Mon père, ce…
Par Maria Ferrari
———
Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
———
—Chapitre 12 – Salazar—
« Je t'aime je t'aime je t'aime », répétait inlassablement un garçon en frottant son nez froncé par un sourire contre celui d'une fille tout aussi souriante que lui. Drago passa à côté d'eux et leur dédia une moue hautaine et méprisante. Un couple d'amoureux ? Quelle horreur ! Un garçon et une fille en plus, quelle banalité ! Sûr qu'ils ne savaient même pas pourquoi ils étaient ensemble ! Etaient-ils réellement hétérosexuels ou se contentaient-ils juste d'obéir bêtement à la norme en suivant l'exemple de leurs parents respectifs ? Etaient-ils réellement amoureux ou le croyaient-ils jusqu'à ce que la routine leur prouve le contraire ? Allaient-ils se séparer ou rester ensemble jusqu'à la fin de leurs jours et pondre une dizaine d'enfants façon Weasley afin de se conformer niaisement aux attentes de la société en oubliant que celles-ci ne correspondaient peut-être pas aux leurs ?
Il détestait les couples d'amoureux.
Particulièrement les adolescents et leur absolu manque de pudeur et de modestie !
Il détestait qu'ils se bécotent en public, qu'ils se sourient bêtement, qu'ils se caressent et se fassent des mamours. Il haïssait leur manière de rire soudainement et sans aucune raison apparente, la lenteur à laquelle ils marchaient, les yeux fermés, confiants dans l'avenir, leur façon de s'entrelacer. Il exécrait cette façon qu'ils avaient de se croire seuls au monde, cette impression qu'ils laissaient que rien n'existait à part eux.
Les couples d'amoureux lui tapaient sur le système.
Surtout que, lui, il était seul.
-
N'allez surtout pas croire que les candidates manquaient ! Bien au contraire ! Il n'avait que l'embarras du choix.
Il y avait d'abord Pansy qu'il avait repoussée quelques mois plus tôt. Depuis, elle se vengeait de diverses manières ; cependant Drago était conscient qu'il suffirait de quelques mots de sa part pour qu'elle redevienne instantanément très gentille avec lui. Pansy était ainsi faite.
Prenez ensuite Parvati Patil – une fille qui, comme si être Gryffondor ne suffisait pas, aimait le cours de divination, ce qui la rendait donc aux yeux de Drago doublement stupide –, celle-ci le couvait d'un regard de mauvais augure ; elle avait manifestement décidé qu'il serait sa proie, ce depuis la mort de Voldemort. Sans doute l'avait-elle repéré depuis longtemps mais refusait-elle de se l'avouer car il était Serpentard et fils d'un Mangemort. Ce qui s'était passé quelques mois auparavant avait apparemment brisé toutes ses inhibitions. De fait, certains cours communs aux Gryffondor étaient devenus particulièrement pénibles ; le reste du temps, il s'appliquait à l'éviter.
Tiens, ça lui faisait penser : il devrait peut-être porter plainte auprès de Rogue pour harcèlement. C'était son beau-papa quelque part, il ne manquerait pas d'intervenir énergiquement en sa faveur, surtout contre une de ces damnés Gryffondor.
Il ne fallait pas oublier Syela, une troisième année Serpentard aussi intelligente que naïve : elle lui faisait ses devoirs d'arithmancie et ne demandait en échange qu'un sourire de sa part. D'ailleurs, elle aurait demandé plus, Drago aurait refusé poliment, arguant qu'elle était trop jeune pour lui ; il en aurait été quitte pour trouver une autre personne pour faire ses devoirs à sa place.
La liste continuait ainsi, et cela sans mentionner toutes les gamines de première année qui étaient toutes folles de lui et ne pouvaient décemment pas être considérées comme des candidates sérieuses.
Qu'il était dur d'être un tombeur.
-
Drago ne parvenait pas à résoudre cette équation difficile : il n'aimait pas être tout seul, jalousait les couples (avouons-le !) et cependant n'était aucunement intéressé par les filles qui lui faisaient des avances.
Oh ! Bien sûr, il avait entrevu une explication à ce paradoxe ; mais ça ne pouvait pas être ça… pas deux dans la même famille !
