Mon père, ce…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 8 – Mon père, ce vieux fou—
Albus relisait pour la quatrième fois le même passage. C'était le tristement célèbre Perceval Weasley, la terreur des chaudrons hors normes, le justicier de la réglementation, le maniaque du ministère, qui était à l'origine du texte ministériel qu'il compulsait. Sa prose était des plus obscures ; Albus était convaincu que le jeune Weasley avait tourné ses phrases dans l'unique but d'impressionner les gens. Cela frisait le pathétique. Hélas, Perceval Weasley était loin d'être un cas unique ; le ministère de la magie semblait rempli de ce genre d'individus. Cependant, force était de constater qu'il se classait parmi les champions de sa catégorie.
Un bruit retentissant l'interrompit dans sa lecture et il regarda, ahuri et sans faire un geste, la porte de ses appartements voler vers lui ; elle finit sa course en se fracassant contre son bureau. Passé l'instant d'ébahissement, Albus releva les yeux et vit la magnifique Cristina Malefoy, sublimée par sa colère, se tenant dans l'embrasure de l'entrée sinistrée.
« Comment avez-vous osé ? Maintenant tout le monde va savoir que j'ai couché avec le vieux débris que vous êtes dans un moment d'égarement, cracha-t-elle, réfrénant sa rage à grand peine.
— "Vieux débris" ? Non mais dites donc ! » bourvila Dumbledore.
Cristina marcha jusqu'à Dumbledore, faisant dégager la porte d'un simple regard appuyé et l'envoyant voler plus loin, libérant ainsi le passage pour son corps majestueux.
« Qu'est-ce qui vous a pris de faire courir le bruit que Lucius est votre fils ? asséna-t-elle en claquant ses deux mains sur le bureau dans un geste théâtral et sonore.
— Ce n'est pas le cas ? » s'inquiéta Dumbledore, tout déçu ; il commençait à s'habituer à l'idée d'avoir un fils, même si c'était un ancien Mangemort, un snobinard, un prétentieux, un homme qui le détestait et, par-dessus tout ça, l'amant d'un de ses professeurs.
« Là n'est pas la question ! Nous aborderons ce délicat problème un autre jour si vous le voulez bien. Qu'est-ce qui vous a pris de répandre cette information ?
— Mais voyons, je ne l'ai dit à personne ! s'exclama Abus avec la plus grande sincérité.
— Vraiment ? » demanda Cristina d'un air dubitatif et méprisant.
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La cabane d'Hagrid, le lendemain de la confession d'Albus :
« On choisit pas sa famille, Harry. Le professeur Dumbledore aurait certainement préféré avoir un autre fils que Malefoy, pérora Hagrid sans se rendre compte qu'il délivrait plus une information qu'un exemple.
— Pardon ? » fit Harry Potter, un sourcil levé.
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Dans la soirée du même jour, aux Trois Balais :
« Tout de même… Qui aurait cru ça du professeur Dumbledore ? Coucher avec Cristina Malefoy et lui faire un enfant, marmonna Hagrid, un peu éméché, les yeux levés au plafond.
— Pardon ? » fit un client au bar, un sourcil levé.
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Le surlendemain, au ministère de la magie où Hagrid avait été envoyé par le directeur pour y quérir des documents :
« Malefoy ne ressemble pas du tout au professeur Dumbledore. Comment pourrait-il être son fils ? dit Hagrid pour lui-même, voyant Lucius au loin et oubliant qu'il n'était pas tout seul.
— Pardon ? » fit Perceval Weasley, un sourcil levé.
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« Comment tout le monde pourrait savoir que Lucius est mon fils ? Il n'y a que nous deux à être au courant », s'exclama Albus. Il se rappela ensuite son après-midi bien arrosé ; n'avait-il pas confié cette information à… Hagrid ?
Soudainement, il comprenait beaucoup mieux comment tout le monde pouvait être au courant. Il préféra passer cela sous silence. Cristina lui en voulait déjà assez comme ça, nul besoin d'en rajouter.
« J'ignore la façon dont ce bruit s'est répandu, mais je suis sûre que vous en êtes à l'origine. » Elle poussa un soupir agacé et croisa les bras. « Je revois encore la tête de cette vieille commère d'Hernita Pazzil. Ah ! Qu'elle était ravie qu'une telle rumeur lui soit tombée sous le coude ! Vous pouvez être certain que dans moins de trois jours, toute la Grande Bretagne sera persuadée que nous sombrons ensemble depuis cinquante ans dans une luxure épouvantable ! »
L'expression que prit son visage fut éloquente sur ce qu'elle pensait de cette possibilité.
