Mon père, ce…

Par Maria Ferrari

———

Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

———

—Chapitre 9 – Quidditch—

« Papa, cela fait maintenant plus d'une semaine que tu essaies de voler et tu n'as toujours pas réussi. Si tu me laissais t'aider, cela augmenterait sérieusement tes chances de parvenir à tes fins. En plus – excuse-moi de te le signaler –, tu es totalement ridicule à rester immobile au milieu de la pelouse avec ton balai entre les cuisses.

— Je te remercie de tes encouragements, Drago, rétorqua froidement Lucius.

— Je disais ça pour ton bien.

— Depuis quand ai-je besoin que tu t'occupes de moi ? »

Lucius n'entendit pas clairement la réponse de son fils ; il crut néanmoins discerner le mot "mule" et préféra de ne pas relever. Plus ça allait, plus son fils se permettait de lui faire des remarques, ce qui ne serait jamais arrivé un an auparavant. Voilà comment les choses se passaient quand on cessait d'inspirer du respect et de la terreur à son fils pour les remplacer par de la bête et stérile affection.

Après avoir ainsi marmonné, Drago, assis sur les gradins du stade de Poudlard par un frais dimanche matin, se plongea dans le supplément de l'édition dominicale de la Gazette du Sorcier.

"Beauté : les derniers sorts en vogue pour illuminer votre teint – toutes nos astuces page 3"

"Mode : la grande couturière Lisella Barnetti nous fait découvrir sa nouvelle collection masculine – page 4"

Drago se promit d'aller y jeter un coup d'œil attentif – en sa double qualité de Malefoy et Serpentard, il se devait d'être à la pointe de l'élégance – et poursuivit sa lecture des titres.

"Exclusif : Cristina Malefoy, elle dit tout ! – Les révélations de l'ancien mannequin page 5"

Les yeux écarquillés, Drago se précipita à la page cinq.

"Qui, parmi les hommes de plus de cinquante ans, ne se remémore pas avec nostalgie les courbes de la sublime Cristina quand elle posait, plus ou moins habillée, pour les photographes du monde entier. Les couturiers les plus en vogue se l'arrachaient pour connaître la chance qu'elle revêtît leurs créations. La Cri-Cri, comme l'appelait affectueusement Marcus Talliendy, photographe renommé, n'a rien perdu de sa superbe. Le temps n'a pas marqué ses traits, l'âge n'a pas terni sa chevelure platine ; Cristina Malefoy reste la femme envoûtante qu'elle a toujours été, autant par les formes de son corps que par la force de son regard.

Récemment, les feux de l'actualité se sont à nouveau pointés sur elle d'une manière qu'elle n'aurait sans doute pas souhaitée. Comme tout un chacun, vous avez sans aucun doute eu vent des rumeurs graveleuses qui courent depuis quelques temps sur son compte où son nom se retrouve intimement mêlé à celui de l'actuel directeur de l'école Poudlard, le non moins célèbre Albus Dumbledore."

Oui, Drago avait eu vent de quelque chose de ce genre, un bruit selon lequel Dumbledore serait l'amant de sa grand-mère et que son père serait son fils. Il s'était fait un peu taquiner ces deux-trois derniers jours à ce sujet ; l'un ou l'autre implorant Drago de demander à son Papy de lui faire grâce d'une retenue et diverses petites railleries du même goût. Drago était tellement convaincu que cette rumeur était stupide et non fondée qu'il n'avait même pas jugé utile de demander ce qu'il en était à son père ; il s'était contenté de rire avec ses condisciples de ce bruit ridicule sûrement issu d'un cerveau Gryffondorien.

Sa grand-mère en avait sans doute eu assez de ces rumeurs salaces et dégradantes et avait tenu à démentir par l'intermédiaire du journal. Confiant, Drago reprit sa lecture :

"Lorsque cette tornade blonde est entrée hier dans nos bureaux, faisant tourner toutes les têtes sur son passage, nous nous attendions, en toute logique, à ce que La Divine nous demande de publier une déclaration afin de faire cesser les commérages. Sur ce point, nous ne nous étions pas trompés, c'est en prenant connaissance du texte à publier que nous sommes tombés des nues. En effet, Cristina Malefoy ne dément pas les rumeurs, elle les confirme."