-
Il entra dans sa salle commune pour se laisser tomber mollement dans un profond fauteuil de cuir vert et y parcourir le livre qu'il venait d'emprunter à la bibliothèque.
C'était une biographie de Salazar Serpentard. Drago avait eu une autorisation spéciale pour la prendre dans la réserve en vertu du sujet qu'il avait choisi pour son examen d'histoire de la magie qui n'était autre que le fondateur de sa maison. Il ne comprenait pas bien pourquoi cet ouvrage était dans la réserve mais était ravi d'avoir eu l'autorisation d'emprunter un livre que, visiblement, certains préféraient ne pas voir entre toutes les mains.
Peut-être y avait-il des formules de magie noire imprimées dans ce livre ; peut-être y avait-il des secrets pas très reluisants sur l'un ou l'une des autres fondateurs – ces révélations embarrassantes ne pouvaient concerner directement Salazar Serpentard car il semblait évident à Drago que tout ce qu'il y avait de mal à dire sur le fondateur de sa maison avait déjà été dit et redit ; Salazar Serpentard n'était pas en odeur de santé à Poudlard, tout ce qui pouvait aller en ce sens ne pouvait être que montré au vu et au su de tout le monde, bref, si révélation embarrassante il y avait, ça ne pouvait que concerner les autres fondateurs, ceux que tout les sorciers non Serpentard se plaisaient à faire baigner dans une aura de sainteté comme si jamais dans leur vie ils n'avaient commis la moindre erreur – volontaire ou non.
La perspective de lire de découvrir quelque formule de magie noire ou quelque chose de douteux sur Rowena Serdaigle ou Helga Poufsouffle – ou mieux : Godric Gryffondor – était très excitante ; Drago n'aurait jamais cru qu'il aurait pu être passionné par quelque chose ayant un rapport quelconque avec le cours d'histoire de la magie.
-
Quatre heures plus tard, Drago était toujours plongé dans la découverte de l'un des quatre fondateurs ; car il s'agissait bien de découverte, il n'avait jamais vu Salazar Serpentard sous cet angle-là. Si l'on devait en croire cette biographie, il avait été un enfant fragile au tempérament artistique.
Avant même qu'ils devinent à quoi s'en tenir au sujet des "talents" de Salazar, ses voisins Moldus l'avaient déjà pris en grippe, ils prétendaient que ses œuvres étaient celles d'un démon, que seul un démon pouvait peindre ce qu'il peignait (hélas, il n'était pas précisé de quoi il était question, ce que Drago trouvait frustrant au possible). Ils finirent par s'armer de fourches pour le chasser. Dans la poursuite, le jeune Salazar, âgé de quatorze ans, utilisa la magie pour se défendre. Les villageois abandonnèrent subitement l'idée de le chasser du village, préférant, tout compte fait, le mettre sur un bûcher (c'est tellement plus festif !). Salazar avait réussi à y échapper – l'avantage dans ce cas précis d'être réellement coupable de quoi on vous accuse est justement que cela vous permet d'échapper à la sentence, Drago avait toujours trouvé cette ironie savoureuse ; que les Moldus pouvaient être sots ! – ; bien qu'il n'ait eu à regretter aucune séquelle physique, Salazar leur en avait toujours gardé rancune.
Drago poursuivit sa lecture. Il aimait lire, mais, habituellement, seulement à petites doses. Il était rare qu'il lise autant d'affilée, ce devait même être la première fois que ça lui arrivait. Ce livre était vraiment étonnant. Tellement étonnant qu'il faillit lui tomber des mains.
Il relut plusieurs fois le passage pour être sûr.
Salazar Serpentard aurait été… homosexuel ?
-
Un corps s'écroula sur l'accoudoir de son fauteuil ; Drago releva deux grands yeux exorbités de son livre. Tout à la surprise de ce qu'il venait d'apprendre, il mit quelques secondes avant de reconnaître Pansy et la laissa lui caresser les cheveux et le gratouiller derrière l'oreille avant de se rendre compte de ce qu'elle faisait.
« Arrête ça tout de suite !
