Chapitre 38 : conséquences

Après cette soirée riche en émotions, Regina et Emma se réveillèrent ensemble dans leur nid douillet, leurs doigts entremêlés. La blonde ne quitta pas sa compagne des yeux, qui pétillaient de malice.

- Tu crois qu'on va pouvoir profiter de cette belle journée ?

- Je pense que tu rêves éveillée, mais c'est une bien jolie image que tu imagines là.

- Alors restons ici toute la journée, j'ai envie d'un réveil crapuleux.

La mère de famille sourit à cette proposition, mais son cœur n'y était pas. Elle avait une peur panique des représailles, et du retour de sa moitié dans la société immobilière, alors qu'elle avait fait mettre sous les verrous, pour un temps au moins, les cadres dirigeants de l'entreprise. Ils avaient encore de nombreuses personnes prêtes à les aider, contrairement à la blonde qui serait seule contre tous, probablement. Aussi, elle embrassa amoureusement le crâne de sa compagne, avant de sortir du lit, tracassée à cette idée. Emma regimba.

- Tu ne veux pas de mon réveil tout en douceur ?

- Une autre fois, Emma. J'aimerais profiter de cette journée avec toi, en marchant dans le parc, par exemple, puis en allant voir tes parents, et Henri. Si tu le désires aussi.

- Bien sûr. Pas de souci.

- Je nous prépare le café.

- Avec grand plaisir ! Deux litres pour moi !

- Tu es une vraie gosse, parfois.

- Ouais, m'dame !

Une fois habillées, elles prirent un taxi pour se rendre chez les Charming.

Une fois dans la rue, ce fut un déluge de crépitements, de flashs, ainsi qu'une forêt de micros qui vint à leur rencontre. Elles ne purent se mouvoir jusqu'à leur taxi, et battirent en retraite dans le hall de l'immeuble, totalement effarées. Regina se tourna vers Emma.

- Tu vois, je pensais à quelque chose dans ce goût-là, pour aujourd'hui. Tu peux dire adieu à ta tranquillité.

- Merde… On ne va jamais pouvoir passer… On force, ou on ruse ?

Face à la moue dubitative de Regina, la blonde dut se rendre à l'évidence.

- D'accord, on ruse. On passe par l'arrière, et on appelle le taxi en même temps.

- Je te suis.

Telles deux gamines, elles coururent vers un couloir plus sombre, et passèrent en trombe devant le gardien, qui les salua, surpris. Puis Emma décrocha son téléphone et prévint leur chauffeur, avant d'ouvrir la porte arrière de l'immeuble parcimonieusement. Elle ne vit personne et prit la main de la brune, la tirant derrière elle à nouveau, et s'engouffra dans la voiture jaune, qui démarra en trombe, à sa demande. Elles rirent de bon cœur durant deux bonnes minutes, avant de se regarder amoureusement.

- Décidément, les journées avec toi sont loin d'être de tout repos, ces derniers temps.

- Plains-toi, mamie !

- Hey ! Je suis peut-être plus âgée que toi, mais j'ai la sagesse de mon grand âge.

- Et les rhumatismes ?

- Emma !

Regina lui donna une petite tape sur l'épaule, faisant se contorsionner de rire la blonde, qui attrapa son visage, afin de l'embrasser langoureusement.

- J'aime bien le troisième âge…

- Tu es impossible.

- Mais c'est en partie pour cela que tu m'aimes, non ?

- Je te préfère plus sensuelle tout de même.

- Très bien, j'arrête mes bêtises. Je ne tiens pas à te voir fâchée. Au fait, tu sais ce que tu vas faire maintenant ?

- Pour l'instant, l'affaire ne fait que commencer, donc je ne vais rien changer à notre quotidien.

La femme d'affaires opina du chef. Elle comprenait que pour sa moitié, tout cela allait beaucoup trop vite et sa méfiance naturelle revenait au grand galop. Le taxi s'arrêta devant la demeure des Charming, et Emma souffla un bon coup. Revoir les siens lui ferait sûrement du bien, après cette soirée démentielle.

À peine entrées, Henri se précipita vers elles, avant de brusquement se stopper. Il fronça les sourcils, à l'instar du couple, qui ne comprenait pas son petit manège. Puis il demanda simplement.

- Vous avez réussi à faire mettre les méchants en prison ?

Regina souffla, son fils lui avait fait peur.

- Oui, au moins pour un temps.