« Pardon ? » s'exclama Drago à haute voix, n'en croyant pas ses yeux.

"Le géniteur de mon fils, Lucius, est bien Albus Dumbledore."

Les épaules de Drago en tombèrent et sa lèvre inférieure suivit le même chemin.

"Seul l'alcool est en cause dans le couple contre nature que nous avons formé l'espace d'un quart d'heure. Tout autre bruit alléguant que le directeur de Poudlard est mon amant attitré, qu'il est le père de tous mes enfants ou que sais-je encore sont totalement infondés et je prierai leurs auteurs de cesser de colporter ces ragots."

Bien, une partie de l'histoire était donc fausse – et la pire –, c'était toujours ça de pris ; par contre, les plaisanteries sur son aïeul allaient prendre un tour plus sérieux. Il releva le nez vers son père, toujours immobile au milieu du terrain de Quidditch. Il lui faisait vaguement pitié et ce n'était donc pas forcément le meilleur moment pour lui poser la question, mais comment Drago aurait-il pu ne pas la poser ?

« Papa ?

— Quoi encore ? répondit son père d'un ton peu amène.

— Tu es le fils de Dumbledore ? »

Le silence se fit ; son père était manifestement pris de court. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il daigne reprendre la parole.

« Finalement, je vais accepter ta proposition. Faisons un tour de balai ensemble », dit-il, soudainement plus aimable et enclin à laisser son fils l'aider.

Drago leva les yeux au ciel devant cette tentative pathétique de son père pour détourner la conversation. Enfin ! Autant sauter sur l'occasion, il n'avait aucune envie que son père se ridiculise par un forfait, sans compter qu'il lui faisait décidément trop pitié à essayer désespérément de décoller.

-

Severus, appuyé pratiquement hors de vue derrière une colonne du stade, observait la scène de loin. Il partageait l'avis de Dumbledore : il n'avait aucune envie que son amant arrive à voler et était parfaitement satisfait qu'il n'y ait pas réussi jusque-là ; le souvenir de l'accident de Lucius était encore trop présent dans son esprit. Il désapprouvait donc fortement l'initiative de Drago.

Il serra les dents en voyant le fils s'approcher de Lucius, son Nimbus à la main. Drago s'arrêta, grimpa sur son balai. Severus remarqua l'hésitation de son amant avant de monter à son tour. Le balai s'éleva dans les airs ; Severus déglutit, ferma les yeux et expira. Il s'avança vers les gradins pour ramasser le journal de Drago afin de se divertir l'esprit.

Tiens, Cristina Malefoy confirmait les rumeurs.

Drago commença à prendre de la vitesse. Il sentait la main gauche de son père comprimer son avant-bras, cela le gênait dans ses mouvements. Il sentait aussi son souffle chaud sur sa nuque ; Lucius se forçait à avoir une respiration régulière. Son père avait vraiment un problème, mais c'était compréhensible.

En apprenant le défi qui avait été lancé par son père à Thallus Ronnigton, Drago avait voulu connaître le fond de l'affaire. Il savait depuis longtemps que son père avait joué au Quidditch à Poudlard, mais il ne savait ni quand, ni à quel poste. Il avait vite compris que ce sujet était tabou et en avait conclu que son père n'avait pas été un très bon joueur, que c'était pour cette raison qu'il ne voulait pas en parler. Drago n'avait pas eu envie d'en savoir plus et s'était même arrangé pour qu'on ne lui en parle pas.

Lors de sa seconde année à Poudlard, Marcus Flint, l'ancien capitaine de Serpentard (son remplaçant – ou plutôt sa remplaçante, étant donné que pour la première fois dans l'histoire du Quidditch – certes amateur –, une femme devenait capitaine – s'appelait Teresa Matys et faisait travailler Drago sur ses piqués pendant des heures, ce qui l'horripilait) savait que son père avait joué au Quidditch et avait tenté de lui en parler ; Drago avait coupé court à la conversation avant même qu'elle ait commencé.