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Harry (à Neville) : « Lucius Malefoy est le fils caché de Dumbledore ! »
Neville (à sa grand-mère) : « Malefoy fait semblant de détester le professeur Dumbledore pour pas qu'on se rende compte que c'est son père ! »
Grand-mère Londubat (à une voisine) : « Puisque j'vous l'dis ma chère, on dit même que le Malefoy serait devenu Mangemort rien que pour contrarier son cher papa. »
La voisine (à son mari) : « Et c'est pour ça que Malefoy a tué Voldemort, pour revenir dans les bons papiers de son géniteur. »
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Percy (à son père) : « Papa, c'est effarant, tu ne devineras jamais ce que je viens d'apprendre aujourd'hui, c'est à Albus Dumbledore que nous devons la naissance de Lucius Malefoy. C'est son fils ! »
Arthur (à un collègue) : « J'ai appris quelque chose de sacrément déroutant aujourd'hui, ne le répète pas mais il parait que Malefoy est le fils de Dumbledore, ce qui revient à dire qu'il aurait fait la chose avec la dame Cristina ! »
Le collègue (à un copain de bistrot) : « Dumbledore serait le père de tous les enfants de la Malefoy ! »
Le copain de bistrot (au barman) : « Le samedi à minuit, chaque semaine, elle vient le voir… et j'aime autant vous dire que c'est pas pour parler du temps qu'il fait ! »
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Un client des Trois Balais (à un autre client) : « Tu sais quoi ? Ben, Cristina Malefoy – tu sais, cette bonne femme blonde avec tout ce qu'il faut là où il faut qu'a couché avec tous les hommes qu'elle a croisés sur son chemin ? –, ben, elle s'est même fait Dumbledore ! Comme quoi, y a vraiment qu'le train qui lui est pas passé d'ssus ! »
L'autre client (à sa femme) : « Dumbledore et la Cristina Malefoy couchent ensemble ! »
La femme (à une collègue) : « Dumbledore et la Malefoy se retrouvent une nuit chaque semaine ! »
La collègue (à son mari) : « Ils se font de ces orgies, je ne te dis que ça ! »
Le mari (à son frère) : « Et à Poudlard en plus ! A deux pas de nos enfants ! »
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« Albus, j'ai quelq… Tiens, qu'est-il donc arrivé à cette porte ? »
Minerva entra dans le bureau, observant au passage le chambranle orphelin. Elle vit ensuite la fameuse Cristina dont elle pensait à part elle qu'elle ne gagnait pas à être connue.
« Bonjour Madame Malefoy, salua-t-elle poliment, car Minerva McGonagall est une dame polie.
— McGonagall, répondit Cristina en offrant à Minerva un regard hautain digne de son fils.
— Qu'y a-t-il, Minerva ? » intervint Albus. Mis à part à quatre heures de l'après-midi où il profitait de la pause pour se faire un petit goûter ensemble et discuter de tout et de rien, Minerva ne venait jamais sans une bonne raison dans son bureau.
« Je viens de recevoir ceci, répondit-elle en tendant un courrier à Dumbledore. Je pense que cela intéressera aussi Madame », ajouta-t-elle en jetant un regard en biais à Cristina.
Albus prit le papier, ajusta ses lunettes et parcourut le courrier. Au fil de sa lecture, ses yeux s'agrandirent et sa bouche s'entrouvrit sous le choc. Quand il eut terminé, il releva les yeux de la lettre et les pointa sur Minerva.
« La plainte d'une mère qui refuse que son fils continue à étudier dans une école dirigée par un vieux pervers. Me voilà bien ! »
Minerva n'était pas sourde. Elle avait elle aussi entendu parler de cette rumeur ridicule. Cependant, ridicule ou non, cette rumeur risquait de porter un grave préjudice à l'école – d'ailleurs, cela commençait déjà –, il convenait donc que son vieil ami Albus agisse rapidement et démente officiellement ces stupides on-dit. Elle choisit ses mots avec soin.
« Comme cette mère, j'ai eu vent de certains bruits et j'aimerais savoir si vous les confirmez ou non. Après tout, cela touche Poudlard.
