Mon père, ce…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 5 – Photos souvenirs—
Rester ou ne pas rester.
Lucius se tâtait. D'un côté, il voulait demander conseil à sa sœur ; de l'autre, il n'avait pas du tout envie de voir sa mère, or elles viendraient ensemble. Il fronça le nez, regarda d'un œil vague les livres alignés dans sa bibliothèque. Il haussa brusquement les épaules. Tant pis s'il ne voyait pas Sania, il pourrait toujours demander conseil à sa femme comme il l'avait prévu au départ… même si celle-ci avait semblé sous-entendre la veille que l'affection était le cadet de ses soucis, ce qui était loin d'être la vérité.
D'ailleurs, avait-il tant besoin de conseil que ça ? Depuis quand avait-il besoin des autres pour prendre une décision ?
~oOo~
« Pourquoi Lucius se manifesterait-il ? »
Severus remplit son chaudron d'eau.
« Tu n'étais qu'un amant de plus pour lui. »
Il alluma le feu.
« Non, ce n'est pas logique, il a le choix entre des tas de garçons tous plus beaux les uns que les autres, il ne peut pas m'avoir choisi juste pour mon… cul. Il y a sûrement une autre explication. Il va revenir, c'est forcé. »
Il prit un bocal de pattes de cafard, en préleva trois à l'aide d'une pince à épiler.
« Si ça se trouve, c'était un pari. Ou un défi qu'il s'était lancé à lui-même. »
Il prit une pincée de racine de mandragore pilée.
« Ma vie est une longue succession de désillusions. Oh ! Par tous les fondateurs, Severus, arrête ou tu vas finir par éclater en sanglots devant tes élèves ; de quoi aurais-tu l'air ? »
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Les Serdaigle et Gryffondor de deuxième année ne savaient pas trop comment réagir. Le silence était total dans le cachot. Severus Rogue ne commentait pas ce qu'il faisait. Il gardait les lèvres serrées, les yeux grands ouverts fixés sur son ouvrage qu'il exécutait sous pilote automatique.
« Lucius Malefoy, je te hais. »
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La délivrance arriva enfin, pour les élèves comme pour Severus. Il partit d'un pas vif vers ses appartements… et y trouva Lucius Malefoy assis sur le canapé. Ce dernier avait pour cela enlevé tous les objets hétéroclites qui l'encombraient précédemment.
« Tu n'as pas de sortilège pour protéger tes appartements ? demanda l'intrus pour toute explication à sa présence.
— Je… je ne garde rien de précieux chez moi. C'est dans mon bureau et dans ma salle de… » commença Severus, un peu décontenancé, avant de se reprendre : « Qui t'a permis d'entrer ? » demanda-t-il sèchement.
Lucius se permettait d'entrer chez lui sans y avoir été invité. Sans compter qu'il donnait l'impression d'être le maître des lieux. Severus songea qu'il avait sans doute fait une grave erreur en s'offrant à lui : à présent, Lucius semblait le considérer comme un terrain conquis, une propriété qu'il viendrait revendiquer quand bon lui semblerait.
Severus s'exhorta à voir la moitié pleine du verre, la présence de Lucius signifiait au moins qu'il n'était pas un pari ou un coup d'un soir, ce qui était en soit une très bonne nouvelle.
« Moi, répondit sobrement Lucius. Tu m'excuseras d'être parti sans dire au revoir hier, mais – après tout – tu as fait la même chose. »
Lucius se leva pour effleurer ses lèvres des siennes. Severus recula avant qu'elles n'arrivent à destination. Ses traits s'étaient durcis à le voir ainsi tenter de l'embrasser comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.
« Avant toute chose, je veux d'abord savoir où on va.
— Ta chambre me semble être la destination idéale. »
Severus clôt les yeux un instant et souffla ; il semblait profondément agacé et Lucius comprit que sa tentative pour détendre l'atmosphère était tombée à plat.
« Je te prierai de répondre sérieusement à ma question, tu l'as d'ailleurs très bien comprise, mais si tu veux que je sois plus clair, cela ne me pose aucun problème : je veux savoir où cette histoire va nous mener avant de décider si je veux que nous la poursuivions. Je n'ai pas… l'habitude de faire ce que j'ai fait hier. Je ne suis pas… » Severus marqua une pause, répugnant à terminer sa phrase. « … un gigolo.
— Je n'ai jamais prétendu que tu en étais un. D'ailleurs, je ne t'ai pas payé. »
Lucius se retrouva de profil sous l'impact du coup de poing. Il redressa la tête, se massa la joue douloureuse – vérifiant que toutes ses dents étaient encore à leur place – et regarda stoïquement Severus. Les sarcasmes étaient à proscrire aussi.
« Je suppose que je le méritais, j'aurais dû m'abstenir de ce genre de réflexion. Cela dit, tu ne m'as pas habitué à avoir des réactions si vives ; où est passé ton sang froid de Serpentard ?
— Que veux-tu au juste ? Que je m'allonge une deuxième fois pour ton bon plaisir ? »
Lucius préféra ne pas répondre de façon positive. Toutefois, c'était exactement pour ça qu'il était venu : faire l'amour une deuxième fois à Severus – cette fois dans toutes les règles de l'art – et en tirer les conclusions qui s'imposaient. Il avait naïvement cru que cela ne poserait aucun problème, guidé dans cette conclusion par l'attitude qu'avait eue Severus hier.
Il s'était visiblement trompé.
« Nous pouvons parler sérieusement ? demanda-t-il.
— De quoi ?
— De nous deux, ce n'est pas ce que tu voulais ?
— Oh… il existe un "nous deux" ? » releva Severus.
Lucius resta silencieux. Cette conversation prenait un tour qui lui déplaisait.
« Qu'attends-tu de moi exactement ? » continua Severus, conscient d'avoir déjà marqué des points mais ne voulant pas rester sur cette seule victoire.
Parfois, l'honnêteté, ça paye.
« Je ne sais pas encore vraiment, répondit Lucius.
— Comment ça tu ne sais pas ? » s'exclama Severus, scandalisé.
Souvent, l'honnêteté, ça ne paye pas.
« Tu me fais une impression bizarre » tenta d'expliquer Lucius. Il se sentait gauche et maladroit, il était incapable de préciser ses sentiments, et il ne voulait pas mentionner le mot fatidique tant qu'il n'était pas sûr de savoir ce qu'il ressentait.