— Tu m'en veux encore pour la photo ? Tu sais, ça a fait beaucoup pour la popularité de ton père. Ça et la mort de Voldemort, il est entré dans la mémoire collective pour plus d'une raison. Tu lis quoi ?
— Un livre sur Salazar Serpentard.
— C'est pour ton examen d'histoire de la magie ? Dire que je n'ai toujours pas de sujet pour cette fichue matière… Faut dire qu'elle ne m'intéresse pas énormément – qui ça intéresse d'ailleurs ? Même les Poufsouffle ne poussent pas leur légendaire gentillesse à faire semblant de s'intéresser à ce cours. » Elle s'étira tel un chat. « Tu as eu un coup de génie de choisir notre fondateur. C'est intéressant ton bouquin ?
— Passionnant. »
Drago rechercha l'endroit où il était rendu – il n'allait pas laisser cette fichue peste de Pansy lui faire perdre le fil. Il relut sept fois le même passage avant d'être convaincu qu'il l'avait parfaitement compris et qu'il n'y avait pas lieu à autre interprétation ; il poursuivit alors sa lecture. Pansy resta assise sur l'accoudoir, le coude appuyé sur le dossier, la tête posée sur sa paume ouverte, se demandant sans doute quelle serait le meilleur moyen d'éprouver les nerfs de son ami.
Le regard du Serpentard se figea ; il avait dû mal lire. Il relut une seconde fois, mit son marque-page, referma le livre, le posa sur ses genoux, appuya sa tête contre le dossier et médita ce qu'il venait de lire.
Pansy lui gratta la tête.
« Arrête ça, tu me fatigues », dit-il d'un ton exténué. Elle partit s'installer en tailleur sur le canapé.
« Je n'y peux rien si tu es le seul garçon à peu près potable de notre classe.
— Ce n'est pas une raison pour me confondre avec un chien. Tu n'as qu'à chercher dans les autres maisons.
— Tu voudrais quand même pas me voir avec un Gryffondor ou un Poufsouffle, quelle horreur ! Sérieusement, notre millésime est nul niveau mec. »
Drago se retint de dire qu'il ne valait pas mieux du côté des filles avec des Miss Je-sais-tout du côté Gryffon et des pestes surentraînées dans sa propre maison.
« Cherche parmi les sixième année alors. Que veux-tu que je te dise ? »
Drago fixa le plafond et se plongea dans une analyse comparée entre ce qu'il venait de lire sur Salazar Serpentard et ce qu'on lui avait toujours dit sur lui. Force était de constater qu'il y avait des différences notables.
« Qu'as-tu lu dans ce livre qui te fasse tant réfléchir ? Si on admet que tu sois capable de faire fonctionner ta cervelle, évidemment. »
Il ignora le sarcasme – assez peu recherché du reste, Pansy l'avait habitué à mieux – et répondit à la question de son amie.
« Tu étais au courant que Salazar Serpentard était homosexuel ? »
La jeune fille qui allait pour piocher quelque douceur dans la boîte à friandises commune des Serpentard suspendit son geste à cette annonce inattendue.
« Tu es sûr de ça ?
— Il me semble que c'est un livre sérieux, répondit Drago en indiquant l'ouvrage du regard.
— C'est intéressant ça. J'adore cette idée ! Les homosexuels m'ont toujours fascinée. »
Effectivement, elle semblait enthousiaste. Drago haussa deux sourcils surpris.
« C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je te cours après avec tellement d'insistance, poursuivit la Serpentard. J'ai beau savoir que je n'ai aucune chance, je suis attirée malgré moi.
— Je ne suis pas homosexuel, se défendit Drago.
— A qui veux-tu faire croire ça ? La seule fille avec laquelle tu es sortie jusqu'ici, c'est moi, à l'occasion du bal de quatrième année. Si ta fierté ne t'avait pas obligé à te choisir une cavalière pour ne pas te retrouver tout seul, tu n'aurais encore jamais fait quoique ce soit qui puisse s'approcher d'une relation amoureuse avec une personne de sexe féminin.
