur ses mains.

'Oh oh oh oh !!! Mille fois oh oh oh oh !!!' 'Alors comme ça, maintenant il existe un Hermione et moi ? Et puis '

- Quelles genres de choses ?, demanda Harry d'une voix qu'il espérait neutre.

C'était difficile de ne pas avoir l'air trop suspicieux, 'des choses… des choses…des choses ???', ni trop intéressé. Décidément, cette conversation qui menaçait d'être rasante comme les blés, prenait une tournure bien étonnante.

- Ben… des trucs magiques.

Finalement, Harry repoussa ses parchemins, ses plumes et son encre loin de lui, puis se tourna franchement vers son ami qui l'observait timidement.

- Tu n'as rien remarqué, dis ? Et Hermione, est-ce qu'elle t'en as parlé ?

Harry se contenta de hausser ostensiblement les épaules, absolument pas décidé à faciliter les confidences de Ron. En outre, il gardait un souvenir plutôt cuisant de sa récente discussion avec Hermione concernant sa vie privée…

- Bon ben…, commença le rouquin. Tout a commencé dans le Poudlard Express. Juste après la réunion des préfets, Hermione et moi on revenait te voir dans notre wagon. Mais elle a voulu aller aux toilettes

Ron accentua lourdement ce dernier mot comme s'il était doté d'un obscur pouvoir surnaturel ou d'une quelconque force mystérieuse.

- … aux toilettes, alors on a fait un détour pour revenir vers l'avant du train. Et ensuite elle a mis trois heures avant de ressortir, je te jure ! Je commençais à me demander si elle n'avait pas eût un malaise là dedans, continua-t-il en roulant des yeux d'exaspération comme si la scène venait juste de se passer.

'Pauvre Hermione…'

- Quand elle a fini, on est reparti vers le wagon. On… on se disputait un peu… Et puis tout d'un coup, le train a fait un écart. C'était vachement violent, comme si on avait heurté un truc sur la voie. Bref, tu dois t'en souvenir, non ?

- Ben non…

- Ah…, articula Ron désappointé. C'est bizarre… En tout cas, à cause du choc Hermione a perdu l'équilibre. Elle allait tomber, alors… alors je l'ai rattrapée !, acheva-t-il d'une traite.

À nouveau, la gêne du jeune garçon était palpable.

- Et on s'est tenu la main !

Tandis que Ron faisait cette fracassante révélation à Harry, sa voix monta de plusieurs octaves, frôlant dangereusement les aigus. Quelques élèves de deuxième année qui venaient de s'installer à la table des Gryffondors regardèrent dans leur direction.

- Tu… tu crois qu'ils m'ont entendu ?, interrogea Ron, devenu subitement blanc comme un linge, l'œil aux aguets.

En effet, poussés par la faim ou tout simplement lassés de traîner dans leurs salles communes respectives (toute sortie dans le parc étant exclue pour cause de déluge), les jeunes gens, en groupes ou seuls, commençaient à affluer dans la Grande Salle.

- Harry, reprit Ron à voix basse. Je sais que tu ne vas pas me croire, mais je te jure sur Coq que c'est la vérité.

Harry acquiesça d'un signe de tête. Il devait maintenant se pencher en avant pour bien entendre son ami. Mais pour rien au monde il n'aurait raté la suite de son histoire.

- Et bien… Quand nos mains se sont touchées (tout à fait par hasard, bien sûr), il s'est passé un truc dingue : j'ai entendu dans ma tête ce qu'Hermione pensait ! C'était vraiment ses pensées parce qu'elle n'avait pas ouvert la bouche et puis… jamais elle n'aurait dit ça tout haut…

'Oh oh'

- Et qu'est-ce que Hermione a pensé ?

- Euh… C'était quelque chose comme : 'étrange, je n'aurai jamais cru que ses mains soient douces !', avoua Ron, à la fois atrocement embarrassé et terriblement fier, tout en passant inconsciemment lesdites mains dans ses cheveux roux.

- C'est vrai que ça a du être horrible !, ricanât Harry, à deux doigts d'exploser de rire.