« Je te fais une impression bizarre ? répéta Severus, médusé.
— Je ressens des choses pour toi que je ne ressens pas habituellement, que je ne suis pas habitué à ressentir. Alors, je ne sais pas quel nom leur donner. »
Lucius avait le plus grand mal à trouver les mots justes. Il aurait pu faire des dissertations remarquables sur des sujets comme la haine et le mépris. Pour ce qui est de l'amitié, l'affection et la tendresse, il s'y connaissait déjà moins bien. Quant à l'amour…
Les traits de Severus s'étaient enfin détendus, il paraissait juste interloqué.
« Qu'es-tu en train de me dire ? Que tu es amoureux de moi ?
— Je n'ai jamais dit une chose pareille ! » s'écria Lucius instinctivement. Severus venait de prononcer le mot fatidique.
« Que veux-tu dire alors ? Exprime-toi clairement !
— Je veux dire que je ressens quelque chose pour toi. Quelque chose qui est peut-être autre chose qu'une simple attirance purement physique. Cependant, je n'en suis pas tout à fait sûr.
— Autre chose qu'une attirance purement physique.
— Oui.
— Mais tu n'en es pas tout à fait sûr.
— Non.
— Et en admettant que tu en sois sûr, quelle est cette "autre chose" qui n'est pas de l'amour ?
— Je n'ai pas dit que ça ne pouvait pas être de l'amour.
— Tu as dit que tu n'étais pas amoureux de moi.
— J'ai dit que je n'avais pas dit que j'étais amoureux de toi, nuance ! Ne déforme pas mes propos.
— Donc, ça pourrait être de l'amour ?
— C'est une possibilité, reconnut Lucius à contrecœur.
— Il y a d'autres possibilités ?
— Oui.» Lucius se tut et chassa d'une main caressante la mèche de cheveux qui tombait sur les yeux de Severus. « Ça pourrait être de la tendresse.
— De la tendresse ? »
La voix de Severus avait perdu toute trace d'agressivité. Lucius se congratula intérieurement de s'être sorti de cette situation délicate avec tant d'élégance.
« Pourtant, tu n'as pas été vraiment tendre hier. »
La voix de Severus avait retrouvé tout son mordant. Les félicitations dans la tête de Lucius se turent, il éloigna sa main caressante.
« Je le regrette énormément. Ceci dit, je te désirais tellement fort…
— Je croyais qu'il y avait autre chose qu'une simple attirance physique. »
A cet instant, Lucius songea que la vérité – le fait qu'il avait besoin d'essayer avant d'acheter – n'était guère reluisante et qu'il y avait peu de chances pour que l'idée d'être considéré comme un produit "satisfait ou remboursé" plaise à Severus. Des doutes sérieux naquirent quant à la réussite de son projet, à savoir faire à nouveau l'amour avec Severus pour obtenir la réponse à sa question.
« Oui, tu es plus que ça. Néanmoins…
— Pour moi aussi, tu es plus que ça, l'interrompit Severus. Je suppose que tu as effacé certains évènements de ta mémoire ; tu as fait une croix sur ta vie passée après ton accident. Cependant, je me rappelle de toi avant. Tu n'aurais jamais agi ainsi avec moi, j'en suis sûr ; tu étais différent. Pas fondamentalement, mais différent tout de même. Tu ne m'aurais jamais fait ça. » Severus fit une pause et leva les yeux au ciel en se rendant compte de l'énormité de ce qu'il venait de dire. « Fort heureusement, d'ailleurs, je n'avais qu'onze ans à cette époque.
— De quoi parles-tu ? demanda Lucius, intrigué.
— Tu m'as défendu contre Black et Potter. »
Lucius fit fonctionner sa mémoire, mais dut reconnaître à demi-mot que cela ne lui disait rien : « Peux-tu préciser ?
— Ils m'avaient pris mon livre et s'amusaient à se le lancer l'un à l'autre. »
Lucius hocha la tête doucement, cela lui revenait. C'est vrai qu'il avait été lui porter secours, il avait de l'affection pour Severus, et, par principe, il n'aimait pas qu'on attaque des Serpentard, surtout quand ils n'avaient rien fait pour le mériter ; en plus, Black et Potter, du haut de leur onze ans, n'en finissaient pas de faire parler d'eux et lui ressortaient par les yeux.
« Oui, je me souviens.
— Pour toi, cela n'a pas été grand-chose. Pour moi, c'était un événement. Tu as été la première personne – la seule à Poudlard – à prendre ma défense, à me montrer de l'intérêt. J'avais de l'admiration pour toi… et de la reconnaissance… que j'ai toujours gardée. Merde ! J'attendais autre chose de toi que tu me baises et que tu te casses ! » termina sèchement Severus, oubliant qu'il avait été le premier à partir. Ce que l'enfant voyait en Lucius heurtait ce que l'adulte savait de lui. Cela avait toujours été comme ça ; les deux visions paradoxales que Severus avait de son aristocrate d'ami se combattaient lorsqu'il se trouvait en sa présence.
Lucius ne s'attendait pas à ce que Severus use d'un tel langage ; il ne l'avait pas habitué à ça. Fallait-il qu'il soit en colère contre lui pour s'exprimer ainsi. Colère due à une énorme déception. Comment avait-il pu le décevoir à ce point ? Severus avait vraiment dû se bercer d'illusions à son sujet.
« Je n'ai pas été à la hauteur de tes espérances, résuma Lucius d'un ton morne.
— Non, confirma Severus, déjà calmé.
— Ecoute, sans vouloir briser tes rêves, tu as pu t'apercevoir depuis le temps que tu me connais que je n'ai rien d'un héros sans peur et sans reproche. Je ne peux même pas m'enorgueillir d'être ce qu'on appelle un type bien.
— Je le sais. Rassure-toi, je n'ai jamais pensé ça de toi. » Severus se rappela alors que c'était faux ; il avait pensé de Lucius qu'il était très gentil, il avait même poussé l'offense jusqu'à le lui dire, c'était après avoir réussi son exercice d'arithmancie que cela lui avait échappé.
« Le mieux est que tu me dises ce que tu attends de moi », proposa Lucius. Si cette relation devait revêtir des atours sérieux, il préférait savoir à quoi s'en tenir dès maintenant, pour savoir s'il en était capable… ou s'il ne valait pas mieux s'enfuir en courant.