— Serpentard serait tombé amoureux d'un Moldu, contrattaqua Drago pour changer de sujet en attendant de trouver des arguments convaincants à répliquer à Pansy.
— Tu plaisantes ? »
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Drago se sentit respirer en constatant que sa diversion avait pleinement réussie.
« C'est ce qu'il y a d'écrit dans le livre.
— Tu es sûr que ce livre est vraiment sérieux ?
— En tout cas, il m'en a tout l'air.
— Serpentard haïssait les Moldus !
— Pas tous apparemment, rétorqua Drago dans un demi-sourire.
— Fais voir ! » ordonna Pansy d'un ton autoritaire. Drago lui tendit le livre après l'avoir ouvert à la page marquée. Elle parcourut quelques lignes avidement.
« Au stade où j'en suis, l'auteur n'a fait aucune allusion à la phobie de Salazar pour les Moldus. Il dit juste qu'il se méfie d'eux et qu'il y regarde à deux fois avant d'aller les voir ou de leur parler. Là, il vient d'être engagé par un Moldu du nom de Butload avec pour mission de chasser les esprits qui hantent sa demeure. Et il semblerait que le fils de son patron ne lui soit pas indifférent… Rend-moi le livre que je continue.
— Tu me feras un rapport détaillé de ce qui se passe ensuite, d'accord ? demanda Pansy en lui tendant le bouquin.
— Si tu veux.
— Tu crois que l'auteur va raconter ce qui va se passer dans leur intimité ? demanda-t-elle avec un regard lubrique.
— ça m'étonnerait ! » répondit Drago d'un air scandalisé. Et dire que certains prétendaient que les filles étaient des créatures douces, fragiles, sensibles et romantiques qui ne rêvaient que de mariage et d'enfants… ces naïfs ne connaissaient pas Pansy Parkinson !
« Dommage ! » s'exclama cette dernière en se levant et en allant voir plus loin si elle y était.
~oOo~
« Alors, qu'est-ce que Salazar devient ? demanda Pansy, revenant à la charge une heure après.
— Figure-toi que pour économiser ses sous et n'appréciant pas la trop grande amitié qui paraissait unir son fils avec le sorcier, son employeur l'a dénoncé auprès des prêtres qui se sont évidemment empressés de le condamner à périr par le feu. Serpentard a réussi à échapper au bûcher une nouvelle fois.
— De toute façon, les flammes ne font rien aux sorciers.
— Oui, du moins c'est ce qu'on nous a toujours dit ; c'est sans doute vrai mais personnellement, je n'ai jamais essayé et je n'ai aucune envie de le faire. Je poursuis : Salazar a longtemps cru que c'était son amant lui-même qui l'avait trahi.
— Hé ! Ils ont été amants ! » triompha Pansy. Ces yeux pétillaient, Drago secoua la tête.
« Je n'en sais rien, ce n'est pas précisé ; l'auteur utilise ce mot pour les désigner alors qu'ils sont seulement en train de se rendre compte du sentiment qui les rapproche, je pense que ça signifie juste "amoureux" dans ce texte. Mais j'imagine que, oui, ils ont effectivement été amants. Bref ! Le jour où il a appris que ce n'était pas lui qui l'avait trahi mais le père de son amant, il a voulu revenir vers lui.
— Retourner auprès du fils de son délateur, il devait vraiment être amoureux.
— Oui, ce qu'il ressentait pour ce Bastin Butload était très fort. Salazar s'est rendu dans la demeure des Butload. Dès qu'il l'a vu, Bastin s'est précipité pour lui dire qu'il était en danger ici. Ils se donnèrent alors rendez-vous dans un endroit isolé et s'y retrouvèrent. Un paysan les y repéra et s'empressa de les dénoncer : c'était des hommes qui s'embrassaient comme s'ils étaient de sexes opposés ! C'était des sodomites, des envoyés du diable. Ils furent tous deux arrêtés séance tenante. Des gens reconnurent Salazar et crièrent que c'était un sorcier. Vu les accusations gravissimes pour l'époque qui leur tombaient dessus, le "procès" – si on peut appeler ça ainsi évidemment – fut rondement mené. Ils furent tous deux condamnés au bûcher.