— Ce vieux débris et moi-même avons couché une fois ensemble par inadvertance et sous l'influence malsaine d'une trop forte ingestion de boissons alcoolisées. Que cela soit bien clair : ceci ne s'est jamais reproduit par la suite et tous ceux qui prétendent le contraire sont de fieffés abrutis. Par contre, ce cher Albus m'a laissé un souvenir impérissable en la personne de mon fils – que j'aime beaucoup par ailleurs, mais je lui aurais souhaité un autre père, un père plus… présentable. Par bonheur, Lucius est mon portrait, une chance pour lui comme pour moi. »
Minerva ne laissa rien paraître de sa surprise. Elle croyait la rumeur stupide et non fondée, voilà qu'elle s'était trompée ! Elle ne se départit pas de son calme, resta lucide et réfléchie.
« Bien. Alors, je vous propose d'aller dire cela devant les journalistes.
— Et confirmer la rumeur ? s'exclama Cristina, scandalisée.
— Vous tenez à ce que je vous fasse part du bruit qui est parvenu à mes oreilles ce matin même ? Je vous assure qu'il était gratiné ! Sous peu, nous allons étouffer sous les courriers de ce type. Croyez-moi, il vaut mieux lancer une information claire et nette plutôt que de laisser courir une rumeur qui gonfle et se déforme. »
Cristina savait pertinemment que McGonagall avait raison, néanmoins cela lui faisait trop mal de l'avouer, elle choisit donc de se taire et de consentir par le biais de son silence.
« Qu'est-ce que tout ça signifie ? »
C'était un Lucius flamboyant de colère qui, à peine entré, venait de crier ceci. Albus se fit la réflexion que s'il y avait eu encore une porte à son bureau, le fils aurait fait la même entrée que sa mère et la lui aurait brisée. Cristina avait raison quand elle disait qu'il lui ressemblait, c'était son portrait à tout point de vue.
« Voici le principal intéressé ! s'exclama Minerva. Je vous laisse en famille. » Elle s'esquiva rapidement. Toute cette histoire les regardait, qu'ils lavent leur linge sale entre eux.
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Albus était toujours assis à son bureau. Cristina se tenait debout, la main droite posée sur sa hanche, s'appuyant de l'autre sur le bureau. Ils regardaient tous les deux Lucius qui venait de se camper au beau milieu de la pièce les bras croisés.
« Peut-on m'expliquer pourquoi Esteban a débarqué ce matin et m'a déclaré textuellement ceci : "Alors, petit cachottier, on est le fils de Dumbledore et on ne me le dit pas ?"
— Je tiens à préciser que je ne le savais pas moi-même il y a de ça une semaine ! se défendit Albus, l'index levé.
— Je me fiche que vous ne le saviez pas il y a… minute ! C'est pour ça que vous disiez que vous étiez mon père la fois où vous étiez fin saoul ?
— Je vous l'ai dit ? » demanda Albus d'un ton étonné. Il chercha dans les confins de son esprit les souvenirs opaques de sa beuverie. « Hum, oui, peut-être, j'ai dû aller vous voir, vous étiez sur un balai, c'est ça ? J'ai des souvenirs un peu confus de cet après-midi-là. »
Lucius regarda Albus d'un œil morne avant de se tourner vers Cristina.
« Ma très chère mère, auriez-vous l'obligeance d'infirmer cette information néfaste à ma santé mentale ?
— Hé bien quoi ! Tu n'as pas cessé durant ton enfance de me réclamer ton père. Tu as été jusqu'à prétendre que c'était mauvais pour ton équilibre et ton épanouissement de ne pas le connaître. A présent que tu peux mettre un visage et un nom sur lui, que penses-tu de mon silence sur ce sujet ?
— Il est certain que si cette information est vraie, je comprends mieux, répondit Lucius d'un ton posé. Pitié, dis-moi que c'est faux ! implora-t-il soudainement.
— Dites, vous êtes vexants tous les deux, remarqua le directeur.
— Dumbledore, taisez-vous. Toute cette affaire ne vous concerne pas, assura Cristina.
— Je vous demande pardon ? Dites c'est quand même…
— Vous n'êtes que du foutre dans cette histoire ! Un malheureux spermatozoïde qui a fécondé un ovule. De plus, Lucius est mon portrait, physiquement et mentalement. Pour terminer, je vous rappelle que c'est moi qui l'ai élevé !