Mais à voir son père ne pas réussir à décoller malgré tous ses efforts ces dernières semaines, Drago avait compris qu'une plus sombre histoire qu'un simple manque de talent se cachait derrière le tabou. Il avait écrit à Marcus. Celui-ci travaillait comme entraîneur à mi-temps dans une équipe de Quidditch junior ; le reste du temps, il poursuivait ses études. Marcus lui avait envoyé une réponse enthousiaste. Selon lui, Lucius Malefoy était le plus grand capitaine de Quidditch que l'équipe de Serpentard ait eu – ce qui réchauffa le cœur de Drago –, du moins jusqu'à son accident. Il n'en avait jamais parlé à son fils ?

~oOo~

« Vous avez eu de la chance jusque-là, mais contre les Serdaigles, vous allez vous faire écraser.

ça n'a rien à voir avec la chance, Black ! Notre équipe est vingt fois supérieure à la vôtre, c'est pour ça que vous avez échoué si lamentablement contre nous !

T'occupe pas de lui, Severus, ce minable n'en vaut pas la peine, intervint Lestrange en lui posant une main sur l'épaule.

Comment vois-tu le résultat de ce match ? » demanda Rogue à l'oreille de son condisciple. Ses connaissances en Quidditch étaient limitées et il n'arrivait pas à discerner ce que valaient les équipes de Serdaigle et Serpentard.

« Pour moi, les deux équipes se valent. Là où on risque d'avoir des problèmes, c'est avec un des batteurs, Martz, il est redoutable. Il y a aussi leur fichue gardienne, elle ne laisse pas passer grand-chose celle-là, mais j'ai confiance dans le talent de Lucius, il réussira à marquer, il va la feinter. Laura et Esteban ne sont pas mauvais non plus à ce petit jeu-là, mais moins que Lucius. Le tout, c'est de faire les bonnes passes au bon moment. Je crois que nous avons de grandes chances de gagner ce match, notre attrapeuse est vraiment bonne, autant au niveau de la vue, que des réflexes, que du maniement de son balai. Elle est plus rapide que son adversaire, si le vif d'or se montre dès le début, on devrait l'emporter.

Et s'il se montre tard ?

Hé bien, notre gardien n'est pas aussi bon que le leur, et leurs poursuiveurs, par contre, valent les nôtres, tu vois le problème ?

Oui, on risque de se faire distancer en points.

Il faut rajouter à ça que leur excellent batteur risque de nous créer des obstacles.

Donc, sur le papier, ils ont plus de chances de l'emporter que nous.

Sur le papier, oui. »

Ils se turent tous les deux et regardèrent les joueurs entrer sur le terrain.

« Tu crois que Lucius arrivera un jour en nationale ? reprit Severus.

C'est son ambition. C'est un bon, un très bon même. Il peut y arriver. Mais il faut avouer qu'il a une sacrée concurrence.

J'ai entendu dire qu'il y avait un sélectionneur de l'équipe nationale aujourd'hui dans les gradins, fit Severus sur le ton de la confidence.

Pas qu'un à mon avis. Ecoute : les équipes Serdaigle et Serpentard de cette année sont des équipes de champions. Crois-moi que ça se sait vite ce genre de choses. Je suis sûr que les sélectionneurs attendaient ce match avec impatience pour pouvoir vraiment mesurer le talent des joueurs. »

Severus regarda Lestrange. Une lueur étrange brillait dans ses yeux. C'était un passionné, un vrai. Parfois, cela faisait presque peur.

-

« Esteban m'a dit que Lucius n'avait pas dormi de la nuit à cause de la présence des sélectionneurs aujourd'hui. C'est vrai qu'il veut entrer en nationale ? demanda une Serpentard d'une quinzaine d'années.

Pourquoi me demandes-tu ça à moi ? répondit Narcissa, sans prêter le moindre regard à sa cadette.

Ben, t'es pas sa petite amie ?

Où es-tu allé pêcher ça ? répondit Narcissa en se tournant, un poing sur la hanche.

C'est ce qu'on dit. Il paraît même que vous l'avez fait, ajouta timidement la jeune fille en baissant le ton sur les derniers mots.

Je n'ai rien fait du tout avec Lucius. Je ne suis pas sa petite amie. Ça, aucun risque, répondit Narcissa, paraissant amusée.

Il ne te plait pas ? » demanda l'étudiante. Comment un garçon comme Lucius Malefoy pouvait-il déplaire à n'importe quelle fille normalement constituée ?