— Les deux ?
— Oui, ils jugèrent Bastin coupable de complicité de sorcellerie en plus du reste.
— Que s'est-il passé ensuite ? Salazar s'en est forcément tiré ! » Pansy commençait à trembler. Oui, Salazar s'en était forcément tiré puisqu'il avait suffisamment vécu pour créer Poudlard avec les autres fondateurs. Mais qu'en était-il de son amant ?
« Avant d'arriver au bûcher, il jeta un sort à une partie de la foule, il exhorta Bastin de le suivre et commença à courir. Il s'arrêta quand il vit que son ami ne le suivait pas et constata en se tournant qu'il avait été rattrapé. Au moment où il levait sa baguette pour le délivrer, la foule se jeta sur lui et le bloqua. Un homme cria : « Mettez l'autre au bûcher, qu'il brûle devant ses yeux ! » Cela fut fait.
— Merlin ! Bastin a brûlé vif devant les yeux de Serpentard ? constata Pansy d'un air horrifié.
— Oui. Celui qui allait devenir l'un des fondateurs de notre école a crié et pleuré, impuissant, devant ce spectacle. Il avait à peine notre âge ! L'autre aussi d'ailleurs. Bastin a poussé des hurlements sinistres tandis que les flammes le dévoraient jusqu'à ce qu'il succombe ; de douleur ou d'asphyxie ? C'est difficile à dire.
— Que s'est-il passé ensuite ? » Elle se fichait bien de la cause exacte de la mort de Bastin, il était mort d'horrible façon voilà tout.
« La foule a mis Salazar au bûcher. Il s'est laissé faire, anéanti. Les flammes lui ont léché le corps jusqu'à ce qu'elles s'éteignent d'un seul coup. C'était le fait d'Helga Poufsouffle.
— Que faisait-elle là ? Poudlard était déjà créé ?
— Non, mais cela n'allait plus tarder. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle était ici, elle cherchait Salazar, tout le désignait comme le quatrième des fondateurs… Quand je dis "tout", je parle des prophéties.
— Et pour accomplir les prophéties, il faut agir en fonction de ce qu'elle dise ? Je trouve ça stupide.
— Il semblerait que les prophéties n'avaient pas prévu la présence de Bastin ou, en tout cas, minimisé l'influence qu'il aurait sur la vie de Salazar. »
Pansy s'écroula sur le dossier du sofa, les yeux rêveurs.
« C'est l'histoire d'amour la plus tragique qu'il m'ait été donné d'entendre.
— Salazar était le plus jeune des fondateurs, c'était même un gamin ; les autres avaient entre trente et quarante ans. Il était totalement traumatisé par ce qui lui était arrivé. Il a commencé à haïr farouchement les Moldus et tout ce qui s'y rapportait, cela a très rapidement tourné à l'obsession. Sa haine farouche des moldus et de tout ce qui s'y rapportait, ainsi que son homosexualité, et aussi son jeune âge, tout cela a fait qu'il a toujours existé un fossé entre lui et les trois autres.
— Je connais la suite. Et je la comprends d'autant mieux aujourd'hui. J'avais toujours cru qu'il détestait les moldus simplement par réciprocité.
— Moi aussi… En fait, c'était beaucoup plus intense et personnel. »
Pansy se redressa, songeant soudainement que l'exposé de Drago ne devait pas ressembler à un roman ou à des commérages. Il serait dommage de présenter Salazar comme une victime s'il s'avérait que tout cela n'est que fadaises ou qu'on ne pouvait rien prouver de manière formelle.
« Comment pouvons-nous être sûrs que cette biographie est sérieuse ? Qui est l'auteur ?
— Lee Dean Wargisor.
— Drôle de nom de famille, je ne connaissais pas.
— Moi non plus. »
Pansy s'accorda un instant de réflexion.
« Cette histoire m'intéresse, décida-t-elle finalement. Je suis prête à te donner un coup de main. En échange, pourrais-tu m'aider à trouver un sujet pour mon propre examen ? Et pourrais-tu aussi relire ce que j'ai écrit pour l'examen de divination ? Pour voir si tu estimes que ça plaira à Trelauwney. J'ai écrit ça à la hâte hier, je voulais m'en débarrasser.