— Evidemment ! » éclata Albus en se levant, se dressant de toute sa stature derrière son bureau. La colère n'était pas le monopole des Malefoy ; et à bien y regarder, il avait bien plus de raisons qu'eux d'être furieux. « Je n'ai pas eu un seul mot à dire dans cette histoire ! Je n'ai même pas eu le droit de savoir que j'avais un enfant et encore moins celui de le reconnaître ou de m'en occuper ! Est-ce que vous avez pensé une seule seconde que ça aurait sans doute pu m'intéresser ?
— Si vous vouliez un enfant, vous n'aviez qu'à en faire un avec une femme qui le voulait bien, je ne vous ai jamais rien demandé moi ! Je n'ai pas demandé à avoir mon fils, j'avais déjà assez à faire avec mes sept filles !
— Bien, cela fait plaisir, murmura Lucius, le cœur froissé.
— S'il était de trop, c'était une raison de plus de me le confier ! » déclara Dumbledore. Cette réflexion déplacée, ce juste devant Lucius, le mettait d'autant plus hors de lui.
« Ben voyons, un vieillard pour père, quel bon départ dans la vie ! Un Gryffondor en plus !
— En tout cas, si j'avais été là, il ne serait pas devenu Mangemort !
— Et qu'est-ce que vous en savez ?
— C'est ce que vous m'avez sorti la semaine dernière quand je suis venu vous voir !
— Vous vous disputez ma garde là ou quoi ? intervint Lucius, la voix suffisamment forte pour couvrir la dispute du vieux couple. Si c'est le cas, j'aimerais juste vous rappeler que je suis majeur depuis longtemps. »
Dumbledore se rassit et Cristina croisa les bras d'un air revêche.
« Bien. A présent, mettons les choses au clair. Toi, Maman, la seule raison pour laquelle tu ne m'as pas dit qui était mon père, c'est parce que tu ne voulais pas que ton aventure malheureuse s'ébruite. D'ailleurs, je dois dire que je serais curieux de savoir comment tu as pu commettre l'acte de chair avec quelqu'un qui te répugne autant.
— J'avais trop bu.
— Moi aussi », compléta Dumbledore, sous-entendant que lui non plus ne se serait jamais abaissé à faire ça avec cette femme s'il avait eu toute sa lucidité.
Lucius eut une moue dégoûtée. Dire que c'était ainsi qu'il avait été conçu, par deux ivrognes le soir d'une beuverie.
« Bref, poursuivit-il, ce n'est pas parce que tu te souciais de mon bien-être que tu as voulu m'épargner ça, mais uniquement parce que cela t'arrangeait. Quant à vous, Dumbledore, je vous serais reconnaissant d'oublier que vous êtes mon géniteur car cette information n'a absolument aucune valeur à mes yeux. Ma mère a raison : dans cette affaire, vous n'êtes que de la semence.
— J'aurais pu être plus si on m'avait laissé ma chance, déclara Albus, le visage assombri.
— Cela n'a pas été le cas ! A présent, c'est trop tard. Le mieux pour nous tous est donc de faire l'impasse sur ce sujet et de continuer à agir comme nous le faisions auparavant.
— Cela me convient très bien ! s'exclama Cristina. Dumbledore, je vais faire publier une déclaration dans la gazette du sorcier qui expliquera que vous êtes le père naturel de Lucius mais que vous ne représentez rien de plus pour lui ou pour moi. Sur ce, je vous dis au revoir. »
Elle sortit d'un pas décidé. Albus la regarda partir avant que ses yeux se posent de nouveau sur son fils.
« Lucius, j'ai parfaitement conscience que je ne puis être un vrai père pour vous. Je sais aussi à quel point le fait que je sois votre géniteur peut vous être désagréable. Cependant, il m'avait semblé que le sang était un élément fondamental à vos yeux, je m'étonne donc que vous en fassiez si facilement abstraction ; mon sang coule dans vos veines, que cela vous plaise ou non. Toutefois, si vous préférez oublier qui est votre père, cela vous regarde. Cela me blesse un peu car je commençais doucement à m'habituer à cette idée. Contre toute attente, je ne la trouve pas déplaisante : vous êtes un être intelligent, un sorcier talentueux. Vous avez de nombreux défauts et vous avez fait de grosses erreurs dans votre vie, néanmoins vous avez aussi fait de bonnes choses. Et vous avez prouvé en tuant Voldemort que vous étiez capable d'écouter votre cœur. Je dois avouer que, dans l'ensemble, je suis assez fier que vous soyez mon fils.