Le gamin sourit et se propulsa vers elles, en s'exclamant.

- Vous êtes des super-héroïnes, alors !

Emma rigola.

- Ouais, mais sans les capes, et pourtant, c'est l'accessoire le plus cool !

Henri les étouffa sous les bisous, heureux comme un roi que justice soit faite, selon son schéma de valeurs. Mary-Margareth vint à leur rescousse, en leur proposant un café, qu'elles acceptèrent d'emblée.

Alors que David et Aladin petit-déjeunaient déjà dans la cuisine, la pièce fut subitement inondée de bruit et de bonne humeur. David les accueillit à bras ouverts, tandis qu'Aladin ne put s'empêcher de les titiller.

- Salut les filles, on dirait que vous avez rencontré un bus ce matin… Vous avez l'air épuisé, alors que vous devriez trépigner de joie !

- Frangin, tu es toujours aussi poétique… Mais sache que l'on a dû courir, dès la sortie de l'immeuble. On ne s'attendait pas à cela.

- Et pourquoi donc ?

- Les journalistes nous attendaient en bas du loft. Nous n'avons pas pu rejoindre notre taxi, et avons dû bifurquer par-derrière.

- La rançon de la gloire ?

- Plutôt des charognards avides d'informations croustillantes.

- Ma frangine est de bonne humeur, à ce que je vois !

Elle luit ira la langue, et lui en fit de même. Regina les sépara, sous l'œil amusé de son propre enfant. Cette dernière prit la parole, afin de mettre les choses au clair.

- Vous savez, Emma a fait un boulot fantastique, en prévenant le shérif Graham de lui prêter main forte au dernier moment, ainsi que Belle. C'était une bonne idée. Mais maintenant, la justice doit suivre son cours, et Dieu sait qu'elle est lente… D'ici à ce qu'il se passe quelque chose, comme un procès par exemple, de longs mois nous attendent. Je sais que ce sera difficile, mais avec vous tous, unis autour de nous, ça ne me paraît plus aussi insurmontable. J'espère que tout se passera bien, et que mon nom sera lavé de tout soupçon. Mais pour l'instant, je ne dirais qu'un mot : méfiance. Cet avorton de Pan a toujours eu plus d'un tour dans son sac. Il m'est donc difficile de me réjouir, tant qu'il n'aura pas mordu la poussière définitivement.

Le couple Charming écouta attentivement les paroles de leur belle-fille. Ils n'avaient guère de doutes que les deux femmes avaient construit un couple fort et stable, et que leur fille était amoureuse de cette brune caractérielle, mais aimante. Mary-Margareth vint la prendre dans ses bras, à la surprise générale, et la fixa droit dans les yeux.

- Nous serons là, Regina. Pour l'heure, je comprends votre inquiétude, qui est, à mon sens, tout à fait justifiée. Nous avons déjà mis nos avocats sur l'affaire, afin de nous porter partie civile. Nous aurons accès officiellement à un certain nombre de documents. Et vous serez toujours les bienvenues ici, ainsi qu'Henri, qui est un enfant fabuleux.

Regina la contempla, et une larme roula sur sa joue, face à tant de bienveillance. Rencontrer Emma avait été la plus belle chose de sa vie, après Henri. Elles restèrent déjeuner, avant de s'éclipser, laissant Henri aux prises avec une partie de Mario kart déchaînée, et Aladin qui perdait déjà son sang-froid.

Après avoir emprunté à nouveau la berline des époux Charming, elles se rendirent à un hôtel dans un quartier tranquille, délaissant le centre-ville en pleine effervescence. Elles toquèrent directement à une porte de chambre, et un visage souriant et lumineux vint leur ouvrir la porte.

- Les filles !

- Salut Belle ! Shérif Graham.

Elles entrèrent, la bibliothécaire s'effaçant pour leur laisser le passage. Le shérif se posta immédiatement près de la jeune femme, et les salua. Emma sourit face à ce tableau attendrissant.

- On dirait que tu as un chevalier servant.

Belle rougit, tandis que l'homme se racla la gorge.

- Disons que beaucoup de choses ont évolué à Storybrook, en votre absence. Mais vous en avez été l'impulsion. Et pour cela, je vous remercie, personnellement et pour tous les habitants.

- Avec plaisir ! Alors, on roucoule, les amoureux ?

- Emma !