« Rien à voir avec cela. Je serais très aise d'être la tendre amie d'un descendant d'une noble famille doublé d'un excellent joueur de Quidditch, ça ferait très bien sur mon CV, mais je ne risque pas de plaire à ce cher Lucius.

Pourquoi ? T'es l'une des plus belles filles du lycée ! s'exclama l'adolescente.

Tu es trop naïve », fit doucement Narcissa en secouant mollement la tête, se désintéressant d'elle. Elle se retint d'ajouter que si elle avait été de l'autre sexe, elle aurait eu ses chances avec le blond. La petite curieuse friande de rumeurs n'avait pas besoin qu'on lui donne un os pareil à ronger.

-

« Après la raclée monumentale qu'ils ont infligée aux Gryffondors, que me réservent mes chers élèves aujourd'hui ? » fit Agatha Chugern, professeur de potions et responsable de Serpentard. Elle avait prononcé cette réplique sur le ton d'une pensée dite à voix haute, mais cette petite pique était destinée à Minerva McGonagall.

« Je dois reconnaître que l'équipe Serpentard est d'un très bon cru cette année ; cependant, les Serdaigle ne sont pas en reste, rétorqua cette dernière, les lèvres pincées.

Dommage que les Poufsouffle et les Gryffondor ne soient pas à la hauteur, quel championnat passionnant nous aurions eu ! » remarqua Chugern.

Deuxième petite pique. Les lèvres de McGonagall se pincèrent encore.

« Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Sûrement serons-nous mieux lotis l'année prochaine.

Cela fait tout de même trois ans que le haut du tableau est toujours occupé par les deux mêmes équipes. »

Minerva ne répondit rien et adressa une prière silencieuse aux Serdaigle pour qu'ils infligent une cruelle défaite aux Serpentard. Elle n'était pas vindicative, mais la Chugern lui courait sur le haricot avec ses insinuations.

-

« Quels joueurs faut-il observer ?

Selon mes informations, les deux capitaines, la gardienne et un des batteurs de Serdaigle, ainsi que l'attrapeuse de Serpentard.

Cela en fait du monde.

Oui, j'ai rarement vu des équipes d'amateurs avoir autant de bons joueurs, mais je n'ai vu aucun des matchs précédents, leur valeur a peut-être été exagérée. »

Les deux hommes qui discourraient ainsi faisaient partie des sélectionneurs dont avaient parlé Rogue et Lestrange. Il n'était pas rare qu'un ou plusieurs d'entre eux assistent à un match de Poudlard dès lors qu'ils avaient vent qu'un talent y avait été vu.

-

« ça y est, le souafle est lancé, Ronnigton l'a eu, fit Minerva sur le ton posé d'une conversation.

Ne vous réjouissez pas trop vite, Lucius et Esteban sont déjà à côté de lui. Oh ! Et regardez !

Alors ça, c'était limite ! s'exclama Minerva d'un ton fortement réprobateur.

Au contraire, c'était une très jolie manœuvre pour intimider Ronnigton, ça a marché. Tiens, il passe à Laura.

Non, c'était une feinte, informa Dumbledore. Et elle n'a pas réussi. Elle est douée leur petite gardienne, elle ne s'est pas faite avoir.

ça n'est que partie remise », assura Agatha dans un sourire confiant.

-

« Le souafle n'est pas passé ! s'exclama Pettigrow.

Heureusement, vu la façon dont Malefoy l'a eu ! fit James Potter.

Ouais, c'est bien des manières de Serpentard, ça ! proclama Black.

C'était parfaitement réglementaire ! Lucius n'a pas touché à Ronnigton ! fit une Serpentard.

ça, c'est toi qui le dis !

Elle a raison, Malefoy ne l'a pas touché. C'est très bien joué ce qu'il a fait, fit un Serdaigle.

Pourquoi défends-tu les Serpentard ? demanda Sirius d'un ton soupçonneux.

Je ne défends personne, je constate, c'est tout. ça existe les gens impartiaux. »

Le Serdaigle détourna le regard de Sirius dans un froncement de nez dégoûté ; le fait qu'on juge les gens et leurs actions sur leur seule appartenance à une maison donnée avait le don de lui taper sur le système.

-

« Les Serpentard… de la mauvaise graine ça ! fit une spectatrice.

Oh, il ne faut pas les condamner ainsi, tempéra sa voisine.