— Vous n'êtes rien pour moi », déclara froidement Lucius avant de tourner les talons et de sortir à son tour. Il descendit l'escalier rapidement, le cœur battant. Même s'il n'en laissait rien paraître, la déclaration d'Albus l'avait fortement déstabilisé. A quand remontait la dernière fois où sa mère lui avait dit qu'elle était fière de lui ? Lui avait-elle jamais dit d'ailleurs ? Et depuis combien de temps ne l'avait-il pas vue avant aujourd'hui ? Avait-elle seulement paru heureuse de le voir après tout ce temps ?
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Albus regarda sortir sa progéniture, se demandant quel sorcier il serait devenu s'il avait eu l'occasion de l'élever – aussi bien dans le sens d'éduquer, que dans celui de porter à un niveau supérieur.
Il ne se sentait pas très bien dans sa peau après cette conversation, mais au moins avait-il dit ce qu'il avait à dire. Ce qu'avait asséné Lucius avant de partir l'avait miné, ses paroles n'avaient pourtant rien de surprenant en soi, mais il avait espéré un instant que Lucius pourrait revenir à de meilleurs sentiments envers lui. Son fils naturel l'avait coupé aussitôt dans cet élan d'optimisme qui frôlait l'utopie.
Il se leva et contempla la porte gisant sur le sol. Il allait devoir la réparer ; il en avait pour quelques secondes mais n'avait aucune envie de faire ça pour le moment.
Apprendre qu'on est père et que son enfant a plus de quarante ans était quelque chose de perturbant en soi, à plus forte raison si l'on connaît son enfant depuis des années et que celui-ci vous déteste. Dumbledore se fit la réflexion que si le miroir du Riséd était en face de lui, le reflet les représenterait lui et Lucius ; il aurait le bras passé sur les épaules de son fils et celui-ci serait souriant.
S'il s'écoutait, il irait noyer son chagrin aux Trois Balais.
Cependant, il ne pouvait se permettre d'agir ainsi.
Non, il ne le pouvait décemment pas.
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« Je devrais pas me laisser aller comme ça. Je suis beaucoup trop émotif en fait. Mais, ça, c'est à cause de ma toute récente paternité, s'expliqua Dumbledore alors que personne ne lui avait rien demandé.
— Toute récente ? Si vous faites référence à un blondinet qui n'a jamais le menton en dessous de la ligne d'horizon, je crois qu'il a passé l'âge de porter des couches culottes », rétorqua la patronne des Trois Balais en essuyant son comptoir.
Les minutes s'égrainèrent et les verres s'écoulèrent dans le gosier d'Albus. L'alcool le rendit larmoyant.
« Mon p'tit garçon m'aime pas.
— Allons bon, fit une cliente qui n'avait pas reconnu Dumbledore… ou que les on-dit n'avaient pas atteinte.
— Ouais, il m'aime pô. »
Il poussa un profond soupir et se fit resservir ; la porte du bar s'ouvrit à cet instant. Albus se tourna machinalement pour contempler le nouveau venu.
« Tiens, le voilà justement, s'exclama-t-il en désignant du menton celui qui venait d'entrer.
— C'est lui votre petit garçon ? s'exclama la cliente en couvant Lucius d'un œil expert. Si vous avez besoin d'une baby-sitter, appelez-moi ! » ajouta-t-elle avec un clin d'œil à l'adresse d'Albus. Elle se leva et s'éloigna, non sans jeter au passage un regard appréciateur et un sourire coquin à Lucius.
« Luchus, mon tout petit ! »
"Luchus" leva les yeux au ciel.
« Dumbledore, ne vous a-t-on jamais signalé que l'alcool ne vous réussissait pas ?
— Critique pas trop, c'est grâce à ça que t'es né !
— Certes, accorda Lucius dans une grimace. Cela dit, vous ne m'auriez pas conçu, je n'en aurais pas été fâché.
— Pourquoi tu m'appelles pas "Papa" ? » se mit à pleurnicher Albus.
Ce fut au tour de la patronne de lever les yeux au ciel. Elle en avait eu des clients que l'abus d'alcool rendait pleurnichards, mais d'aussi pathétiques que Dumbledore, c'était la première fois.