— Qu'est-ce qui te donne à penser que j'ai besoin de ton aide ?
— Le sujet que tu as choisi paraît plus vaste que prévu, nous ne serons pas trop de deux pour faire les recherches, à commencer par ce mystérieux auteur, il faut que nous soyons certains qu'il est digne de foi. »
Pansy n'avait pas tort, pour une fois ; Drago accepta.
~oOo~
Drago s'écroula sur une chaise aux côtés de Pansy. Cette dernière feuilletait un ouvrage devant peser dans les quinze kilos.
« Il n'y a aucune trace dans cette bibliothèque d'un quelconque Wargisor mis à part sur la couverture de ce livre !
— Peut-être que c'est planqué dans la réserve. Après tout, c'est là que tu l'as trouvé.
— Je me suis renseigné auprès de Madame Pince ; à part ce livre, il n'y a aucun ouvrage qui fait référence à cet auteur, y compris dans la réserve. Je lui ai aussi demandé si elle en savait un peu plus sur lui et elle m'a répondu qu'elle en savait autant que moi, c'est-à-dire que c'est le nom écrit sur le livre. Où en es-tu de ton côté ?
— J'ai regardé à la lettre W, il n'y a aucun sorcier de ce nom dans le Court. Par contre, je peux t'assurer qu'il y a une sacrée tournée de Weasley.
— Rien d'étonnant à cela, tous les sorciers morts ou vivants sont répertoriés dans le Court, même les plus médiocres », assura Drago d'un air suffisant. Il fronça les sourcils. « Ce n'est pas normal qu'il n'y soit pas. Si c'est un sorcier, il y est forcément ou alors…
— Ou alors, ce n'est pas un sorcier, termina Pansy.
— Un Moldu ne peut pas avoir écrit cet ouvrage.
— Ce n'est pas parce que ce n'est pas un sorcier que cela signifie automatiquement que c'est un Moldu.
— Quoi alors ?… Un gobelin ? Un elfe de maison ?
— Tu as raison, ce que je viens de dire est stupide. Hé ! Mais attends, ce n'est pas parce que ce nom ne figure pas dans le Court que cela signifie que l'auteur n'est pas un sorcier. C'est peut être un pseudonyme !
— Mais oui !… Attends : ça veut dire qu'on ne pourra jamais savoir qui c'est ?
— Pas forcément. Si nous ne pouvons pas savoir par nous-mêmes ou par les livres, il faut chercher d'autres sources. Je te propose de commencer par interroger Rogue ; ensuite, nous irons voir ton Papy Albus. »
Drago lui adressa un regard noir.
~oOo~
« Personne ne sait rien ! » conclut Drago en se laissant tomber dans un fauteuil. Ils venaient d'interroger une énième personne sur le sujet qui les préoccupait et étaient rentrés bredouille dans leur salle commune. Pansy s'assit sur la table en face de lui et posa son menton dans ses paumes. Ils restèrent silencieux ; Drago se sentait gagné par la résignation.
« J'ai une idée ! On peut peut-être remonter au véritable nom de l'auteur à partir de son pseudonyme, proposa Pansy soudainement.
— Ce n'est pas ce qu'on essaye de faire depuis une semaine ?
— Peut-être que l'auteur n'a changé que son nom de famille, peut-être que le reste du nom est vrai !
— Super ! On n'a plus qu'à feuilleter tout le Court à la recherche d'un "Lee" ! »
Le menton de Pansy retourna se poser sur ses paumes. Drago avait raison, c'était peine perdue.
« J'ai une meilleure idée ! Et si c'était une anagramme ? Si on échangeait la place des lettres, peut-être obtiendrait-on le nom d'un véritable sorcier.
— Tu as vu le nombre de lettres ? Tu imagines le nombre de combinaisons qu'on peut obtenir avec ça ?
— Tu vois une autre solution ? »
Drago n'en voyait pas.
~oOo~
Ils avaient écrit chacun le nom de l'auteur en majuscules d'imprimerie, en avaient découpé les lettres et cherchaient à présent leur ordre originel.