Belle et Regina avaient crié le nom de la blonde en même temps, un brin exaspérées par son culot. Graham s'était contenté de soupirer. Emma rit de bon cœur.

- Vous savez, les bonnes nouvelles sont à fêter, pas à enterrer, surtout ces temps-ci.

Belle se reprit et prit la main de l'homme.

- Lorsque vous êtes parties, nous avons pris le temps de discuter. Et nous ne nous sommes plus quittés. Vous savez, je peux dire que je suis heureuse aujourd'hui, après tout ce que nous avons traversé. Bien sûr, je sais que cela a été beaucoup plus difficile pour vous, mais moi aussi, j'ai souffert à cause de ces hommes cupides. Et Graham est un homme bien.

- Nous sommes ravies pour vous deux. C'est un beau dénouement.

Ce dernier leur sourit, et se rapprocha encore d'elle, pour lui voler un baiser. Le couple de femmes fut enchanté de cette avancée. Elles savaient qu'il pouvait encore devenir leur adversaire, si le corps de Killian était découvert, mais elles préféraient mettre cela de côté, afin de partager la joie de leur amie. Ils discutèrent ensemble pendant deux bonnes heures, avant que les deux femmes ne prennent congés, afin de récupérer Henri et retourner chez elles.

Dans la voiture, qui filait à travers la ville, elles furent silencieuses, savourant le tournant qu'avait pris cette affaire. Elles voulaient tant que tout cela soit derrière elles, afin de profiter de chaque instant qui leur était donné. Un bruit métallique leur parvint aux oreilles, et Emma fronça les sourcils.

- On dirait que le moteur hoquette…

- Un problème mécanique ?

Emma resta silencieuse, avant de blêmir d'un coup. Elle respira un grand coup, et se tourna vers sa compagne.

- Je n'ai plus de frein…

- Pardon ?!

- Je n'ai plus de frein…

- J'avais compris ! Mais qu'est-ce qu'on fait ? On va avoir un accident !

- Regina, cette voiture ronronne comme un chat, et est quasiment neuve.

La brune saisit immédiatement ce qu'elle voulait dire.

- Un sabotage…

- je vais utiliser le frein à main. Accroche-toi, ça va être brutal !

Emma tira violemment sur le frein à main, lorsque l'écran de la voiture se mit à décompter les secondes.

- Mais c'est quoi ce bordel, encore ?!

- Mon dieu, un compte à rebours. Le téléphone par Bluetooth s'enclencha, et une voix résonna dans l'habitacle.

- Mesdames, dans dix secondes, cette voiture sera pulvérisée par une bombe. Je vous souhaite une mort atroce. Adieu.

Regina hurla, tandis qu'Emma réfléchit à la vitesse de l'éclair. Elle se tourna vers la femme qu'elle aimait, et déboucla sa ceinture de sécurité.

- Saute !

- Quoi ? Non ! Hors de question !

- Ne discute pas, je vais faire pareil, il ne reste que quelques secondes, et tu as un enfant ! Saute, bordel !

Regina la regarda une dernière fois, avant d'ouvrir sa portière et de se jeter dehors. Emma voulut en faire de même, mais sa ceinture resta bloquée. Elle soupira, défaitiste et amère.

- Bien joué, vieux salopard…

Elle vit le fleuve à sa gauche, et sut ce qu'il lui restait à faire.

- Au moins, il n'y aura pas de victimes collatérales.

Elle accéléra au maximum et détruisit le parapet de protection, lorsqu'elle obliqua d'un coup vers l'eau boueuse. Sa voiture fut immédiatement engloutie et une immense gerbe d'eau jaillit du fleuve sombre. Regina, qui était toujours à terre, la vit et émit un long gémissement, qui déchira le cœur et l'âme de tous ceux qui étaient venus lui porter secours.

Plusieurs heures plus tard, Regina avait été prise en charge par les secours et emmenée à l'hôpital, pour soigner ses blessures. Elle était restée catatonique depuis. Les Charming avaient accouru à ses côtés, lorsqu'ils avaient été prévenus de l'accident de voiture du couple. Ils étaient morts d'inquiétude et de chagrin. La détresse de la mère de famille était parfaitement fondée, et le prix à payer était au-delà de tout ce qui était humainement imaginable. Elle ne parvenait plus à penser, elle revoyait en boucle la voiture de sa compagne tomber dans l'eau, et exploser, avec la femme qui l'avait rendu si vivante, à l'intérieur. Elle ne parvenait même plus à pleurer, tant elle l'avait déjà fait. Mary-Margareth lui parlait sans s'arrêter, afin de ne pas devenir folle, alors que David et Aladin formaient une barrière protectrice autour du bambin, qui était empli d'effroi. David se tourna vers le gamin, le fixant droit dans les yeux.