Ils ne pensent qu'à gagner, tous les moyens sont bons pour parvenir à leur but, tous !

Comme vous y allez !

En plus, je suis sûre que leurs balais sont trafiqués.

Ceux des Serdaigle vont à la même vitesse !

Ma parole, vous êtes vous-même une Serpentard pour les défendre ainsi !

Pas du tout, j'étais à Poufsouffle dans mon jeune temps. »

La vieille dame dédia un sourire joyeux à sa voisine. Cette dernière leva les yeux au ciel devant tant de naïveté ; qu'on est foi en l'espèce humaine, passe, à condition d'y excepter les Serpentard.

-

« Suzan a vu le vif d'or ! » s'exclama Lestrange.

Un silence religieux suivit cette déclaration. Les regards de spectateurs se focalisèrent sur les deux attrapeurs qui changèrent deux fois de direction, s'arrêtèrent d'un seul coup et parurent chercher tout autour d'eux.

« Ils l'ont perdu ! » en conclut Severus. La tension retomba, quelques murmures de déception se firent entendre et l'attention se concentra à nouveau sur le souafle et les poursuiveurs.

-

« Le score en est à combien déjà ? demanda Agatha avant de pousser un profond bâillement et de chercher une meilleure position.

Les Serdaigles mènent de cinquante points : cent quatre-vingt-dix à cent quarante, informa Minerva qui se tenait toujours bien droite sur son banc bien que la fatigue commençait elle aussi à la gagner.

Le match s'éternise, et les attrapeurs s'ennuient, pourquoi ce fichu vif d'or ne se montre-t-il pas ?

Je l'ignore. Quelle heure est-il ?

Bientôt dix neuf heures trente.

Je me disais aussi qu'il commençait à faire plus sombre. Attendez ! Cela fait cinq heures trente qu'ils jouent ? Ils doivent être épuisés !

Oui », confirma Agatha d'un ton inquiet. Elle pensa à Lucius ; il lui avait confié juste avant le match qu'il avait passé une mauvaise nuit. Esteban avait ajouté que c'était un euphémisme et lui avait glissé à l'oreille qu'il n'avait pas cessé de se lever et de se recoucher. L'endurance dont le capitaine avait fait preuve jusqu'à présent n'allait plus durer longtemps. Où était donc ce fichu vif d'or ? Sa maison allait perdre le match s'il ne se présentait pas bientôt, sans compter que les attrapeurs allaient finir par s'endormir sur leurs balais ! Agatha fut distraite dans ses sombres pensées par une remarque de sa consœur :

« Les balais atteignent des vitesses folles aujourd'hui : regardez donc à quelle vitesse file Monsieur Malefoy, constata Minerva, inquiétée par l'allure à laquelle volaient les joueurs.

Oui, il est lancé à pleine vitesse. Il passe le souafle à Laura. Attention au cognard !

Il ne l'a pas vu !

Si ! C'est bon, il l'a… »

Agatha se tut et resta la bouche béante.

-

Un silence de mort s'abattit parmi les élèves des quatre maisons. Lucius Malefoy, en voulant éviter un cognard, avait arrêté trop soudainement son balai et en avait été éjecté ; il avait été propulsé sur les gradins, éclatant les bancs sur son passage.

-

« Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda finalement un Poufsouffle.

Où est passé Lucius ? s'exclama un septième année Serpentard, totalement catastrophé.

Il s'est fracassé dans les gradins ! fit une Serdaigle, grimpée sur le muret, en réponse à la question qu'elle n'avait pas entendue. Mais je ne le vois plus ! »

-

McGonagall, Chugern, Dumbledore et Esmina Azurne, l'infirmière de Poudlard, se précipitèrent sur le gradin voisin. Hagrid procédait déjà à son évacuation afin qu'on puisse s'occuper de l'étudiant.

Des larmes de douleur roulaient sur les joues de Lucius et sa bouche était bloquée en une grimace ; il était cependant conscient. Azurne estima que c'était une bonne chose.

« Faites-le léviter, Esmie, proposa Dumbledore qui n'avait pas bien regardé Lucius et ne se rendait pas compte de l'étendue des dégâts.

Surtout pas, je le tuerais !

Comment ça ? s'exclama Agatha en se rapprochant, angoissée par les propos de l'infirmière.