« Je ne suis pas fanatique de ce genre de jeux », remarqua Drago. Cela faisait une bonne demi-heure qu'il s'y essayait. Cela commençait à le lasser.
« Qu'est-ce que vous faites ? demanda Goyle. Il venait de descendre du dortoir en compagnie de Crabbe où ils avaient pêché des friandises dans leur réserve secrète.
— Nous perdons notre temps, voilà ce que nous faisons ! rétorqua Drago d'un ton sec.
— La nage est… non, je ne peux pas, il n'y a pas de "t", fit Pansy en lisant les mots formés par les morceaux de papiers étalés devant elle.
— Le but du jeu n'est pas de faire des phrases mais de former un nom et un prénom !
— Pas de quoi s'énerver », tempéra Pansy. Elle avait quand même le droit de se distraire un peu.
« Cinq lettres ! s'exclama Crabbe, apparemment très fier, après s'être assis à côté de Drago.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Avec tes bouts de papier, je peux former un mot de cinq lettres : aigle.
— Tu m'en vois ravi. »
…
Aigle.
Aigle.
Serdaigle.
Drago se mit à manipuler les lettres avec frénésie, il finit par obtenir le mot escompté. Pansy le regarda faire.
« Hé ! Tu as raison ! »
Drago continua sa manipulation avec les morceaux restants, le prénom apparut bientôt : Rowena.
Rowena Serdaigle.
« Tiens, c'est le nom d'un des fondateurs, constata Crabbe.
— Ce serait elle qui aurait écrit la biographie de Salazar ? » souffla Pansy. Elle avait de la peine à le croire.
« On dirait bien.
— Cela voudrait-il dire qu'elle aimait bien Salazar ? »
Drago s'adossa et leva l'index droit.
« Le livre se conclut sur ses mots : « Tout le monde a droit à une réhabilitation, sans doute que dans quelques siècles, certains comprendront mieux Salazar. » Oui, elle l'aimait beaucoup. Il n'y a pas qu'elle apparemment : à plusieurs reprises dans le livre, Helga Poufsouffle cherche à se rapprocher de lui. Même Gryffondor ne semble rien avoir contre lui, il a plutôt pitié. Néanmoins, la perte que Salazar a subie, ainsi que les circonstances, font qu'il a toujours préféré ne pas se mélanger aux autres. Il laissait sa haine croître, se montrait particulièrement odieux avec ceux qui descendaient des Moldus et distant avec tout le monde. Plus les années passaient, plus il s'aigrissait, et il commençait à avoir peur de tout, à se sentir persécuté. Puis il est parti et la biographie s'arrête là. Personne d'ailleurs ne sait ce qu'il est advenu de lui.
— Quel récit fantastique tu vas pouvoir faire !
— Plutôt oui, approuva Drago. Ça va déménager en cours d'histoire de la magie !
— Je n'ose pas imaginer la tête que va faire le pauvre Binns quand tu vas lui déballer tout ça !
— Je vais voir si je peux trouver quelque chose sur les Butload. Et puis, je coucherai un récit bien structuré sur le papier. »
L'enthousiasme de Drago retomba ; il venait de songer à quelque chose de déplaisant.
« A ton avis, qui a décidé que ce livre devait être mis hors de vue des élèves ? Il n'a aucune raison d'y être, dit-il, les sourcils froncés.
— Ce livre présente Salazar sous un jour plutôt sympathique. Sachant qu'on essaye de nous faire croire depuis des années que ce sont les Serpentard les grands méchants, je ne serais pas étonné si j'apprenais que c'était Dumbledore, répondit Pansy.
— Non, je ne crois pas qu'il ferait ça.
— Tu dis ça parce que c'est ton grand-père ! »
Drago soupira et s'abstint de faire un commentaire sur cette dernière remarque.
« Les livres qui sont dans la réserve y sont quelquefois depuis des dizaines d'années. Si ça se trouve, c'est un Serpentard qui l'y a mis parce qu'il n'admettait pas que le fondateur puisse être homo, proposa Crabbe.
