Mon père, ce…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 2 – Parfum suspect—
Affalé sur sa chaise, les bras pendants, les yeux mi-clos, la mine boudeuse et l'air de s'ennuyer fermement, Drago s'abîmait dans la contemplation du plafond. Il détaillait une lézarde suspecte et se demandait combien de dizaines d'années il faudrait pour que le plafond s'écroule sur des élèves.
Il espérait que les élèves en question seraient des Gryffondor.
Et si parmi eux il pouvait y avoir la descendance de ce bon vieil Harry Potter, cela n'en serait que mieux.
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Que le temps passait lentement quand on n'avait rien à faire. Il était fatigué. Il avait hâte que cette journée soit finie. Il se réfugierait sous ses draps, à moins qu'il préfère deviser avec ses amis jusqu'au couvre-feu ou au-delà – la fatigue qui s'abattait sur lui en cours ou lorsqu'il s'en ennuyait avait l'étrange habitude de s'envoler dès qu'il était question de jouer ou discuter.
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Il avait vu son père entre deux cours. Celui-ci lui avait confirmé ce que Drago avait déjà lu dans la Gazette du Sorcier : le non-lieu dans le procès où on lui reprochait ses actes de Mangemort ; la prédiction de Severus Rogue s'était réalisée. Par contre, toujours selon la Gazette, Lucius Malefoy devrait désormais faire preuve d'une conduite irréprochable – exemplaire – car le moindre écart lui vaudrait d'être jugé et ses précédentes exactions seraient prises en compte dans le verdict, leur poids ne manquerait pas de faire pencher la balance du mauvais côté.
Bref, l'influence de Dumbledore avait été très nette dans ce jugement.
Drago se demandait ce qu'était venu faire son père à Poudlard aujourd'hui. Il n'était quand même pas venu en personne juste pour lui annoncer ce qu'il savait déjà ? Il devait y avoir une autre raison pour sa venue. Jusqu'ici, lorsque Lucius Malefoy venait dans cette école, c'était systématiquement pour tenter de nuire à Dumbledore ; cela n'était sûrement pas le cas cette fois-ci. Dumbledore lui avait été d'un grand secours dernièrement. Si son père n'était pas d'une gratitude exemplaire – loin s'en fallait –, il savait par contre où était son intérêt.
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Drago tourna la tête du côté des ouvertures servant plus de maigres aérations au cachot que de fenêtres. En plissant les yeux, il pouvait distinguer le ciel. Le brouillard qui avait régné en maître absolu toute la matinée et une partie de l'après-midi s'était apparemment levé.
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Rogue était en retard. Drago n'avait pas le souvenir que cela soit déjà arrivé. En tous cas, pas avec sa classe. Et il n'avait jamais entendu aucun élève parler d'un éventuel retard du maître des potions.
C'était un homme extrêmement ponctuel.
Ce retard était étrange… pour ne pas dire inquiétant. Drago songea un instant que Rogue était peut-être étendu actuellement au bas d'un escalier, se tordant de douleur car il n'avait pas descendu le dit-escalier de la façon classique et essayant vainement d'atteindre sa baguette tombée à quelques mètres de lui. Une jambe cassée, quelques côtes fêlées, peut-être même s'était-il tué !
Comme ces pensées lui traversaient l'esprit, Drago fut gagné par l'angoisse. Il tenait beaucoup à son maître de potion. Il jugeait qu'il était le seul professeur véritablement valable de cette école.
L'antithèse d'Hagrid.
Drago chassa provisoirement l'idée que Rogue était sans doute en train d'agoniser au bas d'un escalier en se promettant que s'il n'était pas là dans dix minutes, il partait faire une inspection dans Poudlard accompagné de tous ceux qui souhaiteraient lui prêter main forte.
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Drago jeta un œil à son voisin. Crabbe s'ingéniait à écrire les noms des ingrédients sur ses petits bocaux – à quelques mois de la fin de ses études, il était peut-être temps de s'en soucier. Drago ne donnait pas une longue espérance de vie aux inscriptions maladroites que Vincent portait. L'encre ne ferait pas long feu sur le verre ; elle n'était pas prévue pour. Le blond s'apprêtait à lui recommander l'usage de papier et de ruban adhésif quand la porte s'ouvrit brusquement pour laisser enfin place au Maître es potions Severus Rogue.