Regardez », fit Esmina en désignant Lucius. Il s'était encastré dans les gradins et était coincé entre les planches. L'une d'elle était enfoncée dans son ventre. Du sang maculait son torse.

« Comment va-t-on le sortir de là ? souffla Agatha.

Il faut enlever les planches.

Compris ! » s'exclama Hagrid. Il alla sur le côté et dévissa les boulons. « Attention, je vais tirer !

Allez-y doucement Hagrid ! recommanda Dumbledore d'une voie impérieuse.

Il faut qu'on maintienne la planche pour l'empêcher de remuer avant que vous commenciez, fit Agatha en lui présentant la paume de sa main.

Ne faites rien tant que je n'ai pas préparé les compresses », ajouta l'infirmière.

Le blessé tourna de l'œil pendant qu'on retirait la planche qui le coinçait, l'oppressait et le blessait.

« Lla planche n'était pas si enfoncée que ça…

Il s'est évanoui !

Son état est préoccupant, je préfère que nous fassions venir les médicomages et qu'ils le transportent à Sainte Mangouste. »

-

Severus était assis dans le canapé de sa salle commune, les yeux dans le vide, écoutant l'horloge égrener ses tics-tacs lancinants. A côté de lui se tenait Esteban, lui aussi le regard fixé sur un point, lui aussi n'entendant que l'horloge.

Il n'y avait d'ailleurs que ça à entendre ; malgré la vingtaine de personnes toujours présentes dans la salle commune à cette heure tardive, il n'y avait pas un bruit. Narcissa se fit la réflexion que cela ressemblait à une veillée mortuaire. Tout ce qui faisait l'ambiance habituelle de la salle commune semblait avoir été mis entre parenthèses, personne ne parlait, il n'y avait pas de livres, pas de devoirs, pas de jeux. Chacun ressassait dans sa tête ce qui s'était passé. De temps en temps, l'un ou l'une se levait et allait à la fenêtre regarder dehors, ou bien allait ouvrir la porte pour voir si personne n'arrivait avec des nouvelles fraîches.

Les étudiants présents étaient les joueurs de Serpentard et les élèves de la classe de Lucius, ajouté à ça, trois ou quatre autres élèves veillaient. Tous attendaient qu'on leur dise comment allait leur condisciple ; plus les heures avançaient, plus le silence était oppressant. Parmi eux, Severus était sans doute le plus ébranlé, il était encore sous le choc de la disparition soudaine de Lucius, la brusquerie de son arrêt, ses mains qui lâchaient le balai à cause de la fatigue de sa nuit blanche et de la durée du match, la propulsion vers les gradins, le balai qui retombait, sans maître.

La porte s'ouvrit pour laisser passer Agatha Chugern. Tous les élèves se levèrent à son entrée.

« Toujours debout ? » fit-elle, un mince sourire aux lèvres. Elle leur était reconnaissante d'avoir attendu, reconnaissante de s'être préoccupé de la santé de leur camarade. « Vous pouvez aller dormir sur vos deux oreilles, votre ami va s'en tirer. »

-

Lucius se réveilla le lendemain dans une chambre inconnue. Il vit sa sœur aînée assise sur une chaise à côté de son lit.

« Carmenita ?

Lucius, enfin réveillé ! Comment te sens-tu ?

Vaseux.

Tu t'es réveillé durant ton transport. Ils t'ont endormi, tu souffrais trop.

Je crois me souvenir de ça. Je suppose que je suis à Sainte Mangouste ?

Oui.

Dans quel état suis-je ?

à part ton épaule, tu t'en sors bien. Les médecins ont dit que tu avais de la chance d'avoir la tête si dure. Chugern a assuré que ça ne la surprenait pas venant de toi.

Comment est mon épaule ?

Dans un état lamentable, elle est massacrée… mais les médicomages vont t'arranger ça. »

~oOo~

Son père commençait à se détendre. Il poursuivit son vol jusqu'à ce que la poigne sur son avant-bras se desserre totalement et qu'il reprenne une respiration naturelle.

Drago amorça sa descente dès qu'il fut sûr que son père était prêt à voler seul, à nouveau.

Dès que Lucius eut posé le pied à terre, il s'empara du balai d'entraînement, prit une profonde inspiration et décolla.