— D'abord l'aigle, ensuite ça, tu parles d'or aujourd'hui mon cher Vincent », fit Pansy, presque admirative. Crabbe ne l'avait pas habitué à faire preuve d'esprit.
Drago paraissait pensif.
« Peut-être que tous les Serpentard sont homosexuels.
— Attention ! Drago divague, s'exclama Pansy.
— On est désigné pour telle ou telle maison en fonction de ce que les fondateurs ont indiqué dans le choixpeau, je ne vois pas en quoi cela serait étonnant que Salazar ait indiqué une préférence sexuelle, surtout dans l'état dans lequel il se trouvait au moment où ils ont créé le choixpeau.
— Drago, tous les Serpentard ne sont pas homosexuels… ça se saurait ! »
Drago balaya cette remarque d'un geste de la main.
« Certes, j'exagère un peu. Cependant, tu avoueras que tous les Serpentard ne sont pas forcément super ambitieux, ni super malins, puisque nous allons dans la maison qui semble la plus proche de ce que nous sommes sans pour autant que cela corresponde exactement, sans compter qu'il y en a qui choisissent leur maison ! Je dis juste qu'il se pourrait qu'il y ait une plus forte proportion d'homosexuels à Serpentard qu'ailleurs.
— Il y a plus simple Drago : pourquoi ne dis-tu pas simplement que tu es homosexuel ? Arrête de te chercher des alibis ou des circonstances atténuantes.
— Tu n'y es pas du tout, Pansy. C'était juste une théorie que je t'exposais.
— Drago, pourquoi ne veux-tu pas avouer ton homosexualité ? ça ne me gêne pas, tu sais. ça me gêne d'autant moins qu'ainsi j'aurai la confirmation de l'explication agréable que je me suis donnée à ton refus de mes avances. Il n'y a pas de honte à être homosexuel.
— Je n'ai pas dit que j'avais honte, j'ai dit que je ne savais pas. En plus, il y a déjà mon père à l'être dans la famille, il ne faudrait pas qu'on s'en fasse une spécialité non plus ! »
Pansy ne releva pas l'officialisation par Drago de l'homosexualité de son père ; c'était un secret de polichinelle.
« Ah ? C'est pour ça que tout à l'heure, tu étais en train de supputer que tous les Serpentard l'étaient sans doute. Remarque, tu as raison, il ne faudrait pas que ça tourne à l'épidémie. C'est vrai, que va-t-on devenir, nous, filles hétérosexuelles, si absolument tous les mecs décident de se satisfaire entre eux ?
— Moi, Pansy, j'aime les filles, intervint Crabbe d'un ton content.
— Je rectifie : tous les mecs valables ! »
Crabbe partit bouder.
« Revenons-en à toi, Drago, fit Pansy en se levant. En admettant ton homosexualité – ce qui ne fait d'ailleurs aucun doute –, je tiens ainsi la raison pour laquelle tu as refusé ma proposition, c'est sûr que je ne suis pas équipée pour te satisfaire dans ces conditions, ajouta-t-elle pernicieusement, revenant à la charge après une trêve d'un peu plus d'une semaine.
— Pansy, je ne sais pas si je suis homosexuel, mais je crois que même hétéro, je te jetterais de la même façon. Je ne vois pas pourquoi je m'obligerais à supporter ta présence une vie entière.
— Pédé ! l'injuria Pansy pour le provoquer.
— Je ne relèverai même pas, rétorqua Drago d'un air hautain.
— A part ton menton, il n'y a pas grand-chose qui se relève chez toi, assura Pansy.
— Si tu fais référence à une certaine partie de mon anatomie, je peux t'assurer qu'effectivement, en ta présence, mon organe génital ne bouge pas d'un poil. Ne t'inquiète pas, Pansy, il se trouvera bien un abruti assez fou pour te coller un marmot. »
Sur ces mots, il sortit de la salle commune. Pansy regarda la porte se refermer doucement.
Mouchée.
Il l'avait mouchée.
Pansy eut un petit sourire. C'était normal après tout : chacun son tour, le sien reviendrait vite.
Son sourire s'accentua. C'est fou ce qu'elle aimait jouer à ce jeu-là avec Drago.