~oOo~
« Un cheval, ça n'avance pas en diagonale ! Le fou avance en diagonale, le cheval, lui, avance en "L" ; des "L" à l'envers, retournés, dans le sens que tu veux, mais des "L" ! »
C'est en ces termes que Drago Malefoy vilipenda Vincent Crabbe après que celui-ci ait fait un déplacement non autorisé sur le jeu d'échec. C'était la quatrième fois depuis le début de la partie qu'il le lui répétait la même chose, et le calme l'avait tout à fait quitté cinq minutes auparavant lorsque son ami avait renversé sa dame en se servant d'une de ses tours qu'il avait avancée en diagonale – Crabbe avait manifestement décidé que toutes les pièces du jeu avançaient en diagonale, il avait d'ailleurs fait remarquer à Drago lorsque celui-ci l'avait repris la première fois que les règles seraient beaucoup plus simple s'il en était ainsi, Drago lui avait alors dit que le but des échecs n'était pas de simplifier la vie des joueurs mais de leur remuer les méninges.
« Et pourquoi déplaces-tu ton cheval ? reprit-il, de plus en plus excédé. Tu aurais pu me faire échec avec ta tour !
— Ah ? J'aurais pu gagner alors ? demanda Crabbe, tout déconfit d'être passé à côté d'une victoire sur Drago Malefoy.
— Non, car je n'aurais été qu'échec, je n'aurais pas été mat, rétorqua Drago d'un ton las.
— Et c'est quoi la différence ?
— Pansy ! Rends-toi utile, viens à mon secours ! supplia Drago, à bout de nerfs.
— Compte pas sur moi Dray, tu t'es lancé de ton plein gré dans ce projet fou, personne ne t'y a forcé. »
Pansy avait pris l'habitude de l'appeler par tous les surnoms possibles et imaginables depuis quelques temps (elle avait en cette matière, hélas, une imagination très prolixe). En fait, elle s'appliquait à l'appeler ainsi depuis qu'elle l'avait affublé d'un diminutif par mégarde et qu'il avait commis la grossière erreur de lui signaler qu'il détestait qu'on écorche son prénom. Depuis, il n'y coupait plus.
« Je m'ennuyais, expliqua Drago.
— Si ça t'ennuie encore plus de m'apprendre ce jeu, on arrête. De toute façon, ça me donne mal à la tête, je ne crois pas que j'y arriverai et je ne pense pas que ça me sera d'une grande utilité dans la vie », jugea Vincent avant de se lever et de rejoindre Goyle.
Pansy regarda Vincent s'éloigner et s'asseoir à côté de Gregory. Flairant l'occasion de se moquer de lui, elle recentra toute son attention vers Drago.
« Crabbe aurait pu te faire échec ? » constata-t-elle dans un sourire carnassier. Ils étaient restés amis malgré les mots durs que Drago lui avait lancés quelques mois auparavant pour lui faire comprendre qu'il n'était pas – et ne serait jamais – intéressé par elle. Elle l'avait mal vécu, mais avait réussi à surmonter ce "drame". Depuis, elle était en bons termes avec lui, même si elle ne manquait jamais une occasion de le rabaisser.
« Je jouais à son niveau. C'était une partie pédagogique. Je ne faisais pas vraiment attention aux positions de mes pièces… Que fabriques-tu ?
— Je prépare mon devoir de divination. Cette illuminée de Trelawney va nous interroger sur l'influence de la position des astres à courte échéance.
— Comment peux-tu déjà connaître le sujet ? demanda Drago, les sourcils froncés.
— C'est le sujet où elle estime que tu as le plus de lacunes, Drago chéri, et cette chère Trelawney ne t'a pas à la bonne. D'ailleurs, tu fais tout pour ça. La seule prof dont tu ne lèches pas les bottes. Une rareté !
— Gnagnagna », marmonna Drago en se renfrognant. Il remit en ordre les pièces du jeu pour se donner une contenance.
« Pendant que j'y pense, Dragonichou, j'ai vu ton père. »
Il releva brusquement la tête et posa des yeux écarquillés sur Pansy.
« Quand ça ?
— à l'instant, juste avant de venir dans notre maison. Il rôdait autour des appartements de Rogue.
— Quoi ! Non ! Tu as dû te tromper ! nia précipitamment Drago.
— Non, c'était bien ton père. Je lui ai même parlé », insista Pansy, ne comprenant pas la réaction bien trop vive de Drago. Et elle était quand même capable de différencier Lucius Malefoy d'une autre personne ! S'il y avait bien quelqu'un de reconnaissable en ce bas monde…
« Ce n'est pas ce que je voulais dire. Il ne pouvait pas être à côté des appartements de Rogue.
— Pourquoi ? Ils ne s'entendent pas ? » demanda la jeune fille, intriguée. Il lui avait pourtant semblé que les relations entre Severus Rogue et les Malefoy – Lucius en particulier – avaient toujours été au beau fixe.
Drago se gronda en silence de son insistance. Personne ne nourrissait de soupçons sur la relation entre son père et Rogue et c'était à parler ainsi qu'il risquait d'en provoquer.
« Non. Enfin si. Enfin je ne sais pas, répondit-il finalement, se maudissant plus que jamais.
— Qu'est-ce que tu caches, Dragounet ? » demanda Pansy dans un sourire narquois. Elle connaissait bien son Drago depuis le temps qu'elle le connaissait et commençait à comprendre qu'un secret a priori pas très reluisant se dissimulait derrière son attitude étrange. Elle s'en réjouissait d'avance.
« Rien ! » répondit sèchement Drago avant de sortir de la salle commune. La fuite semblait être sa seule option.
~oOo~
Enfouie dans un profond fauteuil de la bibliothèque du domicile de son fils, Cristina Malefoy, les jambes croisées, tapotait l'accoudoir d'un doigt impatient.
« Voilà bientôt deux heures que j'attends et toujours pas de Lucius en vue. Je suppose que vous lui avez dit que je reviendrai aujourd'hui et qu'il a préféré s'absenter.
— Lucius a beaucoup de ressentiment à votre égard, expliqua Narcissa.
— Comme si je ne le savais pas assez ! Le pire, c'est que je sais pertinemment qu'il m'en veut mais que j'en ignore la raison.
— Il ne vous en a jamais parlé ?