- Ce n'est pas drôle Harry ! répondit Ron d'un petit ton sec à moitié étranglé. Et le pire c'est que ça recommence à chaque fois que je la touche. À chaque fois, j'ai l'impression d'être dans sa tête. Harry, j'ai été ensorcelé ! Il faut que tu m'aides !

- Oui…, déclara finalement Harry. Je crois qu'on peut dire ça comme ça. Tu as été ensorcelé Ron. Mais il n'y a rien de magique là dedans, mon vieux. Je t'assure !

- Harry, c'est sérieux ! Voilà ce que j'ai conclu : y a quelqu'un qui me veux du mal et qui m'a jeté un sortilège. Et c'est ce sortilège qui me lie à l'esprit d'Hermione. Qu'est ce tu en penses, hein ?

Devant l'ait plein d'espoir de son ami, Harry n'y tint plus. Le rire, trop longtemps retenu fusa d'entre ses lèvres, sans qu'il ne puisse rien y faire. Reprenant son souffle, il hoqueta difficilement :

- Ouh là là Ron ! Quel terrible sortilège, ça fait peur !!! J'en tremble : regarde !!! J'espère que Voldemort ne le connaît pas…

À ces mots, la mine contrite de Ron s'effaça, un petit sursaut le traversa de part et d'autre et ses yeux s'écarquillèrent de peur.

- Oh, allez Ro

- Potter !, le coupa sèchement une voix sifflante de colère.

'Oups ! Rogue !'

- Potter… Combien de fois faudra-t-il vous rappeler de ne pas prononcer Son nom ? J'enlève 15 points à Gryffondor ! Cela vous apprendra à vous donner en spectacle…, martela le professeur assez distinctement pour que l'ensemble des personnes présentes dans la Grande Salle l'entende.

L'hilarité de Harry disparu sur le champ. Un hoquet étranglé et douloureux s'échappa de sa gorge, incontrôlé. Cependant, avant même que le jeune garçon ait le temps de rien répliquer, une aide imprévue le précéda :

- Allons, Severus… N'êtes vous pas un peu sévère avec cet enfant ?, interrogea dans leurs dos une voix chantante mais assurée.

Tel un derviche le professeur Rogue pivota sur lui-même, dévoilant aux regards effarés des deux gryffondors le professeur Méphista, nouvellement chargé des enseignements de Défense Contre les Forces du Mal et Soin aux Créatures Magiques.

Pendant une fraction de seconde durant laquelle Severus Rogue dévisagea l'impudente intruse de son noir regard orageux, le temps sembla se figer autour d'eux. Puis, comme à regret, il reporta son attention sur Harry et Ron qui tentaient de filer en douce…

- Attendez vous deux !, les rappela-t-il vertement.

Mais déjà, le professeur Méphista posait sa main gantée, légère comme un souffle, sur le bras de son collègue en signe d'apaisement… à cet effleurement, l'irascible maître des potions esquissa un imperceptible mouvement de recul en homme peu habitué aux contacts humains quels qu'ils soient. Fusillant la jeune femme du regard, il concéda d'une voix basse et parfaitement contrôlée :

- Hum… Vous avez raison, très chère…

Puis, se tournant à nouveau vers Harry et Ron, il enchaîna immédiatement, sans laisser à personne la possibilité de l'interrompre :

- Potter ! Seulement 10 points seront retirés à votre maison à cause de votre attitude inconséquente. Après tout…, reprit-il, feignant de lancer un regard circulaire dans la Grande Salle à moitié pleine. Après tout… votre auditoire habituel n'était pas présent… Je suppose que cela excuse en partie votre vantardise aux yeux de certains…

Si le professeur Méphista se sentit visée par cette dernière remarque acerbe, elle n'en laissa rien paraître.

- Weasley !, aboya le professeur Rogue, faisant sursauter le pauvre garçon. Vous faites perdre 5 points à Gryffondor par votre tenue négligée !

Et claquant des talons, un fin sourire dessiné sur les lèvres, le maître des potions s'éloigna rapidement, sans un regard de plus pour sa collègue…


A bientôt pour le chapitre 6 !