- Henri, mon garçon, tu sais que tu seras toujours notre petit-fils, à nos yeux, n'est-ce pas ?

- Elle est pas morte. C'est pas possible ! Je le sens.

- Elle… Voyons, sa voiture a explosé, d'après les témoins, et elle n'a pas réussi à s'éjecter avant… L'instant fatidique. Malheureusement… Si seulement j'avais pu l'empêcher de prendre cette satanée voiture… Tout serait différent…

Aladin posa une main amicale sur l'épaule de David.

- Les plongeurs n'ont pas encore trouvé de corps. Attendons, avant de l'enterrer. Elle a la peau dure !

- Pas à ce point-là. L'espoir peut être le plus cruel des fardeaux.

- Je sais bien, mais il ne me reste plus que ça…

Les trois hommes de la maisonnée se prirent dans les bras les uns des autres, afin d'apaiser, ne serait-ce qu'un instant, leur douleur.

Après plus de trois heures en train de patienter et se ronger les sangs à l'hôpital, Regina fut autorisée à sortir. Elle souffrait d'un certain nombre de bleus, de légères brûlures, et d'une commotion cérébrale qu'il faudrait surveiller ces prochains jours, mais rien d'alarmant. La police avait été dépêchée dans sa chambre, et une nouvelle inspectrice vint lui poser quelques questions.

- Bonjour Madame Mills, je suis en charge de l'enquête. Je m'appelle Elsa Darendel. Pourriez-vous me dire ce qu'il s'est passé exactement ?

Devant l'apathie de la brune, elle se rembrunit à son tour. Elle soupira, mais n'obtint aucune réaction. Regina était dans un état de choc important, et ne percevait plus les stimuli extérieurs. Elle posa sa carte de visite sur la table de chevet, avant de sourire tristement à la brune. Cette dernière ressemblait à un fantôme, à un être frêle qui aurait perdu sa raison de vivre. Elle vit alors Mary-Margareth sortir de la pièce attenante, la salle d'eau, et se présenta à nouveau. Cette dernière la salua, et en profita pour lui expliquer la situation. Elle comprit que le témoignage de Regina était primordial, aussi demanda-t-elle une équipe de protection pour la mère de famille. Mary-Margareth haussa les épaules.

- Sincèrement, la police a déjà bafoué cette femme, je doute de votre efficacité. Cela n'a rien de personnel, mais maintenant, je prends les choses en main. Le corps de ma fille n'a pas encore été retrouvé, mais plus personne ne touchera à un cheveu de Regina ou Henri. Ils étaient la famille de mon enfant, aussi vais-je les protéger, à n'importe quel prix. Si cela vous amuse de poster des agents devant ma porte, faites donc. Mais ne soyez pas surprise par l'armée de gardes qui seront là pour assurer la sécurité effective de ma famille.

- Je suis sincèrement navrée pour votre fille. Je mettrai tout en œuvre pour trouver le coupable, et…

- Ne vous fatiguez pas, j'ai son nom et son adresse.

- Pardon ?!

- Mickaël Pan, et il doit être dans vos locaux, depuis hier soir.

- Cet accident serait relié au cas du délit financier de cette importante société immobilière ?

- Je vois que les informations circulent avec une grande fluidité dans vos services.

- Ne soyez pas acide, madame.

- Sincèrement, je me contrefiche de ce que vous pourriez faire pour éclairer cette affaire. Si le corps de ma fille réapparaît, c'est un homme mort.

- Vous ne pouvez pas dire cela, enfin…

- Je m'en moque. Sur ce, je ramène ce qu'il reste de ma famille, et je vous souhaite de trouver votre coupable. Vous n'avez pas à chercher bien loin, heureusement pour vous.

- S'il est en détention, ce n'est pas lui qui a saboté votre voiture.

- Il est un donneur d'ordre. Un pantin aura fait le sale boulot. Au revoir, inspecteur.

- De même, madame Charming.

Elsa fut touchée par la peine, mais surtout la détermination de cette femme à mettre à l'abri sa belle-fille et venger sa fille. Mais elle ne pouvait permettre une telle chose.