— Cela fait des années qu'il ne me parle plus. Non, je n'ai jamais eu l'honneur d'une explication. »
Cristina se leva du fauteuil, fit quelques pas, dos à Narcissa. En réalité, elle avait quelques idées sur le pourquoi du désamour de son fils à son égard. Outre le fait que Lucius avait souffert d'être le seul parmi ses enfants à ne pas savoir qui était son père, elle se souvenait d'une scène douloureuse qui avait eu lieu lors d'une réunion parents/professeurs/élèves durant sa première année à Poudlard. Un père d'un élève avait regardé d'un peu trop près son profond décolleté, il s'était pris un coup de pied au visage de la part de Lucius (il était souple le chérubin, quasiment capable du grand écart). Puis, pour une raison que Cristina n'avait jamais pu déterminer, une bagarre générale s'en était suivie. Lucius avait écopé d'une retenue de deux semaines complètes et lui avait crié qu'il ne voulait plus jamais la voir.
Il n'y avait plus jamais eu de réunions parents/professeurs/élèves.
Lucius n'avait pas pu tenir la promesse qu'il s'était fait à lui-même. Il avait bien été obligé de revenir chez lui pour les vacances ; cependant, il avait passé le plus gros de l'été chez son grand-père. Elle avait un instant soupçonné ce dernier d'être à l'origine de l'appartenance de Lucius aux Mangemorts, puis y avait réfléchi et avait finalement conclu que ce ne pouvait être le cas : c'était son accident qui avait aigri Lucius et qui l'avait amené à devenir un fidèle du Seigneur des Ténèbres. De plus, son père avait beau être un réactionnaire fini et un pro sang pur, il était contre Voldemort ; il ne s'était jamais abaissé à appeler cet homme "Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom" ou "Le Seigneur des Ténèbres". Comment le nommait-il déjà ? Ah oui ! "L'arriviste". Il l'appelait ainsi avec une moue dédaigneuse ou tout simplement par son nom avec la même expression de mépris.
Au moins un point positif pour son père, bien qu'elle doutât de la légitimité de son géniteur à reprocher à des gens d'être des arrivistes, la façon dont lui et ses ancêtres étaient arrivés à la position sociale qui était celle des Malefoy aujourd'hui ne déméritait pas des méthodes de ceux qui portaient l'ambition à son comble.
Vindegral avait très mal pris le choix de son petit-fils : se mettre aux ordres d'un énergumène comme Voldemort n'était pas digne d'un Malefoy. D'ailleurs, se mettre aux ordres de n'importe qui n'était pas digne d'un Malefoy.
Elle était d'accord sur ce point-là aussi.
Cependant, il avait pardonné à son petit-fils. Outre qu'il était son seul descendant mâle, une excuse était toute trouvée : l'accident. Ce fameux accident qui avait fait du mal autant physiquement que moralement à Lucius. Et puis, d'une manière générale, n'était-il pas prêt à tout pardonner à son cher petit-fils ? Il avait toujours eu de l'affection pour lui, c'était son préféré. Dès sa plus jeune enfance, Lucius avait eu une prestance remarquable. Vindegral Malefoy avait même mis totalement de côté les rumeurs concernant l'homosexualité de son petit-fils ; à la condition, toutefois, que celui-ci se marie et assure la descendance de leur famille.
Son père se montrait beaucoup plus souple avec Lucius qu'il ne l'avait été avec elle.
Favoritisme typique à l'égard des héritiers mâles.
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Le chat de la maison – celui de Drago en fait – vint se frotter aux jambes de Cristina avec insistance et en ronronnant énergiquement.
« Sauriez-vous où il se trouve ? » demanda Cristina en se baissant pour prendre le chat dans ses bras. Le félidé, sauvage et indépendant comme aucun autre individu de sa race, se pelotonna avec délectation dans les bras de la grand-mère de son jeune maître, la tête et les pattes sur les épaules recouvertes de soie de l'héritière déchue.
« Vous plaisez à Filou.
— Voyez-vous ça ! ça m'a surtout l'air d'un chat prêt à vendre père et mère pour une caresse placée à un endroit propice.
— Détrompez-vous : ce matou est très sélectif dans le choix des personnes qui ont le droit de le porter. Et c'est seulement au moment où il en a envie. En fait, il n'y a que Drago qui puisse le prendre à n'importe quel moment. Si quelqu'un d'autre tente de le prendre à un moment où il n'est pas inspiré par les caresses, il n'en sort pas les mains intactes. »
Un sourire, le premier que Narcissa lui voyait, fut arraché à Cristina.
« Vous n'avez pas répondu à ma question, Narcissa. Vous n'auriez pas une quelconque idée sur l'endroit où aurait pu aller mon fils pour me fuir ?
— En toute honnêteté, j'ignore totalement où il est.
— Bien. Parlons d'autre chose alors : comment se porte Drago ? Cela fait bien longtemps que je l'ai vu. Pour tout dire, cela fait tellement longtemps que je ne serais pas sûre de le reconnaître si je le croisais dans la rue. Il a dû beaucoup changer. »
Narcissa leva les yeux au ciel. Evidemment qu'il avait changé ! C'était encore un enfant la dernière fois qu'il s'était trouvé en présence de sa grand-mère – c'était le Noël qui avait suivi sa première rentrée à Poudlard. A présent, c'était un jeune homme – fort beau et distingué selon Narcissa, et elle n'était pas le genre de mère à penser du bien de son fils parce que c'est son fils.
« Certes : il a grandi, répondit-elle en s'appliquant à ne pas prendre un ton trop sarcastique.
— Vous croyez que je pourrais le voir si j'allais à Poudlard ?
— Oui, cela doit être possible. Ils ne sont pas en prison là-bas, vous savez.
— Je vais aller y faire un tour alors. Je vais demander à Sania si elle veut m'accompagner. »
Elle sortit de la pièce et du manoir, au grand soulagement de Narcissa qui poussa un profond soupir ; par la pensée, elle transmit toute sa sympathie à son fils qui n'allait pas tarder à revoir sa chère grand-mère.
~oOo~
Dumbledore fit claquer un livre en le fermant, il se leva et se dirigea vers son phénix, l'air soucieux.
« Tu me vois désolé mon pauvre Fumseck, mais ils ne disent rien là-dedans sur la toux dont tu souffres, dit-il en caressant les plumes de l'oiseau. Quelle idée aussi d'être malade pour un phénix ! C'est bien la première fois que tu me fais le coup. »
Le volatile répondit par quelques éternuements douloureux qui peinèrent Albus.