« Je n'aurais jamais pensé que vous puissiez vous mettre dans des états pareils. Vous êtes pathétique. N'avez-vous donc aucune dignité ? déclama Lucius d'un ton méprisant, faisant écho aux pensées de la barmaid.
— Vous avez vu comment il parle à son père ? demanda Albus, la prenant à témoin.
— Je vais peut-être arrêter de vous servir de l'alcool. Que diriez-vous d'un bon café bien noir ? répondit-elle.
— Dumbledore, cette histoire prend une tournure qui me déplait totalement. Vous êtes mon géniteur, soit ! Néanmoins, vous n'êtes pas pour autant mon "Papa". J'ai déjà du mal à supporter ma mère par moment, s'il faut en plus y ajouter un père tel que vous, je vais droit à la dépression… surtout si vous sombrez dans l'ivrognerie !
— T'es venu là pour me trouver, n'est-ce pas ? T'es pas du genre à courir les bars », demanda Dumbledore, semblant retrouver un semblant de lucidité. Les paroles de son fils le dégrisaient.
Lucius haussa les épaules pour toute réponse.
« Si t'es venu me chercher, c'est que t'avais envie de me voir, de me parler. »
Lucius garda le silence. Oui, il était venu là pour le trouver. Oui, il était retourné dans son bureau et constatant qu'il était parti l'avait cherché dans tout Poudlard. Oui, il avait parcouru Pré-au-Lard dans le même but. Il aurait été bien en peine d'expliquer pourquoi. Sans doute qu'à quarante-trois ans, il avait toujours autant envie d'avoir un père, faute d'avoir pu assouvir ce désir dans son enfance ; il avait beaucoup trop jalousé ses sœurs pour oublier cela si facilement. Sans doute aussi que le mot "fier" dans la bouche d'Albus avait touché un point sensible.
« Vous auriez été heureux d'apprendre que vous aviez un fils quand j'étais encore enfant ? demanda-t-il d'un ton neutre.
— J'en suis heureux aujourd'hui. Même si ta mère a raison – tu es son portrait –, y a certainement des trucs que t'as hérités de moi, mais 'doit falloir bien chercher pour trouver lesquels… enfin peu importe.
— Vous êtes fier de moi ?
— Oui.
— Cela ne vous dérange pas que j'ai été Mangemort ?
— Tiens, tu l'avoues ? remarqua Albus, amusé. Non, ça me dérange pas. Un moment d'égarement, ça arrive à tout le monde.
— Un moment d'égarement qui a duré plus de vingt ans tout de même.
— Oui, c'est vrai qu'c'est pas une paille. Mais tu sais : la force des hommes sages, c'est la capacité au pardon. Sans compter que tu m'as bien aidé à te pardonner en réagissant ainsi à la pseudo mort de ton fils… qui est mon petit-fils d'ailleurs ! Hé ! J'suis grand-père ! s'exclama Albus à haute voix en se tournant vers la patronne.
— Que d'heureuses nouvelles décidément ! s'exclama-t-elle, un rien sarcastique.
— Je vais devoir vous laisser. Je dois aller m'entraîner », fit Lucius, commençant à se demander ce qu'il faisait dans ce bar à discuter avec un type qui, s'il était son géniteur, n'en restait pas moins quelqu'un qu'il méprisait… normalement. Il s'encouragea à reprendre cette vieille habitude en se rappelant la façon dont Dumbledore l'avait éjecté de la chambre de Severus.
« Fais attention à toi », fit Albus en le retenant par le bras tout en priant pour que Lucius ne réussisse pas à faire voler son balai. Ainsi, il serait forfait et ne risquerait rien.
Lucius considéra la lueur inquiète dans les yeux de son père avant de se retourner pour sortir.
Que tout cela était perturbant !
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Dès que Lucius fut sorti, la patronne planta ses deux mains solides sur le comptoir devant Albus.
« Dumbledore, je vous aime bien mais faudrait pas que ça devienne une habitude de venir vider verre sur verre à mon comptoir. Croyez pas que j'ai quelque chose contre ça – après tout, ça me fait du chiffre – mais tout de même, avec les rumeurs qui courent en ce moment sur vous et la mère du "p'tit", je crois que votre réputation en prend assez dans la figure sans avoir besoin d'en rajouter ! »
Albus se contenta de lui sourire pour toute réponse.