Alors que toute la famille avait regagné la maison des Charming, la police les appela pour leur dire que leurs recherches s'étaient révélées infructueuses. Mary-Margareth était partie s'isoler dans une chambre, tandis que David et Aladin étaient plongés dans des abysses de détresse. Henri veillait sa mère, qui n'avait toujours pas prononcé un mot. L'ambiance au sein de la maisonnée mortifiait les esprits. Même les gardes, en surnombre, étaient particulièrement taiseux et taciturnes, en cette funeste soirée. David fut le premier à se lever, et commença à se poser des questions, Aladin l'écoutant attentivement.

- Mais qui a pu faire ça ? Qui a saboté ma voiture ? Son homme de main est en taule, et il n'est pas près d'en sortir !

- Je m'en fous un peu. Qui va retrouver le corps, maintenant ?

- Je m'en occupe. Je ne laisserai pas ma fille pourrir dans l'eau du fleuve. Je vais engager une équipe spécialisée.

Face à cette affirmation, Aladin préféra battre en retraite, incapable de faire face à ses sentiments néfastes. Chacun partit se coucher, sans espoir de dormir un seul instant. Emma était portée disparue, et présumée morte par la police. Seule Regina pouvait donner les clés pour comprendre ce qu'il s'était réellement passé. Mais elle n'était clairement pas en état de les aider actuellement.

Le lendemain matin, Henri partit voir sa mère, avant toute autre chose. Il la trouva debout devant la fenêtre, son regard semblant voir bien au-delà de l'horizon. Il se faufila près d'elle, et lui prit la main. Elle le contempla, et déposa un baiser tendre dans ses cheveux.

- Bonjour Henri. J'arrive tout de suite. Je suis désolée… Vous avez eu du souci en plus, à cause de moi…

- Maman… Emma… Elle est morte ?

- Je ne sais pas, mon lapin. Mais j'espère de tout mon cœur qu'elle a trouvé un moyen de s'échapper avant…

Le gamin opina du chef, sans croire à ces belles paroles. Il la laissa, lui laissant le temps de se préparer, avant d'affronter la famille Charming. La brune descendit une dizaine de minutes plus tard, les traits tirés, et les yeux rougis. Elle se stoppa dans l'embrasure de la porte de la cuisine, et fixa la pièce, où toute la famille était réunie. Elle pénétra le cœur de la maison, avec l'impression d'entrer au purgatoire.

- Bonjour.

David fut le premier à réagir.

- Regina, nous sommes ravis de constater que vous êtes réveillée. Comment vous sentez-vous ?

- Pas très bien, mais ce n'est pas le plus important.

Mary-Margareth ne put s'abstenir davantage.

- Dites-nous ce qu'il s'est produit. Et pourquoi ma fille est probablement morte.

La belle brune se mordit violemment la lèvre inférieure, mais reprit contenance, malgré la raideur de son corps.

- Nous revenions de l'hôtel de Belle, et soudain, Emma a dit qu'elle n'avait plus le contrôle des freins. Un compte à rebours est apparu sur l'écran de la voiture, et un appel a été passé. Je ne sais pas très bien ce qu'il s'est produit ensuite. On avait que quelques secondes pour s'extraire du véhicule, si nous voulions survivre à la bombe qui avait été posée dedans. Elle m'a ordonné de sauter en marche, ce que j'ai fait. Mais je croyais qu'elle me suivrait. Je ne l'ai pas vu sortir de la voiture. Elle a obliqué vers le fleuve et a plongé dedans. Il y a eu une gerbe d'eau immense, et j'ai dû m'évanouir. Je me suis réveillée à l'hôpital.

Mary-Margareth explosa en vol.

- Une bombe ?! Et les freins sabotés ? C'est un coup de l'autre vicelard ! Je vais le réduire en charpie !

- Doucement chérie, on ne peut pas être certain que ce soit lui. C'est peut-être un autre membre du conseil d'administration, ou une tierce personne qui n'a pas apprécié la fronde de notre fille.

- Nous savons très bien qui est derrière tout ça… Inutile de prendre des pincettes, David.

Regina se cramponna à la table de la cuisine, sentant ses jambes défaillir.

- Regina !