« Je vais aller voir Poppie. Elle saura sûrement quoi te donner. Peut-être qu'un simple sirop te ferait du bien ? »
~oOo~
Drago était assis à la table des Serpentard, seul.
« Monsieur Malefoy, je crois que vous êtes un peu en avance pour le dîner, lui lança McGonagall de l'autre bout de la salle.
— Je sais. Je réfléchis.
— Bien », fit le professeur de métamorphose en haussant les épaules avant de poursuivre son chemin.
Drago la regarda s'éloigner avant de revenir à sa contemplation du bois de la table. Il se demandait si une intrusion dans la vie privée – plus précisément sentimentale, et même, osons-le dire, sexuelle – de son père était opportune. A son sens, la réponse était affirmative : il fallait intervenir. Cependant, son père ne serait certainement pas du même avis. Le problème était que c'était au moins la deuxième fois en deux jours que lui et son professeur de potion se retrouvaient ensemble… et ce n'était certainement pas pour parler de la météo.
Son père ne l'avait pas habitué à avoir des relations durables. D'ailleurs, les partenaires de son père lui faisaient rarement plus d'un usage. Au grand maximum, ils avaient droit à une nuit de plaisir. Son père aurait couché avec Rogue et reviendrait le lendemain ? Deux fois la même personne ? C'était suspect. Cela cachait-il quelque chose de profond ?
Et quelle idée de coucher avec un ami ! Le professeur de son fils en plus ! Cela ne pouvait que générer des complications. Et s'il y avait bien une chose dont Drago était sûr, c'est qu'en matière sexuelle, son père cherchait tout sauf les complications.
Ce qui signifierait que ce n'était pas que sexuel.
Drago hésitait à s'en réjouir.
~oOo~
Cristina et Sania traversèrent d'un pas alerte le domaine de Poudlard. En passant la porte du château, la fille salua Rusard d'un geste distrait alors que la mère ne parut même pas le voir ; le concierge ne s'en formalisa pas outre mesure.
« Que fait-on une fois arrivées à la maison Serpentard ? On devine le mot de passe ? demanda Sania, facétieusement.
— Nous allons voir le responsable de la maison Serpentard pour qu'il nous arrange ça.
— Qui est-ce à présent ? Le professeur Chugern a démissionné si mes souvenirs sont bons.
— Setus Rone, répondit Cristina.
— Pardon ?
— Setus Rone… ou Robe… quelque chose dans ce goût-là. Drago m'en a parlé en long et en large la dernière fois que je l'ai vu – ce qu'il m'a gavée ! –, son professeur de potions et responsable de maison est apparemment une véritable idole pour ce bambin. Enfin, bambin… façon de parler… sans compter que ça l'était peut-être à l'époque, mais Drago a eu tout le temps qu'il fallait pour se mettre à idolâtrer une autre personne.
— En tout cas, à présent, nous sommes assurées que la dernière fois que tu as vu Drago, il était déjà à Poudlard. Il avait donc au moins onze ans. C'est incroyable, ma chère mère, cela ne fait au maximum que six ans que tu as vu ton petit-fils. Tu t'améliores grandement. »
L'ironie dans le ton de Sania était palpable, sa mère s'en irrita.
« Ce n'est pas de ma faute si je le vois si peu !
— Changeons de sujet. Ou plutôt, revenons au précédent : où allons-nous trouver le responsable des Serpentard ?
— N'est-ce pas McGonagall que j'aperçois là-bas ?
— Si, il me semble bien.
— Alors voilà la réponse à ta question : nous allons lui demander.
— Nous pourrions aussi lui demander directement d'aller avertir Drago de notre présence.
— Voyons Sania ! Tu sais très bien qu'elle et moi, nous ne nous sommes jamais très bien entendues. De plus, j'aimerais si possible éviter d'avoir à immiscer une Gryffondor dans ma vie de famille.
— Maman, il s'agit juste de faire venir Drago, pas de lui exposer tes rapports conflictuels avec son père.
— Je la connais. Elle ne manquera pas de jeter le sujet sur le tapis. Moins longtemps nous lui parlerons, mieux cela vaudra. Et pas question de lui demander un service : cette femme m'a toujours regardée de haut, te rends-tu compte ?
— Le monde à l'envers ! » s'exclama sarcastiquement Sania en songeant à l'attitude de son grand père, de son frère, de sa mère et de quelques unes de ses sœurs à l'égard du reste du monde.
~oOo~
Pomfresh poussait Albus doucement vers la sortie ; elle ne pouvait rien faire dans l'immédiat pour remédier à son problème.
« Le mieux, c'est que vous alliez voir Severus. Il vous confectionnera la potion appropriée en un tour de main. Il est parfaitement qualifié pour ce travail – sans quoi vous ne l'auriez pas engagé – et il aura tout ce qu'il faut sous la main.
— Il vous manque des ingrédients pour la réaliser ?
— Normalement, ce sont les élèves que je soigne, voire les professeurs. Il y a des ingrédients dans cette potion qui ne me sont d'aucun secours en ce qui concerne la guérison des êtres humains. Pourquoi irais-je m'encombrer d'ingrédients dont je n'ai normalement pas l'utilité ?
— C'est très juste. Cela dit, vu les familiers que possèdent nos élèves, j'aurais cru que vous possédiez quelques médecines à l'égard de nos chers compagnons.
— J'ai effectivement de quoi soigner les bobos courants des chats, crapauds et autres hiboux. Toutefois, vous n'êtes pas sans savoir à quel point le phénix est un oiseau particulier… et rare ! Citez-moi une seule personne – hormis vous évidemment – qui possède cette sorte d'animal comme familier ?
— Bon argument. Je vais de ce pas voir Severus.
— Cela me semble sage. »
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Drago se leva soudainement et sortit de la grande salle d'un pas décidé. Son pas décidé se ramollit au fur et à mesure de sa marche, non par fatigue (évidemment) mais bien par une appréhension de bon aloi qui émoussait sa volonté d'aller parler entre quatre yeux avec son géniteur. Il combattait son envie de rebrousser chemin quand le dernier virage avant d'atteindre le couloir menant aux appartements de l'amant de son père se profila à l'horizon.
Son ventre se serra. Il s'arrêta, déglutit et ferma les yeux avant de les rouvrir et de poursuivre sa route d'un pas résigné.