Drago fut soulagé par cette entrée, mais fronça aussitôt les sourcils. Son professeur n'était pas dans son état habituel ; il était en nage et la couleur de son visage tendait vers le rose. Le jeune Malefoy n'était pas le seul à avoir noté ces différences : tous les élèves présents les avaient remarquées.
« Vous avez couru, professeur ? » ne put s'empêcher d'intervenir Neville.
Moins dix points pour Gryffondor pour se mêler de choses qui ne vous regarde pas, Monsieur Londubat, pensa Drago, anticipant la réaction de son professeur. Cependant celle-ci fut tout autre.
« Heu… non, bafouilla Rogue, le regard fuyant. Prenez vos livres page deux cent quatorze et préparer la potion "Endormiratum" », s'empressa-t-il d'enchaîner.
Severus Rogue n'était définitivement pas dans son état dit "normal". D'habitude, son regard ne fléchissait pas, aucune hésitation ne perçait dans sa voix et son ton restait toujours égal, sauf quand il voulait faire un effet, histoire d'impressionner les élèves. De plus, il ne menait pas son cours comme il le faisait habituellement. A chaque début de cours, il commençait par présenter la potion qu'il allait leur apprendre en choisissant soigneusement ses mots, afin de montrer toute l'utilité et tout le pouvoir que pouvait avoir une potion réussie. Puis, il leur faisait une démonstration. Rien de tout ça cette fois-ci, juste le livre, le nom de la potion et débrouillez-vous.
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Les élèves prirent docilement leurs livres et commencèrent à faire les préparatifs pour la potion. Rogue se mit à parcourir l'allée tout doucement, les yeux fixés sur un livre. Drago le regarda et fut à peu près convaincu que Rogue ne comprenait absolument rien à ce qu'il lisait. Il était manifestement profondément troublé. Et quand son professeur arriva à sa hauteur, l'odeur qui se dégageait de lui vint titiller le sens olfactif du jeune Serpentard.
Drago avait toujours eu un odorat très développé, un nez de parfumeur se plaisait à dire sa mère. De plus, il avait la mémoire des odeurs. Celle que dégageait Rogue lui était très familière. Ce n'était pas une mauvaise senteur, bien qu'il discernât une odeur de transpiration, mais de la transpiration d'une personne propre. Il y avait l'odeur de Severus Rogue bien sûr, mais une autre odeur se mélangeait à celle-ci, une odeur familière… celle de son propre père, Drago en aurait mis sa main à couper.
Rogue était imprégné de l'odeur de son père, précisément l'odeur de son père quand celui-ci venait de faire de l'exercice.
Il était en retard, en sueur, les joues bien roses, visiblement troublé… et il sentait son père !
De là à en déduire…
Merlin !
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Rogue s'aperçut que Drago le fixait en grimaçant.
« Quoi ? s'exclama-t-il sur la défensive.
— Rien Professeur », répondit immédiatement Drago en retournant à son ouvrage, à savoir émietter consciencieusement une feuille de Torapa dans son chaudron.
Drago était au courant depuis longtemps des mœurs de son père ; Lucius n'en faisait pas mystère. Drago avait vu bon nombre d'hommes défiler à son domicile avec ses deux parents qui semblaient faire concurrence d'amants. Il y était habitué. Cependant, là, c'était Rogue… c'était son professeur… c'était son responsable de maison… c'était… c'était Rogue, quoi !
Il n'avait jamais envisagé l'éventualité que Rogue puisse être un être humain à part entière et… fasse ce genre de choses. Il avait toujours classé Rogue dans une catégorie à part. Pour lui, Severus Rogue était bien au-dessus de toutes ses futilités, plusieurs crans au-dessus, dédaignant les besoins bassement physiques tel le sexe. Par conséquent, il avait encore moins imaginé qu'il puisse être homosexuel.
Voilà qui éclairait Rogue d'un jour nouveau.
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Rogue et son père. Son père et Rogue. Que ça soit dans un sens ou dans l'autre, ça ne changeait rien au problème. C'était parfaitement inconcevable. Et c'était malsain. Son professeur et son père coucheraient ensemble ? C'était très malsain.
En plus, ils étaient très mal assortis !
Du moins, c'est ce que pensait confusément Drago.
Toutefois, ceci expliquait sans doute la présence de son père à l'intérieur des murs de Poudlard…
… il devrait avoir honte : mettre en retard le professeur de son fils pour assouvir ses désirs !
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« J'ai plus de pissenlit en poudre.