Aladin la prit dans ses bras, et elle se laissa aller, ayant besoin d'un minimum de réconfort et de chaleur humaine. Elle pleura doucement, sans faire de bruit, devant tout le monde, sans fard. Son chagrin était si immense qu'elle ne savait quoi faire pour ne serait-ce que passer cette journée cauchemardesque. Les Charming la prirent en charge, devant l'œil terrorisé d'Henri.

- Maman va pas mourir aussi ? Hein ?!

- Non, bien sûr que non, elle a juste besoin de se reposer… Et d'encaisser le choc.

La mère de famille fut montée dans la chambre qu'elle occupait avec Emma, afin d'être un peu seule et se reposer.

David resta à ses côtés, et parla de la suite des évènements.

- Regina, êtes-vous assez forte pour parler à la police et tout répéter à l'inspectrice chargée de l'enquête d'Emma ?

Dans un semi-brouillard, elle opina du chef, avant de se rendormir, totalement épuisée. Le blond la laissa, et appela l'inspectrice Darendel. Cette dernière sauta sur l'occasion, et se hâta de parvenir chez les Charming.

Regina fut réveillée en douceur par Mary-Margareth, et répondit aux questions de l'inspectrice, après avoir répété les évènements de la veille. Entre-temps, cette dernière avait pu faire le lien avec l'enquête financière, et était au courant des derniers évènements marquants, tout en comprenant les possibles imbrications de toute cette affaire. Elle repartit une heure plus tard, dubitative. Cette histoire était un beau merdier, mais elle voyait un schéma répétitif se mettre en place : les deux dernières directrices avaient payé chèrement leur audace.

La journée passa au ralenti, dans une douleur latente, et les nerfs de chacun faisaient des bonds à chaque nouveau coup de fil. La police ne trouvait pas de lien tangible avec le vice-président, comme indiqué par le couple Charming. La voiture avait été remorquée, mais sa carcasse était dans un si piteux état que les experts avaient d'énormes difficultés à trouver la raison de cet accident. Quant au corps d'Emma, il avait dû être emporté par le courant du fleuve. Tout le monde était dévasté, et Regina se renfermait à mesure que les heures passaient. Elle avait mal partout, et voyait son grand amour disparaître. Seul Henri lui permettait de respirer et de se croire encore un tant soit peu vivante.

Bien des kilomètres plus loin, un agriculteur faisait le tour de ses champs, comme toutes les semaines, afin de s'assurer que ses clôtures étaient toujours debout. Son chien furetait en avant, tentant de poursuivre des lapins. Puis ce dernier s'arrêta brutalement, la truffe en l'air. Il partit comme une fusée vers la berge en contrebas, et aboya comme un fou furieux. L'homme soupira, pensant que son fidèle animal avait débusqué un terrier digne de ce nom. Il y jeta un coup d'œil rapide, afin de s'assurer que son chien ne risquait rien. Sa surprise ne fut pas feinte, lorsqu'il découvrit un corps en contrebas. Il se précipita vers celui-ci, le sortant de l'eau. Tout le bas du corps était immergé. Il le retourna et s'aperçut qu'il s'agissait d'une femme. Elle respirait encore, mais elle était frigorifiée. Il la prit dans ses bras, la ramena vers son pick-up, en sifflant son chien, afin qu'il les suive. Une fois arrivés chez lui, il la déposa sur son canapé, et raviva le feu de cheminée, tout en lui enlevant sa veste. Il l'emmitoufla dans une montagne de couvertures, et appela sa voisine, vétérinaire, afin qu'elle vérifie rapidement que tout aille pour le mieux, pour l'inconnue évanouie. Elle arriva vite, et s'enquit de la santé de la femme. Après un examen rapide, elle se tourna vers l'homme.

- Tu devrais appeler les secours, on ne peut pas la garder ici, elle a une belle entaille au bras, mais sinon, je ne vois rien. Par contre, elle est transie de froid.

- D'accord. Je voulais ton avis, tu es la plus près d'ici.

- Allez, appelle-les, je m'occupe d'elle en attendant l'ambulance.

L'agriculteur obéit et les secours partirent en direction de la ferme, une fois qu'il eut raccroché. L'inconnue fut prise en charge et amenée vers l'hôpital central, afin de passer une batterie d'examens. Elle n'avait aucun papier, aussi une étiquette Jane Doe fut appliquée sur sa porte de chambre. Durant deux jours, elle resta dans un léger coma, mais se réveilla dans l'après-midi du troisième jour. Elle ne prononça qu'un seul mot, avant de sombrer à nouveau.

- Regina…