~oOo~
« Tu as remarqué la façon dont elle m'a regardée ? Tu as entendu le ton qu'elle a employé pour me parler ? »
Cristina en suffoquait d'indignation. Elle s'était retenue à grand peine de flanquer une gifle à cette vieille peau de McGonagall pour lui payer son impertinence. Pour qui se prenait-il elle donc ?
« Maman, je crois me souvenir que la dernière fois que tu l'as rencontrée, c'était à une réunion parents/professeurs et que tu t'es présentée habillée comme si tu comptais trouver ton prochain amant à cette réunion ou que tu t'apprêtais à faire le trottoir.
— Sania, souffla Cristina, stupéfiée par les propos de sa fille.
— En tout cas, c'est ainsi que Lucius a décrit ton accoutrement. Il a été très gêné que sa mère se présente dans une tenue non appropriée à cette réunion. Il n'aurait pas eu plus honte si tu t'étais présentée habillée comme une clocharde.
— Lucius a dit cela ? Il exagère.
— Il faut le comprendre ! Apparemment, les pères coulaient des regards vers ta poitrine… ainsi que les élèves masculins. Il a toujours mal supporté ce genre de choses. Et là, c'était dans son école que tu venais afficher tes appas ! Tu dois comprendre qu'entendre un de ses camarades de classe lui annoncer que sa mère est bandante ait une chose que Lucius aurait préféré éviter. »
Cristina médita cette information. Elle n'aurait jamais cru qu'avoir une mère belle et bien habillée puisse poser problème ; elle estimait au contraire que Lucius aurait dû tirer une grande fierté de la voir ainsi attirer l'attention. Il était vrai toutefois qu'il y avait plus élégant que de se voir qualifier de "bandante" et elle pouvait comprendre en partie que cela ait déplu à son fils. Et sans doute prenait-il ombrage aussi qu'elle ait tant d'hommes dans sa vie et se montre si désirable.
« C'est pour ça que Lucius m'en veut ?
— Oui… du moins, je crois.
— Il ne manque pas de culot ! Est-ce que sa femme est si différente de moi ? Son comportement à lui est-il différent du mien ? Je le trouve bien mal placé pour me reprocher ça !
— Certes, il manque sans doute un peu de recul, il faudrait lui signaler. Cependant, tu dois reconnaître que lui et Narcissa ne s'affichent pas comme tu le fais.
— Admettons », fit Cristina avec une moue et un froncement de nez. Pour sa part, elle ne les trouvait pas beaucoup plus discrets qu'elle.
« Ce n'est pas Dumbledore que je vois là ? demanda Sania en fronçant les sourcils.
— Si… juste devant la porte qu'on nous a indiquée. Il entre… N'est-ce pas Drago au bout du couloir ? »
~oOo~
Albus se présenta devant la porte des appartements de Severus et constata qu'elle était entrouverte. Il fronça les sourcils et tapa contre le panneau. Ce geste n'eut pas l'effet escompté : personne ne lui répondit. Par contre, la porte s'ouvrit un peu plus largement. Albus haussa les épaules et entra sans plus de cérémonie.
La porte de la chambre n'était pas fermée et la pièce était éclairée. Albus sourit en se disant qu'il avait trouvé l'endroit où se cachait son professeur des potions et se dirigea d'un pas insouciant là où il pensait le trouver.
~oOo~
La mère et la tante d'un côté, le petit-fils et neveu de l'autre et une porte ouverte au milieu. Une dizaine de mètres les séparait à présent. Drago s'était arrêté net en reconnaissant ses deux parentes ; il reprit sa marche. Sania et Cristina ne s'étaient pas arrêtées.
« Tante Sania ! Grand-mère ! s'exclama Drago d'un ton faussement enjoué, très désagréablement surpris au vu des circonstances qui l'amenaient dans ce couloir.
— Oh ! Je t'en supplie Drago, je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler ainsi ! protesta Cristina, outrée que son petit fils l'affuble de l'épithète "Grand-mère".
— Bonjour Drago, justement nous venions te voir », salua Sania.
Les "effusions" Malefoyiennes s'arrêtèrent, interrompues par le bruit d'une dispute violente.
« C'est la voix de Lucius », remarqua Sania, les sourcils haussés.
Drago blanchit.
Trois secondes plus tard, l'apparition d'un Lucius Malefoy totalement nu sur le palier vint apporter une confirmation à la remarque de sa sœur. Albus suivait, visiblement hors de lui. Il était tellement effrayant que Lucius, malgré la jeunesse de son corps, préférait battre en retraite. Dumbledore le poursuivait en l'invectivant.
Drago, Cristina et Sania regardèrent, éberlués, les deux protagonistes s'éloigner.
~oOo~
Millicent regardait à l'extérieur d'un air absent – se reposant d'un devoir d'astronomie sur lequel elle bûchait depuis plus d'une demi-heure – quand le bâton de réglisse qu'elle mâchonnait lui tomba de la bouche. Pansy remarqua le regard figé et la bouche bée de son amie.
« Génial ! Drago a contaminé toute la maisonnée avec sa bizarrerie ! Qu'est-ce qu'il te prend Mill' ?
— V… viens voir », bafouilla la Serpentard.
Pansy soupira et souleva son derrière du confortable canapé sur lequel il reposait pour venir constater que l'émoi de son amie était dû à la présence de Lucius Malefoy à quelques mètres de leur fenêtre (qui ne dépassait le sol que de quelques centimètres, ceci étant dû à l'emplacement de leur maison). Le père de Drago était entièrement dévêtu et ne possédait comme paravent à son intimité que ses vêtements ramassés à la hâte et roulés en boule devant ses parties génitales.
« Appareil photo ! » s'exclama Pansy en partant en trombe vers son dortoir quérir l'objet de sa convoitise, oubliant, dans son émoi, d'utiliser sa magie et de le faire venir d'un simple Accio.
~oOo~
Lucius se tenait au milieu de la pelouse, grelottant. Le directeur le regardait du haut du perron.
« Vous n'êtes qu'un vieux fou, Dumbledore ! On en a interné pour moins que ça ! Des gens ayant dû supporter la présence des détraqueurs pendant des dizaines d'années sont sûrement moins aliénés que vous !
— Ne revenez plus jamais dans mon établissement, Malefoy, ou il vous en cuira !