— C'est une ou deux pincées qu'il faut mettre ?
— Prend des miens.
— Crabbe, ça, c'est de l'ostroture. Il faut de la metanole.
— T'as vu la coupe de cheveux de Granger ?
— ça ressemble à quoi de la menatole ?
— ça lui va super mal.
— MeTANOle !
— Le pissenlit, c'est avant ou après la metanole ?
— Après, Neville, après.
— Harry, tu peux me prêter ton couteau ? Je ne sais pas où est passé le mien.
— Trop tard ! Je l'ai mis avant. C'est grave ?
— Heu… Greg ? T'en as toi de la menatole ?
— Demande à Rogue.
— MeTANOle !
— Elle s'y prend comment pour se coiffer le matin ?
— Professeur Rogue ? Je crois que j'ai un problème.
— T'énerve pas Drago !
— Quelle maladresse avez-vous encore commise Monsieur Londubat ?
— Ron, c'est des pattes de cafard qu'il faut mettre.
— Je sais pas, mais c'est de pire en pire.
— T'es sûre ?
— J'ai mis le pissenlit avant. On vient de me dire qu'il ne fallait pas.
— Je ne m'énerve pas, mais tu écorches sans arrêt les noms des ingrédients, ce n'est pourtant pas difficile !
— Monsieur Londubat, allez jeter votre mixture dans l'évier et recommencez votre potion. Si vous avez mis le pissenlit avant, elle est irrattrapable. Sans compter que vous n'avez pas mis assez d'eau au départ et que vous avez remplacé les pattes d'araignée par des pattes de cafard, je le vois à la couleur.
— A sa place, je crois que je me raserais la tête !
— Tu vois que c'est des pattes de cafard, Rogue vient de le dire.
— J'ai fait ça ?
— Exagère pas, Pansy !
— Ron, suis la recette bon sang : tout est marqué.
— Oui, vous avez fait ça. La couleur de votre potion en témoigne.
— J'exagère pas, je suis tout à fait réaliste.
— Allez me jeter ça dans l'évier et repartez de zéro. »
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Alors que la plupart des élèves n'étaient rendus qu'à la moitié de la recette, Drago avait déjà presque terminé sa potion ; tout comme Hermione qui surveillait à présent le niveau de son feu afin que sa mixture soit juste à la bonne température. Drago avait évidemment réussi. Ce n'était pas sorcier s'il pouvait se permettre de s'exprimer ainsi. Il n'y avait bien que les Londubat, Crabbe et autres Weasley pour avoir des difficultés à réaliser ce genre de choses.
N'ayant plus qu'à laisser mijoter, il prêta attention à ce qui passait dans la salle. Les murmures étaient beaucoup plus élevés que d'habitude. Il faut dire qu'habituellement Rogue ne tolérait qu'un très faible niveau sonore pour les murmures entre élèves. Et si jamais il entendait des propos qui n'avaient rien à voir avec son cours, la personne à l'origine de ces murmures hors sujet était bonne pour faire perdre des points à sa maison.
Sauf si cette personne était de Serpentard.
Il fallait être raisonnable tout de même.
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Drago remarqua avec horreur que Rogue était presque gentil avec Londubat. Il ne lui avait même pas ôté de points pour la couleur non réglementaire de sa potion ou pour avoir gâcher des ingrédients. Il fronça les sourcils et secoua la tête pour marquer toute sa désapprobation. Il ne faisait aucun doute à ses yeux sur ce qui perturbait gravement Rogue. Il faudrait peut-être qu'il en touche deux mots à son père, qu'il lui dise que les professeurs étaient là dans le but d'éduquer les élèves et non de divertir leurs parents.
S'il osait…
… et rien n'était moins sûr !
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Il pouvait parler librement de beaucoup de choses avec son père ; en fait, il pouvait aborder n'importe quel sujet avec lui. Toutefois, Drago n'était pas sûr que parler des détails de sa vie sexuelle avec son fils enchante son père. Encore moins s'il se mêlait de lui faire des remarques sur ses choix en matière d'amants.
Non, il n'aimerait certainement pas.
Il valait mieux laisser couler. Après quelques jours, Rogue serait certainement redevenu fidèle à lui-même et tout serait rentré dans l'ordre. Si ça ne se passait pas ainsi, alors, il en parlerait à son père…
… avec tact…
… et en se tenant suffisamment éloigné…
… une gifle était si vite partie.