— De quel droit me bannissez-vous du séjour dans cette école ?
— J'en suis le directeur ! Et vous, de quel droit vous permettez-vous de venir faire sombrer un de mes meilleurs éléments dans le stupre ! Vous n'êtes qu'un désaxé !
— Comment osez-vous ? Et c'est à ça que l'on confie nos enfants ? C'est ça qui ose se prétendre ouvert d'esprit ? Je ricane !
— Partez ! » cria Albus avant de tourner les talons et de s'engouffrer dans le château.
~oOo~
« A ton avis Sania, doit-on conclure d'après la scène à laquelle il nous a été donné d'assister que Lucius a des rapports différents des autres parents avec le professeur de son fils ?
— Je crois qu'on peut se permettre d'avancer ce genre d'hypothèse, répondit Sania du même ton neutre qu'avait utilisé sa mère.
— Ils couchent ensemble, commenta Drago, plus direct.
— Tu étais au courant ? demanda Sania, étonnée, en se tournant vers lui.
— Voilà ce cher Albus qui nous revient », constata Cristina d'un ton méprisant. Elle n'aimait pas Dumbledore et c'était sans doute là que se trouvait la source de l'inimitié que ressentait Lucius pour lui. Il avait beau être en froid avec sa mère, il n'en appliquait pas moins les principes qu'elle lui avait inculqués.
Dumbledore franchit la porte des appartements de Severus sans accorder la moindre attention aux trois personnes qui se trouvaient sur le palier, comme s'il ne les avait pas vues.
Sans gêne aucune, Cristina entra à son tour.
« Maman, qu'est-ce que tu fais ?
— J'entre.
— Personne ne t'y a invité !
— Tu crois que quelqu'un l'y a invité, lui ? » s'exclama Cristina, le "lui" désignant, évidemment, le directeur de Poudlard.
Vaincue, Sania suivit sa mère. Drago passa à son tour dans l'appartement, avide de connaître la suite des événements et se disant qu'une personne de plus, une personne de moins, quelle différence cela pouvait bien faire ?
« Maman, au lieu d'entrer là comme des sans-gênes, on aurait peut-être dû suivre Lucius. Pour une fois que tu le vois.
— Je veux voir à quoi ressemble ce Setus Robe avec lequel mon fils entretient une relation.
— Severus Rogue, rectifia Drago, outré qu'on écorche le nom de son professeur… et potentiel futur beau-père.
— Appelle-le comme tu veux. En tout cas, pour que Lucius se rende à Poudlard pour forniquer, avec tous les risques et désavantages que cela comporte, c'est que cette relation doit avoir un minimum de sérieux. »
Drago s'était déjà fait la même réflexion mais l'avait gardée pour lui. Il n'était pas spécialement heureux que sa conclusion trouve un écho chez sa grand-mère. Pas plus qu'il n'appréciait la confirmation visuelle qui venait de lui être faite après le départ précipité de son père des appartements de son professeur.
Le murmure d'une discussion énergique venait de la pièce que Cristina identifia comme étant la chambre ; elle tendit l'oreille.
~oOo~
Albus marchait de long en large en agitant les bras.
« Vous !… Lui !… Vous faites… je ne peux pas le croire !… Non mais vous vous rendez compte ! »
Il interrompait ses ébats en entrant sans se faire inviter, il chassait son amant, se faisant, il le frustrait comme jamais, et pour couronner le tout, il lui hurlait dessus. Severus retint la colère qui menaçait de l'envahir.
« Albus, auriez-vous un problème avec l'homosexualité ? » demanda-t-il calmement. La honte qu'il avait ressentie en étant surpris dans ces circonstances avait été évacuée suite à l'éviction de son amant. C'était gênant ce qui s'était passé, néanmoins Albus n'avait aucunement le droit de faire ce qu'il avait fait.
« Moi ! Pas du tout ! C'est juste que… que… » bafouilla Albus en se rappelant ce que Lucius lui avait dit après qu'il l'ait traité de désaxé. Il devait avouer que ses paroles n'avaient pas été en exacte concordance avec ses idées, de même que ses actes.
« Auriez-vous un problème, alors, à ce que les professeurs satisfassent un besoin… naturel ?
— Je… vous êtes dans un établissement scolaire !
— Et alors ? Les élèves ne sont au courant de rien.
— Mais… ils pourraient vous surprendre !
— Comme vous ? En entrant par effraction dans mes appartements ? Cela ne se fait pas. Et je ne pense pas que mes élèves s'y risqueraient. Surtout s'il y a des chances pour que je sois à l'intérieur.
— Je ne suis pas entré par effraction ! J'ai frappé !
— Ah oui ?… Admettons », accorda Severus en songeant au bruit qu'il avait entendu et qu'il avait attribué à une hallucination auditive où à la chute de livres sur son parquet (ce genre d'incident se produisait régulièrement) ; il n'était pas habitué à avoir de la visite. « Quoiqu'il en soit, quand on ne vous répond pas, cela ne signifie pas que vous pouvez entrer. "Qui ne dit mot, consent" ne fonctionne pas dans ce cas de figure.
— La porte était ouverte.
— C'est vrai ? »
Il avait été abasourdi de trouver Lucius dans ses appartements. Il en aurait oublié de fermer la porte derrière lui ? Ce n'était pas impossible.
« Bref ! La porte était ouverte, vous avez vu de la lumière, vous êtes entré. C'est cela ?
— A peu près. Cependant, c'était un cas d'extrême urgence.
— Allons bon ! Je peux savoir de quelle urgence il s'agit à part ruiner une vie sentimentale qui commence enfin à s'épanouir ? En l'occurrence la mienne.
— Je… je ne me souviens plus.
— Bref ! Vous êtes entré dans ma chambre sans mon autorisation, vous nous avez surpris, vous avez chassé Lucius comme un malpropre et tout ça sous un prétexte quelconque, soi disant une urgence, urgence qui ne doit pas être si urgente que cela vu que vous ne vous souvenez même plus de quoi il s'agit ! »
C'était au tour de Severus d'être en colère, il n'avait pu la retenir plus longtemps.
« Cela va me revenir ! Mais c'est de votre faute. ça m'a perturbé de vous… de voir… de…
— Ah ça, j'imagine sans problème qu'un Lucius Malefoy totalement nu est bien la dernière chose que vous vous attendiez à trouver ici. De même que n'importe quel homme nu. Ainsi d'ailleurs que n'importe quelle femme. Ceci étant, une femme, cela vous aurait sans doute moins perturbé.
— Pas forcément, se défendit Albus. Je ne m'y attendais pas, c'est tout. C'est gênant de trouver un couple…
— Vous n'aviez pas l'air gêné mais plutôt en colère. J'aimerais bien connaître la raison exacte de cette colère d'ailleurs. Alors, quelle est-elle ? C'est le fait de me trouver prêt à faire l'amour ? Vous ne voulez pas que ce genre de choses arrive à Poudlard. C'est le fait que ça soit avec un homme ? Vous avez quelque chose contre l'homosexualité. Ou c'est tout simplement le fait que ça soit Lucius ? Là, inutile de demander si vous avez quelque chose contre Lucius. A moins que ce soit qu'il s'agisse de moi qui vous gêne ; vous ne supportez pas qu'il m'arrive une chose heureuse, avouez-le ! »
Le maître des potions était à présent au bord des larmes. Pour une fois qu'il lui arrivait quelque chose de bien dans la succession d'évènements malheureux, de journées déprimantes et de solitude qu'était sa vie, il fallait que Dumbledore vienne tout gâcher. Lucius voudra-t-il encore de lui après ce coup-là ? Severus l'avait un peu "cuisiné", il en était ressorti que Lucius ressentait quelque chose de fort pour lui, cependant il avait senti que le blond ne se rendait pas forcément compte de l'intensité de ses sentiments, et même qu'il cherchait à les endiguer. Sans doute que ce genre d'incident pourrait le refroidir et le décider définitivement à mettre de côté ce qu'il avait cru ressentir en songeant que quoiqu'il ait pu ressentir, cela ne valait pas le coup.
C'était trop bête.
« Severus, comment pouvez-vous penser une chose pareille de moi ? » demanda Albus. Il avait eu l'impression de se prendre un coup de poing à l'estomac lors de la dernière réplique de son subordonné.
« Sortez Albus, s'il vous plait », implora Severus. Il sentait qu'il allait se mettre à pleurer et ne voulait pas que le directeur en soit témoin. C'était amplement suffisant d'avoir eu toute son intimité dévoilée et de lui avoir parlé allongé dans un lit en cachant sa nudité sous un drap.
Albus se retira, penaud, la tête basse, en marmonnant des excuses. Il ferma la porte derrière lui et sursauta en apercevant une partie de la famille Malefoy dans le salon. Sania et Drago regardaient vaguement la porte de la chambre d'un air peiné ou gêné… ou les deux. Cristina, elle, fixait Albus et arborait un sourire carnassier.
« Alors, Albus, encore affairé à gâcher la vie des gens ? » cracha-t-elle avant de tourner les talons et de sortir, estimant que cette phrase se suffisait à elle-même et que le moindre ajout ne pourrait qu'en diminuer l'effet. Sania la suivit après quelques secondes. Drago fut le dernier à se retirer avant Dumbledore. Ce dernier soupira avant de s'en aller, piteux.
~oOo~
Après ce qui s'était passé, Drago n'avait pas vraiment d'appétit. Il considéra cependant qu'il était de bon ton de faire au moins une apparition au dîner, d'essayer de manger suffisamment et de ne pas arborer une trop mauvaise mine afin que personne ne se sente en droit de se soucier de sa santé.
Ainsi, après avoir dit au revoir à sa tante et à sa grand-mère sur le seuil du château – après une vaine recherche pour voir si son père était encore dans les parages, mais celui-ci avait déjà vidé les lieux, ce qui était compréhensible – et avoir attendu, assis dans un couloir désert, l'heure du dîner – il n'avait pas eu envie de revenir dans sa salle commune –, il se leva pour rejoindre la grande salle.
La majeure partie des élèves était déjà attablée à son entrée. Il jeta un coup d'œil à la place qu'occupait normalement le professeur Rogue. Elle était vide ; il s'en serait douté. Il remarqua que Dumbledore aussi était absent ; il se terrait sans doute dans sa tour, honteux de ce qu'il s'était permis. Grand bien lui fasse, qu'il n'en redescende jamais ! Il avait blessé Rogue ! Son professeur de potion. Son responsable de maison. L'amant de son père – Drago leva les yeux au ciel à cet instant de ces pensées et secoua la tête. Quoiqu'il en soit, il n'aimait déjà pas Dumbledore avant, ce qu'il avait fait aujourd'hui n'arrangeait rien à son cas et ne risquait pas de le relever dans son estime.
Au fur et à mesure que Drago s'approchait de sa place attitrée, il remarquait une agitation bizarre dans les rangs des septièmes années… ou plutôt autour des places des septièmes années, car les élèves des autres années s'agglutinaient près de… Pansy ? Qu'avait-elle trouvé pour monopoliser ainsi l'attention d'un auditoire essentiellement… féminin ? Oui, il n'y avait quasiment que des filles qui s'attroupaient. Rien d'étonnant à ça. Qu'aurait pu trouver Pansy qui intéresse des garçons ?… à part une jupe plus courte que la décence ne l'autorise.
« Me permettriez-vous de rejoindre ma place ? » demanda Drago. La formule était polie, le ton s'apparentait à celui d'une injonction.
« Oh ! Salut Drago ! s'exclama une fille de cinquième année d'un ton bizarre.
— On s'est déjà vu aujourd'hui », rappela Drago, suspicieux. A l'air qu'avait pris son condisciple en le voyant, le jeune homme craignit d'être le sujet de cet attroupement… ou en tout cas, d'être plus ou moins concerné. Ses doutes s'épaissirent quand il vit que la jeune fille, au lieu de dégager de son chemin afin de lui permettre de s'asseoir, continuait à lui barrer le passage ostensiblement et se mettait à tapoter nerveusement l'épaule de Pansy… comme pour la prévenir d'un danger imminent.
Pansy tourna la tête et vit Drago à son tour.
« Drago chéri… tu tombes bien ! » s'exclama-t-elle, tout sourire, en brandissant un cliché. Drago jeta un coup d'œil à la photo et crut qu'il allait se sentir mal.
Pansy avait pris le postérieur de son père en photo.
———
Au menu des prochains chapitres : un Dumbledore passablement cuité, un Hagrid à la langue trop bien pendue, une Pansy plus peste que jamais et une rumeur qui enfle…
